Le centre s'animait d'une vie bruyante, explosive, sitôt que sonnait le week-end : on organisait des matches de Quidditch avec des balais de seconde (voire de troisième) main, ainsi que des cours de vol sur le côté, des salles d'étude étaient mises à disposition, sous la supervision de professeurs parfois improvisés (ou d'élèves plus âgés et volontaires), et les beaux jours le parc fleurissait des couleurs délavées des vêtements d'occasion des élèves.

Cat, lui, peinait à s'habituer à l'ennui foudroyant qui le saisissait durant ces deux jours de repos. Les week-ends pouvaient être longs, dans l'enceinte fermée de la Fawkes, et lorsque Lee ne venait pas à sa rescousse, il vaquait à des occupations restreintes depuis que McGonagall lui avait gentiment rappelé que son comportement devait rester exemplaire, s'il tenait à ses sorties avec Paws – plus de discussions musclées avec ses camarades, plus de plans d'évasion élaborés dans un coin silencieux de son crâne. Si ses instincts le poussaient encore à lorgner sur la porte de sortie, Cat n'avait désormais plus l'envie d'en franchir le pas ; ses sorties avec Lee (et avec Feng) lui apportaient la bouffée d'air qui lui avait manqué, durant son asphyxie des premières semaines.

Et d'air, Francis commençait à en manquer. Il ne pouvait décemment pas aller risquer sa peau avec Feng tous les jours (quand bien même l'envie ne manquait pas) : Cat comptait les jours avant de pouvoir passer du temps avec elle, sa main dans la sienne, et avait plus d'une fois esquissé l'idée d'aller se fourrer de nouveau dans la gueule du casino sorcier, immense, qui lui avait tourné la tête lors de leur première rencontre. Et il ne pouvait décemment pas se greffer à Paws à chacune de ses sorties – il n'y avait qu'à voir son piteux niveau de magie... Et d'autres raisons qui désormais qu'il se sentait de nouveau piégé lui apparaissaient obsolètes. Paws l'appréciait assez pour le laisser frayer à ses côtés ; Paws l'aurait traîné jusqu'au bout de la Terre s'il l'avait pu, était convaincu Cat, qui s'accrochait au sorcier comme un naufragé à l'unique bouée au milieu des flots. Lee l'avait trouvé, à l'Ordre, et l'avait tiré de son état de bête farouche ; Lee l'avait écouté lorsqu'il lui avait raconté Feng, et l'avait aidé à se préparer, et répondu à ses questions de copain inexpérimenté.

Aussi quand il aperçut la silhouette de Paws traverser la Fawkes comme un fantôme, le cœur de Cat bondit sous l'excellente surprise – et l'expectative immédiate, comme un réflexe de Pavlov faisant le lien entre Lee et la sortie tant attendue. Cat se redressa rapidement, s'appuyant sur le tronc de l'arbre où il s'était adossé pour gribouiller dans son carnet ; il fourra avec empressement ses affaires dans son sac (il se baladait encore avec son sac à dos défait, même lorsqu'il n'en avait pas besoin, une présence rassurante et familière sur ses épaules), et accourut pour traverser la pelouse et rejoindre le chemin pavé liant les bâtiments entre eux. "Paws!" le héla-t-il en refermant la fermeture de son sac, à moitié passé sur une épaule, avant de le rejoindre, légèrement essoufflé, et un large sourire aux lèvres. "I didn't know you were coming today." Ses yeux brillants détaillèrent ceux de son vis-à-vis avec une impatience sensible – lui faisant manquer la lueur éteinte qui s'y trouvait, un souffle mort écrasé par la vie pressante de Francis, qui tendit son poing pour le fist bump de rigueur. "What are you up to? Going anywhere? Do you need help? I'm free if you need some", ajouta-t-il en glissant une main dans son blouson (celui de Lee, qu'il lui avait prêté pour son rendez-vous, avant de lui dire de lui garder quelques temps encore), sans prendre la peine d'affecter un air décontracté.

