"Qu'est-ce que ça fait là, ça..." Nils était en train de compter les taches sur le carrelage de la salle de pause de son service à Ste-Mungo. Il fouillait dans sa poche pour en extirper son carnet de notes, afin d'y ajouter une entrée. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas fait un crochet à l'hôpital, et il voulait vérifier la dernière date de son passage. Ces derniers temps, il passait la majorité de ses journées (et de ses nuits) (merci les vampires) dans les sales pattes de la Values Brigade.
Il venait tout juste de se tirer d'un échange de banalités avec ses collègues médicomages qui ne l'avaient pas vu depuis longtemps. Il était très mauvais à cet exercice, aussi, il avait eu besoin de se détendre en se mettant à compter les taches sur le carrelage de la salle de pause.
Dans la poche intérieure de son manteau, en plus de son carnet, ses doigts avaient heurté un second objet, compact : le téléphone portable moldu dont il se servait pour communiquer avec son frère.

Il a l'impression que tout son sang s'écrase et se fige dans ses veines. Il n'avait aucune idée de comment le cellulaire avait atterri dans sa poche. Il avait dû machinalement l'y glisser, après un échange succinct de messages avec son jumeau. Cet inattention lui arrache un frisson d'horreur, lui qui détestait perdre le contrôle de son train-train quotidien. En même temps, ce simple écart pouvait lui coûter très cher.
La main fermement posée sur sa poche, Nils reprend sa respiration. Un. Deux. Trois. Personne ne lui demandait jamais de vider ses poches. Quatre. Cinq. Six. Sept. il n'avait pas à s'en faire...

Tout au long de la journée, il n'a pu se défaire de la sensation gênante qu'un poids pesait sur sa poitrine, là où le téléphone se trouvait. Le modèle avait beau ne pas être plus large que la paume de sa main, Nils le sentait peser comme une brique, et à chaque inspiration, sa poitrine se gonflait et s'écrasait contre le téléphone qui semblait s'alourdir toujours plus.
Si de temps à autre, il caressait pensivement le col de sa veste, pour s'assurer que le téléphone ne s'était pas miraculeusement téléporté sur son bureau ou en plein milieu de la cafétéria, Nils n'a rien laissé paraître pendant ses heures de travail. Il sait y faire, à n'en pas douter. D'un naturel distant, de base, il n'a pas semblé particulièrement plus désagréable que d'habitude, répondant succinctement et avec désintérêt aux questions de ses collègues à propos de ses plans pour le week-end ou sur le déroulement de ses fiançailles.

Il n'a pas non plus bronché plus que de raison, quand il a dû faire le pied de grue dans la salle d'attente, parce que son patient suivant n'était pas résolu à se pointer à l'heure... voire même pas du tout... La réceptionniste lui a répété à plusieurs reprises qu'il pouvait retourner à son bureau, qu'elle ferait suivre l'information, si jamais le patient finissait par arriver. Mais, Nils, infoutu de lâcher prise, surtout quand ça décalait absolument tout son emploi du temps pour le reste de la journée, s'est entêté, faisant les cent pas dans la salle qui se remplissait et se vidait aléatoirement.

En début de soirée, il n'y avait plus grand monde. La dame à l'accueil était repartie depuis belle lurette faire sa vie, laissant ce drôle d'oiseau poireauter tout seul. Enfin, pas entièrement tout seul, puisqu'actuellement, le seul autre occupant de la salle d'attente était ce type, là, Victor- Hector Rowle. Grosse famille, gros compte en banque, et un abonnement fidélité à Ste-Mungo, au vu de la liste interminable de problèmes de santé qu'il semblait se traîner derrière lui, comme si ça allait l'aider à expliquer tous ses échecs dans la vie.
Debout dans un coin de la pièce, Nils se force à ne pas croiser son regard, au risque de devoir entamer la conversation, et il fixait avec intensité les anciens numéros de la Gazette du sorcier qui s'entassaient sur la table basse, essayant de compter le nombre de feuillets.

Il est si concentré qu'il ne remarque pas tout de suite les vibrations du téléphone dans sa poche, aussitôt couplé d'une sonnerie par défaut. Tout son corps se tend, lorsqu'il réalise ce qui est en train de se passer. Il abat le plat de sa main sur sa poitrine, dans un geste vain, puisqu'en aucun cas ça n'allait stopper l'appel entrant... Les vibrations se propagent tout le long de son bras engourdi. Au travers du tissu, il essaye de comprimer au hasard les touches, dans l'espoir d'arrêter la sonnerie. Enfin, quand elle finit par s'arrêter, Nils se retourne lentement vers Hector, les sourcils arqués, la mâchoire crispée, espérant vainement que l'autre homme n'ait rien entendu...

