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2 mars 2007
Le quart d'heure
And I fell out of bed hurting my head from things that I said

Et le voilà il était là venait tout juste d'arriver - son rictus aux dents écartées. C'est pas que Fish aimait pas Gy', c'était même presque sa façon d'aimer : absolument pas le montrer. Pour certains il y avait des exceptions bien sûr, maman avait ses petits préférés, mais pour d'autres ça y allait, tellement même que Fenrir s'est tiré. Bonne blague ; faudra qu'elle la raconte à Chip. «  Au cas ou tu s'rais pas au courant, j’me suis déjà occupé d’vos restes le mois dernier ... Y’a pas qu’moi dans le camp hein ! » Gypsy avait droit au même régime. Parce qu'il est arrivé là déjà vieux et con, et surtout que c'était la main dans le fut' devant Hoshi. Il méritait pas d'être mordu et encore moins sa pitié, ce qui en faisait en somme un parfait Greyback et donc la pire des raclures. «  Ah ouais, mais c’est vrai…  J’suis un halfer. Et les halfers, ils sont juste bons à jouer aux larbins..  » «  Rha je savais que t'étais pas aussi con qu't'en avais l'air ! » Des compliments pour le motiver. C'était du Fish tout craché (de rien).
Pendant que l'oméga se bouge, la louve sort de sa main libre son paquet de sa poche arrière et s'allume une cigarette. Malgré sa tête de déterré, t'as la blague ?, Gy' s'empêchait pas de continuer sa comédie alors même qu'il avait probablement pas dormi de la nuit. Avec dans le fond de la gorge encore le goût du sang, le tabac lui file une gerbe immédiate. Les yeux perdus dans le troupeau de rides qui se mouvaient sur son front « T'as pas envie de savoir ce que j'y vois d'écrit ». Il lui prend la pelle et sort enfin de sa caravane. «  Bon, il est où l’massacre ?  » Elle se retourne. Excellente question. Elle s'était réveillée, heu, par là, ouais, bah là où l'herbe est marron justement son ongle long pointe l'endroit. « C'est là où j'ai trouvé ton cadeau donc à ta place.. Je commencerai par là. » Parce qu'elle allait pas tout faire non plus. Ils commencent à se diriger à pas lents vers l'endroit, à une centaine de mètres du camp encore silencieux. « Pour un gars comme toi être choisi deux fois de suite, c'est pas mal t'sais » Un nouveau compliment, woah, c'était sa journée. « J'dirai presque qu'on a confiance en toi si seulement t'avais pas essayé de nous tirer de la thune - voilà, c'était là, regarde une oreille » Sortant sa baguette, le bout de chair vole molement jusqu'au sac de courses ré-utilisé.

Sur les lieux du crime, mains sur les hanches, Fish charge d'air ses poumons. « D'un autre côté, celui qui gère nos finances est aussi halfer alors p'tet' qu'on l'a bien cherché » Regarde aux alentours pour y trouver des traces du massacre. Non, c'est pas qu'elle l'aimait pas, plus qu'elle ne le comprennait pas. Pas vraiment loup, pas que sorcier, l'impossibilité pour lui de libérer la Bête comme ils le faisaient était un concept difficile à saisir. Difficile de comprendre alors comment est-ce qu'il acceptait de se plier à la Meute. Pourquoi est-ce qu'il restait à faire le larbin, même s'ils se la collaient, même s'il payait pas le loyer, qu'est-ce qui sans Fenrir le retenait ? « J'crois même que t'as une touche si tu veux mon avis. »
Le mégot atterit dans l'herbe. Le quart d'heure avait commencé. « Et y'a un bras que t'as loupé là-bas »

