Ephraim trouve les Satine Nights organisées par Blaise Zabini d'un ennui profond, et laisse généralement à ses frères - et particulièrement Django - ce terrain de chasse-là lorsqu'ils veulent boire un peu et rencontrer quelqu'un. Lui préfère les soirées autrement plus sensuelles et sexuelles et directes, où les gens savent ce qu'ils veulent et agissent pour l'avoir. Chez Zabini, on ne vient que pour boire et passer du bon temps, rencontrer du beau monde. Il peut voir l'attrait, quelque part, surtout quand ceux qu'il y croise ont tous été en Une du Prophet à un moment ou à un autre: c'est l'endroit idéal pour se faire un réseau et le faire fonctionner, pour obtenir ce que l'on veut et préparer le terrain d'un business deal ou un autre. Qu'importe, il n'est pas là pour s'amuser, ce soir, il vient juste pour boire un verre avec un ami.

Peu de gens - et peu de choses - ne parviennent à le faire sortir de chez lui lorsqu'il n'en a pas envie, et son entourage sait qu'Ephraim est propice à envoyer un hibou dix minutes avant l'heure du rendez-vous pour dire qu'il ne viendra pas, au final. Son intérêt est aussi intense qu'éphèmère, généralement, quelque chose que ses proches et amis n'ignorent pas (et si c'est le cas, alors cela veut dire qu'ils n'ont jamais été ni proches ni amis pour commencer). Autant dire qu'il est donc vaguement agacé lorsque son ami - une nouvelle connaissance, rencontrée au MILF, un stimage ayant une spécialité dans le domaine des enchantements du bois - tarde un peu, et qu'il se retrouve à faire tourner d'un oeil ennuyé le fond de son verre au comptoir d'un des nombreux bars peuplant l'immense appartement dans lequel Zabini donne ses fêtes privées. Il attend sept minutes - le summum du retard à ses yeux - avant de finir son verre d'une traite, la rasade brûlante de la vodka laissant derrère elle un feu familier et rassurant dans son oesophage. Il se contentera de rentrer à la maison et de lire un livre - et de rayer le nom de son prétendu ami de son carnet d'adresses. Ephraim n'aime pas perdre son temps, il est précieux.

Il rabat de nouveau sa cape sur son épaule, manipulant adroitement la fermeture dorée près de sa clavicule en se laissant glisser de son siège, un geste gracieux et contrôlé qui ne trahit en rien le déséquilibre asymmétrique et douloureux de son corps. Comme toujours, ses vêtements cachent une partie de son torse, la cape tombant sur son épaule droite pour en masquer la forme inégale, la prothèse trop anguleuse et sèche - la prothèse est de bonne facture, mais les yeux observateurs d'Ephraim ont trop étudié la forme de son corps pour en supporter le moindre écart, et son reflet imparfait le remplit toujours d'une frustration qu'il est préférable de repousser autant que possible, même à travers des vêtements trop grands et inégaux.

Les yeux sur la porte de sortie, il se glisse entre les conversations et les gens qui boivent et qui traînent sans y faire grande attention, et détourne seulement la tête en entendant un bruit familier - un rire. Ses yeux se posent sur une alcôve privée, le genre que Zabini octroie à ses poissons aux poches les plus profondes ou aux noms les plus fameux - une corde rouge, même, interdit l'accès, ainsi que le regard sombre de deux agents de sécurité. Mais l'espace demeure ouvert, peut-être pour afficher le faste du luxe à l'intérieur et provoquer la jalousie - et sur le banquette de cette alcôve, les yeux morts d'Ephraim tombent sur Mikhail Strugatsky, bien occupé semblerait-il face à une table parsemée d'une dizaine de bouteilles et avec une jeune femme sur chaque jambe.

Ephraim penche la tête sur le côté et s'arrêter, interloqué, avant de s'approcher. Il est vite arrêté par la sécurité, à laquelle il n'adresse pas un regard, et ne fait pas un mouvement pour enjamber la corde rouge qui sépare la pièce principale de cette alcôve, se contentant d'arquer les sourcils quand le russe pose les yeux sur lui. "Good evening, Mikhail," dit-il lentement dans un russe aussi maladroit qu'avant. Il est surpris, de manière plutôt plaisante, de le retrouver là. Cela fait presque trois ans qu'ils ne se sont pas vus. Il serait mentir de dire qu'Ephraim n'a jamais pensé à lui, mais il l'imaginait mieux être encore enterré dans un palace moscovite ou un autre - il n'a pas vraiment gardé un oeil sur les Strugatsky, et à l'époque ne s'y intéressait pas non plus particulièrement, son attention entière rivée sur le frère aîné.

Il laisse un sourire ourler sa lèvre et fait un geste de la main gauche en désignant les deux gorilles à l'air incertain dont les yeux passent de son visage à celui du russe - ses yeux à lui restent fixés sur Mikhail, comme si personne d'autre n'existait à la surface de la Terre. Il n'est pas du genre à donner des ordres, et encore moins à Mikhail, et se contente donc d'une énonciation rapide et évidente: "They should let me in, we ought to catch up." Il semble remarquer la présence des deux jeunes femmes avec lui. "Although it seems your taste has not changed, have you?" Il ignore quelle réponse serait la plus satisfaisante: que Mikhail ait autant changé que lui, ou qu'il soit fidèle à lui-même et à l'image qu'Ephraim a gardé de lui.

Mikhail s’échappe de ses responsabilités pour quelques heures. C’est la première fois depuis que la matriarche a perdu la vie que le Suprême s’octroie cette parenthèse d’inspiration, redevenir l’homme derrière le Masque, se perdre dans les délices qui ne sont à sa portée que derrière des portes closes, sous l’intimité d’une lumière tamisée, encadrés d’épais rideaux brodés. Il apprécie la compagnie éphémère de ces poupées qui ne laissent dans  ses souvenirs que des ombres indistinctes et des sensations qu’il emmène avec lui lorsque l’aube se lève à nouveau sur son trône. Ces derniers mois, Mikhail n’a jamais été aussi entouré - de ses soeurs, de son ombre, de tous ses employés venus déposer à ses pieds serments et promesses - mais se sent pourtant complètement seul avec ses pensées et les manigances qui tournent dans sa tête ; des ritournelles obsédantes de toutes les possibilités, tous ces chemins à emprunter, ce poids qui repose sur ses épaules et dont il aimerait parfois se délester, juste le temps d’une respiration.