tw: suicide ideation mention

Un long silence s'étire et, la respiration souffreteuse, Lee finit par se plier en deux pour poser ses coudes sur ses genoux et passer ses doigts dans ses cheveux courts. "I'm so very sorry to hear all of this, Lee." Lee, pour la première fois depuis qu'il a manqué de s'écrouler après la mort de Flora, accepte les condoléances guindées de McGonagall sans grimacer ou diffuser la situation. C'est elle qui l'a ramassé à le petite cuillère après la perte de Fred, lui a donné une raison de vivre: que ce soit la construction de la Fawkes ou son désir de devenir Animagus, c'est elle qui l'a aidé à se dépêtrer de la consistance poisseuse du deuil, et qui l'a éloigné des portes de la mort qui s'ouvraient à lui. "I can't speak for your grief or your pain. But I'm really, truly, deeply sorry. You know that my door is open anytime and that you may stay here, at the Center, for as long as you want or need." Lee se passe des doigts tremblants sur ses traits froncés et se redresse en inspirant douloureusement.

Il aimerait tellement. Ça lui permettrait de passer du temps avec Cat, de changer d'air. Mais il a trop d'obligations, qu'il a négligées pendant des jours, parce qu'il était trop égoïste, trop en train de souffrir - et c'est impensable, il ne peut pas s'effondrer, pas lui. "I don't think I can." Son ancienne professeur secoue la tête, apportant sa tasse de thé à ses lèvres. "Oh, I don't really care for Kingsley and his orders, my boy." Si il déteste entendre ce mot dans la voix grave de Royal, la manière qu'elle a de le dire fait se détendre Lee légèrement, l'affection dans sa voix comme un baume sur ses plaies. "You're here at home. With me." Elle repose sa tasse sur sa coupelle, et ses yeux s'y attardent. Lee la dévisage, soulagé et heureux de l'entendre. "It's what you used to call a feline bond, is it not?" Lee se sent sourire, très légèrement, son premier véritable sourire depuis des jours. "Yeah, I think it is."

McGonagall sourit, elle aussi, avec une certaine tendresse qu'il a rarement vu sur son visage, étant élève, et en dehors de ce bureau. Lee baisse les yeux, envahi par une vague de tristesse à l'idée que Fred ne verra jamais ce sourire, et qu'il ne pourrait jamais présenter Flora à cette femme qui a défini son existence et lui a donné un sens - à croire que la moindre intéraction, le moindre détail, lui rappelle douloureusement ce qu'il a perdu, et le plonge dans cet état terrible d'entre-deux, de souffrance intermittente et terrifiante. "You haven't touched your tea," note la professeur après une brève pause, et les yeux de Lee se lève jusqu'au bureau où, effectivement, son thé a refroidi. "Not really in the mood for tea," admet-il et sans attendre, la sorcière se lève avec un sourire complice, se détournant pour aller ouvrir d'un coup de baguette un cabinet d'apparence banal. Elle en sort une lampe, ce qui fait sourciller Lee, qu'elle transforme en bouteille d'un coup de baguette - Lee se sent sourire légèrement, amusé des fraques de la professeur de Métamorphoses. "Well, I have just the thing - but please, don't tell Molly about it..."

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Si le whisky mélangé au thé lui fait du bien, Lee sent tout de même le poids revenir sur ses épaules en refermant la porte du bureau de McGonagall derrière lui. Il distribue sans joie la raison de sa véritable venue ici (du matériel pour les divers professeurs et des vivres pour les cuisine) et se glisse en dehors du bâtiment pour s'éloigner et transplaner ailleurs, sans même dire bonjour à Cat. Il ne l'a pas vu depuis une ou deux semaines, maintenant, prenant ses distances par mécanisme, comme avec le reste du monde. Il n'aimerait pas que Cat le voit faible, triste et fatigué, et que l'image qu'il se fait de lui soit cassée de manière irréversible.