Août 2007
Cell
Il faut sauter dans le désastre à pieds joints.

Non.
Non pas ça.
Ça sonne mais ça vient pas de sa poche vide, ça sonne et pourtant c'est pas lui mais c'est moldu, parce que ça vibre, et qu'en magie on ne fait pas dans les vibrations, ni dans le plastique, ni dans le cellulaire - plus globalement entre gens de bonne famille sorcière on ne fait pas dans la trahison.
Hector était pas venu pour ça.
Il veut pas savoir.
Le fils Fitzroy est dos à lui, et lui aussi, il ne veut pas savoir que lui sait, mais c'est trop tard pas vrai ?

Une journée à attendre, trainer, passer de salle d'attente en salle d'attente et à chaque fois se voir attribuer son petit ticket jusqu'à ce qu'on appelle son nom (en soupirant), le sang-pur ne s'est pas coltiné son calvaire pour en repartir avec un autre, en plus. Il a posé sa journée ! Posée pour ça ? C'est au delà du gâchi, de la déroute, de l'humiliation, c'est sa tension qui chute à chaque tululu~ qui résonne, six secondes, six secondes de ça avant que ça ne parte sur messagerie il aurait préféré qu'on lui trouve un nouveau trou inquiétant dans les cheveux plutôt que ça.
Tout mais pas ça.
Dans la salle d'attente ils sont seuls, faisant d'Hector un complice par défaut. Impossible de rien faire, de rester passif, mais impossible aussi de se lever de sa chaise, il est figé. Nils se retourne après avoir passé deux heures à ignorer Hector qui donnerait tout pour revenir à son statut de plante verte, si cher à son coeur. Si l'un espère qu'il a rien entendu, l'autre espère qu'il ne l'a pas vu. Mais c'est raté.
Concours de visage crispés.
« .. Bonjour.. »
Les résultats de sa précédente examination sont sur le point de se désagréger sur la pulpe de ses doigts lorsqu'il la tend en tremblotant (il les contracte pour tenter d'atténuer, ça marche bof, alors il se lève et ça passe de sa main à ses genoux). Ses yeux font des aller-retours fiévreux entre le Nils et la salle d'examination la plus proche. « Je dois être votre dernier rendez-vous.. docteur.. » Ça commence, Hector se sent pas bien. Une fois les deux dans le petit bureau, fermé, le Rowle se rassoit sur le divan d'examen (l'habitude), essuie sa main sur son pantalon et la tend vers l'autre en disant bas « Passe je.. Je sais comment enlever ça.. » Aucune solidarité, rien, juste la peur que ça recommence une seconde fois et que d'autres entendent. « Par Merlin Nils tu.. Comment.. Ton père sait ça ? » Peut-être que c'est un infiltré, peut-être qu'il peut toujours se rattraper même si jusqu'à présent il avait fait tout l'inverse, et Hector aussi.

".. Bonjour.." Les deux hommes se dévisagent. Nils a les yeux écarquillés, les sourcils sur le point de cisailler son visage en trois. Il cligne une fois des yeux, sans le lâcher du regard. Il ne sait pas trop ce qu'il est en train de faire. De l'extérieur, on dirait qu'il essaye d'intimider Hector, à ceci près qu'aucun des deux n'a vraiment la stature pour intimider qui que ce soit. On ne dirait pas qu'il va lui sauter à la gorge, lui faire avaler tout rond le téléphone coupable. On dirait que Nils attend avec l'impatience d'un enfant à Noël, que Hector se désintègre sur place, qu'il s'Avada tout seul comme un grand, si ses yeux bleus un peu dérangeants n'y parvenaient pas avant lui.
Pourtant, Hector n'a rien fait de mal que de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment ; au même titre que le téléphone de Nils, d'ailleurs. C'est peut-être pour cette raison que Nils semble réfléchir à une manière de faire disparaître les deux à la fois.

Si en cet instant, Nils est tout bonnement incapable de rattraper la situation, prêt à s'y enfoncer jusqu'au nez, comme si c'était la dernière impulsion dont il avait besoin pour tout lâcher et se barrer rejoindre son frère, Hector joue la comédie pour deux, l'entraînant dans un box de consultation. Pendant un flash de secondes, Nils se demande si Hector n'a pas lui aussi l'intention de le faire disparaître. Et puis il se retrouve face à cette voix molle, ces mains moites et cette attitude flasque et il se dit qu'il n'a pas grand chose à craindre, qu'il aurait pu tomber sur pire...
Ceci dit, ça ne rend pas son affaire plus facile à régler. Parce qu'il est infoutu de savoir comment Hector compte le cuisiner, ou bien s'il compte même le cuisiner tout court. Il ne sait pas grand chose du vilain petit canard des Rowle, mis à part que si St-Mungo filait des cartes de fidélité, Hector serait récompensé d'une visite gratos au moins une fois par mois.

