Les coups pleuvent, ils s'enchaînent à une vitesse affolante qu'un oeil extérieur aurait bien des difficultés à suivre. Personne pour les observer aujourd'hui, son Ilya qui attend quelque part d'être appelé et l'ombre de Vasilisa qu'on ne mentionne pas. Une erreur à remiser dans un placard poussiéreux. Un echec qu'il ne peut réparer même avec tout le pouvoir dont il dispose aujourd'hui. Il y a des terrains que même son influence ne peut atteindre, des chemins qui restent dans l'ombre de sa lumière imposante. Comme de coutume, le match se conclut par une victoire écrasante de l'aînée sur son cadet ; elle termine la danse acrobatique par un nouveau coup qu'il n'aurait pu prévoir, le surprenant, le tapant en plein torse. Mikhail cogne le sol de sa paume, trois sons réguliers qui annoncent sa défaite.

Il se relève, il la salue, puis se dirige vers un coin de la pièce où l'attendent bouteille d'eau et serviette. Il retrouve son souffle dans une gorgée du breuvage, éponge les traces salées que l'effort a laissé sur son visage, dans son cou. "You'll have to teach me this move. Brillant." Aucune déception ne pointe dans sa défaite avouée. Ils ont tous leurs forces et leurs faiblesses, leurs activités de prédilection qui s'associent à merveille à leur personnalité. Les dons de vision de Brygyda, la grâce des mouvements de Zoya, la force brute de Vasi, sa stratégie réfléchie. Ils se complètent, un jeu d'echec où chaque pièce a son importance, qu'il est important de connaître comme le revers de sa main pour savoir quand les utiliser, quand les protéger, quand les sacrifier. Cependant, Mikhail compte bien sur les tours d'avance qui se forment dans son esprit pour ne jamais voir le jour où il devra écarter une de ses soeurs. Elles lui sont bien trop précieuses comme le souligne les pièces mouvantes sur sa colonne vertébrale. "We should do that more often."

Il laisse passer un temps, avant que les rouages de son esprit ne s'alignent vers des desseins plus officieux, des questionnements incessants qui l'obsèdent autant que le fantome de la mère le poursuit. Heureusement ses songes sont-ils délaissés de démons, il a tant à faire le jour qu'il ne saurait que faire de nuits agitées. Ils n'ont pas eu le luxe de partager une longue conversation depuis le funeste incident qui emporta leur mère et le propulsa sur le devant de la scène ; seulement se croiser lors du serment puis au détour d'un couloir, parfois durant un repas teinté de soupçons. Le malaise est présent et Mikhail sent plus que jamais le besoin de briser cette glace épaisse et froide qui les sépare ; il n'y a pas de bonnes façons de questionner son aînée, il la connaît suffisamment pour savoir qu'elle abhorre les stratégies fumeuses et les questions implicites. Le Suprême se doit d'aller droit au but, sans embage, sans emphase, sans détour. Une réserve le retient, le rend muet. Il la sait assez impulsive pour douter du pied sur lequel il doit danser en sa présence. Misha hésite, Misha redoute. Mikhail ose lancer un regard dans la pièce, s'assure qu'aucune oreille indiscrète n'est là pour les espionner, susurre même une ritournelle lancinante pour les envelopper dans une bulle à l'abri des indiscrets. Sa soeur la sentira et saura que le ton de la conversation est sur le point de changer. "I won't beat around the bushes with you, I do hope I can count on your honesty Vasya. you know it"s my duty to ask." Sa voix s'adoucit et accompagne les traits de son visage, la chaleur dans son regard d'acier. "Did you do it?" Pourtant, le frère ne peut prononcer en toute lettre l'impensable ; et s'il lui pardonnerait tous les écarts il y a quelque chose de tabou, quelque chose d'interdit qui crépite dans l'air. Did you kill our mother seems so crass, so vulgaire, he cannot say the words, but knows deep down she'll understand.

Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas eu de combat avec son frère ; ce qui avait été autrefois une habitude avait été revu à la baisse lorsque Mikhail avait dû accéder au statut de Suprême, après la mort de leur mère. Moins de temps pour ces sortes de choses alors qu’on doit prendre les rênes d’une entreprise comme les Golden Wands — et aussi de ce qui se cachait derrière cette façade. Vasilisa, évidemment, avait été là pour son cadet — elle lui avait prêté serment comme le voulait la tradition, et personne n’aurait pu imaginer lui reprocher de ne pas avoir été sincère ; Vasilisa avait très certainement aux yeux des officiels des Golden Ring beaucoup de défauts, mais le manque de loyauté n’en était pas un. Elle s’était ensuite occupée de traquer et de ramener à la raison ceux qui se disaient qu’il pouvait être intelligent de profiter de la jeunesse du Suprême pour essayer de prendre sa place, d’une façon ou d’une autre. Ils avaient vite compris devant le visage serré de la grande-sœur, la stupidité de leurs plans. Et tout ça avait été fait en équipe, toujours : Mikhail, Brygida, Zoya, elle et leurs ombres. Rappel bien réel des tatouages qui s’agitaient sur sa peau — rappel bien mordant de celle qui avait manqué à l’appel lors de cette passation de pouvoir. Aussi mordant que le feu que provoquait constamment le renard sur son bras, son dos, sa nuque, en fonction de là où il se déplaçait.
Oui, ça avait été des mois chargés, lourds en tension et en émotion — même si ce n’est certainement pas aux funérailles de sa mère que Vasilisa aurait montré la moindre miette de tristesse ; habillée en noir elle s’était tenue droite comme un i durant la longue cérémonie. Et c’était bien la première fois depuis ce foutoir que Mikhail et elle pouvaient se trouver un peu seuls ; Ilya n’était pas là et Nad… En plein combat elle sentait le pincement à son épaule mais faisait abstraction, uniquement concentrée sur les coups qu’elle portait à son frère. Un combat qu’elle n’avait pas refusé lorsqu’on le lui avait proposé, c’était de toute manière les heures durant lesquelles elle s’entraînait alors…
Mikhail était un peu rouillé, constatait-elle avec son regard exigent habituel — et elle se rassurait en se disant qu’Ilya, lui, ne l’était pas et qu’il serait toujours proche de Misha pour le protéger si besoin était — parce que ce n’était pas, durant une attaque musclée, ses stratégies d’échecs qui allaient le sauver, selon elle. Finalement, après plusieurs coups portés, quelques parades, des bonds, des esquives, et s’être tourné autour de longues secondes avant de porter de nouveaux des coups, elle porte son pied après une brève pirouette que sa professeure de gymnastique n’aurait pas renié droit dans sa poitrine. Ce coup sera le dernier, Mikhail capitule et Vasilisa enfin se détend un peu. "You’ll have to teach me this move. Brillant." "Gladly, it’s kinda unorthodox though. Y’know sometimes how I bring some of my gymnastic skills into the fight ?" Il y avait évidemment un code à respecter dans tous les arts martiaux, et une philosophie qui accompagnait l’entraînement pour conduire à la maîtrise, mais son sensei l’avait toujours encouragé à utiliser la souplesse et la force que lui apportait la gymnastique pour toujours mieux se débrouiller une fois sur le tatami. "We should do that more often." "Yeah, we should. But I know how your days can be short now." Elle s’étire, imite Misha en allant boire à son tour, avant de s’essuyer le visage et la nuque, souple sur ses pieds comme si elle s’apprêtait encore à bondir.
