(NEIN) Gift

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16 juin 2007 — boutique burke

Come close and lend an ear.

Le sept juin, Dan s’est réveillé avec plusieurs choses. En premier lieu, il a eu tous ses camarades de dortoir qui lui ont ouvert les rideaux de son lit en commençant à chanter très fort et très un Happy Birthday qui aurait fait grincer des dents le pauvre Nahel et qui hurler de peur puis de rire le petit Dan. Dans un esprit de camaraderie on a continué à chanter alors qu’il sortait de son lit, alors qu’il se douchait, et s’habillait, avant qu’il n’arrive à les faire taire en rejoignant la salle commune. Les imbéciles.
Il y a eu d’autres filles de son année pour le lui souhaiter, et des gens dans les couloirs jusqu’au petit déjeuner, parce que Dan n’est pas du genre à taire son anniversaire ni à taire son enthousiasme ni à se taire tout court. Et tout le long du chemin il y a cette question, un peu stupide mais qui le fait beaucoup rire.
Alors, ça fait quoi d’être majeur ?
— En vrai, j’ai l’impression d’avoir grandi, assure Dan à qui veut l’entendre.
Il explique aussi qu’il se sent plus mature, vraiment, qu’il y a quelque chose de changé dans sa magie et pas mal d’autres conneries qui font sourire Nahel quand ils se croisent. Il traine encore un peu à l’entrée pour parler à des amis d’autres maisons avant d’aller manger, récolte déjà quelques cadeaux (des bonbons pour la plupart, ils savent ce qu’il faut pour lui faire plaisir), des projets de se retrouver durant le week-end pour fêter ça alors qu’on compte les jours jusqu’à la fin des cours. (Bizarrement, personne n’évoque les examens à l’approche.) Il y en a certains pour faire des blagues sur sa fugue, et que maintenant il va pouvoir profiter de l’occasion pour faire ce qu’il veut. Ça le fait rougir bêtement, et ricanement encore plus connement.
Par contre quand le courrier comment à arriver, Dan se précipite vers la table des Serdaigle afin de s’installer et, avant d’avaler quoi que ce soit, attend avec des lumières plein les yeux son courrier d’anniversaire.
Il y a bien sûr son père, et sa mère, dans des lettres séparées qui lui expliquent que, comme chaque année, il aura ses cadeaux à son arrivée même s’il va sûrement passer le reste du mois à leur demander par lettre exactement ce qu’ils ont pu lui prendre. C’est que Dan est curieux. Il y a des lettres de sa famille aux États-Unis aussi, et en Norvège, et bien sûr d’Antonin, et il déballe ses cadeaux sous le regard admiratif de ses copains quand une lettre du ministère, amené par un grand et beau hibou à l’air très sérieux, ne tombe finalement entre ses mains.
Un silence tombe.
Personne ne sait pourquoi, personne ne peut se douter de pouvoir mais, quel que soit ta situation, recevoir une lettre cachetée du MoM le jour de ta majorité ce n’est vraiment, vraiment pas bon signe.
Dan, lui, n’arrive pas à penser comme ça. Parce que le Ministère c’est là où travaille son père, et Antonin, et que même si le gouvernement est parfois un peu dur il ne s’est jamais dit, de sa vie, qu’il allait être exploité ou abusé par eux. Cela arrive aux autres, pas à lui. Tout arrive toujours aux autres, de toute manière.
Il est donc entre l’excitation et l’inquiétude quand il décachète la lettre et révèle, sous ses yeux ébahis, une invitation à venir au ministère ce week-end (tant pis pour les copains) afin d’attester de son niveau de maîtrise de son don de métamorphomagie. Il y a ensuite tout un paragraphe sur le fait d’aider l’élite de la nation, de former les personnes favorisées par la magie, qu’il faut faire fructifier ce que la magie nous donne, ce que Dan lit et relit encore avec une excitation qui monte et monte et monte…
En le voyant sourire, l’inquiétude diminue à sa table et on cherche à comprendre ce qu’il se passe. On le charrie, on le bouscule mais Dan cache la lettre contre son cœur et refuse à grands cris de leur montrer. Il rigole encore avant de se précipiter, après manger, vers Nahel pour tout lui raconter. Celui-ci a l’air un peu inquiet mais, devant l’enthousiasme de son ami, est bien forcé de rire avec lui.