"Passe je.. Je sais comment enlever ça.." Nils obéit, comme il l'avait suivi dans le bureau sans même s'en rendre compte, dans un désir vain de se dissocier progressivement de son enveloppe corporelle. Il a un temps d'arrêt, avant d'extirper le téléphone de sa poche, comme si le regarder sous les lumières de St-Mungo semblait irréel. Ses doigts sont tellement crispés autour du portable que Hector doit légèrement forcer pour lui faire lâcher prise, et Nils sent le bout des doigts du Rowle, moites, nerveux. Il lâche prise, dans un soupir consterné ; il n'était plus à une catastrophe près. "Par Merlin Nils tu.. Comment.. Ton père sait ça ?"
Si c'était encore possible, l'échine de Nils se serait rigidifié encore un peu plus. Il cligne des yeux, deux fois, le menton en l'air par mépris, que ce soit pour Hector, ou pour le père mentionné. "A ton avis, Rowle ? Crois-tu qu'Otto Fitzroy serait du genre à me laisser me promener avec un artefact moldu?"
C'est con parce que si Nils n'avait pas voulu faire le malin, il aurait pu inventer un bobard à raconter à Hector. Mais il faut croire que son aversion pour son père est si forte qu'il ne veut pas qu'on imagine qu'il est de mèche avec lui pour quoi que ce soit. A choisir, Nils préférerait même faire équipe avec Hector, c'est dire.

Nils épie les manœuvres de Hector d'un regard en coin, curieux, prenant un appui au bord du déséquilibre sur sa canne. "Et toi? Ta famille tentaculaire est au courant que tu sais mieux y faire avec un téléphone moldu qu'avec... quoi que ce soit d'autre?" singe-t-il, piquant et crachant son piètre venin à mesure qu'il se sent piégé. Il n'avait jamais nourri une grande estime à l'égard de son confrère de piston (il faut dire que Hector Rowle n'inspirait pas grand chose d'autre qu'un vague sentiment de pitié et un froncement du nez dès qu'il se mettait à réciter l'interminable liste de ses soucis de santé), et la sensation d'être aculé n'arrangeait pas son cas.

« A ton avis, Rowle ? » Hector relève des yeux ronds vers le visage dédaigneux. « Crois-tu qu'Otto Fitzroy serait du genre à me laisser me promener avec un artefact moldu ? » Pour mieux les baisser sur le petit écran rétro-éclairé. À l'entendre, il n'avait aucune honte et aucune peur à se trimballer avec l'équivalent d'une condamnation à mort dans la poche de derrière (alors que quelques instants plus tôt, il en menait aussi large qu'Hector si ce n'est moins). Seuls dans la salle de consultation, Nils avait peut-être plus de facilités à se pavaner de son statut à risque que devant tout l'hôpital. Peu importe. Hector ferait probablement pareil s'il avait aussi Snake sur son propre cellulaire (lui, il avait que le casse-brique). En silence, il achève enfin la valse des bip-bip-bip à chaque bouton pressé une fois la sonnerie du téléphone coupée. « Je demandais ça comme ça.. » (il demandait ça pour avoir la réponse opposée)
L'arme du crime est rendue.
« Et toi? Ta famille tentaculaire est au courant que tu sais mieux y faire avec un téléphone moldu qu'avec... quoi que ce soit d'autre ? »
Un moment de silence.
Avant de se faire bully, il faut rappeller qu'Hector n'était déjà pas dans le meilleur des états (à court-terme comme à long-terme).
« .. De rien.. »
Et qu'aussi, il ne veut pas parler de lui - ni de ça. Il a compté sur Nils pour le, les sortir de là mais il semble qu'il ne veuille que les enfoncer encore plus bas. À coup de canne s'il le fallait.
Il s'attarde sur celle-ci.
Ça pourrait l'aider pour ses problèmes de dos non ?, ses lombaires là, à la place de faire ses exercices d'étirement tous les matins, accroché comme un paresseux à sa porte (et puis il voit la poigne de l'autre serrer le bois, suit le bras attaché, retombe sur Nils et se rappelle qu'il va être obligé de parler). « Non.. Ils ne savent pas non plus, on est sang-purs tout comme- marche arrière Enfin, voilà. » Il tripotte ses mains. « J'espère que t'as de bonnes raisons de faire ça parce que si ç'avait été quelqu'un d'autre à ma place tu.. Tu sais ce qu'ils font.. Fitzroy. » Ça a moins de panache quand c'est Hector qui sort le jeu de la condescendance (première fois qu'il y joue, souhaitez lui bonne chance!) « Et si.. Et si d'autres ont aussi entendu.. »
Tu sais ce qu'ils font, Rowle.