Cela fait une bonne heure qu’il a fait son entrée pour profiter d’une de ces Satine Nights qu’il n’avait pas eu l’honneur de côtoyer à nouveau depuis mars. Mikhail a salué quelques têtes connues, en a découvert d’autres (le plaisir n’est jamais délaissé par les affaires quand on est un Strugatsky) puis s’est installé derrière le cordon carmin accompagné de deux femmes dont il a déjà oublié le prénom - quelle importance quand elles ne sont que le réceptacle remplaçable dont il a besoin ce soir pour s’occuper l’esprit, éloigner l’ennuie et les incessantes questions. Eloigné qu’il est des regards qui se posent de partout sur son corps droit et digne. Les soupçons des uns, les attentes des autres, et l’oeillade aussi argentée que translucide provenant de celle qui n’aurait plus dû exister qu’en songes.

Les deux femmes ont pris place sur ses genoux, échangent des compliments, redoublent d’efforts pour le tirer de son apathie qu’elles prennent peut-être à raison pour de l’ennuie, à tort pour de l’inattention. Son expression est ainsi faite qu’elle ne laisse rarement la vérité s’écailler sous l’apparente indifférence et le stoïcisme acquis par des années d’expérience. De temps à autre, son visage se pose sur l’autre côté de la salle, enregistre les ombres passantes, celles qui restent, celles qui partent ; jamais entièrement serein et la vigilance en alerte même si plus apaisée. Il rit à l’une des questions et répond de son anglais à l’accent presque entièrement effacé, où ne subsistent que des sonorités un peu rouillées. Mikhail observe les minutes qui lui sont comptées.

Puis, un mouvement à sa périphérie et son regard s’y accroche, plonge dans le passé en se plantant dans les iris de cet anglais disparu trop tôt. Pour un peu, il ne le reconnaîtrait pas, d’un rapide coup d’oeil il le dévisage du haut jusqu’au bas de sa longue cape recouvrant son corps, il a changé. Et en même temps, Ephraim est exactement comme il se le rappelle.

Un sourire s’étale sur ses lippes et Mikhail répond dans sa langue natale. “Good evening Ephraim. What a pleasant surprise.” D’un geste, il fait signe aux deux vigils de le laisser entrer sans même leur adresser un regard, tout obnubilé qu’il est à détailler de ses prunelles glacées ce fantôme du passé qu’il aurait cru avoir rêvé si ce n’était pour ce petit Roi en bois qu’il avait pris l’habitude de toujours garder dans une de ses poches. Mikhail n’est pas sentimental, mais la rune gravée sur le bois l’appelle et le sorcier ne se sent dès lors pleinement apaisé qu’en la caressant de son pouce. “It has been a while.” Non pas qu’il ait compté. Il rompt le contact visuel se souvenant seulement alors qu’il est en effet en compagnie de deux femmes et s’adressant à elles en anglais “Would you be kind enough as to leave us ladies? My friend and I haven’t seen each other for a long time.” Si la phrase est interrogative, elle ne laisse aucune place au refus ce que les deux inconnues semblent comprendre en partant sans demander leur reste. Une fois seuls, il croise ses jambes, penche la tête. “It all depends, I seem to recall my tastes were quite to your liking.”

Soudain, Mikhail ne compte plus les heures, les minutes et les secondes. Ephraim a su piquer son intérêt comme autrefois, et il a l’impression d’avoir enfin trouvé ce qu’il était venu chercher en premier lieu. De quoi passer le temps, de quoi l’égayer, de quoi l’éclairer. Peut-être un peu plus.

Ephraim se souvient précisément de sa dernière partie d'échecs face à Mikhail, et surtout du sentiment de frustration qu'elle avait réveillé en lui aussi soudainement que brusquement. Ce n'était pas sa première défaite. Mikhail était, et doit encore être, un joueur bien plus expérimenté que lui, mais elle avait été cuisante tant elle avait été surprenante, lui tombant dessus inopinément sans qu'il n'ait rien pu voir. Son roi coincé par un fou et quelques vulgaires pions - et le regard acier de Mikhail n'avait rien arrangé, pas exalté et triomphal que vaguement amusé.

Il était parti sans un au revoir ni signe avant-coureur, comme d'habitude - après tout, il ne s'était engagé à rien avec lui, et ne lui avait rien promis. Mikhail avait été destiné à devenir un souvenir poussiéreux, agréable mais bien vite relégué au fin fond de son esprit. Il s'était surpris lui-même en lui faisant parvenir une dernière missive, depuis l'Office des Portoloins de Moscou en attendant le début de son embarquement pour Cuba: à la place d'une lettre, il lui avait simplement envoyé une copie inégale et maladroite de la pièce-clé de son jeu favori, un roi asymmétrique et serti d'une rune de protection à son intention.

Ephraim pense qu'elle a fini par prendre la poussière dans un tiroir oublié, tout comme son souvenir de Mikhail. La pensée qu'une partie de lui existe encore dans le palais des Strugatsky lui est bizarrement agréable. “Good evening Ephraim. What a pleasant surprise.” Cela fait bien longtemps qu'il n'a pas pratiqué son russe déjà bégayant, et Ephraim cille un peu. Il ne jette pas un regard au vigile qui lui ouvre le passage et s'avance, raide et droit comme un notaire, laissant ses yeux clairs se balader dans la pièce avant de revenir se ficher dans le regard métallique du tsar. “It has been a while.” Ephraim essaye de lire, dans sa voix, une amertume ou une mélancolie quelconque, mais n'y arrive pas. C'est sans doute pour ça qu'il apprécie Mikhail, et pour ça aussi qu'il est un formidable joueur d'échecs: il est aussi difficile à lire qu'à cerner, et parvient souvent à le surprend. “Would you be kind enough as to leave us ladies? My friend and I haven’t seen each other for a long time.” La conversation revient à l'anglais, à son grand soulagement, et les yeux d'Ephraim coulent vers ses deux compagnes et leurs visages tant déçus que choqués, avant de revenir sur Mikhail. "I didn't mean to interrupt," offre-t-il, en décalage, au prince russe, un mensonge à travers lequel il verra sans mal.