Le week-end suivant, Dan arrive au Ministère dans une très belle tenue achetée par son père, un truc propre mais sobre, qui lui rappelle son uniforme d’école. Il y a des gens très sérieux qui lui souhaitent la bienvenue et il hoche de la tête à tout ce qu’on lui dit. Puis on va dans une salle spéciale pour faire le test.
Et le test se passe très très mal.
Ce n’est pas seulement parce que Silver a répété et répété encore à son fils de ne surtout pas montrer sa maîtrise, c’est que même si Dan avait voulu il n’aurait pas du tout réussi. Et c’est un peu humiliant, et ridicule, d’être aussi fier et content de pouvoir montrer ce dont on est capable, des années d’entrainement, pour qu’au final on lui demande des choses qu’il ne sait pas faire du tout.
Quand l’examinateur lui demande de prendre l’apparence de la personne sur la photo, Dan panique purement et simplement.
Il avait cru à un test avec des formes, des couleurs, de changement de texture, mais non, direct, cette photo sur ta tête.
Dan a déjà du mal à faire sa propre tête vieillir alors celle de quelqu’un d’autre ?
Au moins parvient-il à bien imiter les cheveux.
On change de photo et, peut-être qu’ils ont cru que c’était juste un problème avec imiter les vieux monsieur mais même une jeune fille, Dan n’y arrive pas. La partie fille il y arrive à peu près (et encore pas longtemps) mais alors les traits de quelqu’un d’autre ?
C’est trop compliqué.
Une autre photo.
Dan n’est pas à l’aise alors qu’il voit l’employé du ministère cocher des cases à chaque test qu’il rate.
Le seul moment où il a l’impression de pouvoir réussir c’est quand on lui dit de regarder un miroir et de faire un camouflage pour ne pas être remarqué.
Et il a déjà essayé, il a déjà réussi mais là, là il se souvient de son père qui lui répète, encore et encore, avec une urgence qu’il ne lui a jamais connu avant, de ne surtout, surtout pas montrer qu’il maîtrise son don.
Alors, les larmes aux yeux, obéissant mais déchiré, il rate exprès.
Et une nouvelle case cochée.
Pourtant on ne l’engueule pas, on ne le critique pas, on finit de remplir le formulaire, on signe, on le remercie, on plie le formulaire, on lui dit qu’on le recontactera bientôt et on l’accompagne à la sortie.
L’enthousiasme est un peu douché et quand il peut rentrer un peu chez lui avant de repartir à l’école, il lui faut attendre le troisième cadeau avant de parvenir à éclater de rire de nouveau.
Le lundi matin, au petit déjeuner, Dan reçoit une nouvelle invitation approuvée par le ministère pour rendre visite à une certaine Madame Neith Burke qui sera sa formatrice afin d’apprendre à maîtriser son don.

Dan n’est pas contre l’idée d’avoir une professeure de métamorphomagie. En vérité, il est peut-être un petit peu excité à l’idée d’apprendre des nouvelles choses. Il a suffi de quelques jours pour qu’il oublie le fiasco du Ministère et que l’enthousiasme revienne. Il va avoir une professeur ! Sang-pur ! Mangemort ! La classe ! Ils sont connus, les Burke, en plus ! Bon, celle-là il la connaît pas vraiment, pas comme si Silver amenait son fils aux réunions de travail pour lui présenter ses collègues mais Dan en sait assez pour être quand même un peu enthousiaste.
Avec de la chance, elle sera gentille et puis, c’est une métamorphomage alors elle peut le comprendre, pas vrai ? Ils sont un peu de la même famille, pas vrai ? Dan n’a jamais vraiment côtoyé quelqu’un avec son don et il a bien envie de savoir si elle aussi elle avait l’impression d’avoir un petit monstre à l’intérieur d’elle qui change les couleurs pour elle ? Peut-être qu’il pourra lui expliquer ce qu’il aime vraiment faire avec les couleurs. Sa recherche artistique. Elle devrait comprendre, non, qu’il n’a pas vraiment envie d’imiter des gens qui existent, pas vrai ? Il suffira de lui expliquer.
Le jour venu, Dan est toujours déterminé à tirer le meilleur de cette expérience.
Il arrive tout juste à l’heure en ce samedi après-midi, il a même pas essayé de faire un détour pour aller voir Ocean, malgré la tentation, l’incroyable tentation, le véritable désir de la retrouver. Non, il veut bien faire, et puis c’est le Ministère qui vient le chercher pour l’amener là (tout un truc sur le fait qu’il est un élève et qu’il n’a pas le droit de sortir de l’école en dehors des périodes de vacances blablabla) alors bon même s’il avait voulu…
On le laisse devant la porte de la boutique.
Bon ok, c’est pas la boutique de bonbons de Pré-au-Lard mais les gens importants ne vont pas vraiment vendre des milkshakes et avoir des devantures bleu ciel, n’est-ce pas ?
Dan, pour le pire ou le meilleur, a appris à ne pas stigmatiser les Mangemorts et à ne pas les considérer comme des personnes menaçantes, dangereuses, ou mauvaises.
— Bonjour ! s’écrie-t-il en entrant dans la boutique et en apercevant celle qu’il reconnaît comme son enseignante. Je suis Dan, votre élève pour la métamorphomagie ! Je suis vraiment content de vous rencontrer Madame.
Et avec un grand sourire il se rapproche d’elle pour lui tendre la main.
— Vous voyez j’ai jamais vraiment eu de professeur en la matière alors vraiment, que le gouvernement trouve quelqu’un rien que pour moi, c’est super cool !