C'est donc bien sa chance d'entendre un "Paws!" enthousiaste alors qu'il se hâte pour s'éloigner du périmètre magique de l'école; Lee ralentit sa marche sans pour autant s'arrêter, se mordant l'intérieur de la joue en voyant le visage ravi de Cat s'approcher avec entrain. "I didn't know you were coming today." Il a fait tellement de progrès, avec lui - il n'a plus rien à voir avec le petit gars scrawny qu'il était il y a quelques mois, quand l'Ordre lui est littéralement tombé dessus par hasard. Lee presse son poing fermé contre le sien, par mécanisme, sans s'arrêter de marcher. "Hey there. - What are you up to? Going anywhere? Do you need help? I'm free if you need some. - I was leaving just now." Sa voix est un peu plus sèche qu'il ne le voudrait. Lee a rapidement appris qu'il était mauvais pour mentir, pas dans cet état-là en tous cas. Il est à vif, moins décontracté et lisse que d'habitude, les aspérités qui ont toujours été là comme magnifiées par la douleur.

Et puis il est frustré. Énervé. Rageur. Contre Kingsley, contre les Mangemorts, contre tout le monde - et, surtout, contre lui-même. Il n'est pas assez. Il n'a pas pu sauver Fred, ou Flora, ou quiconque. Il a laissé des dizaines de gens tomber pendant des jours, parce qu'il était incapable de faire la part des choses. Et là, il sait qu'il va laisser Cat tomber. Parce qu'il n'arrive pas à gérer cet intense inconfort qu'il ressent, cette souffrance qui devient peu à peu part de lui, qui va finir par le consumer tout entier et le définir - comment est-ce que ça pourrait en être autrement, après tout? Il n'en voit pas la fin ni le fond et quand il parvient à l'ignorer, comme lors de moments aussi brefs qu'intenses comme avec son ancienne professeur, la souffrance revient toujours au galop au tournant.

Lee s'arrête brutalement, pivote pour faire entièrement face à Cat. "How's your Accio?" demande-t-il brusquement, un peu pernicieux. "And your Diffindo? And your Homenum revelio?" Il cligne des yeux face à Cat, penche la tête sur le côté. "You may not have heard, but things are getting serious out there. So how are your spells? Show me." C'est injuste, et cruel, et il le regrettera bien assez vite; mais la vie est injuste et cruelle, et il ne voit pas pourquoi il serait le seul à en être victime.

"I was leaving just now." Cat sentit une déception légère poindre dans son torse ; Lee paraissait tendu, morose, son visage dénué des sourires chaleureux qu'il lui adressait d'ordinaire, et le regard de Cat parcourut son profil, un bref coup d'oeil comme pour trouver sur ses traits ce qui clochait. Savoir lire les visages était une capacité nécessaire, si ce n'était vitale, lorsqu'on ne pouvait que compter sur soi dans la rue ; et l'expression de Lee, si elle ne s'approchait pas des inflexions dangereuses, signifiait sensiblement « lâche-moi la grappe ».

Mais Cat n'était plus dehors, et Paws était un ami ; aussi s'accrocha-t-il à ses pas, s'humectant les lèvres, avant de reprendre. "Let's go out together then, yeah? I'm sure McGo wouldn't mind." Lee s'arrêta brusquement, Cat pila au dernier moment pour ne pas lui rentrer dedans, entraîné par son propre élan. "How's your Accio?" Deux yeux incrédules lui répondirent, coi de stupéfaction face à ce brusque revirement. "And your Diffindo? And your Homenum revelio?" Cat déglutit au fil de la liste de ces sorts que Cat peinait encore à maîtriser – il avait fait des efforts constants, depuis qu'il avait compris que Lee avait besoin d'un sorcier maîtrisait quelques bases, qui l'avaient rendu plus docile et relativement attentif en cours. Francis abhorrait encore sensiblement la magie, mais pour Paws, pour ses sourires, pour la confiance qu'il lui portait, et que le jeune sorcier lui portait en retour, Francis rongeait son frein et ravalait ces frissons d'appréhension qui le saisissaient lorsqu'il devait faire l'usage d'une baguette. "What? I'm still training mate", répondit Cat en fronçant légèrement les sourcils, l'impression désagréable de ne pas être assez, ses efforts balayés par l'agressivité soudaine de Lee, lui tombant lourdement les épaules. "You may not have heard, but things are getting serious out there. So how are your spells? Show me."