Ils sont laissés seuls, et Ephraim retient l'envie de fermer sur les deux jeunes femmes l'épais rideau qui pourrait les séparer du reste de la fête et à la place reste là, raide et immobile, à l'étudier lentement et à noter les différences visibles à même sa peau, par rapport à la dernière fois qu'il l'a vu, souriant derrière son échiquier. “It all depends, I seem to recall my tastes were quite to your liking. - They were. Somehow." Ephraim se tourne lentement en faisant un pas sur le côté, arrêtant de bloquer la vue de Mikhail sur le reste de la fête; il se retourne et trouve sans surprise les deux jeunes femmes éconduites, de l'autre côté de la corde cette fois, semblant hésiter quant à qui se coller maintenant qu'elles ont été repoussées, et jetant même quelques regards tant curieux qu'incompréhensifs dans leur direction. "I almost had a fright and thought that you had reverted back to your old ways." Ses yeux caressent, sans passion, le corps des deux jeunes femmes avant de revenir vers Mikhail.

Lentement, le reste de son corps se met en marche, et il produit de son étui et de sa main gauche sa baguette, qui apparaît dans un froissement de cape. Les rideaux sont tirés et les sons de la soirée organisée par Zabini sont ténus, presque assourdis - Ephraim entend quelques basses vibrantes, des rires scintillants, mais rien du vacarme presque distrayant précédent. "I am relieved, however, because I was expecting to spend a very boring evening." Que ce soit lorsqu'il parle, l'embrasse, le baise ou le défie aux échecs, Mikhail n'a jamais été ennuyeux, au contraire. La baguette disparaît et Ephraim s'approche, s'assied face à lui sur la banquette. "What are we celebrating?" demande-t-il après avoir fait l'inventaire des nombreuses bouteilles sur la table les séparant, ses yeux revenant rapidement à ceux de Mikhail, attirés comme par un aimant.

TW : past internalized homophobia

Quand on est un Strugatsky, il y a certains principes que l'on apprend très jeunes ; l'argent attire les gens comme les flammes attisent la curiosité du papillon de nuit, on ne peut faire confiance aisément sans prendre le risque de se brûler les ailes et plus que tout, il y a ce que l'on montre et ce que l'on est. Mikhail avait fait siens ces préceptes depuis bien des années, il s'était fait un manteau de précautions, couches sur couches pour maquiller des années de répressions. Son éducation religieuse avait laissé des stigmates indélébiles dans sa psyché et longtemps il avait haï cette part de lui qu'il jugeait anormale. Se repentant de ses pensées impures, cherchant l’absolution dans la froideur de l’Eglise, dans le silence de leur Dieu.

Puis, Ephraim était entré dans sa vie, une tempête emportant sur son passage toutes les notions qu’il pensait vérités inaltérables. Renversant sur son passage des années de croyances infondées. Parfois, Mikhail se disait que cet élan aurait pu venir de n’importe qui. Souvent, il savait que tel n’était pas le cas. And then he was gone, in the blink of an eye ; the rain after rays of sunlight. Leaving him with a craving he hadn’t felt before and swear to never feel again. Comme tout ce qui était dérangeant, décalé, inconvenant, le sorcier avait enfoui ses pensées derrière une des portes qu’il rencontrait en songe alors qu’il avançait dans un couloir, sans jamais pouvoir les ouvrir, et il s’était plongé dans les tâches qui l’incombaient en tant que futur héritier d’un Empire immense aux bras tentaculaires. Of Ephraim, remained only fleeting memories and the dear piece of woods he hadn’t had the heart to toss away. He would never see him again and that was that.

Pourtant, il est là, sous ses yeux éthérés. Se déplace dans la petite pièce comme s’il en était le propriétaire, et le sorcier  lui parle, de cette voix rauque que Misha avait cru oublier. Tout lui revient par vagues éloignées, rendues floues par des années consacrées à d’autres activités, de nouvelles rencontres, d’autres départs. "I didn't mean to interrupt," "You didn't." il les a déjà remisées au passé ces deux femmes sans saveur qui appartiennent à un genre qui n’a jamais eu sa préférence même alors qu’il se persuadait du contraire. "I almost had a fright and thought that you had reverted back to your old ways." Un son grave à mi-chemin entre le rire et le hoquet presque outré s’échappe de sa gorge, se plante dans l’air entre les deux hommes et disparaît en laissant sur son sillage la plus simple des vérités ; avec ou sans lui, Mikhail ne reviendrait plus en arrière et s’il avait bien conscience des limites de la société, il n’accepterait plus de se mentir à lui-même quand il avait déjà tant à dissimuler au reste du monde.

De ses yeux incisifs, l’homme d’affaires fixe chacun des gestes d’Ephraim, les inscrit et les compare avec de vagues images d’un autrefois, n’était-il pas droitier ? Ses yeux surtout lui paraissent avoir changé plus que tout le reste et les prunelles ne mentent jamais. D’un geste, les rideaux tombent les isolant irrémédiablement du reste de la soirée, les enfermant dans un cocon où les bruits sont étouffés et où il n’y a plus qu’Ephraim et Mikhail, Mikhail et Ephraim. "I am relieved, however, because I was expecting to spend a very boring evening." “We wouldn’t want that.” Se disant, il s’assied en face de lui, et lui se détend inconsciemment, ses épaules s’affaissent doucement en un soupir invisible ; il sait ne pas avoir à affecter l’intérêt ou la curiosité quand celles-ci s’emballent déjà tout contre son torse. “We’re celebrating my first night of freedom. Since the last time we saw each other, there was some .. changes in my life. It has taken a lot of my time, but even the most busy men need a night of leasure occasionally.” And still is, n’ajoute pas Mikhail, c’est tout ce qu’il dire sur le sujet. L’homme est secret, les affaires sont les affaires et les oreilles traînent même lorsque l’on se croit à l’abris des regards. “Were you here with someone? I hope I’m not taking you away.” Au fond, il espère que si, qu’Ephraim a choisi de le rejoindre lui plutôt que quelqu’un d’autre. Mais, il y a des idées que l’on garde pour soi, que l’on n’ose pas même penser. Mikhail lui sert un verre, le lui tend et laisse ses doigts glisser lentement et délibérément contre ceux d’Ephraim quand il s’en saisit. “What about you dear friend,” un écho ironique de l’appellation mensongère utilisée pour éloigner les intrigantes. “Would you whisper me your tale?”