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Neith est agacée. Jusque-là, on lui avait toujours demandée d'user de son don, pour des missions liées au Lord. Elle porte fièrement la marque, et cela l'a donc toujours ravie au plus haut point. Pouvoir servir son maître est l'un des buts de sa vie. Alors, quand on lui a demandé d'apprendre, à un métamorphomage en herbe, à gérer son don, Neith était loin de sauter de joie. Déjà, elle déteste les enfants. Peu importe, qu'il ait dix-sept ans ou douze. C'est pareil pour elle. Evidemment, elle a essayé de refuser, en avançant le fait, qu'elle est déjà débordée entre son magasin et son statut. Motif irrecevable, c'est ce qu'on lui a dit. Neith a fait jouer ses relations, en vain. Il faut dire, que les métamorphomages, ça ne court pas les rues. Alors, les bons métamorphomages, encore moins. Après tout, ce don ne se manifeste pas génétiquement. Quand on naît avec un tel pouvoir, on a souvent personne, au sein de sa famille, pour nous aider. Les plus riches peuvent avoir des précepteurs, mais faut-il encore les trouver. Il semble donc, que Neith soit devenue l'un d'entre eux. Génial. En plus de ça, on a bien insisté, sur le fait qu'il s'agit du fils de Silvester Marsh, un mangemort. Cela ne l'a pas spécialement impressionné, puisque le sorcier n'a que le sang-mêlé, ce qui ne le rend absolument pas spécial, et encore moins important. Enfant de mangemort ou non, Neith ne fera absolument aucune différence.
Exceptionnellement, elle a donc fermé sa boutique pour quelques heures, afin de faire cours à ce fameux Daniel Marsh. Bien que, cela l'agace profondément, Neith n'est pas totalement ennuyée à l'idée de transmettre ses compétences à quelqu'un. Il faut dire, qu'elle a longtemps refoulé son don, et qu'il a même été mal vu par ses parents pendant longtemps. Elle sait, qu'on l'a souvent traitée de monstre. De cette pseudo faiblesse, elle en a fait une force. Et ce gamin doit faire la même chose.

Occupée en arrière-boutique, Neith est sortie de ses pensées par un bonjour un peu trop enjoué. Elle fronce son regard, avant de se rendre dans la pièce principale. Elle tombe nez à nez avec le petit Marsh. Le soucis, c'est qu'il fait au moins deux têtes de plus qu'elle. Soit. Cela importe peu. Il est gauche, elle peut le voir en un regard. Sa petite présentation lui donne la nausée, et elle soupire. Madame. Elle vient de prendre dix ans dans la tête. Le gamin s'approche d'elle, lui tendant la main. Elle pose son regard sur celle-ci, avant de lever sa tête pour le regarder. Rien que le mot cool lui donne des frissons. Neith arque un sourcil. ─ Premièrement ne m'appelle pas Madame, mais Neith. Elle s'écarte de quelques pas, pour s'adosser au comptoir, le laissant seul avec sa main dans le vide. ─ Aucun entraînement en dix-sept ans... Et bien, nous allons avoir du travail. Nouveau soupir. ─ Assis toi là-bas. Pose tes affaires par terre. Elle désigne un tabouret, deux mètres plus loin. Neith croise ses bras. ─ Montre moi ce que tu sais déjà faire. Je dois savoir quel est ton niveau. Je t'en prie, ne te retiens pas. Je dois vraiment savoir ce que tu peux faire. Elle claque des doigts. ─ Et plus vite, on a pas toute la journée.