«  Uh ? Une touche avec qui ?! » Fish voulait vraiment pas savoir. Où si, un peu - et puis elle avait déjà son idée, alors elle hausse juste les épaules. L'avantage d'être la matriarche était que les ragots venaient naturellement à elle, y'avait presque pu besoin de chercher.
Tous sauf le plan grandiose du vieux de se tirer, visiblement.
Quelqu'un devait bien savoir quelque chose. Agiter une carotte sous le nez de l'halfer pour au moins le faire commencer à parler était une des rares techniques qu'elle avait appris à la VB. Ou est-ce que c'était Fenrir ? En tout cas Gy' lui agitait un bras gonflé à qui elle rendit son coucou violacé, c'est que ça devait marcher. « T’sais, ça m’fait marrer c’t’histoire de vol là ; Parce qu’avec tout l’pognon que j’vous rapporte chaque mois, z’avez pas trop à vous plaindre j’crois ! » Et ça marchait ? Il lui parlait finances ? «  Huh.. » Et à voir comment il commence à s'énerver tout seul, en continuant sa diarrhée verbale là, le sujet lui tenait à coeur. Il convient de rappeler au lecteur que de base, ça partait juste d'une blague. Enfin, d'une pique. Disons que c'était amical.

Fish regarde autour d'eux, bras croisés, un peu froid et un peu ennuyée. « Ma quote-part, ouais voilà ! » «  Ouais j'vois » Elle voyait pas. Mais c'était toujours bien de savoir que dès qu'il pourra il hésitera pas à partir avec sa "quote-part", peu importe ce que ça voulait dire. C'était ça de pris. Progressant avec lui dans les restes de la veille, elle le regarde pensivement enrouler les tripes. Rien le retient ici. «  Nan tu-laisse moi te montrer, faut pas aplatir.. » Prenant de ses mains l'intestin, elle défait l'espèce d'arrangement hasardeux, redéroule le bordel et commence à méthodiquement l'enrouler en X autour de sa main et son coude. Façon noeud sur un bateau. Ça, elle l'avait appris à Llangennith. Le tube digestif glissant beaucoup plus facilement que de la corde, Fish écartait son doux visage des potentielles giclées qu'il y avait ça et là. «  Sinon y'a "tout" qui en ressort et encore plus de traces, et d'odeurs. Compris ? » Le boyaux est refilé. « Donc ouais, tu disais, la thune » Elle se redresse avec sur sa veste les joyeux fluides que les entrailles avaient laissés en imprimés. Chopant une poignée d'herbe, elle aussi souillée, elle frotte le tissu sans grand espoir, continue de loin de l'écouter. Son avant bras était à présent trempé d'un mélange.. « .. Avoir des gosses cachés.. » « Quoi ? » Putain elle aurait dû suivre.
Il la regarde, elle le regarde.
« Tu compares quand même pas ton envie de couilles en or à celle de » Balls, elle avait pas de problème à prononcer le nom du bani mais plus à associer son erreur à une simple envie. Parce que ça l'était pas, parce que c'était naturel, viscéral, et qu'elle le comprennait que trop bien. Fish s'est toujours dit que ça aurait pu être elle à sa place, sauf que ça l'a pas été (et que ça le sera jamais). « Surtout que j'vois pas en quoi ça te dérange toi, qui a des gosses de qui en a pas. A moins qu'tu m'ai mordu, j'm'en rappelle pas ? » 'l'était même pas né. Quelles pompes ce genre de remarque devait cirer, elle en avait pas la moindre idée. « J'hésiterai pas à dire à Fenrir que tu défends ses intérêts même quand il est pas là.. Il en aura probablement rien à foutre. Et pourtant, toi t'es là, tu restes là malgré tout, à attendre papa. » Continuant d'avancer, une chiquette atterrit sur le derrière de son crâne creux lorsque Fish le dépasse. « Parce que prendre le budget survie de toute ta Meute ça va, mais que Merlin protège le premier qui lui fait du tort hin ? »