Elle ressent alors une énergie familière se dérouler autour d’eux, alors que son frère lance des regards de côté. Elle fait craquer nonchalamment ses doigts, l’observe tandis que l’onde magique achève de former une bulle protectrice de discrétion autour d’eux, les yeux juste un peu plissé, les lèvres pincées, signe de sérieux. Parce que Misha ne s’amusait pas à faire ce genre de démonstration dans le vide. "I won’t beat around the bushes with you, I do hope I can count on your honesty Vasya. You know it’s my duty to ask." Ooooh right, bien sûr que c’était son devoir de demander. Maman Stru avait été retrouvée tout à fait refroidie et très certainement par quelqu’un de proche si on en croyait les constatations — Vasilisa travaillait peut-être pour la BPM mais elle était bien loin d’être inspectrice. Bien sûr que Mikhail devait vérifier et demander. Elle acquiesça silencieusement, comme pour l’encourager, avant que finalement ça ne tombe : "Did you do it ?" Il n’y avait guère besoin de préciser ce it, il sait que Vasilisa comprendra. Après tout, malgré tout ce qui avait pu se passer en 2001, elle restait sa mère — pour le pire ou pour le pire comme on disait. "I did not," répondit-elle simplement, ses yeux dans ceux de son frère, le visage sérieux ; elle ne rigolait là-dessus. "I know you have to ask but also y’know that you can always count on me, brother." Elle lève sa main jusqu’à l’élastique qui maintenait ses cheveux bien serrés sur le haut de son crâne pour le retirer et laisser les mèches fraîches tomber sur sa nuque. "And y’know I’m no hypocrite, so I’ll be direct with you : I have shed no tear for this woman, but also should it have been me… She would have died quite some years ago." Personne dans la famille n’avait pu ignoré la confrontation qui avait eu lieu entre Madame Strugatsky et sa fille aînée lors de la révélation des résultats de l’algorithme von Bäume. "Wouldn’t she ?" rajoute-t-elle simplement, comme une simple remarque. Vasilisa ne s’encombrait pas de fioritures.

"Yeah, we should. But I know how your days can be short now." Il voudrait protester, mais ce n'est pas un reproche qui teinte dans la voix de sa soeur, un état des faits plutôt, une constatation même. Et si ses journées sont trop courtes, elles lui donnent pourtant l'impression de s'étirer à l'infini sans jamais lui laisser une seconde de répit. Il n'a de toute évidence pas le temps de prendre à coeur de telles vérités quand d'autres sujets bien plus importants occupent tout son temps, toutes ses pensées, il ne saurait que faire d'admonestation et en est gré à sa soeur de ne pas s'y adonner.

Un tout autre silence s'enlise autour des deux Strugatsky alors que l'air se charge de sa magie et des questions qui doivent être posées. Une fois que les mots sont prononcés pourtant, Mikhail se sent enlevé d'un poids qu'il n'avait pas conscience de porter. La réponse de Vasilisa le satisfait et il sait pouvoir prendre aux mots chaque vérité qu'elle lui apporte. Il opine du chef doucement, un léger sourire amer sur ses traits princiers en réponse à l'évocation de la relation plus que vénéneuse qu'entretenait sa soeur et leur mère ; si tout le monde n'a pas été témoin des éclats de voix qui ont fait trembler les murs froids de leur palais, personne n'a été aveugle à l'aura de menace qui tournait autour de Vasia quand elle prit connaissance de ses origines troubles. Personne n'en rescapa indemne. Et certainement pas la principale concernée. "I believe you." finit-il par répondre tout simplement car tel est le cas et pourquoi mentir alors que ce sont justement les cachoteries qui les séparent les uns des autres et qui pourraient causer leur perte in fine. Un soupir s'échappe de ses lippes, ses épaules s'affaissent non pas en signe de défaite mais dans un soulagement certain. Un prénom de plus à barrer, la liste s'amenuise, l'éteau se referme. Peut-être sa mère pourra-t-elle