Elle y sera, tu peux me croire sur parole.. Les palabres de ton ami continuent de résonner dans ton crâne alors que tu t’enfonces un peu plus dans les méandres étouffants du ministère de la magie. Les mois sont passés, glacés et teintés d’une pénibilité que tu avais malheureusement présagée. Parce qu’après des années passées par-delà la frontière du péché, là où les tiens continuent de lutter, il est bien trop difficile pour toi de laver ce nom maculé d’impiété et de s’insérer totalement dans une société vouée à te détester. Mais tu ne désespères pas et tu continues d’entretenir l’espoir fou, qu’un jour, cette cruelle avidité, qui te mènes doucement et péniblement vers le pouvoir, soit enfin étanchée. Et pour cela, pour aider à l’accomplissement de tes intérêts, c’est avec elle que tu dois renouer. Thema Shacklebolt. La clé des mondanités, la clé vers un nouveau cercle que tu veux plus que tout intégrer. Tes prunelles accrochent les courbes de sa silhouette alors que tu t’approches de la lionne à l’aura éclatante de prestance.  

« Thema ? » Les années s’étaient tragiquement écoulées, dans le sang et les cendres pour ta part, et tu n’étais même pas certains qu’elle puisse remettre ton faciès sur l’une des rares réminiscences que vous aviez partagé par le passé. « Hadriel Weasley, quelle bonne surprise ! Dis donc, quelle classe ! Tu travailles ici, j’imagine ? » Une légère ombre vient balafrer tes traits. Depuis des années, désormais, la simple mention de ton nom suffisait chez la majorité des sorciers à provoquer soit une mesquine hilarité, soit un profond dégoût que ton acharnement pour t’insérer dans la nouvelle communauté sorcière ne parvenait pas à effacer. Pour quelques pauvres demeurés, ceux qui luttaient encore dans la pénombre, qui usaient inutilement leurs dernières forces dans une bataille qu’ils avaient perdue il y a des années, les Weasley n’étaient qu’héroïsme. Mais bien malheureusement, ceux qui importaient à tes prunelles, ceux qui pouvaient se vanter de participer aux jeux du pouvoir, abhorraient chacune de ces sept lettres damnées. Aujourd’hui encore, malgré ton innommable traîtrise et tes efforts colossaux pour te réinsérer, cela ne suffisait pas à t’ouvrir les portes du ministère pour autre chose que pour un job de larbin. Le sang pur souillé et déshonoré, le gamin déchu, voilà ce que tu inspirais. Tu n'étais qu'un homme assoiffé d'ambitions, aux rêves trop grands pour qu’ils se réalisent.

Mais enfin, pour la première fois depuis des mois, ce n'était pas du mépris ou de la pitié que tu percevais dans les opales de ton interlocuteur. Un simple sentiment dénué de toute négativité qui suffit à immiscer quelques brides de soulagement dans ton carmin. « Je peux en dire autant de toi. Tu es aussi belle que dans mon souvenir. » De cette poupée se dégageait la même aura féline que par le passé. Véritable incarnation du carmin se liant à l’or. Un léger sourire balafre tes lippes, aussi enjôleur qu’à l’accoutumé alors que tu t’approches doucement de l’ancienne lionne. « Non mon cabinet est situé à quelques rues d’ici, je suis simplement passé pour régler une affaire urgente avec un client. » Le mensonge s’extirpe d’entre tes lèvres avec un naturel si déconcertant que l’on ne peut douter de sa véracité. Après tout, il y avait bien quelques éclats de vérité dans l’histoire que tu avais tissée des fils de la fausseté dans l’espoir de croiser sa route. Cette affaire tu l’avais effectivement réglé, mais rien ne pressait, il te fallait simplement une raison censée pour que l’on puisse te laisser déambuler dans les couloirs animés du centre du pouvoir anglais. « Pourquoi tu es là ? Des soucis ? Besoin d’un avocat nouvellement repenti peut-être ? » Et t’as ce foutu sourire en coin qui s’accentue, alors que dans tes opalescences ne plane que le voile de la fausse délicatesse que tu y as glissé.