Cat serra les mâchoires devant la lueur sauvage brillant dans les yeux de Lee. Vieux réflexe entériné dans ses os, la défiance entraînait la défiance, immanquablement ; et Paws l'avait habitué à répondre à ses réflexes brusques, parfois incisifs, par des tapes fraternelles sur son épaule ou par des réponses honnêtes, sans faux-semblant ou colère, qui résonnaient dans le cœur de Cat jusqu'à l'apaiser avec douceur. Lee était un baume pour ses blessures, qu'il appliquait de ses sourires et de sa patience. "Why are you busting my balls about bloody Deffindos and all? Are you the Order police or something?" Cat avait l'impression de mâcher du verre, chaque mot crissant douloureusement sous ses dents serrées, s'enfonçant dans la chair tendre de sa langue, se plantant à même ses muqueuses – retrouver ses vieux réflexes de défense, avec Lee, était une souffrance qu'il détestait entendre entre ses lèvres (qu'il était pourtant incapable d'arrêter, piqué au vif). "What's your deal? I just wanted to go out." With you. Son regard valsait d'une pupille à l'autre, à mi-chemin entre un brusque accès d'hostilité et une incompréhension sensible face au comportement de Paws ; quelque chose sonnait creux, et Cat grattait dans le vide, avec la virulence qu'il avait connue, accueillie, puis intégrée en lui.

Il voit dans les yeux de Cat que ses mots font mouche, et une part de lui a brusquement envie de s'excuser et d'arrondir les angles, d'empêcher cette lueur revêche de continuer de briller dans le regard sombre du jeune sorcier. Il a mis tant de temps à gagner sa confiance et à l'apprivoiser comme un véritable chat sauvage qui lui serait tombé sous les pieds, et il peut déjà voir tous ses efforts être réduits à néant sous ses yeux, par sa faute - et pourtant, Lee ne ressent qu'une profonde lassitude et une profonde fatigue à cette idée, qui n'a rien à voir avec l'affection qu'il porte normalement au jeune homme, et l'attention toute particulière qu'il lui porte depuis les débuts tulmutueux de leur amitié.

"Why are you busting my balls about bloody Deffindos and all? Are you the Order police or something?" Lee lâche un très bref ricanement sans joie qui ne lui ressemble pas beaucoup en secouant la tête. "What's your deal? I just wanted to go out. - Yeah, well, not this time." Il n'y a pas grand-chose d'autre à dire, et Lee secoue la tête de plus belle en enfonçant ses yeux charbonneux dans ceux de Cat, un regard dur et presque sévère plus facilement imaginé sur le visage déçu d'un professeur aux attentes trop hautes que sur le sien, normalement plissé de sourires naturels et charmants en toute occasion. Cette attitude a toujours fait partie de Lee et de sa manière d'approcher la vie: avec un sang-froid tranquille et un laisser-aller extraordinaire. C'est le Lee qu'il a toujours été et il ne sait plus quoi faire de lui-même maintenance que ce Lee a disparu, happé par quelque chose de plus grand et puissant que lui.

"You'd only be a bother if you come today since I'd have to babysit you the whole time. Not worth it." Lee soupire, détournant le regard pour s'arracher aux grands yeux de Cat qu'il a peur de voir brûler de reproche. "Just practice some more, alright? We'll be in big boy territory soon and I'll need someone that I can count on by my side." Il repose ses yeux distants sur lui, refermant de lui-même sur son coeur dans sa poitrine une main glacée pour le préparer à ce qu'il va découvrir dans les prunelles de Cat. "No time to fuck around anymore."