enfin trouver le repos qu'elle mérite, principalement pour qu'ils puissent eux-même tourner la page d'un nouveau chapitre à l'écart des regards courroucés de la mère, de sa présence pesante, de sa colère assourdissante. Ce n'est pas pour elle que le Suprême se plonge dans cette quête ardue n"anmoins, mais pour les siens aussi, pour lui surtout. "It may also have been a lot less sublte, with your name written on a wall or something in this idea." Il plaisante à moitié avant de se refaire sérieux, une parenthèse qu'il s'octroie avant que ne reprenne le dessus ce mystère qui s'il s'éclaircit reste cependant entier. Et si toutes les discussions sont amenées dans des lieux secrets, à l'écart des oreilles indiscrètes, Mikhail s'assure que tout le monde soit témoin de ses recherches pour que rien ne puisse lui être reproché, pour que sa loyauté et sa droiture ne puissent être questionnées. Le dirigeant se doit d'être un écho de perfection en dépit des imperfections qui habillent l'homme. Il abandonne la serviette sur le sol sans un regard de plus, dépose la bouteille à ses pieds, quelqu'un prendra le temps de tout nettoyer derrière eux, d'effacer les traces de leur présence en ces lieux. Puis, passe une main dans sa nuque chaufée par l'exercice, appuie fermement sur les noeuds qui s'y forment régulièrement avant d'ajouter doucement. "And what do you make of this? Any information, any suspicion at all?" C'est une enquête qu'il n'a pas la force de mener seul, non point à cause d'une défaillance de sa part (ses faiblesses ne reposent pas sur son esprit ou sa détermination) mais car il se sent acculé et dépassé, bien trop touché pour garder un esprit clair. Si Vasilisa ne partage qu'une partie de son sang, elle demeure sa soeur et sa famille, et plus que jamais ils doivent tous former une chaîne qui ne pourrait se briser, qui ne saurait se rompre. Trop de gens n'attendent que cela, la plus petite faille dans laquelle ils pourraient se glisser pour les renverser. Not on his watch, not today, not even tomorrow. Et si Mikhail doit écourter des vies, raffermir sa prise sur la nuque de ses sujets pour s'en assurer, so be it. Everything for them. Everything for himself.

"I believe you." Vasilisa eut un petit sourire. Un bref mouvement du coin des lèvres qu’elle ne cherchait pas à dissimuler, mais simplement une marque pour faire comprendre qu’elle l’avait entendu. De toute manière elle n’avait pas grand-chose à lui dire de plus, Vasilisa. Elle n’était pas du genre à faire de longues phrases, à balbutier ou à prendre des détours. Et comme elle le lui disait, comme il avait pu le comprendre lorsqu’elle lui avait prêté serment, il pouvait toujours compter sur elle. Elle fait jouer de nouveau ses épaules pour les détendre après l’exercice, passa sa main dans ses cheveux qu’elle venait tout juste de détacher. Les traits de certains de ses tatouages viennent alors s’étendre sur ses phalanges pour venir se cacher sous les longues mèches sombres qu’elle peigne approximativement avant de les ramener sur le côté d’une main habituée. "It may also have been a lot less subtle, with your name written on a wall or something in this idea." Pendant un bref moment, le frère et la sœur se retrouve dans cette bulle de magie, à laisser le sérieux et le grave se craqueler pour s’amuser de la situation invoquée. C’était parfaitement Strugatsky de plaisanter sur le cadavre de leur mère à propos des méthode de meurtre d’une personne de la fratrie. "I mean you’re not wrong…" Enfin, il n’avait pas tout à fait tort, Dieu merci Vasilisa ne signait pas vraiment ses meurtres sinon ça aurait fait longtemps qu’elle aurait eu des soucis conséquents avec la loi. Et elle savait bien que Misha la savait plus intelligente que ça, mais l’image était tout de même saisissante et assez évocatrice de sa propre personnalité. Vasilisa n’était pas du genre à s’encombrer de fioritures vraiment.