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16 juin 2007 — boutique burke

Come close and lend an ear.

Il y a des choses étranges dans cette boutique. Malgré son attention vite portée sur Mme Burke, il a un peu le temps de sentir son regard dériver sur les multiples objets en présentation en se disant que c’était quand même une boutique vachement spéciale. Sa pensée ne va pas plus loin alors que Mme Burke et qu’elle est diablement plus jeune et diablement plus jolie que ce qu’il avait pu imaginer. Moins jolie qu’Ocean, bien sûr, mais il y a quelque chose qui en impose, chez elle. Surtout parce qu’elle a les sourcils froncés.
Et elle ne sourit pas.
Et elle soupire.
Peut-être qu’elle a eu une journée très fatigante ?
Dan garde son sourire coûte que coûte parce qu’il a décidé, fermement, devant son miroir ce matin-là, qu’il allait bien vivre cette expérience. Qu’elle allait être positive. Qu’il allait apprendre des choses. Il avait compris après des années de cohabitation avec ses parents que si on décidait assez fermement de passer un bon moment, il y avait beaucoup plus de chances que cela soit vrai que si on s’attendait au pire.
Sa petite statistique bien soignée ne prend clairement pas en compte le prix de la déception.
— Neith ? Ok, super ! répondit déjà, heureux qu’on laisse les formalités tomber si vite. Faut dire elle est pas si vieille, Neith, et puis ça donne une impression de proximité, pas comme avec les profs, genre elle va être sa mentore et tout.
Par contre, elle serre pas sa main et il se demande s’il a fait une connerie, en la tendant vers elle. Il la range, un peu en retard, en comprenant qu’on ne viendra pas la saisir. C’est parce qu’elle est sang-pur ? Il a pas le droit ? Il a l’air un peu déboussolé mais pas plus perturbé que cela et quand elle parle de travail il retrouve vite son enthousiasme :
— Mais je suis avide d’apprendre ! Et j’apprends vite, d’ailleurs—
Il se fait couper par l’ordre brusque qui passe les lèvres si jolies de Mad… Neith.
Docile, encore un peu surpris, il prend juste le temps de repérer le tabouret qu’on lui tend avant de s’installer. En tant qu’affaires il a juste une veste qu’il ne sait pas où mettre, et il hésite un moment sous le regard sévère de Neith avant de le poser au hasard sur un meuble à côté. Bon, ça fera l’affaire ? Il garde sa baguette, qu’il n’est pas encore habitué à avoir en dehors de Poudlard, et s’assoit sur le tabouret.
Il se dit qu’il est quand même un peu loin d’elle, et qu’elle ne se rapproche pas, et est-ce qu’elle va vraiment bien voir de là ? En plus, il ne sait pas si c’est lui, mais y a un courant d’air vachement froid dans la pièce pour la mi-juin. Un instant, il se dit que ça va pas être si fun que ça, mais il se reprend vite et son sourire revient.
Il ne se laisse pas démonter quand on lui ordonne de montrer ce qu’il sait faire.
— Ah oui, oui bien sûr !
Le dragon ? Le phoenix ? La sirène ? Les runes, les cercles alchimiques ? Un instant il voit tous ses grands projets artistiques défiler devant ses yeux pour choisir le plus impressionnant avant de se souvenir, brusquement, qu’il n’a pas le droit.
Il doit être nul.
Il a l’obligation d’être nul.
Il essaye encore de chercher à quel point il doit être nul quand les doigts claquent et le font sursauter. On le presse et, dans l’urgence, il vire au vert.
Un joli vert menthe, qui prend de ses doigts à ses cheveux, avec des reflets un peu plus foncés par-ci par-là, qu’il rajoute en urgence, après coup, sans avoir rien décidé, rien prémédité.
Il hésite à aller plus loin, se rallonger les cheveux, se dessiner des branches sur les bras, se colorer les yeux et transformer ses dents mais… c’est sûrement trop complexe ça, non ?
Alors il attend, la respiration un peu rapide, ses grands yeux écarquillés en attendant le jugement de Neith qu’il peine encore à situer. D’une voix désolée, il précise un peu naïvement :
— Je ne savais pas trop… quoi faire.
Mais sûrement qu’elle est comme ceux du ministère et qu’elle va vouloir qu’elle imite quelqu’un. Ah, quelle torture de décevoir consciemment quelqu’un qu’on veut impressionner !