"Yeah, well, not this time." Lee plongea ses yeux dans les siens avec une intensité glaciale, une expression sévère qui ne lui ressemblait pas. Cat, qui avait affronté une vie de regards hostiles, agressifs, sentit la morsure des yeux brûlants de Paws avec une acuité vive – la morsure d'un choc profond, l'écho d'une brisure d'enfance, face aux yeux furieux de sa mère. Cat le sentit alors, qu'il n'était plus un enfant, désormais – il n'avait pas réellement eu le temps de l'être, à l'exception de quelques sursauts de moments passés avec ses copains en bas des HLM, ou dans les pattes de Ruth, qui l'avait inconditionnellement pris sous son aile. Un peu comme Lee ; et ce dernier, tout comme Ruth, s'arrachait à lui avec une violence qu'il n'avait prêtée qu'à sa mère, qu'à l'école, qu'à Antonin, qu'à la rue.

Quelle tête de con – comme les autres, en fait, prône aux mêmes coups de sang et lui inculquant que vraiment, on ne pouvait donc jamais se croire en sécurité avec personne. "You'd only be a bother if you come today since I'd have to babysit you the whole time. Not worth it." "But –" "Just practice some more, alright?" fit Paws en détournant les yeux, l'interrompant d'un ton distant et sec, avant de reprendre. "We'll be in big boy territory soon and I'll need someone that I can count on by my side." Ils l'étaient déjà, jusqu'au cou – c'est ce qu'on leur répétait depuis des semaines, des mois, et visiblement depuis plus longtemps encore, avait-il compris en discutant avec des plus anciens. Dehors serait toujours chaotique, ils seraient toujours appelés à être prêts, plus forts, plus aptes – et pourtant Cat avait vu des sorciers et des comme les siens (il détestait ce terme de Moldus, et cette scission entre les sorciers et les autres, qui constituait les siens et alimentait le nerf de cette guerre stupide) faire des erreurs de débutant, trébucher, se faire cueillir en quelques instants. "No time to fuck around anymore." Lee lui refit le coup du regard tranchant. Cat fronça les sourcils, sentant les mots lui venir avec une aisance déroutante, qu'il détestait pour le ramener tout droit à ses vieilles habitudes, ensevelies dans les années les plus longues de son existence. "Yeah well, that's some proper grown-up rubbish crisis you're having mate", quel con, il pratiquait avec un zèle qui le défrisait lui-même, serrant les mâchoires en sentant la magie couler en lui sous des sorts simples – pour Paws, pour sortir, pour être libre, et il ne comprenait pas pourquoi Paws, le seul qui ne lui ait jamais opposé qu'une bienveillance douce (différente de la bienveillance sévère de McGo), s'en prenait à lui, ce jour-là.

Il y avait quelque chose – il y avait toujours quelque chose, mais Cat, au-devant du rejet gratuit de Lee, n'en avait rien à foutre. "Don't bother about babysitting anymore, I'll manage without you," et avec un regard noir où se lisait la blessure fraîche créée par ses mots, Cat prit la tangente de son pas vif et buté, se raccrochant à sa colère pour ne pas se laisser happer par la stupidité de cette échange confus, étourdissant – chamboulant les fondations fragiles de son nouveau quotidien dont Lee était le pilier.

tw: grief, foreshadowing lol

L'incident avec Cat a été refoulé au plus profond de lui, enterré dans un coin de son coeur à ne jamais effleurer, même du bout des doigts - c'est une boîte de Pandore, là-dedans, et Lee n'a ni le temps ni l'énergie de s'y consacrer. En quelques semaines à peine, les choses s'accélèrent à un rythmne fou et Lee est tiré de tous les côtés, voguant de planque en planque, assistant parfois certains résistants lors de leurs missions. Plusieurs fois, il regrette l'absence de Cat. Mais la plupart du temps, il se rappelle que malgré ses airs de thug, il n'est qu'un wizling - un apprenti sorcier sans réelle expérience, incapable de se défendre avec une baguette, pas face à un Hound ou un Mangemort en tous cas.

Mais à mesure que la date butoir se rapproche - même si il ne sait pas quand exactement se déroulera l'assaut, il est aisé pour lui de voir la tension qui s'accumule tous les jours un peu plus sur les épaules de Sofia, et qui la rend jittery et snappy -, Lee sent quelque chose se débloquer en lui, progressivement. Un peu comme une laisse à laquelle on accorde plus et plus de lest, comme si il se permettait enfin de relâcher une respiration bloquée dans sa poitrine depuis des semaines, des mois.