Mais bien assez vite Misha reprit son sérieux, son visage de Suprême. Vasilisa ne l’enviait pas, elle aurait certainement porté ce masque à merveille, mais n’aurait pas eu les épaules pour supporter le poids de la couronne qui allait avec. Il y avait quelque chose de profondément étrange, trouvait-elle, d’être l’aînée et de voir son petit-frère être ainsi chargé sans pouvoir rien faire pour l’aider. Elle pouvait bien entendu faire ce qu’elle avait toujours fait pour la famille, protéger, éliminer : elle était prête à tout pour Misha, et pour ses sœurs, pour les siens, pour ce noyau qu’ils formaient autour de Mikhail. Selon elle, il était le plus à même de diriger la famille, l’avait toujours été, mais c’était son rôle de grande-sœur (toujours pris à cœur, toujours répété dans les disputes) qui venait là lui tordre le ventre. Comme elle aurait aimé simplement lui donner un coup de poing dans l’épaule en lui disant qu’il suffisait de fermer les yeux un peu fort et que les ennuis disparaîtraient. Ce n’était pas possible pourtant : "And what do you make of this? Any information, any suspicion at all?" Les questions étaient délicates, Vasilisa n’avait pas ce devoir qui incombait à Mikhail de mener une enquête improbable, et surtout elle se moquait bien du repos éternel de sa mère. Elle pouvait bien hanter la baraque pendant encore des siècles et des siècles que ça ne lui ferait ni chaud ni froid. Elle pouvait bien brûler en Enfer que ça ne l’empêcherait pas de dormir une seule seconde. Alors mener l’enquête ? Elle était plutôt du genre exécutrice qu’inspectrice. "Well… she had her fair share of ennemies that one if you ask me." Leur mère n’avait pas été une sainte, comme le prouvait la naissance de Vasilisa, et pour plein d’autres choses aussi de toute évidence. "I mean… I’m kind of a cop and when there is a murder like that inspectors tend to search, you know, to whom the murder benefits and all that." À qui cette mort soudaine bénéficiait, la réponse était assez claire. "I take it you’re not the culprit though, brother, or you wouldn’t loose your time asking me those questions." Elle fait craquer son cou, son regard toujours dans le sien. Elle n’allait pas ciller alors qu’elle lui parlait ainsi. Mais c’était encore une fois la vérité, c’était ainsi que les enquêtes fonctionnaient, en tout cas de son petit point de vue. "Perhaps some guy, high placed in the Golden Rings… Who hoped that with mama’s passing they would be able to seize the power." Elle l’étudie du regard, en même temps qu’elle parle. Personne ici ne peut nier que la passation de pouvoir (d’un cadavre à un jeune homme) a été délicate. L’est toujours. Vasilisa était d’ailleurs mobilisée pour aider les choses à s’aplanir le plus possible dans cette situation.

Mikhail sait devoir faire attention à ne franchir aucune ligne. C'est une stratégie dangereuse qu'il fomente dans son esprit depuis la mort de leur Mère, prêcher le vrai du faux, investiguer au sein même de son domaine. Il se doit de rester intransigeant et le plus objectif possible mais c'est là une bataille perdue d'avance quand il s'agit de questionner ses soeurs et leurs ombres, la sienne aussi. S'il a appris très tôt à faire la part des choses entre l'émotionnel et l'intellectuel, à tenir à distance tout ce qui pourrait lui faire défaut, il demeure humain et faillible. Le Suprême ne peut se permettre, mais l'homme l'est indéniablement. Les semaines avancent et le frère Strugatsky comprend de plus en plus l'importance de l'impartialité des enquêteurs et des juges lors des investigations. Il raye un nom sur sa liste mentale des présumés, mais une dizaine de questions s'étalent sous son esprit. Le raye-t-il trop rapidement ce nom, peut-il entièrement faire confiance aux paroles de ses proches, les décisions prises sont-elles les meilleures ? Et encore, et encore, et encore. Cela doit être pour cette raison que bon nombre de leader franchissent la barrière de la paranoïa délirante. C'est presque s'il pourrait sentir la lame métaphorique caresser son dos à chaque détour des longs couloirs de leur palais.

Toutefois, Mikhail n'abandonne pas cette quête aussi infructueuse fusse-t-elle pour le moment. Il écoute les réponses de sa soeur tout en observant ses micro-expressions. Elle est détendue Vasilisa, semble presque désintéressée de l'affaire ; ce qu'il ne peut que comprendre au regard des interactions houleuses qui la liaient à Ekaterina ainsi que du Secret tabou qu'elle s'est bien cachée de révéler au reste de la famille, même alors que les Test approchait. il ne pourrait rationellement en vouloir à aucune de ses soeurs d'avoir un jour songé à planter ses crocs dans la gorge de leur mère, lui-même ayant déjà ressenti de telles véléités impies à son égard. Mais il y a une ligne entre la pensée et le passage à l'acte, une ligne que l'un d'eux à franchi. Il ne peut qu'espérer que le fautif ne soit pas un des leurs. 

