tw: mild ocd

Quatre-vingt-dix-sept, quatre-vingt neuf, quatre-vingt trois, soixante-dix-neuf, soixante-treize...

"You're doing that thing again." Carrie suspend ses gestes et plisse des yeux, jetant un regard noir à Maxim qui est étalé de tout son long sur le bout de son lit. Son visage est caché par la main qu'il a dramatiquement posé dessus avec un soupir en comprenant que Carrie n'était définitivement pas prête à partir, enchaînée à un énième rituel nerveux. "I'm not doing anything," siffle-t-elle en attrapant l'une des vestes dans l'armoire ouverte face à elle, après avoir passé près de deux minutes mutiques à observer l'éventail de ses choix d'un air mortellement sérieux. Un rire silencieux agite la grande silhouette de Maxim qui s'étire et s'assied, la dardant d'un regard tant amusé qu'exaspéré. "Yes you are. You're counting and you're doing the weird tour around the room thing." Il renifle. "Double trouble. You do that when you're anxious. - I'm not doing any of that. And I'm certainly not anxious." Elle écarte les bras, lui montre sa tenue qu'elle a mis plus d'un quart d'heure à choisir sous son regard blasé. "See, I'm ready, let's go." Maxim arque les sourcils et reste silencieux, lui laissant le choix de revenir sur ses mots. Carrie pince des lèvres en soutenant son regard, détestant à quel point il la connait. Avec un grognement, elle finit son parcours en rangeant son bureau, allumant puis éteignant sa gazinière et en s'assurant deux fois que la porte de la salle de bains est fermée et l'aération éteinte. C'est seulement une fois qu'elle a fait mine d'effacer une poussière imaginaire sur le miroir de l'entrée qu'il lui tend la main pour qu'ils puissent transplaner ensemble pour le Dancing Phoenix.

Soixante-et-onze, soixante-sept, soixante-et-un, cinquante-neuf, cinquante-trois, quarante-sept...

Elle n'est véritablement pas anxieuse - mais une boule se forme tout de même dans sa gorge quand elle et Maxim apparaissent ensemble à l'étage du cabaret. Cela fait quelques temps qu'elle ne s'y est pas rendue, prétextant le durcissement des lois anti-hybrides, préférant travailler depuis chez elle en échangeant des hiboux et surtout des Beuglantes à tour de bras avec ses Dogs. La vie d'ermite lui convient très bien, merci beaucoup - surtout quand elle sait que Jin se trouve dans l'une des salles de réunion à l'étage, où sont prises toutes les décisions les plus importantes du gang. Après l'esclandre provoquée par Engel lors de la dernière réunion du Syndicat, Carrie savait bien qu'elle ne pourrait pas y échapper - mais recevoir la convocation de Jin lui a coupé le souffle et elle doit se faire violence pour lâcher la main de Maxim et se mettre en marche, refusant de céder à l'océan de pensées qui manque de la noyer alors qu'elle monte les marches pour atteindre l'étage supérieur du Dancing Phoenix.

Quarante-trois, quarante-et-un, trente-sept, trente-et-un, vingt-neuf, vingt-trois, dix-neuf...

Quand elle pénètre dans la pièce, elle soupire un peu de soulagement en voyant que Stan est déjà arrivé, ainsi qu'Elias qui lui adresse un petit sourire. Tous les Wolves ont été conviés ainsi que leurs bras droits, et Carrie salue l'assemblée d'un hochement de tête avant de se faufiler jusqu'à sa chaise à côté de celle de Jin, elle-même flanquée du siège réservé à Mao. Maxim reste dans son coin, sifflotant d'un air léger en échangeant quelques mots avec un Dog appuyé contre le mur. Carrie sort posément un classeur bleu pâle qu'elle ouvre devant elle et, avec le stylo-plume qu'elle préfère, elle se remet à travailler comme si une main en plomb n'était pas en train de se refermer sur son coeur.

Dix-sept, treize, onze, sept, cinq, trois, deux...

Toutes les conversations s'arrêtent quand la porte s'ouvre sur Jin et qu'il pénètre dans la pièce, refermant la porte derrière lui. Carrie se redresse sur son siège et le suit du regard en fronçant les sourcils - elle pensait que sa panique à l'idée de le revoir après presque trois mois entiers allait exploser à son contact, ou pire qu'elle allait se mettre à tout regretter, ou pire qu'elle allait le supplier de lui pardonner.