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Neith, professeure ? Elle peut déjà entendre les rires, et elle ne les contredit pas. Elle trouve ça plutôt cocasse. On ne peut pas dire, qu'elle possède les qualités requises pour un tel travail. Neith est même l'opposé parfaite d'un bon mentor, tuteur, professeur, call it what you want. Si elle avait eu le choix, elle aurait décliné la proposition. Les métamorphomages ne courent pas les rues, mais elle n'est pas la seule recensée auprès du Ministère. Evidemment, personne (à part elle) ne peut s'occuper du fils d'un mangemort.
La situation est presque ironique, quand on pense, qu'elle n'a pas eu de précepteur pour apprendre à utiliser son don, pas pendant longtemps en tout cas. Et maintenant, elle va faire office de préceptrice pour un gamin, probablement paumé. Son instinct ne se trompe pas, quand elle voit arriver l'adolescent, la toisant de plusieurs têtes. Ca se voit sur sa tête, qu'elle est agacée de cette rencontre, et de ce cours à venir. Neith ne fait rien pour le cacher, à quoi bon ? Ils ne sont pas là pour devenir amis, loin de là. Et si un mangemort au sang mêlé souhaite lui en toucher deux mots, elle en sera ravie. On lui a demandé d'assurer la leçon. On ne lui a pas demandé de résultats.

Neith ne prend pas vraiment la peine de l'écouter, ou de lui serrer la main. Elle se contente de lui donner des ordres, et d'attendre, qu'il les exécute. C'est une habitude pour la Burke, qui aime mener son petit monde à la baguette. Elle a l'habitude de se faire entendre, même si elle n'est pas bien grande. Elle compense sa taille, par son franc-parler, et sa prestance.
Le fameux Dan a l'air plutôt maladroit et empoté. Elle lève les yeux au ciel, à plusieurs reprises, tout en soupirant de temps à autre. Les bras toujours croisés sur sa poitrine, elle l'observe, à quelques mètres de là. ─ Nous n'avons pas toute la sainte journée, Dan. Elle hausse ses sourcils, tout en le pointant du regard. Elle claque des doigts, pressée qu'il montre enfin ce qu'il sait faire. Neith doit absolument savoir quel est son niveau, avant de lui apprendre quoi que ce soit. Elle ne s'attend pas à grand chose, considérant qu'il n'a jamais eu de vrais entraînement jusque-là. En une seconde, Marsh devient vert. Juste vert. Il n'essaye même pas de prendre la forme d'une créature de l'eau, ou même d'une plante. Non, il se contente de devenir aussi vert, qu'une menthe à l'eau. Dans le fond, elle s'attendait à pire que ça. Ce n'est pas si mal, même si loin d'être le niveau requis pour un métamorphomage de dix-sept ans. Dan essaye de se justifier. Elle ne répond rien pendant une longue minute, avant de décroiser ses bras, et de se décoller du comptoir. Elle se rapproche de lui, fait plusieurs pas dans sa direction, le bruit de ses escarpins résonnant entre les quatre murs de la boutique. Neith se plante devant Dan, à un bon mètre de convenance. ─ C'est tout ce que tu es capable de faire ? Elle arque un sourcil, le regardant sous toutes ses coutures. Elle sent que quelque chose cloche. Aucun entrainement en dix-sept ans aurait eu des conséquences visibles. Même si sa petite démonstration n'est pas très impressionnante, il faut une certaine pratique pour se colorer de la tête aux pieds. ─ J'ai l'impression, que tu es capable de plus, Dan. Dès qu'elle prononce son nom, elle insiste bien dessus, dans un claquement de langue. ─ Tu sais pertinemment, que te teindre en vert n'est pas ce que l'on attend d'un métamorphomage. Le but de notre don est de prendre l'apparence de n'importe qui. Femme, homme, enfant, créatures magiques même parfois. Notre don est précieux et rare. Il est à mettre au service de notre Gouvernement bien-aimé, et du Lord. Alors, devenir vert ne t'aidera en rien. Tu dois apprendre à en faire plus. Et je pense, que tu sais sûrement déjà prendre d'autres formes. Ce n'est pas parfait. A ton âge, ça ne peut pas l'être. Mais, je dois évaluer quelque chose de plus intéressant que ça. Elle recule un peu, et claque de nouveau des doigts. ─ Encore.