Il a besoin d'alliés dans cette mission glacée, et écoute avant attention les réfléxions de sa soeur "Well… she had her fair share of ennemies that one if you ask me.", Misha opine du chef, ne peut que se montrer en accord avec cet état des faits. C'était une fatalité dûe à son rang et son statut, exacerbé par des années d'intrigues et de choix parfois douteux. Sa soeur continue. "I mean… I’m kind of a cop and when there is a murder like that inspectors tend to search, you know, to whom the murder benefits and all that." Cela fait de lui le parfait coupable, car personne ne pourrait se douter des tiraillements intérieurs du Prince depuis qu'il est à la tête de cet empire. Asseoir son pouvoir auprès de personnes souvent plus âgées, définitivement suspicieuse de ce jeune homme, prêts à tout peut-être pour se frayer un chemin dans la moindre faille qu'il pourrait laisser apparaître. Un ressentiment certain existe quant à la décision de sa mère de le tenir éloigné de certaines affaires alors qu'il était certain qu'il devrait un jour prendre la relève. Ekaterina se croyait invincible, la fatalité avait prouvé le contraire.  "I take it you’re not the culprit though, brother, or you wouldn’t loose your time asking me those questions." "Your faith in me touch me so sister." Et une main qui se porte à son coeur, le piquant dans le ton et le sourire de connivence sur les lippes. "It would indeed be a waiste of my time, and as you know time is of the essence here." Le craquement de la nuque de Vasya se répand dans le dojo, cogne contre les murs pour disparaître derrière la dernière phrase de sa soeur. "Perhaps some guy, high placed in the Golden Rings… Who hoped that with mama’s passing they would be able to seize the power."

Un silence. Le temps pour Mikhail de peser chaque mot, chaque expression, leurs regards qui se figent l'un dans l'autre sans plus se quitter tandis que les secondes s'amoncellent les unes sur les autres. L'aînée vient confirmer par ses hypothèses les phrases formulées dans l'esprit analytique du frère. Le meurtre ne peut provenir que de l'intérieur même de leur famille. L'étendue, la grande famille que composent les Goldens, ou la plus étriquée, famille nucléaire avec laquelle il a grandi. "I came to the same conclusion. As much as I'd like too, I cannot in good measure invade the spirit of everyone of them without risking everything." Une autre pause, plus brève cette fois, c'est qu'il ne peut point tout partager avec son aînée, plus depuis qu'il a été élevé au rang de Suprême, peut-être même bien avant. Si c'est l'un des Golden Rings, alors ils sont tous en danger, Mikhail plus que les autres. "Although, imagine for one second that it's one of us. How to act then?" Elle doit y avoir songé elle aussi, à la possibilité que l'araignée se déplace bien plus sournoisement qu'il n'apparaît et évolue au sein même du rang serré que forment les Strugatsky.

Misha se prend à demander conseils à sa soeur, en sachant pertinnement que la décision finale ne reviendra qu'à lui et qu'il sera seul décisionnaire et donc seul responsable des retombées. Le poids de la Gloire pèse lourd sur les épaules de ceux qui souhaitent se baigner dans sa lumière.

Quand elle évoque de façon très professionnelle toutes ces histoires de mobiles qui permettaient de découvrir le coupable, elle scrute le visage de son frère, pour tenter de déceler une quelconque information — non pas de la culpabilité, mais simplement ce qu’il en pense, ce qu’il ressent peut-être à l’idée de se faire accuser… Comme elle le dit peu après, elle n’allait pas penser son frère coupable. Et cette confiance qu’elle avait en lui, qu’elle avait toujours eu pour son petit frère maintenant coiffé de la couronne du Suprême, est saluée, remerciée. "Your faith in me touch me so sister." Si Misha le dit d’un air presqu’amusé, quasi-pompeux, en portant sa main à son cœur, Vasilisa le prend tout de même pour argent comptant. C’était ainsi qu’elle fonctionnait, qu’elle avait toujours fonctionné — sa loyauté était à Misha, et chaque marque d’appréciation était précieusement reçue et conservée. Elle hoche la tête, l’incline en avant entre une marque d’assentiment et de remerciement à son tour avant qu’il ne souligne qu’en effet il n’avait pas de temps à perdre à jouer les innocents.