Il ne va pas bien, et il va à peine mieux - mais pour la première fois depuis ce qui lui semble être une éternité, Lee parvient à regarder le futur et à ne pas y voir que du noir.

Et, découvre-t-il un jour au détour d'une conversation avec Hermione, Lee a honte de comment il a traité Cat. Il a honte de comment il a traité Alicia. Il a honte de comment il a traité tous les gens qui ont tendu la main vers lui ces derniers temps. Il sait que personne ne lui en vaudra, et que des excuses ne serviraient absolument à rien, mais qu'importe - il emporte cette honte partout avec lui, et la partage avec Flora à chaque fois qu'il va visiter sa petite tombe. Il repense à ses yeux clairs allumés d'un mal profond, et il repense à sa peau douce scarifiée des pustules de la malédiction. Il pense à son sourire et à la tendresse de ses lèvres se pressant sans énergie contre les siennes, pour le rassurer. Il pense à toutes ces choses-là, et il est si intensément triste parfois qu'il n'arrive pas à respirer.

Des fois, il n'y pense pas - et de ça aussi il en a honte, quand il oublie, même pendant un bref instant, d'où vient le poids qui pèse sur ses épaules.

Life goes on, lui a répété Kingsley environ une centaine de fois, et il a raison. Lee a regardé la vie continuer pendant longtemps, réalise-t-il maintenant, depuis bien avant Flora. Il est un peu à la bourre mais, pour la première fois depuis des années, il a envie de rattraper son retard. She's going to die, and I'm going to be alone, a-t-il dit à Riley quand son désespoir était le plus profond. Il avait tort, et il le voit seulement maintenant.

Il ne lui faut pas beaucoup de temps pour trouver le spot de Cat une fois qu'il a transplané à la Fawkes et Lee se sent sourire en le voyant, cigarette au bec, son air de petite frappe collé au visage. "Hey, Cat!" Lee s'arrête de marcher, se tenant à une distance respectueuse de l'autre jeune homme, un sourire incertain collé aux lèvres. Ils ne se sont pas vus depuis quelques semaines maintenant et Lee ne lui en voudrait pas d'apprendre que Cat n'a aucune envie de le voir, alors il ajoute rapidement, en faisant passer son sac sous son bras. "I won't be long. I heard your birthday was in a couple of weeks and there's something that I wanted you to have... in case something happens at the games and I can't celebrate with you or whatever." Il est presque nonchalant quand il hausse une épaule en sortant un livre maladroitement enveloppé de son sac, le tendant dans sa direction. "You okay?" demande-t-il posément, comme si de rien n'était, ses yeux sombres vrillés sur lui et le dévisageant d'un air incertain.

Il avait fallu quelques jours à Cat, pour digérer l'incident - et quelques jours de plus, à garder le silence en dépit des "hey, are you listening?" d'Obelia et des regards circonspects de Camilla et de Noah. Sa dernière discussion avec Mrs. McGonagall lui restait en tête, une rengaine entêtante qui le plongeait dans un mutisme anormal, que même les piques légères de ses amis ou les discussions animées sur les games ne parvenaient à crever. "Can't you send him a message or something? You have a phone too, right?"

Tout faisait désespérément sens - et Cat, pris dans ses pensées, rongeait le bout de son pouce en en oubliant presque la Lucky entre ses doigts. "Hey, Cat!" Son coeur se figea en reconnaissant sa voix ; et ses yeux s'arrondirent en constatant qu'il s'agissait bel et bien de Paws, dans son spot (celui où il venait seul, pour plonger d'un air absent dans ses pensées), et il se leva du seau retourné qu'il avait investi, agréablement surpris par cette visite - et sensiblement désarçonné par le sourire sur les lèvres d'un Lee endeuillé.
Normal, pour quelqu'un comme lui - les optimistes perdaient rarement leurs sourires, particulièrement dans leur peine.