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16 juin 2007 — boutique burke

Come close and lend an ear.

Neith est déçue. Dan s’y attend, croyait s’y attendre, vu qu’il a fait exprès d’être nul mais quand même, ça fait mal parce que ça se voit vraiment beaucoup. Il reste bloqué sur son tabouret quand elle s’approche mais, soudain, lui qui avait voulu lui serrer la main se trouve incroyablement gêné de la voir aussi proche de lui. Il a l’impression qu’elle voit clair dans son jeu, qu’à force de le fixer elle va pouvoir sentir ce qu’il retient, ce qu’il réprime, ce qu’il ne montre pas.
Quand elle lui demande si c’est tout ce qu’il sait faire, les joues vertes du garçon virent au rouge pomme, ce qui lui donne un instant l’apparence d’un crapaud de bande dessinée pour enfant. C’est un mélange de déception, de mépris, et en plus de cela de doute. Elle l’accuse de se retenir tout en ayant l’air de ne pas y croire elle-même. C’est un nouveau degré de mépris que Dan n’a pas l’habitude de rencontrer, même chez ses professeurs les plus sévères. C’est que, habituellement, Dan est un bon élève, parfois un très bon élève.
Sauf quand il fait exprès de rater.
Il reprend doucement sa couleur naturelle alors qu’elle fait sonner son prénom dans un claquement de langue.
— Je- Je- Je…
Il a envie de lui dire, il a envie de se défendre et de lui expliquer qu’il sait faire plus. Qu’il sait mieux faire, qu’il a plein de peintures corporelles pour lui-même, qu’il sait changer son corps et se fondre dans la masse et briller de mille feux, qu’il sait couvrir ses bras des écailles les plus subtiles et transformer ses cheveux en plumes chatoyantes. Qu’il a appris les runes pour les simuler son corps et qu’il connaît par cœur les tatouages alchimiques de son père et qu’il peut les reproduire.
Quelque part, dans sa tête, il a l’impression que ça lui fera plaisir. Ça fait des semaines qu’il y pense souvent et des années que ça le préoccupe : pourquoi cacher au gouvernement son art ? Qu’est-ce qu’il peut y avoir de dangereux à leur en parler ? Ne peut-elle pas être contente pour lui, l’aider dans son projet, convaincre ses parents ?
Ne pourrait-il pas lui laisser cette chance comme le gouvernement lui en laisse une de s’améliorer ?

Heureusement pour lui, le petit discours de Neith surgit avant qu’il ne se décide à parler.
Et elle lui dit ce qu’il a déjà compris quand il a fait le test au ministère. Elle lui dit des choses qu’il ne comprend pas. Parce que dans sa tête, son don n’a jamais été de prendre l’apparence de quelqu’un qui existe, ce n’est ni gentil ni respectueux, il n’a pas l’impression que ce soit juste de faire ça à quelqu’un. Son père l’a prévenu là-dessus, qu’il avait pas le droit, que c’était de l’usurpation d’identité, et que c’était grave et que dans son métier il mettait en prison les gens qui faisaient ça.
Pourquoi le Lord voudrait-il qu’il fasse ça pour lui ?
La réponse est là, bien sûr, il n’est pas assez con pour l’ignorer mais assez effrayé pour la refuser. Parce qu’accepter cette réponse c’est transformer son père en monstre, c’est accepter qu’il vit dans une tyannie, c’est questionner son quotidien, son privilège, c’est confronter toutes ces choses dont il a pris conscience après sa rencontre avec Ocean. Ocean qu’il a tellement, tellement envie de revoir.
— Mais je comprends pas ! s’écrie-t-il en ignorant l’ordre et sans se formaliser d’une formulation soignée. Ils étaient pareils quand j’ai fait le test, mais c’est pas interdit de prendre l’apparence de quelqu’un ? À quoi ça peut servir ? Je galère déjà à me faire vieillir pendant plus de cinq minutes alors je pense pas pouvoir imiter quelqu’un. Genre c’est pas possible.
Y a du polynectar pour ça. Y a des sortilèges pour ça. Mais son don, ce qu’il fait, ce qu’il est ce n’est pas être quelqu’un d’autre, non ?