Ephraim observe Mikhail avec une attention particulière et presque chirurgicale tant il s'attarde sur chaque détail, laisse son regard glisser sur chaque aspérité du visage de Mikhail, le redécouvrant avec une satisfaction certaine. Quelques années ont passé, quelques poussières pour une existence de sorcier, et il est toujours fidèle à lui-même, avec son regard clair et ses traits égaux, droits. Ephraim les connait par coeur, ces traits, l'ayant déjà observé à de maintes reprises à Moscou et croqué, une ou deux fois, parmi ses nombreux carnets de recherche et journaux de bord.

Si en apparence il n'a pas changé, Ephraim a vit appris que tout se passait en profondeur chez Mikhail, derrière ses yeux clairs et son visage impassible. C'est ça, d'abord, qui l'a attiré chez lui. “We’re celebrating my first night of freedom. Since the last time we saw each other, there was some .. changes in my life. It has taken a lot of my time, but even the most busy men need a night of leasure occasionally.” Ephraim écoute attentivement, et penche légèrement la tête sur le côté en entendant cette mention de ces changements. Il ignore ce qui a pu se passer, n'a pas gardé un oeil sur les affaires des Strugatsky ou du beau monde au sang-pur de manière générale, mais ne lui ferait pas l'affront de parler de quelque chose qui pourrait le contrarier, pas si il est là pour s'amuser. "I'd say that the busiest men are the most entitled to leisure indeed," répond-t-il dans un souffle, en hochant la tête.

“Were you here with someone? I hope I’m not taking you away.” Cela lui semble un peu insincère, et hisse un léger sourire sur ses lèvres - décalé et crispé, comme si il n'était pas trop sûr de savoir ce qu'il faisait là. "I was supposed to meet a friend but he was late," offre Ephraim comme explication de sa venue. Il n'en dit pas plus: Mikhail saura qu'il n'est pas du genre à s'attarder et à laisser son temps être gâché impunément. Heureusement, il n'en a jamais fait les frais - sa ponctualité, une qualité appréciable pour Ephraim.

Il observe Mikhail se pencher et lui offrir un verre, qu'il prend, son sourire s'approfondissant désagréablement sur ses lèvres en sentant ses doigts effleurer les siens. “What about you dear friend. Would you whisper me your tale?” Cette fois, le sourire prend une teinte vaguement sincère et il s'approche un peu sur la banquette avant de la tapoter à côté de lui, entre eux. "Of course, but only if you dare come closer. You won't hear my whispers otherwise." Rien qu'à mentionner, même légèrement, cette magique étrangère et illusoire qu'il a pu observer, une fois ou deux, de ses propres yeux, Ephraim sent un frisson d'adrénaline lui parcourir l'échine. L'érudition tranquille de Mikhail, ses multiples talents et ses connaissances inédites l'ont attiré comme un papillon à une source de lumière, lorsqu'ils se sont rencontrés.

Ephraim se penche légèrement vers lui lorsqu'il s'est rapproché, son souffle s'échouant sur son épaule et son cou lorsqu'il parle à mi-voix, dans un murmure rauque qui, il le sait, fera son effet sur le prince russe. "There have been many changes in my life as of late, good ones for the most part I believe. You will be happy to hear that our long conversations and debates have helped me in my research and my work, and that I have accomplished something that no man has ever accomplished before me." Il n'a jamais précisé à Mikhail la nature exacte de ses recherches - un sujet réservé à ses connaissances considérées de confiance, et généralement instruites en alchimie elles aussi - mais qu'importe, lui-même pourra entendre la chaleur bienvenue et rare dans la voix d'Ephraim lorsqu'il en parle. Sa fierté d'avoir accompli son oeuvre est énorme, en deviendrai presque de l'orgueil. "One day, my tale will be sung instead of whispered, and you will be proud to have known me before fame." Cette fois, quand il se recule, brille dans ses yeux une lueur d'amusement - il est difficile de savoir si il souhaite réellement un tel avenir ou si il ne fait que présenter. Confronté de plus près au regard de Mikhail, Ephraim s'y abîme un peu avant de reprendre, soufflant cette fois contre son visage: "there have been other changes, too, but to let you find out about those, I would need to undress." Il apporte son verre à ses lèvres, les entr'ouvre pour laisser l'alcool glacé et brûlant à la fois glisser dans sa bouche et sa gorge. "And I wouldn't want to be inappropriate," ment-il en reposant le verre sur la table devant eux.

Il y a des personnes qu'il a vu la veille et dont Mikhail peine à se souvenir le lendemain, il y a des ombres qui passent en ne laissant qu'une vague impression fugace, il les oublie aussitôt qu'elles disparaissent de son champs de vision, they're just passing shadows he'll never see again, they're walking and laughing living their life to the fullest, he's watching and thinking, filling the void in his chest. Il y a les autres qui ne méritent pas plus que des miettes de son attention occupée à des sujets plus sensibles et délicats. Il y a Ephraim, qu'il n'a pas vu depuis des années mais dont la silhouette énigmatique est restée gravée dans son esprit à l'instar des poèmes qu'il chuchote pour tisser ses illusions oniriques.

Ce n'est pas tant son physique que tout le reste qui s'est insinué dans son auguste chair, une compréhension mutuelle qui résonne aujourd'hui encore. La ponctualité est une marque de respect d'autant plus lorsque chaque grain de temps est d'une inestimable importance. L'intelligence, un talent qu'il faut prendre grand soin de cultiver. Pas d'attache, pas d'accroche, aucune promesse. Pour quelqu'un dont toutes les relations sont plus que jamais souillées de serments inviolables, il y a dans ce lien invisible et prompt à rompre du jour au lendemain une vertigineuse sensation indescriptible qui le tenait en haleine alors, et refait surface aujourd'hui. Il est des sensations plus grisantes que toutes les boissons posées sur la table n'aurait pu lui apporter. "Of course, but only if you dare come closer. You won't hear my whispers otherwise." La pointe de challenge dans la voix d'Ephraim n'échappe pas à Mikhail, pas plus que le pétillement dans les prunelles claires de l'alchimiste. Il s'avance presque malgré lui, lui tend son oreille et dévoile du même temps un peu plus son cou et sa mâchoire recouverte de sa barbe de quelques jours qu'il n'a pas pris le temps de raser, mais qu'il taille assidûment.