Est-ce que Fish avait été dure avec Gy' ? Oui. Enfin si vous avez bien suivi, depuis le début c'est pas tendresses et confettis, à ce stade elle ouvre vraiment sa bouche pour le plaisir unique de faire son poisson en croûte de sel. Et puis parce que même s'il était maigre comme un clou, à force de lui jetter les restes de bouffe probablement, en tout cas c'est ce qu'elle faisait elle, Fish savait qu'il pouvait encaisser son interrogatoire un peu musclé. «  J’ai pas spécialement envie d’faire dix fois l’tour du camp avec une plume dans l’fion, ou une autre connerie du genre, pour tentative d’exil avorté. »  «  T'as vu clair dans mon jeu bravo » Maintenant j'sais qu'il se chie dessus. « J’en chie déjà ma gueule à d’voir vivre avec vous tous là, quitte de vous donner par-dessus l’marché, une raison supplémentaire de pouvoir m’péter les couilles... » Voilà «  Bien » Ça l'aurait fait suer qu'un second loup décide de se faire la malle, imaginez seulement sa gueule lorsque Hoshi aura à son tour décidé de se tailler. L'odeur des tripes de bon matin commence à lui saturer le nez, ça sent la merde, même quand Gy' parle pas. Mais surtout quand il l'ouvre pour dire : « Oeil pour oeil…. Tu connais la chanson ? » Oeil pour oeil ? On parlait de Balls ou encore de Fenrir ? « Ben l’avait qu’à la fermer quand il m’a grillé avec la boîte en fer, j’l’aurais pas balance et tout l’monde aurait trouvé son compte ! »
Les deux.
Enfin, de ce qu'elle commençait à comprendre : les trois.
Est-ce qu'il savait seulement que Fish était pas au courant ?
À le voir ramasser les testicules qu'il a laissé tombé il y a plus d'un an de ça, probablement pas. « C’est bon ? … Ou y’en a encore ? Hé, ça m’fait penser à quand j’étais gosse, quand fallait chercher les oeufs d’paques dans les taillis ! Bon là, c'est vachement moins fendard.  » Silencieuse, elle revient à sa hauteur et se saisit du sac. «  Oeil pour oeil hin.. » Y'en avait un qui la regardait entre deux tripes gluantes. Une machoire aux dents pétées, aussi. Fish s'en détourne et regarde Gy', pensive, un léger sourire aux lèvres. Elle passe un bras sur son épaule, sa main s'arrêtant sur sa nuque, à la naissance de ses cheveux mal rasés. «  Tu sais pourquoi on t'pète les couilles mon Gilou ? » Son pouce masse le creux entre son crâne et ses cervicales, appuie un peu, insiste du bout de l'ongle contre le scalp. « Hein ? » Son sourire était grand, ses dents, serrées.
Y'a pas de punchline.
Fish force le crâne de Gy' dans le sac, l'applatissant au sol le nez dans les chairs qui se putréfient, quand il crie dans les abats, ça fait des bulles de sang - où d'un autre truc elle s'y connait pas forcément. « PARCE QUE T'ES QU'UN CONNARD GY » Elle se redresse et arrête de l'étouffer dans le tas d'humains pour mieux lui donner un coup de pied dans les reins. « T'AS VENDU BALLS COMME TU VENDS TON CUL » Et un deuxième. « ET T'OSES OUVRIR TA MOUILLE ? » Et un troisième. Sa semelle fini par s'applatir sur son dos pour le maintenir au sol, toujours à demi dans le sac de dragées surprises gore edition. A mesure qu'elle se penche sur lui la pression de son pied augmente sur sa cage thoracique, juste assez pour qu'il commence à flipper et se dire qu'alors c'est comme ça que tout se finit, que sa vie s'achève, adieux Bertha, adieux Hoshi. « Ça passe p'tet' avec Fenrir.. Mais la prochaine fois, ça passera pas avec moi. » Principalement parce que dès qu'elle le peut, elle en touchera deux-trois mots au vieux - enfin, si le vieux en question revient. Mais ça réglait pas le problème. « Les trahisons entre Greyback, comme t'as pu l'voir, ça fini mal.. » Ses doigts s'aggripent à ses cheveux pour relever son crâne du gloubi-boulga et le rapprocher de sa bouche gercée. « Dents pour dents »