Au final, elle sent simplement une odeur familière et dangereuse d'ozone lui parvenir aux narines et ses traits blêmir, s'enlaidir naturellement comme pour préparer le terrain pour la colère qu'elle sent déjà sur le point de déborder à l'intérieur d'elle - et tout ça, juste en observant Jin silencieusement, l'étudiant alors qu'il contourne la table pour la rejoindre à sa gauche.

"Holy shit," entend-t-elle Maxim murmurer d'un air sarcastique pour le bénéfice de tout le monde, "I hate it when Mum and Dad are fighting."

Stanislav déteste les réunions. Il a toujours l'impression de perdre son temps à parlementer pour rien. Néanmoins, son rôle de Wolf l'oblige à assister à ces pseudo réunions. Il a de la chance que la plupart du temps, il puisse emmener Verdi avec lui. Ces derniers temps, il ne voit pas beaucoup Carrie à ces réunions ennuyantes. Il a bien essayé de les esquiver, mais Jin lui a fait comprendre que sa présence était indispensable. Cette fois, c'est différent. Il ne s'agit pas de quelque chose d'intimiste entre les hauts gradés des Warlocks. Il y a aussi des Dogs, et surtout un siège vide pour Carrie. Il ne sait pas encore si elle va venir. Dans le fond, il aimerait bien qu'elle soit là. Il faut dire qu'elle est directement concernée par l'esclandre lors de la dernière réunion du Syndicat.
Adossé contre un mur, Stan a son bras derrière le dos de Verdi. Il se moque bien de ce que les autres peuvent en penser. Il veut qu'elle reste proche de lui. Cette réunion s'annonce musclée. ─ Did she say if she was coming? glisse-t-il à la demi-harpie. Ils se sont réconciliés et sont encore plus proches qu'avant, mais Carrie ne lui dit pas tout non plus. Il sait qu'elle se confie souvent à Verdi. Il est presque sûr qu'elle ne viendra pas. Jin sera présent et elle fait tout pour l'éviter. Cette querelle est stupide. Stan n'en connait pas toutes les nuances, mais il sait que les repas des good children lui manquent. L'ambiance est différente depuis plusieurs mois, et cela ne lui plaît pas du tout.

Finalement, il entend le bruit de chaussures sur le sol, et ce rythme soutenu n'appartient qu'à une seule personne : Carrie. Rapidement la tête blonde apparaît, suivie de Maxim. Son visage est plus fermé que d'habitude. Stan lui adresse un petit mouvement de tête, ainsi qu'un sourire. Il la regarde s'en aller jusqu'à son siège. Celui de Jin est encore vide. La tension est à son comble. Stanislav ne peut pas s'empêcher d'être anxieux. Son pied tape nerveusement le sol. ─ She looks tired don't you think? Stan fronce son regard. ─ I'm glad you're here with me. Il presse son bras contre Verdi, la rapprochant un peu plus de lui. Son parfum le rassure.
Le dernier pion arrive enfin. Jin entre dans la pièce et les bruits cessent. Il a toujours fière allure, mais son regard semble plus déterminé qu'à l'accoutumée. Stan lui adresse aussi un mince sourire. Il trouve ensuite place aux côtés de Carrie. Un meurtre risque d'être commis.C'est à ce moment-là, que Maxim se décide à prendre la parole, et le brun tourne son visage vers lui. Il lève les yeux au ciel. Il n'a jamais porté une très grande affection pour le garde du corps de Carrie. Peut-être parce qu'il aurait aimé avoir ce rôle. ─ Shut up Maxim, dit-il sur un ton las. Personne n'a besoin de ses blagues sarcastiques, encore moins maintenant.

S'il y en avait bien un qui ne redoutait pas le sujet de cette réunion, c'était Garfield. Généralement, les coups de sang des autres, ça lui glissait dessus comme la pluie sur un pelage de lycan. Il avait même fait partie des premiers à arriver. Ça n'était pas histoire de faire bonne figure ; il y avait bien longtemps qu'il avait cessé de faire attention à ce qu'on pouvait penser de son allure ou de sa ponctualité.
Non, en revanche, ce qu'il se demandait, à mesure qu'il rongeait les ongles minuscules de ses doigts restants, avachi dans un siège à côté de Maggie, c'est combien de temps ce cirque allait durer. Il était à jour dans ses épisodes de télé-réalité, là n'était pas la raison de son souci. Il redoutait juste que la réunion se prolonge jusqu'aux premières heures de la soirée, de la nuit, et qu'il se retrouve à devoir se coltiner, en plus des vociférations dans la pièce à l'ambiance tendue, les hurlements dans son crâne.