Il garda sa cigarette entre ses doigts, contre sa jambe, son autre main incapable de se donner une contenance en voyant Lee approcher. "I won't be long. I heard your birthday was in a couple of weeks and there's something that I wanted you to have... in case something happens at the games and I can't celebrate with you or whatever." "What?" répondit-il d'un air interloqué en récupérant le paquet, y jetant un coup d'oeil avant de revenir à Lee. Ruth l'avait habitué à ce qu'on se souvienne de son anniversaire - mais qu'on le fasse à l'aube des préparatifs "d'un des plus grands coups de l'Ordre" (il se rappelait l'air certain d'un de ses camarades de classe, assis non loin de lui à la cafétéria). "You okay?" Cat prit soudainement conscience de cet embarras inédit entre eux, arrivant à son apogée devant cette question - devant ce regard, le faisant passer son pouce sur le paquet cadeau maison du paquet. "Yeah, yeah, hm... I'm all fine." Cat cilla en fronçant les sourcils, baissant un instant les yeux sur son cadeau, avant de revenir à Lee, en un regard vif, inquisiteur, et sensiblement désolé. "But how are you?" renvoya-t-il en gardant les yeux rivés sur le sorcier, guettant sur ses traits l'aveu de ce deuil silencieux. "I heard, about what happened and all. Mrs. McGonagall told me." "Her name was Hestia. I believe Paws loved her very much." C'était donc pour ça - et l'impression d'avoir abandonné Lee à une peine qu'il avait ignorée lui tordit le coeur avec une virulence éclatant sur son visage chamboulé. "I wouldn't be so crossed with myself, if I were you. That's not something you could have guessed on your own." "I'm sorry mate." Il n'avait pas grand-chose d'autre à dire pour exprimer la tristesse qui lui pesait sur le ventre, valsant d'une pupille à l'autre sur le visage fatigué de Lee.

"Yeah, yeah, hm... I'm all fine." Le sourire de Lee s'étire, mécanisme habituel pour lui, et il hoche la tête. "That's good." Il n'aime pas cette distance, cette gêne entre eux - ils sont sensés être la cat team, et Lee réalise seulement à quel point Cat est devenu important dans sa vie maintenant qu'il l'en a éjecté. Il espère qu'il saura se racheter, ou lui faire comprendre qu'il est désolé. Cat ne semble pas trop aimer les gens , et Lee s'est targué plus d'une fois d'être parvenu à percer sa carapace épaisse. Elle a l'air d'être de retour, mais elle n'a pas l'air d'être aussi solide qu'avant - Lee espère que ce qu'il est en train de lire sur le visage de Cat n'est pas qu'une expression hostile et peu amène, et qu'ils parviendront ensemble à retrouver un ersatz de l'amitié qui les liait auparavant. Ils le méritent tous les deux.

Un silence s'installe, et Lee songe à le laisser tranquille pour mieux revenir à l'attaque un autre jour. C'est comme ça qu'on apprivoise un chat sauvage, non? Avec patience et bienveillance, et sans jamais forcer. Il ouvre la bouche pour dire une dernière connerie avant de se tirer, mais Cat le prend de court: "But how are you? - I'm good." La réponse automatiquement s'échappe d'entre ses lèvres bien trop vite, et il n'a pas besoin de fouiller le regard de Cat pour savoir qu'il n'est pas dupe. Personne ne lui pose jamais cette question en espérant une réponse sincère, il le sait bien, alors bon... Cat enchaîne, achevant de lui couper l'herbe sous les pieds:What happened and all - le coeur de Lee fait un bond dans sa poitrine avant de sombrer douloureusement, et son visage s'affaisse brutalement en ravalant la moindre trace de sourire.