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Un gamin. Elle est face à un gamin. Elle a remarqué dès le début, son jeune âge. Elle n'est pas sans ignorer, qu'il n'est encore qu'un élève. Mais à son âge, elle était déjà capable de faire plus de choses. Elle avait une certaine maîtrise de son don. Cela n'a pas été aisé, mais grâce à des mentors elle y est arrivée. Dan ne semble pas vouloir réussir. Il est là, à lui faire des tours de passe passe. Devenir vert, tout les métamorphomages en sont capable. Cela n'a rien d'impressionnant. Et s'il s'agit de son véritable niveau, alors elle est vraiment inquiète pour la suite. Neith ne sera d'aucune aide pour lui. Elle ne peut pas faire de miracles. Le gamin ne fait que balbutier. Elle roule des yeux sans cesse, et ne fait que soupirer. Elle a vraiment hérité d'un boulet.
Neith n'est pas à l'aise avec les enfants. Elle ne l'a jamais été, et ne le sera probablement jamais. Ce qui l'inquiète fortement pour la suite. Elle sait, qu'un jour elle épousera Callum et qu'ils auront des enfants. Même si elle fait tout pour retarder l'échéance, elle ne pourra pas le faire indéfiniment. Se retrouver face à cet ado, et n'avoir qu'une seule envie : celle de lui tordre le cou, ne lui donne pas confiance pour la suite. Dès demain, elle ira au Ministère pour leur faire comprendre que ça n'est pas possible. Fils d'un mangemort ou non, il est incapable de faire quoi que ce soit. Il est peut-être né métamorphomage, il est aussi de sang mêlé. Une preuve de plus, que le sang a une grande importance dans les capacités magiques des sorciers. Quand il la regarde avec ses grands yeux ébahis, Neith serre les dents pour ne pas user de la manière forte. Dan ne doit ça qu'au statut de son père. Elle n'a pas le temps pour une querelle entre mangemorts.

Le Marsh s'époumone à dire qu'il ne comprend pas. Un rire sursaute dans sa gorge. Il n'a pas besoin de le lui dire pour qu'elle s'en aperçoive. Sa tête semble bien vide. Son flot de plaintes lui donne envie de vomir. Neith se contente de rouler des yeux, et de soupirer, encore. Elle se rapproche un peu de lui, ses bras croisés contre sa poitrine. ─ Ma patience a des limites Dan. Son prénom claque toujours sur sa langue. ─ C'est impossible pour toi, parce que tu n'es qu'un novice. Cela te semble irréalisable, simplement parce que tu es médiocre. Tout est possible pour un métamorphomage de talent. Plus encore que ce qu'il ne peut imaginer. ─ Dis moi Dan, que pensais tu apprendre en venant ici ? A devenir rouge, bleu, jaune et rose peut-être ? Elle arque un sourcil. ─ Si tu ne souhaites pas apprendre, j'en informerais le Ministère. Je ne suis pas là pour perdre mon temps avec un gamin insupportable et arrogant. Nouveau soupir. ─ Je ne te demande pas d'imiter quelqu'un pour sortir dans la rue et te faire passer pour cette personne. Cela n'est que dans le cadre de ta leçon. Mais tu apprendras bien vite, que les frontières de l'illégalité sont relativement floues. Neith se recule de nouveau. ─ Reprenons maintenant, si tu es motivé à vraiment t'investir.

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16 juin 2007 — boutique burke

Come close and lend an ear.