Des frissons le parcourt lorsque le souffle chaud d'Ephraim se répand sur sa peau. Les dernières caresses partagées avec quelqu'un remonte maintenant à plusieurs mois alors qu'il se faisait Icône plutôt qu'homme. Mikhail fermerait ses yeux afin de mieux ressentir les délices aériens de sa voix, s'ils n'étaient pas attirés vers le visage de son ancien amant. De ses yeux à la courbe de ses lippes qui se meuvent pour lui raconter son histoire, on ne dit que rarement non aux requêtes de l'héritier. "There have been many changes in my life as of late, good ones for the most part I believe. You will be happy to hear that our long conversations and debates have helped me in my research and my work, and that I have accomplished something that no man has ever accomplished before me." Son attention se porte pourtant facilement sur ses paroles, et il l'écoute sans feindre. "Intriguing and interesting." Mikhail se laisse porter par la chaleur dans sa voix, il ne se souvient pas l'avoir un jour connu aussi enthousiaste - le mot est fort - tant est qu'ils se soient réellement connus. Il ne demande aucune précision car selon lui chacun a le droit à son jardin dont il n'ouvre la porte qu'à son rythme, doit en garder la clé jalousement et ne la partager qu'à de rares élus. "One day, my tale will be sung instead of whispered, and you will be proud to have known me before fame." Cette seconde remarque toutefois le surprend, délicieusement. S'il désire tout contrôler lorsqu'il s'agit de son Empire, il a cet impérieux besoin de s'en retrouver presque entièrement dépourvu, de devoir le pourchasser, l'attraper, l'enserrer quand il s'agit du reste. Il croit se souvenir qu'Ephraim avait eu cet effet sur lui autrefois. "I shall wait this day to hear the tale then, in the meantime whispers do have a way of staying in the mind long after they've disappeared."

Ephraim s'approche encore, les sens de Mikhail sont ennivrés de son odeur qu'il pensait avoir oublié mais qui semble - comme tout le reste - lui revenir de plein fouet dans une suave réminiscence. the sent of his body pressed against his, the fragrance of sweat and desire and secrets are lullabies to his ears. "there have been other changes, too, but to let you find out about those, I would need to undress." Les mots le marquent, l'harnache et son sourire en devient féral alors que l'obsidienne remplace langoureusement la tourmaline dans son regard posé sur l'alcool coulant du verre aux lèvres entrouvertes du sorcier.  "And I wouldn't want to be inappropriate," "Perhaps you don't remember, but I can't resist a mystery," Son bras s'avance avec une lenteur délibérée, manque de le toucher avant de se poser contre le dossier de la banquette, à quelques centimètre de son corps qui lui fait entièrement face. Sa voix descend d'un octave, son accent transparaissant d'autant plus que sa concentration est ailleurs. "You can be as inappropriate as you wish, there's no one here but me. If you dare to, my eyes will watch the tale your lips can't tell." un sourcil délicatement relevé appuie la proposition déposée.

tw: mention of self-harm

Intriguing and interesting - deux mots qui plaisent beaucoup à Ephraim, et qu'il peut aussi utiliser pour parler de Mikhail et de ses yeux clairs, toujours inclinés à fouiller et à décortiquer et à comprendre comme les siens le font aussi. Il y a des similitudes entre eux qu'il apprécie, presque plus que leurs différences. Avec Mikhail, Ephraim n'a pas besoin de prétendre autant qu'avec les autres, et il peut sincèrement dire que le sorcier russe l'intéresse véritablement, et que ce n'est pas simplement par peur de l'ennui qu'il s'est permis de l'interrompre lors de sa soirée. L'intérêt pour les autres d'Ephraim est aussi intense et déterminé qu'éphèmère, et ils sont trop rares à avoir appris à le conserver au-delà d'une date de péremption définie et généralement plutôt proche - Mikhail avec ses talents magiques et son regard observateur en fait partie, et une partie d'Ephraim est content de le retrouver ici et d'ainsi pouvoir renouer une relation qui s'est finie un peu trop tôt même pour son goût à lui.

Le sourire qui s'étire sur les lèvres de Mikhail à sa proposition indécente est toute la preuve dont Ephraim a besoin - lui non plus n'a pas l'air prêt à laisser les relents de leur relation passée s'effacer et disparaître sous leurs yeux. "Perhaps you don't remember, but I can't resist a mystery." Mikhail pose son bras sous la banquette derrière lui, faisant se dresser les cheveux sur la nuque d'Ephraim dont tout sourire a disparu de son visage - un contraste distinct avec l'impatience satisfaite qu'il ressent. "Oh, I remember." Il observe Mikhail et ses yeux sombres, sa voix basse, le russe qui s'y mêle légèrement: "You can be as inappropriate as you wish, there's no one here but me. If you dare to, my eyes will watch the tale your lips can't tell." Ephraim ne s'abaisserait pas à se jeter la tête la première dans un défi si il n'en avait pas véritablement envie et il hoche la yeux. "Very well, Mikhail. Your eyes shall watch, but your hands shall stay." L'offre, en réponse, est insincère - comme toujours. Ephraim aimerait que Mikhail ne puisse pas résister à l'envie de le toucher, de le découvrir, de le posséder.

Il lève lentement sa main gauche pour défaire l'agraphe dorée sur sa clavicule droite, et laisse la cape s'ouvrir, révéler une chemise sobre et sombre en dessous - contrairement à ses frères, Ephraim n'a jamais ressenti aucun intérêt pour la mode, et si il s'aventure parfois dans leurs armoires, il se contente surtout des vêtements les plus basiques pour s'habiller. La cape retombe dans un froissement quand il la repousse, révélant en partie le morceau inhumain attaché à son torse, une main métallique sur le revers de laquelle pulse une magie luisante et dérangeante, au rythme des battements de son coeur. Ses yeux rivés dans ceux de Mikhail, Ephraim commence à défaire les boutons de sa chemise et la retire comme si de rien n'était.