Il n'a pas envie d'y penser. Il est tellement fatigué quand il y pense, tellement faible, tellement petit - il a envie d'être fort, maintenant, il doit être fort. Pour Cat, pour Sofia, pour Dennis, pour Elena, pour Ian, pour George, pour Nacho, pour Dean, pour tous ses potes, tous ces gens qui comptent sur lui. Il n'a pas le choix. "I'm sorry mate. - Ah, it's all good, Cat. It's all good." Lee serre les dents, et se force à sourire, mais ces quelques petits mots lui donnent la force de s'approcher de lui et de lever une main hésitante. Quand l'autre sorcier ne s'en défait pas, il la pose sur son épaule, la presse un peu. "I'm the one who's sorry actually, I was a real ass last time we spoke wasn't I?" Il serre ses doigts dans la chair de Cat, à travers ses vêtements, avant de le relâcher. Sa main se ferme, et il tend le poing vers lui. "Cat team?" propose-t-il à mi-voix, comme avant, parce que c'est moins douloureux de penser à l'avant quand tout était plus simple.

Voir l'indécrottable sourire de Paws se casser imprima une marque vive sur le cœur de Cat. C'était donc vrai ; la réalité crue s'était matérialisée sur le visage aux traits tirés de Lee, l'espace d'une seconde avant qu'un sourire ne revienne chasser cette tristesse lourde de ses traits. "Ah, it's all good, Cat. It's all good." Les lèvres pincées de Cat se détendirent sous une surprise légère en le voyant lever une main vers lui. Son regard vif coula sur le geste, ses muscles se tendant légèrement en un réflexe conditionné par les années d'alerte ; puis Lee referma sa main sur son épaule, planta son regard brun dans le sien, sa voix chaleureuse teintée d'une peine équivoque. "I'm the one who's sorry actually, I was a real ass last time we spoke wasn't I?" "Yeah," fit Cat sans ambages ; son regard coula du côté de la main sur lui, un sourire fin aux lèvres, gêné par cette ambiance sérieuse soudaine et ce contact fraternel qui lui réchauffait agréablement le cœur, dissipant la sensation désagréable qu'y avait laissé leur dernière entrevue. "But I don't care, you know." Son regard glissa sous celui de Paws, embarrassé par ces excuses et ces explications qui n'avaient pas lieu d'être entre eux – il releva les yeux, hésita une seconde à ouvrir la bouche sans savoir par où commencer pour lui parler d'Hestia (il n'était pas bon pour écouter les autres, et il s'en était longtemps foutu, peu intéressé par les histoires des autres), et Lee le devança en lui présentant son poing fermé.

"Cat team?" La tension dans les épaules de Cat fut ébranlée par l'expiration qui lui échappa dans un sourire. "Cat team", répondit-il en pressant son poing contre le sien en un check de leur cru, son regard brillant d'une lueur légère en observant Paws. Leurs poings retombèrent en silence, et il finit par ajouter en levant devant lui le paquet-cadeau emballé pour lui – c'était sans aucun doute autre chose que les cadeaux d'Antonin pour son anniversaire. "And thank you for this. That's uh, that's cool." Il se frotta légèrement la joue en considérant le cadeau, bien trop conscient de mariner dans son embarras, avant de relever les yeux vers Paws – la perspective de célébrer avec lui ce jour qui n'était, à ses yeux, pas différent d'un autre le rendait bêtement spécial. "I'll open it on that day then." Il aurait voulu l'entendre lui parler d'elle, partager une cigarette avec lui dans le dos de McGo, le retenir assez longtemps pour rire et s'assurer qu'il allait bien (et pour de vrai) – mais tout le monde qui n'était pas eux, à la Fawkes, était terriblement occupé, comme on ne cessait de le leur rappeler quand les allées et venues de figures inconnues de l'Ordre, des ombres mystérieuses traversant la pelouse sous leurs yeux, ne le faisaient pas pour eux. "I'll see you soon," le sourire de Cat portait la perspective de passer ce premier anniversaire avec Lee, "and uh, be careful yeah? I heard it's a big thing this time or whatever, but they don't know what the cat team is made of, seems like." Et son sourire se muta en un rire bas, déclenché par sa plaisanterie sincère qu'il espérait voir prendre sur la tristesse de son compagnon félin ; il eut un dernier signe pour Paws et glissa le cadeau à l'intérieur de sa chemise ouverte en un réflexe protecteur, un sourire léger aux lèvres en se dirigeant vers les dortoirs pour y enterrer son précieux butin.