birthday boy
déb. avril 2006 - avant l'anniversaire de Teddy
La salle à manger était déserte, seuls restaient sur la table en chêne brut les vestiges d’un repas pris à la va-vite entre quelques membres de la Résistance. Ça sentait le poulet frit accompagné de fenouil braisé ; et le cuisiner avait sans doute laissé trop longtemps les légumes dans le four. L’odeur de brûlé allait imprégner les épais rideaux de la salle à manger, et encore une fois c’était à Molly de faire en sorte que ces lieux restent agréables à vivre pour tous. Alors qu’elle rassemblait les assiettes sales laissées sur la table à manger, la directrice de Fawkes Learning Center pestait tout bas.
Comment voulez-vous réfléchir correctement dans un bazar pareil ? Auparavant, Molly aurait utilisé un sort, et la salle à manger aurait retrouvé un semblant d’éclat en un rien de temps. Aujourd’hui, elle décida de tout faire à la main, afin de profiter de l’étrange silence qui régnait au Manoir St James. Le retour de Potter avait pourtant mis la Résistance sans dessus-dessous. C’était… Molly manqua de laisser brusquement tomber les couverts dans l’évier de la cuisine.
Harry était de retour. Harry n’était pas mort. D’un naturel optimiste, Molly s’était laissée gagner par le sentiment de fatalité qui gangrenait chaque jour un peu plus son camp : après toutes ces années passées à rechercher le petit de James et Lily, tous les membres de la Résistance – du premier au dernier cercle – avaient fini par accepter l’inacceptable. Ce retour aurait pu être porteur d’espoir pour l’ordre du Phénix si le survivant n’avait pas posé aux côtés du Lord. Alors que Molly commençait à astiquer la vaisselle avec agilité, elle fut assaillie par une remontée acide – de la bile sans doute. Depuis quelques jours, elle n’avait pas réussi à avaler le moindre aliment et l’odeur du poulet la rendait nauséuse. Elle ne pouvait s’empêcher de penser à l’impensable : les circonstances de ce retour étaient néfastes pour la Résistance alors peut-être eut-il été préférable que… Mummy secoua la tête comme pour remettre ses idées en place, laissant quelques mèches rousses s’échapper de son chignon strict.
Non, Molly. Il est revenu. Il est vivant. Tu es persuadée que Harry aura une bonne explication à vous fournir.L’eau chaude coulait sur ses mains où se lisaient les premiers signes de l’âge. Molly refusait qu’à cette eau presque brûlante se mêlent des larmes qu’elle retenait depuis des jours maintenant.
Des années ? La mère de famille avait trop perdu dans cette guerre, mais n’était-ce pas le cas de toutes les mères de famille d’Angleterre et d’Ecosse ? Ces mamans voyaient certains de leurs petits s’engager dans un combat à l’issue incertaine. Certaines voyaient ce qu’elles avaient de plus cher au monde perdre l’insouciance de leur jeunesse, et ils revenaient souvent au bercail avec une écorchure à l’âme. Les autres n’avaient plus que des tombes à aller honorer, suite à la disparition de leur chair.
Comme toi, Maman Le visage de la maman de Gideon, Fabien et Molly Prewett hantait l’esprit de cette dernière. Jamais elle n’avait parlé de la douleur qu’elle avait ressentie suite à la perte de ces deux derniers. Elle avait emmuré son cœur jusqu’à ne plus supporter d’entendre les prénoms de ces enfants.
Fred. Fred. Fred. Ce n’était pas le choix qu’avait fait Molly. Elle voulait que l’on parle de son fils, que l’on hurle, que l’on clâme son prénom pour que jamais il ne tombe dans l’oubli.