Ça défile dans la salle. Il arrive pas à ignorer l'arrivée de Verdi, et l'effort qu'il fait pour paraître fort occupé alors qu'elle passe la porte ne trompe pas les personnes les plus avisées. Il se recule un peu dans sa chaise, comme s'il voulait rester dans l'ombre de Maggie qui ne faisait pas plus attention à lui que ça. Il semblait que tout le monde s'était rameuté avec son +1, sauf lui, bien entendu, au vu de la distance qu'il avait tendance à imposer entre lui et ses Dogs. C'était tout à son honneur, pour une fois : il allait pas leur faire subir ce calvaire.

"I hate it when Mum and Dad are fighting." Garfield avait gardé le regard baissé, l'attention focalisée sur ses ongles sales, ignorant donc qui venait de les régaler de ce trait d'esprit. Il renâcle un rire un peu étouffé, se demande s'il a le droit de fumer, ici. Il ouvre le bec, sur le point de poser la question à Maggie, mais Jin déboule et c'est comme si l'air dans la pièce se figeait, la tension tombant sur les épaules comme une chape de plomb.
Alors Garfield se ravise ; pas qu'il se sent concerné par tout ce bousier, mais il aimait pas particulièrement se faire remarquer, aussi, porte-t-il le masque de la mine sombre, enfonçant ses pognes dans ses poches, triturant son sachet de Worrynot avec une appréhension pas si feinte que ça. "Looks like a Wolf ain't out of the woods..."

tw: mention de violence graphique, langage cru

Les yeux noirs de Jin sont deux abysses sans fond - un piège que Carrie connaît par coeur, et qu'elle évite consciencieusement en faisant soudainement mine d'observer ses ongles parfaitement manucurés avec une intensité sans pareille.

Jin ne dit rien en venant s'installer à sa gauche, défaisant le bouton de sa veste faite-mesure d'un mouvement rapide, avant de balayer l'assemblée du regard. Il s'attarde sur chaque Dog présent, puis sur chaque Wolf, et jette finalement un regard à son Owl, qu'il salue d'un mouvement de tête sec mais appréciateur. Le visage ignoré de la Fox commence à prendre une qualité cireuse et poisseuse, les ridules aux coins de ses yeux s'enfonçant profondément dans sa peau pour lui donner la qualité monstrueuse qu'on connait aux descendants de Vélanes énervés.

"For those unaware," commence Jin de sa voix de Lion - celle qui ne lui ressemble pas, basse et profonde, aux accents si britanniques qu'on s'attendrait à ce qu'il pisse du Earl Grey, "the Alberich has all but officially declared war against the Warlocks during the latest Syndicate meeting. Their leader, Engel von Bäume, suspects us for the murder of his daughter Valeska." Carrie revoit le visage ravagé de Valeska, le pulpe de son sang et de sa chair qu'elle a mécaniquement retiré de sa jupe rose pâle après sa mort, le feu dans le regard de Martin posé sur elle, les tendons et les veines de Bao se soulevant sous sa peau alors qu'elle volait son souffle à l'allemande. Carrie ignore l'explosion désagréable qui résonne entre ses côtes, dans son estomac puis plus bas, à ces pensées.

"He has also threatened syndical peace by doing so. The Syndicate is asking us testify and explain the situation to them." Jin produit de la poche intérieure de sa veste un courier sur lequel les yeux exorbités de Carrie se posent, et où elle reconnait l'écriture élégante du Duc. "And to make amends." Jin pose le courier devant lui sur la table puis, d'un mouvement impossiblement lent et contrôlé - qui parle pour lui de toute la colère violente qui s'agite en son sein - il se tourne vers sa Fox.

Carrie se sent très petite. Pendant un instant, la colère laisse place à la peur et ses yeux sombres troquent l'outrage pour la réticence, ses épaules se renforgnant sous le poids du regard de Jin. "Now. Will the Fox explain herself?" Jin ne bouge pas, ne respire pas de travers, ne laisse rien montrer sur son visage ou dans son regard. Il n'y a que l'abysse impossible de ses yeux et le ton inflexible de sa voix.