Pendant tout le temps où Hector manipulait le téléphone, Nils n'a pas détaché une seconde ses yeux de ses doigts nerveux manipulant un peu trop bien le cellulaire. Of all people, il n'aurait pas imaginé que Hector Rowle, le vilain petit canard, soit capable d'une telle prouesse... Limite, il se serait attendu à un autre genre de talent caché... Du genre, en fait, malgré tous ses problèmes de santé, Hector était... un nageur hors-pair? Un champion de Quidditch? Bref, un secret qui impliquait pas une épée de Damoclès au-dessus de sa tête de piaf. I mean, Nils ne trouvait pas qu'il avait les épaules pour jouer double jeu, alors Hector Rowle, encore moins ; c'est dire si le jeune homme avait les épaules pour supporter son propre quotidien.

Evidemment, il lui arrache le téléphone des mains et le glisse dans sa poche avec force précaution, comme si l'écran pouvait réactiver la sonnerie s'il touchait la fabrique de sa poche.
"J'espère que t'as de bonnes raisons de faire ça parce que si ç'avait été quelqu'un d'autre à ma place tu.. Tu sais ce qu'ils font.. Fitzroy." Nils claque ses mâchoires qui se serrent, l'intérieur de ses joues pulsant à mesure qu'il serre et desserre les dents. Il cligne des yeux, désarçonné par tant d'audace venant de ce flamby d'homme. "Et si.. Et si d'autres ont aussi entendu.." Nils était rompu à l'exercice des menaces ; il bossait avec les créatures les plus dangereuses du Royaume-Uni, aka une mauvaise troupe de loups et de vampires humiliés au quotidien. Il ne passait pas une journée sans être bousculé dans un casier par un tatoué à la patience plus courte que l'espérance de vie d'Hector (sorry for that), venu pour le menacer de quelques morts douloureuses dont ils avaient le secret. Il avait pensé que ça allait se calmer, un temps après le départ des Greybacks (on va pas se mentir, des maîtres en bullying), mais que nenni, ma bonne dame.

Pas étonnant qu'il se mette à bully plus faible que lui, désormais.
"Je ne suis pas assez stupide pour prendre autant de risques si ça n'en valait pas la peine..." crache-t-il en l'évaluant de haut en bas, comme s'il était certain que Hector ne puisse pas en dire autant. "Et ne va pas croire que je te dois quoi que ce soit après cet... incident..." Imaginer que Hector puisse avoir l'ascendant sur lui lui semble tellement ridicule et improbable que ça lui arrache un renâclement nerveux. "Je sais ce qu'ils font ; j'ai—" Sa voix s'étrangle subitement, il se racle la gorge pour récupérer un peu de contenance. "C'est généralement la Brigade qu'on met sur ce genre d'affaires... et crois-moi c'est pas beau à voir..." Son timbre de voix est rendu moins acerbe par la fièvre, presque plus vulnérable.

Ses exercices de respiration fonctionnent avec peine. Il ne sait même plus quoi compter dans la pièce, laissant ses épaules et ses genoux être secoués de tics nerveux. "On va rester là un moment, en attendant de voir si quelqu'un d'autre a entendu..." Si c'était le cas, il refuse de penser à ce qu'ils seraient obligés de faire... ce qu'il serait obligé de faire... Après tout, Hector a une santé plus que défectueuse...
Oh boi don't. Nils voit flou en réalisant qu'il avait pensé ne serait-ce qu'une seconde à éliminer Hector... Hors de question, c'était un genre de manœuvre dont Otto serait parfaitement capable; jamais il se réduirait à ça.

Nils applique un silencio autour du bureau exigu, verrouille la porte ; une pratique pas si inhabituelle, quand on compte le nombre de sang-pures déboulant en catastrophe pour de perpétuelles histoires de grossesse indésirée. Dans le froissement de sa blouse de médicomage, Nils s'assoit à son bureau, se masse le front avec soucis. "C'est quoi, ton excuse à toi, pour prendre autant de risques? Je ne pensais pas que les Rowle étaient du genre à se mouiller de la sorte..."