Fred. Fred !Le bruit d’une chaise que l’on pousse sortit Molly de son deuil. C’était ainsi qu’elle avait réussi à s’en sortir un peu mieux qu’Arthur. Alors que son mari ne laissait personne le déranger dans le deuil de cet enfant perdu, Mum voulait à tout prix que ceux qui l’entouraient et ceux qu’elle aimait la rattachent à la vie. Et quoi de mieux que l’anniversaire du petit Teddy ! Molly adressa à Remus un sourire bienveillant en réponse à celui aimable mais bien préoccupé du loup-garou. «
J’ignore totalement comment nous allons faire pour lui trouver cette peluche. » Molly sortit ses mains pleines de savon de l’évier et se tourna vers Remus tout en s’essuyant sur son tablier. Le petit Teddy voulait une peluche pour son huitième anniversaire.
Huit ans déjà Molly avait l’impression que c’était hier que cette petite boule d’énergie avait débarqué dans leur vie.
Huit ans que tu as quitté la mienne, Freddy Et lorsque ce petit Teddy avait quelque chose dans le crâne, il ne l’avait pas ailleurs. Obstination qu’il avait hérité de sa mère à n’en point douter. «
Nymphadora et toi avez donc dit non à… » Remus lui coupa la parole sans le vouloir. «
Je ne me vois pas lui prendre réellement un chien. » Était-ce une question Remus ? Molly avait l’impression que peut-être Remus lui demandait une autorisation, alors qu’elle n’avait pas son mot à dire. Bien évidemment, offrir une peluche immense à son filleul serait bien plus simple pour tout le monde. «
Je sais que nous avons autre chose à penser, mais c’est pour Teddy. » Molly observa quelques instants le jeune père de famille sans piper mot. Il était plus taciturne que d’habitude. Oh, il était peu dire que Remus Lupin était un être qui semblait toujours préoccupé. Lui aussi avait perdu son insouciance, mais ce fut bien avant la guerre. Bien avant toutes ces pertes.
Loup-garou Quel être avec une telle condition serait assez fou pour être insouciant du drame de sa condition ?
Molly prit place à côté de Remus, et lui adressa un sourire chaleureux. «
Tranquilise toi Remus. Tu n’as pas à te justifier. » La mère de famille posa délicatement sa main encore humide sur l’avant-bras de Lupin. «
Par les temps qui courent, un peu d’insouciance enfantine ne nous fera pas de mal, tu sais et Teddy… » Le cœur de Molly devint un peu plus lourd. «
Teddy mérite d’avoir un beau cadeau à son anniversaire, comme n’importe quel petit garçon de son âge. » Bien évidemment, l’enfant serait extatique à l’idée d’avoir un petit chien pour célébrer sa huitième année mais… «
Remus, je ne suis pas contre l’idée du chien en soi mais… ce serait trop compliqué et cela pourrait être dangereux. » Dangereux parce que le petit chien pourrait tenter de s’échapper, et si Teddy le suivait pour ne pas le perdre… Non. Bêtement, Molly pensait avoir son mot à dire sur l’éducation de cet enfant.
Mais j’y tiens tant… «
Pour la peluche, j’avais l’habitude de les faire lorsque les enfants étaient petits. » C’était plus économique, et Molly avait toujours été la reine du système D. Malgré les fins de mois difficiles que la famille Weasley avait connues, Mum se plaisait à croire que ses petits n’avaient jamais manqué de rien. «
Je pourrais vous aider, Tonks et toi si vous voulez la faire vous-même… Le cadeau aura encore plus de valeur à ses yeux. » Jamais les enfants d’Arthur et Molly n’avaient boudé lorsque le cadeau qu’ils attendaient ne se trouvait pas sous le sapin. Ils avaient toujours été reconnaissants des efforts et des sacrifices que faisaient leurs parents. «
Par contre, pour le gâteau… est-ce que je peux m’en occuper ? » Le retour de Harry, la disparition de Ulrich Worthin – une de petites mains de la Résistance, les groupes de résistants qui prônaient la violence et le lynchage… Remus et elle avaient beaucoup de sujets à aborder, mais ce moment hors du temps ne sera consacré qu’à Ted. «
Tu sais Remus, c’est bien de continuer à fêter l’anniversaire de ton fils. Malgré tout ce qui passe, ce sont nos enfants qui nous raccrochent à la vie, et à l’espoir. Alors… Chocolat ou fraises pour le gâteau ? »