Fish lui enfonce une dernière fois le visage dans ses regrets, et des boyaux, avant de se redresser et de s'écarter, dos tourné au fumier laissé au sol. Elle se sort une guinze.
« À ta place si j'ai d'autres choses à balancer.. J'le ferai, avant d'regretter. »

Le voir souffrir suffit pas. Il manque encore plus de sang, larmes et miasmes sur son visage - dans l'idéal, elle voudrait qu'il soit encore plus déformé que ça, plus pitoyable, qu'il donne la gerbe, Fish veut que son visage soit qu'une bouillie à touiller, à jamais méconnaissable la sale gueule du mec qui a vendu son p'tit comme tous les autres avant lui ; mais elle peut pas. C'est ça le pire. Rien à faire, aucune répercussion autre que se défouler là, maintenant, et puis plus tard le lui rappeller à l'occasion comme on remémore à un môme sa dernière bêtise, sauf que celle-ci avait un nom, qu'elle avait été exilée, et qu'à cause de lui, peut-être que Balls avait à force fini crevé, quelque part. À cause de lui. Et elle peut rien y faire parce que bah, Fenrir l'a autorisé pas vrai ?, ce même Fenrir qu'était pas là, ce même Alpha qui les laissait en plan, lui elle l'espère bien cané aussi, rien que pour la forme. Ses ongles s'enfoncent dans sa paume à défaut de pouvoir se planter dans ceux tout humides et plissés de Gy. « Ben j’dirais plus rien maintenant, ça vous f’ra les pieds. » Laisser l'halfer baver, marcher, respirer dans le camp la renvoie à son statut de beta passive qui, quoiqu'il arrive, a le droit de subir et de fermer sa gueule. Les gros yeux et sa grande bouche c'est tout ce qu'elle a, même la violence reste sous muselière, même ça elle l'a pas, ça, c'est le monopole et apanage de l'Alpha. Il y a que lui qui peut virer Gy. Elle, elle va continuer de le voir, chaque jour, dans le camp. « J'veux... J'veux plus t'voir, voilà ! » « T'as raison dégage de là ! » Il continuera de négocier avec Cook pour pas se coltiner l'entame et continuera de l'avoir, riera toujours comme un con avec Chiwa à défaut d'avoir le cran de faire quoi que ce soit de plus concret, né avant la honte et pas près de mourrir, la vie continuera pour lui. Rien changera.
Avoir aucun pouvoir sur ça, c'était comme abandonner une deuxième fois son gamin.
« Et d'ailleurs, des trahisons, y’en aura plus, parc’que j’vais m’casser. »
Échangé contre un pouilleux à la voix qui tremble.  
« J’en peux plus, vous m’faites tous chier. »
Avec son mégot encore fumant, elle s'allume une deuxième cigarette. Occuper ses mains, rouges écaillées. Dos tourné à lui.  
« J'sature. »
Nadja, Balls, Oz, Shoe, Firefly.. Elle en oublie. Disparus à cause de Fenrir, de tout ceux-là c'est des Gy' qui prennent leur place. Et Fish peut rien y faire. « Bande de connards. » À part le rechoper par le colbac et s'appliquer à faire craquer chacune de ses côtes, mais c'est pour la forme, y'a pas de plaisir. Chaque coup est plus mou que le précédent, la fumée de sa cigarette coincée entre ses lèvres l'aveugle à moitié, à bout de souffle sa gorge siffle « MERDE ! » et il y a un crac final. La louve relâche sa poigne du bouc émissaire une deuxième fois « MERDE ! » et s'en détourne de nouveau - attendez cinq minutes et elle peut reprendre cette boucle d'action indéfiniement que ça changerait quand même rien.
« Merde »
Un pan de sa manche essuie sa bouche, passe sur ses yeux.

Demain, et le jour après ça, Gypsy sera toujours là. Si Fenrir avait bon dos, Fish le savait, là, en son absence, c'est elle qui le laisse s'en tirer.
« Putain de.. »
Le laissant en plan, à terre, elle part, tête baissée.