La situation  était tendue, et ses remarques jetées sur les Golden Ring et la potentialité d’avoir un directeur ou une directrice un peu trop avide de pouvoir à la tête d’un bureau n’aidaient certainement pas. Bien sûr qu’on ne pouvait pas imaginer que le meurtre viendrait d’ailleurs que les Strugatsky ou bien les Golden Ring, qui d’autres auraient le cœur assez accroché pour venir s’en prendre à la Suprême directement chez elle ? Cela restreignait le cercle, éliminait même les petits rien des Golden Ring pour ne garder que les gros poissons ; à voir ce que Misha pourrait ferrer avec sa petite enquête. Yeux dans les yeux, elle se demandait s’il songeait à Lugard — à propos de qui quelques rumeurs tournaient, toujours des bruits de couloirs, des murmures entre les murs, des souffles qui passaient en coup de vent entre deux croisées ouvertes ; que le numéro deux aimerait bien passer en tête de course. Elle se demandait si on allait lui demander, là, de confirmer sa propre loyauté au Strugatsky, à Mikhail, face à l’ombre que pouvait représenter son géniteur.
Misha pouvait poser la question : Vasilisa était bien capable d’aller tuer son père si on le lui demandait en cet instant, alors que son frère semblait avoir besoin d’elle.
"I came to the same conclusion. As much as I’d like too, I cannot in good measure invade the spirit of everyone of them without risking everything." Là aussi, c’était la triste vérité qui pousse Vasilisa à hausser une épaule rigide, comme pour montrer à quel point cela l’agaçait également. On la connaissait bien, si elle pouvait se permettre d’aligner les personnes que Mikhail désirait interroger pour tous les sniper d’un bon coup de légilimancie elle le ferait. "Yeah, too dangerous. And then… the whole lot of them are kinda expert occlumens. They could trick you… or me. Alas we cannot really torture out employees, can we?" Avec une pointe d’humour, comme si elle regrettait le bon vieux temps, ou bien comme si elle faisait mine d’ignorer les conditions de travail parfois terriblement dégradante que l’on pouvait rencontrer dans certaines strusines. Mais la conversation ne s’appesantit pas sur les différentes stratégies que l’on pourrait mettre en place pour interroger les différents subalternes de Misha. Le Suprême plutôt bifurqua, lui-même torturé par une interrogation visiblement ; il n’avait pas besoin de Doloris pour souffrir en cet instant le pauvre garçon. "Although, imagine for one second that it’s one of us? How to act then?" Elle eut une brève moue, les lèvres pincées, les sourcils froncés. L’un d’entre eux. Cela voulait dire elle, Misha, Bry, Zoya. Ilya, Kolya, Izar. Même si Vasilisa n’aimait pas ses adelphes tous de la même manière, elle avait au moins un esprit de meute suffisamment développé pour répondre avec certitude à cette question : "Mother is already dead. If it’s one of us… it would weaken the family to act on it. I mean… it’s not like avenging mother will do something for her. Like… she’s already in Hell if you want my opinion." Peut-être qu’il ne voulait pas son opinion sur le sujet du statut de l’âme de leur mère. Mais si l’on écoutait leur prêtre zélé, il n’y avait pas de doute à se faire, l’existence de Vasilisa-même témoignait d’une vie de pécheresse et ça c’était un big no no quand on se pointait devant Saint Pierre. "No need to attack our own. There is only us now and we must stick together, at all cost." Peut-être disait-elle cela parce qu’elle craignait, justement, qu’on la rejette, qu’on estime qu’elle ne faisait plus partie de cette meute, de cette famille, de ce groupe. Et alors, que deviendrait-elle ? "That’s my advice, Supreme. But I’m sure you’ll make the right choice if we face that kind of situation." Vasilisa était prête à planter de fausses évidences pour faire tomber un suspect au sein des Golden Ring si Misha le lui demandait.