Neith n’est pas très polie. Ça arrive, les gens qui ne sont pas polis, surtout devant plus jeune que soi, mais Dan et son éducation stricte se trouve toujours un peu surpris devant la facilité qu’ont les gens à ne pas être respectueux. Peut-être parce qu’il est sang-mêlé, et c’est bien une des rares situations où Dan peut au moins un peu expérimenter le centième de ce que vit Ocean au quotidien. Ce mépris qu’on peut avoir pour lui, sang-mêlé, qu’il oublie parfois à l’école parce qu’il ne parle qu’avec ses amis et que, globalement, on apprécie Dan. Il est gentil et pas prétentieux, il ne prétend pas vouloir réformer le système. Pas encore.
De plus en plus, quand il considère tout ce qu’il voit à l’école, il se demande comment il peut le supporter. Et c’est à se demander comment, à la rentrée, il pourra de nouveau se taire après avoir pris conscience de tant d’injustice en ce monde. Peut-être que la solution se trouve ici, avec Neith, à enfin récupérer la crainte du gouvernement, cette peur viscérale de se faire prendre et de tout perdre pour avoir critiqué ceux qui les dirigent. C’est que Dan, incapable d’avoir une pensée politique avant cela, n’a jamais pensé à s’opposer à tout cela.
Mais là, quand on lève les yeux des yeux aussi ouvertement devant lui, quand on lui dit qu’il est mauvais, médiocre, qu’on se moque de lui, qu’on le traite d’insupportable et d’arrogant.
On ne dit pas ça à Dan, jamais.
Ou pas en même temps.
Ou seulement quand il l’a mérité.
Quand il l’a cherché.
Là, il a juste cherché à comprendre, et a, certes, fait exprès d’un peu rater à cause de ce qu’à dit son père mais ce n’est pas une raison pour lui dire… lui dire que…
Le pire c’est que même s’il est énervé, indigné, qu’il sait que c’est injuste, il a quand même les larmes aux yeux quand tout ça lui tombe dessus. Ça ne coule pas, et il les retient, mais ça fait briller ses yeux qu’il garde fixés sur Neith Burke. Il avait décidé qu’il passerait un bon moment durant ce cours. Il s’était résolu à trouver des qualités chez la professeure qu’on lui avait assigné. Il n’en trouvait pas. Il ne trouvait rien de ce qu’il avait pu espérer et il se sent floué, trahi, vexé.
Dan est habitué à ce qu’on prenne soin de lui, qu’on fasse attention à lui, qu’on lui veuille du bien. Et c’est un luxe bien cruel auquel s’habituer dans la société dans laquelle il vit, et dont il commence tout juste à comprendre le piquant.
— Ce n’est pas tout ce que je sais faire ! répond-il finalement d’une voix vexée et un peu blessée, malgré ses efforts pour le cacher.
Il sait qu’elle ne le consolera pas. Même si c’est contre son instinct, ses habitudes, ses espoirs, il sait maintenant que Neith ne va ni le rassurer, ni lui expliquer, ni le récompenser.
Il peut juste lui prouver.
Désobéir à son père et prouver qu’il n’est pas si nul que cela.
— C’est juste pas imiter quelqu’un, rétorque-t-il alors même que tout son corps commence à changer en même temps.
Ce n’est, d’abord, que le gros du travail. D’un coup brusque il vire au rouge cette fois-ci, comme s’il voulait juste changer de couleur pour montrer qu’il maitrise tout le spectre. Sauf qu’en même temps la texture même de sa peau semble se durcir, se craqueler, et des reflets plus profonds et plus clairs se forment pour accompagner et accentuer la lumière de la boutique mal éclairée. Il cligne plusieurs fois des yeux, qui virent au rouge, changent de pupilles qui se rétrécissent alors de véritables crocs surgissent de sous ses lèvres. C’est dur, sans miroir, sans se voir, mais il ne va clairement pas demander de l’aide maintenant. Il fixe juste Neith, respire fort alors qu’il continue son travail. Transforme ses ongles en griffes. Plaque ses cheveux en arrière sans les toucher, efface les boucles jusqu’à ce qu’il n’y ai presque plus de volumes. Détail par détail, le monstre, le diable des livres moldus se dessine sur le tabouret de la boutique Burke. Les cornes surgissent bientôt de son front, d’abord simplement rouges avant de s’obscurcir, se durcir se tordre dans quelque chose de menaçant et dangereux.
La respiration de Dan est sifflante derrière les crocs qu’il s’est créé. Et même si ses traits n’ont pas changés à par une légère maigreur qui vient plus des jeux de couleur que d’une véritable transformation, il n’est plus le jeune garçon qui a passé la porte avec un sourire.
Il a sorti le monstre qu’il invoque parfois, devant son miroir, dans sa chambre, lorsqu’il se sent si mal et si tordu à l’intérieur de lui-même qu’il faut donner une forme et une image à ce cauchemar de lui-même.
— C’est ça que je fais, déclare-t-il finalement, d’une voix transformée par sa bouche transformée.
Et ce n’est pas ça qu’on lui demande. Pas ça que Neith a demandé, pas ça que Silver aurait voulu qu’il révèle mais tant pis. Juste pour qu’elle sache qu’il n’est ni nul, ni arrogant.

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