La symphonie de son rire se perd dans l’atmosphère. Les notes désaccordées et la douceur du sourire qui mutile ses lippes t’emplissent d’un contentement que tu n’avais pas ressenti depuis longtemps. Cela faisait des semaines, et même des mois, que seule la poudre magique et illicite était capable de te provoquer ce sentiment. Le temps s’écoulait inexorablement et dangereusement et tu avais toujours cette même impression affreuse d’être coincé dans un hiver continuel duquel tu ne parvenais pas à te défaire. Une saleté de malédiction givrée dans laquelle t’accompagnaient les sarcasmes glacés de Brygida et les reproches enneigés de Tonyah. Puis, dans cette rencontre que tu avais participé à forger, il y avait ce souffle aride, celui de Thema, qui réchauffait l’atmosphère, qui te donnait pour la première fois depuis bien longtemps l’impression d’être autre chose qu’un foutu traitre. C'est que tu t’en serais presque voulu de chercher à te servir d’elle pour atteindre l'un de tes objectifs damnés. Presque. Tes intérêts passaient bien avant les regrets et la culpabilité. « Non, non, rassure-toi, très cher. Mais je garde ton offre en tête, promis. J’attends ma mère, Selena Shacklebolt, tu sais ? Elle est encore retenue au Magenmagot, mais on doit déjeuner ensemble. » Pour longtemps que tu espères, au moins le temps d’attraper la sirène dans tes filets pour la trainer vers ton rivage. Pourtant, sans que tu t’en rendes vraiment compte, la froideur de tes opalescences fond lentement et la sincérité du sourire qui fend tes lippes ne fait que s’accentuer. Et la féline te frôle, t’éclabousse de ses envoûtants embruns féminins et t’attire un peu plus vers elle. En réalité, tu ne sais pas qui de toi ou elle finira par piéger l’autre.

« Hum, je pense que ce n’est pas pour tout de suite. Ça nous laisse plus de temps pour causer, si tu n’es pas pressé ? » Un léger rire s’échappe d’entre tes lèvres, pour éclater dans le couloir qui n’accueille désormais plus que vous. Si tu savais.. « Je suis heureux de te revoir aussi. J’ai tout mon temps s’il s’agit de toi Thema. » L’émeraude de tes prunelles se glisse discrètement sur les courbes de la lionne. Tu ne pouvais nier que son électrisante beauté rendait les choses bien plus agréables et que sa compagnie était bien loin de te déranger. Au contraire, tu prenais un plaisir presque insoupçonné à profiter de cette rencontre que tu avais toi-même arrangé. « Ça me fait plaisir de te voir, j’ai cru comprendre que ça avait été un peu la descente aux enfers ces derniers temps ? » Le sourire qui s’ébrèche légèrement, qui se fait un peu plus faux, un peu plus froid. L’onyx qui vient danser dans tes orbes alors que les réminiscences ténébreuses viennent torturer tes pensées depuis trop longtemps hantées. « J’ai perdu ma femme, effectivement. Disons que cela m’a fait prendre conscience de beaucoup de choses, notamment du fait que j’étais dans le mauvais camp. Mais tu as dû en entendre parler les gens adore raconter cette merveilleuse histoire. » Le Weasley traître. Le Weasley qui avait osé trahir son propre sang pour rejoindre le rang. Tu laisses s’échapper un léger soupir alors que tes doigts se glissent négligemment dans ta crinière savamment désordonnée. « Et toi ? Il parait que tu es devenu l’une des plus grandes stars du pays. Ta carrière se porte plutôt bien d’après ce qu’on dit. » Une étoile montante, un astre gravitant dans des hautes sphères dont tu espérais bientôt profiter. « Il est loin le temps de Poudlard n’est-ce pas. » Le temps où vous n’étiez qu’innocence et candeur. Le temps où vous n’aviez pas autant de peurs et où tout était si simple.