"Yeah, too dangerous. And then… the whole lot of them are kinda expert occlumens. They could trick you… or me. Alas we cannot really torture out employees, can we?" S’il n’avait tenu qu’à lui, Mikhail n’aurait pas hésité à se servir de légilimancie sur le moindre de ses employés. Cependant, ce n’est pas là une pratique socialement acceptable, ni même acceptée et comme le souligne si justement son aînée, les leurs auraient aisément pu dissimuler ce qu’ils ne souhaitaient pas révéler. Cela instaurerait donc une atmosphère tendue et suspicieuse sans lui apporter de preuves substantielles. “Alas!” Pour seule réponse avant de détourner la conversation vers ce le vif du sujet.

Ce n’est pas simplement en tant que Suprême que Mikhail pose cette question qui tourne en rond dans son esprit depuis qu’il s’est mis à chercher le ou les coupables ; mais également en tant que frère. Il a besoin de savoir où se pose non seulement la loyauté des siens mais également d’entendre leurs avis et d’agir en conséquence. Pas qu’il se laisserait influencer au point de changer de direction, mais si ses propres sœurs ne lui sont plus acquises alors Mikhail aura tout perdu. Sa place en tant que leader des Golden Rings déjà bancal, il ne peut se permettre d’augmenter la dissension qui existe depuis longtemps au cœur de la fratrie. Heureusement, Vasilisa semble arriver une fois encore aux mêmes conclusions que les siennes.  "Mother is already dead. If it’s one of us… it would weaken the family to act on it. I mean… it’s not like avenging mother will do something for her. Like… she’s already in Hell if you want my opinion." “I do.” Sinon, pourquoi lui poser la question ? Etrangement, Mikhail avait toujours cru qu’à la mort de sa mère, il se sentirait envahi d’un désir de vengeance intarissable. Pourtant, force lui est de constater que tel n’est pas le cas et qu’en lieu et place d’une rage bouillonnante ce n’est que le calme du devoir à exécuter qui le guide dans ses recherches.  "No need to attack our own. There is only us now and we must stick together, at all cost." S’il l’écoute sans l’interrompre, le frère hoche régulièrement de la tête en signe d’assentiment. Les méninges s’agitent dans son cerveau, alors que différents chemins s’ouvrent à lui. Après avoir questionné Brygida, échangé avec Izar, questionné Vasilisa, innocenté Zoya ; il n’est au final pas bien plus avancé qu’en ce tragique jour mortifère où sonna la cloche du trépas maternel. A qui faire porter le chapeau si le meurtrier est un Strugatsky ? Quel coupable trouver ? Comment s’assurer alors que cet acte est bel et bien un crime isolé servant à punir les nombreuses erreurs de leur mère plutôt qu’un agissement sous couverts de desseins plus ambitieux et personnels ? Tout serait plus simple si le coupable était un membre des Golden Rings, mais la vie ne l’est que rarement.   "That’s my advice, Supreme. But I’m sure you’ll make the right choice if we face that kind of situation." “Thank you for the advice. I really do hope I’ll make the right choice indeed. I’ll take your advice into account. Anyway, first we need to find the culprit. We shouldn’t count our owls before they are delivered as the idiom says.” Si cet échange apaise les soupçons qu’il aurait pu avoir à l’égard de Vasilisa, Mikhail ne se sent pas pleinement apaisé ou rassuré pour autant, il a sait bien qu’il ne trouvera le repos que lorsque la résolution du mystère sera atteinte et pas avant. En attendant, il ne peut que compter sur le soutien des siens - aussi ténu fusse-t-il quand tout lui dit de se méfier - ainsi que sur l’espoir inutile qu’il ne trouvera pas la mort de la même façon que la précédente Suprême. Il ne souhaite pas se retrouver à errer tel un fantôme amer dans les couloirs de leur majestueuse demeure.