"The Wangs are getting close--" Jin interrompt la diatribe de cantonais aggressif en levant la main. "No." Carrie déglutit et plisse des yeux, le bout de ses doigts se mettant à crépiter de sa magie incontrôlable. "They know," continue-t-elle en anglais, plus fort. "If they don't know, they will soon enough, Jin. And when they do they'll come for us - not for you, Jin, for us, and that includes Yanli. She'll die because of you. - This is not what I'm asking. - But this is what it's about! The Wangs know that their precious dad was murdered by you, and they're coming." La main de Jin s'abat sur la table dans un claquement sourd pour l'interrompre, mais Carrie continue. "I was not the one to kill Valeska. They did. Who the fuck else strangles their victims to death? They'll get the heat for it from the Syndicate, not us, so they won't have to worry about your pathetic assassination of their fucKING FATH--" La main de Jin fend l'air si rapidement que Carrie ne la voit pas venir, et elle porte les mains à sa gorge pour la griffer en se rendant compte qu'il vient de l'étouffer d'un Silencio injuste. "And yet the Alberich is coming after us, you stupid bitch," siffle Jin à son adresse, attrapant la main de Carrie qui se lève en direction de son visage pour la plaquer conte la table.

Un silence de plomb s'abat sur la pièce, jusqu'à ce qu'Elias, faux Lion mais véritable Wolf, s'éclaircisse la gorge d'un air vaguement gêné. "Um, what's that about the clan?" demande-t-il avec un sourire tremblant et Jin tourne à peine le regard vers lui, avant d'indiquer à Kamala d'expliquer, les mâchoires serrées.

tw: mention de drogue, de meurtre, langage cru

"Did she say if she was coming?" Verdandi couvait de son regard clair la silhouette tassée de Garfield dans son siège – comme un besoin de garder les yeux sur lui, à chaque apparition, et se délecter de la peur tangible qui semblait suinter de ses pores dilatées. "She will," répondit-elle d'un air presque évasif, ses doigts se repliant dans le cou de Stan en une caresse presque distraite.

Verdandi se rappelait encore nettement les rires faux de Carrie, son état misérable suite au face-à-face avec l'Alberich – elle n'en avait pipé mot à Stan, gardant pour elle les volutes de fumée sirupeuses, envoûtantes, et le mal être de la sorcière qui s'était enroulé autour d'elle comme un mauvais parfum. Jin, lui, aurait certainement eu vent de ce malheureux incident sur le territoire de l'Alberich ; et assassiner la fille d'un autre gang n'avait certainement pas figuré dans les plans immédiats des Warlocks.

Son regard vira sur la silhouette tirée à quatre épingles de Carrie. Les conversations baissèrent de volume, comme si chacun pressentait la catastrophe qui se profilait, et reprirent tout juste sur la voix basse de Stan, comme toujours exagérément préoccupé par l'état de Carrie, et tout juste ce qu'il fallait d'adorable pour lui tirer un sourire en coin, son bras s'enroulant autour d'elle lui valant un regard mielleux, puis un baiser déposé au coin de ses lèvres, assez lent, délicieusement ambigu, pour se faire voir aux yeux des Wolves et de leurs bras droits.

Verdandi croisa un bras sur sa poitrine à l'arrivée de Jin. Tendu comme une baguette en chêne – le sujet principal de cette entrevue était tout trouvé, et tomba aussi tôt que Jin s'assit en bout de table.

Des trucs qu'elle savait, des trucs qu'elle savait, des trucs dont elle se doutait, et... Murdered? Le regard de Verdandi coula sur Jin, dont la fureur marquait son visage d'accents graves et froids (on pouvait même voir une veine saillir, dans son cou – le contrecoup d'avoir un balai carré dans le cul en permanence). Oh. Oh. Ils auraient pu la prévenir, au moins – Verdandi aurait certainement gardé ses distances avec Quon, ou tout du moins aurait gardé ses doigts disponibles en cas de revanche brutale.

Verdandi garda les lèvres scellées, spectatrice autant que ses comparses de ce pénible dialogue qu'elle savait être entremêlé de fausses vérités. Les Wang avaient tué Valeska ? I fucking killed her. Fucking bitch. Elle dessina du bout de l'ongle de son pouce le rebord de la table lustrée, priant pour que Maggie n'ait pas la formidable idée de faire un tour des pensées de chacun. Heureusement pour elle, elle avait l'air aussi prise par cette dispute que par le dernier épisode de The Bold and The Witch – comme eux tous, et l'ongle ripa contre le vernis du bois lorsque la voix de Carrie mourut dans sa gorge.

Une vague de colère roula sous la peau de Verdandi, dont le regard resta rivé sur Jin et Carrie quand bien même la conversation dérivait, dans l'embarras, sur Kamala qui commençait à répondre à la place de Jin de son habituel voix dramatique. Fucking asshole. Elle serra les mâchoires à s'en faire tomber les molaires, grinçant une insulte qu'elle ne pouvait que ravaler sous peine de se prendre un Silencio similaire à celui de Carrie.