Il fait toujours le même poids - comme toute donnée anatomique à propos de lui ou ses frères, il en prend grand soin - même si il paraît un peu plus émacié qu'avant, rendu chétif par quelques abus de magie passés. L'endroit où métal et peau se rencontrent sur son épaule laisse voir quelques cicatrices qui semblent constamment à vif, profondément ancrées dans la chair - son bras arraché violemment et cruellement par une magie trop grande pour lui. Son remplacement, tout en métal, est détaillé mais incomplet, brillant là où sa peau était blême, et les sangles en cuir qui traversent son torse pour l'accrocher à son épaule sont profondément ancrées dans sa peau, laissée à vif le soir quand il s'en défait.
Sur son flanc, aussi géométrique que si il l'avait fait au compas et à la règle, la scarification précise et profonde d'une cercle alchimique qu'il sent lui aussi pulser sous sa chair, signal d'alarme nécessaire pour ses bouffées de paranoïa et d'angoisse - rares mais violentes, envahissantes.
Ephraim a bien changé, non pas que cela change quoique ce soit pour lui - et il espère qu'il en sera de même pour Mikhail, quoiqu'il ne se fasse autrement pas trop de souci.

Il lève néanmoins la main décharnée, ses doigts crissant légèrement lorsqu'il les déplie en direction de la peau de Mikhail, son menton contre lequel ils glissent lentement, remontant sa mâchoire jusqu'à se caler sous son oreille pour l'amener vers lui. Ephraim se penche, et prend garde à ne pas le toucher sauf pour cette main métallique et inhumaine - et pourtant, il sent vibrer son visage près du sien, son souffle sur son cou, sa chaleur si proche de la sienne, alors qu'il lâche dans le creux de son oreille: "don't fret, Mikhail: my feet are intact and I can still wear a heel."

La conversation prend une tournure voluptueuse. Dès que la possibilité d'un effeuillage s'est échappée des lippes d'Ephraim, Mikhail en a perdu le souffle à défaut de perdre la raison. "Very well, Mikhail. Your eyes shall watch, but your hands shall stay." Sa main qui justement s'accroche inconsciemment au velours de la banquette où elle est venue s'échouer. Il opine du chef, obtempère lui qui n'aime pas recevoir des ordres, ne fait même pas mine de protester alors qu'il aspire ardemment à voir ce qui se dissimule sous les couches de vêtements. Avide de tout ce qui se masque à l'abri des regards indiscrets, friands des secrets que renferment la peau d'Ephraim autant que son esprit afûté.

Ses iris assombries par ce savant mélange de curiosité et de désir brut suivent les mouvements lents d'Ephraim, tous ses sens sont en éveil, les bruits de la cape tombant au sol en un froissement semblable aux ailes d'une colombe prenant son envol, chaque centimètre de sa peau qu'il entrevoit sous le tissu et, son regard qui se pose sur une main faite non plus de chair mais de fer. Ses yeux s'agrandissent devant le merveilleux spectacle, la pulsation régulière et lumineuse qui s'en dégage, dans un souffle il murmure révérencieux "It's magnificent". Les questions s'emballent dans sa tête au rythme des battements de son myocarde. Le silence domine, alors que ses prunelles glacées fondent en contemplant chaque détail, des doigts métalliques, elles remontent vers le poignet artificiel, le reste du bras, son épaule, le mécanisme attaché par des sangles entourant son corps pour finir par se déposer finalement sur la rune à même la chair. Ephraim is a piece of art he would very much like to discover again and again. To possess and caress. he wants to touch him. He does not. Sa bouche est béate d'admiration sous l'impassabilité feinte qui s'effrite. He always had that effect on him.

C'est Ephraim qui rompt la distance, le contact froid du métal sur sa chair crée un brasier incandescent dans ses entrailles. "don't fret, Mikhail: my feet are intact and I can still wear a heel." Un sourire délicat et intime éclot sur ses lippes aux souvenirs de son désir le plus tabou partagé qu'avec lui. Il y a une boîte ornementée qui porte le nom de ses hontes et de ses convoitises interdites, une boîte de Pandore ouverte un soir par Ephraim, libérant les tourbillons sensuels d'années de répression. Un coffre refermé avec son départ soudain dont Mikhail n'aurait pas songé retrouver la clé un jour. Sa main serrée sur sa cuisse se soulève lentement, et se dépose sur le métal, ses yeux ne peuvent se fermer, se détacher du spectacle qui lui est offert sur un plateau. C'est avec ses doigts qu'il détaille maintenant les aspérités de son bras. Dans un souffle "Do you have sensations? How does it work? Can you feel me?" La curiosité est un vilain défaut dont il se fait un plaisir de profiter en toute impunité. Ses doigts remontent le long de son bras jusqu'à l'épaule abimée - toute aussi sublime que le reste de son corps. Les cicatrices infligées, les marques à même la chair sont des peintures qu'il souhaite esquisser with his fingers, with his lips, with his tongue. Après la vue éblouissante de ce fantôme du passé, après les odeurs ennivrantes des réminiscences d'autrefois, après les sons décuplées par son attention infinie viennent les caresses oubbliées, secrètes, des murmures peau contre peau. Frisson contre frisson.

Mikhail se mord les lèvres en détachant son regard à regret pour accrocher celui d'Ephraim, et d'une voix faussement honteuse, dans un souffle chaud et difficilement contenu, alors qu'ils sont à quelques centimètres de se rencontrer pour la première fois depuis plusieurs années, il chuchote. "I disobeyed, it appears my hands couldn't stay away from you." et comme pour confirmer, l'autre main délaisse la banquette pour se poser tout contre la mâchoire de l'alchimiste, un miroir parfait, une image imparfaite. Il s'avance encore, rompt la distance "Nor can my lips it seems." Ses lippes qui frôlent les siennes avant de descendre jusqu'à la jonction de son cou, juste à côté de la frontière entre humanité et transcendance et y dépose un baiser invisible, à peine plus qu'un soupir, à peine plus qu'une confession.

