J'crois pas avoir grand chose à raconter. C'est un problème. Pour l'enfance en tout cas, c'est difficile de trouver des choses pertinentes, on fait pas beaucoup plus tranquille que c'que j'ai vécu. Y'avait bien, de temps en temps, l'éventuelle beuglante énervée d'un membre de la famille élargie, prenant la peine d'expliquer à ma mère à quel point elle était une honte, tout en insultant papa à la moindre occasion. A part ça, y'a du bon à vivre dans son coin. Faut bien tomber, si on a des parents cons, ça doit être bien moins agréable, mais dans mon cas, rien à reprocher, enfance 9/10. Vous savez quel point je retire, ils insistaient encore pour utiliser mon prénom, à l'époque. Sombre période en fait, bien pire qu'aujourd'hui.

Et puis y'a eu l'école. C'était pas mal non plus. J'm'excuse à tous mes professeurs en y repensant, j'aurais pu être un peu plus sérieuse. Y'a sans doute des tas de trucs intéressants que j'ai loupés. Trop occupée à m'amuser. Ce qui n'est clairement pas un mal, la jeunesse c'est fait pour le fun, on s'en rend bien compte aujourd'hui. Quand tous ces gamins vivent misérablement. Va falloir changer ça pronto. Et j'arrive pas à croire que je viens de dire "pronto". J'vais tenter de me reconcentrer, histoire que ce genre de choses n'arrive plus. Hogwarts donc. Qu'est-ce que vous voulez savoir de plus exactement ? Non parce que à part vous dire que c'était cool, j'vois pas bien ce que je peux ajouter de plus pertinent. Vous vous demandez ce que je faisais de mes journées, avec qui je suis sortie, mon plat préféré au diner ? Ca vous regarde pas.

Bon je m'excuse, c'était pas très gentil. J'vais vous causer du reste pour me faire pardonner. Ma vie depuis l'école. Disons qu'il y a eu des hauts et des bas. Et pas du petit bas, le genre de bas qui impliquent des seigneurs des ténèbres et autres rigolos du genre. J'ai pas eu le temps de le mentionner plus tôt avant de vous rembarrer, mais à l'époque de Hogwarts, et même depuis gamine, j'ai toujours eu qu'une seule idée de vocation. Auror, pour les combattre ces bas. Les forces du mal, j'entends, pas les leggings. Pour la suite on peut sauter dans le temps, j'vous jure qu'on rate rien de bien important. Juste quelques années de boulot au ministère, un choix de camp évident, une vie en tant que fugitive, un mariage raté-mais-pas-du-tout-raté. La vie en couple c'était pas trop ça, le gamin qui en est issu par contre, une sacrée réussite. Et alors que j'ai mal partout, que je contemple ma nouvelle baguette cassée, que mon nez est clairement cassé, que mon doigt aussi, que je vais devoir survivre sur cette île, c'est la seule chose qui me hante vraiment. Teddy, c'est cliché mais je pensais pas pouvoir tant aimer quelqu'un.

Et alors que je réalise pleinement ce que je suis, prisonnière, vous pouvez comprendre pourquoi le ton de ce récit a pas été des plus patients. Une meilleure journée, vous aurez peut-être eu quelque chose de plus agréable. Mais les belles journées, elles semblent surtout derrière.