Mikhail se perd dans les odeurs de sa peau, dans la chaleur de sa peau, Mikhail perd ses repère et au milieu du noir calfeutré ne trouve qu'Ephraim et les merveilles qu'il renferme jalousement sur son épiderme et à l'intérieur de son corps.

tw: mention of self-harm

Les yeux de Mikhail le détaillent mais, surtout, les yeux de Mikhail le voient. Ils le voient comme Ephraim se voit: quelque chose de particulier et de magnifique, de puissant et de tout simplement beau. Que ce soit la sauvagerie des cicatrices entourant ce qui lui reste de bras, ou la délicatesse géométrique des plaies magiques qu'il s'est faites lui-même, il trouve dans son reflet un certain réconfort qu'il sait qu'il ne peut pas partager avec tout le monde... ou quiconque. Même si Ephraim ne ressent pas de honte ou d'embarras à l'idée d'être vu, il sait aussi que montrer même à ses frères les profondes cicatrices à même sa peau entraînerait des questions désagréables et aux réponses insatisfaisantes pour eux. Il adore ses frères, mais ils ne l'ont jamais compris - qu'importe, pour Ephraim, qui de toutes façons ne voudrait pas les tourmenter avec des choses qui, honnêtement, les dépassent.

Pas Mikhail - jamais Mikhail. Ephraim ne regrette pas son départ de Moscou, qui était nécessaire, mais même lui ne peut pas nier qu'il aurait été déçu de ne plus jamais revoir le prince russe. Cette pensée est déstabilisante, surtout quand Ephraim étudie avec intérêt le léger sourire qui apparaît sur les lèvres de l'homme face à lui à la mention des fameux talons scandaleux - un secret qui a beaucoup amusé Ephraim, à l'époque, bien enclin à exaucer tous les voeux et désirs de Mikhail sans pour autant s'empêcher de le moquer légèrement.

Les yeux d'Ephraim se plissent mais il n'essaye pas de se dégager quand la main de Mikhail se lève et se pose sur le métal ouvrage qui constitute désormais son bras. "Do you have sensations? How does it work? Can you feel me?" Ephraim regarde les doigts remonter le long du matériau étranger et inhumain, ses yeux revenant au visage de Mikhail - les yeux pâles de celui-ci sont vissés sur sa prothèse et Ephraim ne se gêne pas pour le dévisager avec toute l'avidité dont il sait faire preuve. "No," répond-t-il, concis comme toujours. "It's a mixture of alchemy and runes. Its maker is a formidable woman." Mikhail sait, bien entendu, qu'il lésine souvent sur les compliments et à vrai dire, dans la bouche d'Ephraim, ce dernier y ressemble à peine: à la place, il semble presque agacé à la perspective d'avoir laissé sa prothèse être faite par un alchimiste presque (ou plus?) aussi talentueux que lui.

Les doigts de Mikhail remontent jusqu'à son épaule, sa peau, et Ephraim sent ses cheveux se dresser sur sa nuque alors qu'un frisson infime lui dévale l'échine en réponse. Les mains du russe ont une qualité difficile à retrouver ailleurs: elles sont fortes et adroites, dotées de cals légers mais remarquables, appréciables contre sa peau. Ephraim, comme toujours, n'en montre rien, ses yeux aussi curieux et distants que d'habitude quand les pupilles de Mikhail se perdent dans les siennes. Il étudie avec une léger satisfasction le pincement de ses lèvres, le dévisage alors qu'il est si proche (et si loin, semblerait-il). "I disobeyed, it appears my hands couldn't stay away from you." Son autre main se pose sur sa mâchoire, et Ephraim reste immobile malgré le frisson qui se glisse de nouveau sous sa peau. Le russe s'approche et Ephraim reste silencieux. "Nor can my lips it seems." Ephraim entr'ouvre les lèvres pour accueillir celles de Mikhail et réprime un bruit de mécontentement quand, à la place, le Strugatsky vient déposer l'empreinte fantômatique d'un baiser sur son épaule.

Un sourire, léger mais sincère, vient éclairer le visage d'Ephraim là où personne ne peut le voir - ni les gardes séparés d'eux par les épais rideaux, ni Mikhail dont le visage est toujours proche de son cou et de son épaule. Ephraim distribue toujours ses sourires aux autres avec parcimonie, les étirant et les composant parfois à grand mal, quoique sans maladresse: avec le temps, il a appris à les construire pour rassurer les gens autour du lui ou, du moins, ne pas les interloquer. Il a étudié pendant des heures les sourires solaires de Django, les rictus crispés d'Ariel, les lèvres pincées de Benyamin, les risettes timides de Caleb pour arriver à un résultat presque parfait.

En cet instant précis, pas besoin de se forcer. Ça n'arrive que rarement. Étrange sensation.

Ephraim garde ce secret pour lui, laissant lentement sa main faite de chair se poser sur la cuisse de Mikhail près de son genou avant de remonter le long de sa jambe jusqu'à son torse. Elle vient elle aussi trouver son épaule, son cou, glisser dans sa nuque et dans ses cheveux, parmi ses boucles brunes coupées court. "Let's put your lips to better use, then," demande-t-il d'une voix ombragée d'un désir soudain et violent, ses doigts se resserrant légèrement dans les cheveux de Mikhail pour lui faire remonter le visage vers lui. Ephraim l'embrasse avec impatience, une sensation de brûlure se répandant dans son torse et dans ses veines, un venin délicieux et inédit, si rare qu'il en est presque étourdissant. La bouche de Mikhael est familière et nouvelle à la fois, et Ephraim la redécouvre avec zèle, laissant sa langue redessiner sa lèvre inférieure lentement avant de se glisser dans leur échange. Sa main se détend à l'arrière de son crâne et glisse sur son épaule puis sur son torse.

Il le repousse un peu brusquement en se détachant du baiser, le poussant ensuite contre le dossier de la banquette. Dans un même mouvement, et sans l'ombre d'une hésitation, Ephraim prend place sur ses jambes et retourne l'embrasser, laissant sa main chaude et sa main froide glisser dans l'encolure de la chemise onéreuse de Mikhail, explorer la peau nue en dessous. "At least you're not out of practice," lâche-t-il contre ses lèvres, se détachant à peine pour plonger son regard pâle dans le sien. Ephraim prétend regarder par-dessus son épaule, vers les rideaux encore tirés et la silhouette des gardes derrière, la fête qui bat toujours son plein, avant de nouveau poser ses yeux sur Mikhail. Avec un certain plaisir, il peut imaginer les deux jolies filles mises à la porte se demander ce qu'il se passe à l'intérieur de l'alcôve sans pouvoir seulement imaginer la scène. "Your first night of freedom, Mikhail..." La main métallique monte lentement vers le visage de Mikhail, redessine sa mâchoire et sa joue, le bout de ses doigts froids étrangement doux et attentionné. "How would you like to spend it?" Ephraim n'a jamais été qu'un amant attentif et désireux de plaire - surtout face à ce regard bleu pâle mordu de noir.

TW : sexy - praise kink
"How unfortunate" s'entend-il répondre de loin en apprenant qu'aucune sensation n'est perçue par l'alchimiste sur son bras si astucieusement ouvragé. Il oublie bien vite cependant cette déception tout ennivré dans l'odeur qui s'échappe en effluve sensuelle du cou d'Ephraim contre lesquelles reposent maintenant ses lippes. Il a la même odeur entêtante qu'autrefois, un mélange de sa magie, de son savon et de quelque chose d'indéfinissable mais d'entièrement lui, Eph-r-aim. Comme son prénom est doux chuchoté dans sa tête, comme il est porteur de promesses à peine concevables.

La main du brun glisse sur sa jambe, sur son torse, dans son cou, s'accroche à ses cheveux et laisse à chaque fois dans son sillage une marque indélébile plus brûlante que la flamme d'une bougie, plus incandescente que le feu d'une cheminée. Mikhail n'a pas le temps de s'en délecter que la voix d'Ephraim le transperce par son ton, par ses mots, suivie de près par la main qui le force à relever la tête, et les lippes qui rencontrent les siennes. C'est tout ce qu'il faut pour qu'un gémissement s'échappe de sa gorge, se mêle à la bouche du brun, étouffée par la langue qui rencontre la sienne dans une balade enfiévrée. Leurs corps dansent, leurs âmes s'entremêlent. There is a fire with his name, he's hypnotized by the twirl of their desire, everything else is forsaken for this brief moment of respite . Il répond à la violence de l'échange sans concession, et dans un coin de son esprit se demande vaguement comment il a pu passer autant d'années sans s'abreuver de ses baisers, sans s'oublier dans ses caresses ; ses mains sont partout et nulle part à la fois, sur ses bras, sur ses épaules, avant de se poser sur son dos où il sent la tension de ses muscles, la courbure de sa colonne, il ajoute à sa collection de souvenirs les nouveaux contours de sa peau qu'il découvre avidement, inlassablement.

Ephraim le repousse en arrière et son dos cogne contre la banquette, sa tête se soulevant et laissant entrevoir une pomme d'Adan bien définie et les clavicules qui apparaissent sous sa chemise. De leur propre volonté, ses mains accueillent le corps qui l'encercle, elles se posent sur ses hanches et le maintiennent contre lui - comme s'il pouvait disparaître à tout moment, comme s'il n'était qu'un mirage en plein coeur du désert aride qu'était sa vie intime jusqu'à ces surprenantes retrouvailles. Son bassin se soulève instinctivement recherchant une rencontre, une friction, un apaisement de tous ses sens qui s'enflamment et se mélangent dans son esprit éteint. The verb to crave has never held more meaning than in this instant, Misha is already a mess and they have only kissed, how laughable. "At least you're not out of practice," Ses joues rosissent sous le compliment, qui ne fait qu'entretenir le brasier rugissant dans son ventre. Son regard suit le moindre mouvement d'Ephraim, revient sans cesse à ses lippes dont il sent encore la présence sur les siennes. C'est à la fois nouveau et ancien, comme relire un livre qu'on avait prit tant plaisir à découvrir mais que l'on aperçoit sur un nouveau jour. Que l'on reconnaît d'une certaine façon sans toutefois se souvenir de tous ces détails qui disparaissent avec le temps. He's new and ancient and everything like before and completly different at the same time.

Les doigts métalliquent retrouvent la peau de son visage, la question d'Ephraim ouvrant des chemins dans l'esprit du russe, son visage se tourne et ses lèvres se posent sur l'un des doigts glacés, y déposent une caresse fugace, s'entrouvent pour l'attraper, joueuses et fripponent. L'obsidienne ayant maintenant complètement remplacée l'azur de son regard, il murmure contre le doigt d'une voix rauque, dans un soupir qu'il ne cherche plus à contenir. "So many possibilities....With you. Doing this and whatever you'll accept of me." Ses yeux se ferment, son front rencontre le sien, avant qu'il n'abandonne à regret les hanches de l'homme pour enlever d'un geste sa chemise de soie et que leurs torses se trouvent comme l'ont fait leurs yeux, puis leurs mains, puis leurs lippes. Le frottement des sangles en cuir contre sa peau dénudée est un parfait contraste avec la douceur de sa peau. Mais il n'y a rien de doux dans leur échange, ils ne sont pas ainsi fait, ni lorsque ses doigts retrouvent le dos d'Ephraim pour s'enfoncer à la jonction de ses omoplates, ni lorsque ses lèvres retrouvent son cou pour y déposer des baisers avec sa langue, avec ses dents et qu'il murmure, "блядь" contre sa peau, alors qu'une de ses mains descend le long du dos de l'achimiste jusqu'à l'endroit où se rencontrent peau et tissu et qu'une litanie révérencieuse quitte sa gorge et le confort de ses pensées "I want to see you, and touch you, and god I want to feel you... Here or somewhere else, I don't care" C'est presque plus qu'il n'en faut pour qu'il le supplie, qu'un please s'échappe de ses lèvres envoyant valser la fierté légendaire dûe à son rang, à son élévation, à son nom.

he's all desire and needs et bien d'autres choses qui ne peuvent être décrites par les mots. Bien d'autres choses qui perdraient de leur substance s'il cherchait simplement à les dire.