tw: drug use, death, suicide ideation, crude language

Il est directement rentré à Londres depuis Sheffield, éteignant son téléphone et le fourrant au fond de sa poche. Il sait que Sofia lui tirera les oreilles quand elle le verra mais peu importe: comme d'habitude, Lee trouvera une bonne excuse et parviendra à la faire se ranger à son côté, la badinant de sourires et d'explications maladroites jusqu'à ce qu'elle lui pardonne d'avoir été indisponible pendant quelques jours. Elle peut, de toutes façons, compter sur les autres en son absence. Lee a besoin de cette dernière journée et après ça, promis, on ne l'y reprendra plus: il sera comme avant, fort et courageux et capable de tenir des jours sans dormir, sans se poser, sans souffler. Mais, juste ce soir, il veut oublier.

Que ce soit la douleur qui agite encore ses membres, ou l'inconfort pesant qui règne dans son corps depuis des semaines, ou l'angoisse enflammée qui réside dans son ventre depuis le diagnostic de Flora. Il vient la voir presque tous les jours, et son état ne s'améliore pas, tout comme celui des autres résistants touchés par la malédiction. Elle devient de plus en plus confuse, de plus en plus rapidement fatiguée, de plus en plus éteinte: Lee la regarde lentement s'éteindre, comme une fleur sans soleil.

De retour dans le petit appartement de Londres loué par l'Ordre et utilisé comme planque subsidiaire lors de ses déplacements, Lee s'écroule rapidement sur le lit, avec un peu de la weed offerte par Riley, et laisse ses pensées émoussées vagabonder vers autre chose que vers lui-même. Il en a marre, de vivre dans sa tête et de souffrir de ses angoisses normalement profondément enfouies. Il s'endort le coeur lourd mais la tête vide, d'un sommeil de plomb qui le rassure et l'emmène bien loin de la dure réalité de son quotidien.

Il est réveillé dans un sursaut par une main qui effleure sa joue. Pendant un bref instant, il se pense à Sweet River, dans la chambre sous les combles de Flora, cette dernière le réveillant pour ne pas qu'ils loupent le petit-déjeuner dans la maison principale. Ses yeux papillonnent difficilement, et il reconnaît le visage de Sofia entre ses cils, ses sourcils froncés au-dessus de son regard sombre. "Sofia? I can explain..." Sa bouche pâteuse le force à mâcher ses mots, alors qu'une rougeur embarrassée s'empare de ses joues. Il se redresse dans le lit, cligne d'autant plus des yeux, et sent son coeur faire une embardée quand il voit le sérieux sur son visage, à mille lieues de la sévérité qu'il aurait imaginé y voir dans cette situation-là. "Get dressed, Lee." Et sa voix est douce, trop douce, et Lee a envie de se rendormir, de laisser ses rêves et ses espoirs l'envelopper tout entier pour le recracher dans quelques heures, dans quelques jours, quand il sera prêt (sauf qu'il ne le sera jamais). "She doesn't have much time."

Ils transplanent ensemble à la planque où sont soignés les résistants les plus atteints de la malédiction. Lee connait l'endroit par coeur, à force d'avoir visité Flora, mais ne peut pas s'empêcher d'être réticent à s'y engager quand Sofia lui ouvre la porte. Il salue rapidement les guérisseurs et médicomages de fortune, et accélère naturellement le pas dans le couloir en se dirigeant vers la chambre de Flora.
Elle sourit, un peu, quand elle le voit - faiblement, sans force ni entrain. Lee sent son coeur faire un autre bond dans sa poitrine, et il se jette à son chevet, attrapant de ses deux mains les doigts qu'elle tend lentement vers lui. "Hey. - Hey, how are you feeling?" Elle sourit sans répondre, caresse lentement le dos de sa main tatouée de son pouce, l'observant de ses yeux clairs. "Look at you. So handsome." Lee sourit un peu, même si il a envie de pleurer, et embrasse sa main entre les siennes avec ferveur. "And you, so pretty and brave." Elle rit un peu, et grimace quand une respiration se bloque dans ses poumons. Lee caresse lentement la peau de sa main, les cicatrices des pustules qui ont fini par disparaître quand le mal est devenu intérieur. Personne ne comprend véritablement comment cette malédiction fonctionne, même pas les harpies qui ont été interrogées puis mises en quarantaine il y a un mois: on sait juste qu’au bout d’un moment, certains guérissent et d’autres périssent, aléatoirement. Heureusement, il y a eu plus de survivants que de fatalités.

Malheureusement, Flora fait partie de ces dernières, semblerait-il.

On parle d’un remède, d’une solution, d’un miracle, mais rien ne vient. Rien ne vient, rien ne va, et Lee ne peut que, impuissant, caresser la main de la femme qu’il aime sans pouvoir la débarasser du mal qui la ronge depuis des semaines maintenant.

Il laisse Flora détacher sa main des siennes pour la glisser sur sa joue, dans ses cheveux, et il ferme les yeux en la laissant faire, retenant à grand mal les sanglots douloureux qui menacent de faire tressauter sa poitrine. "I love you, Lee," murmure-t-elle très doucement. Comme si il avait besoin qu’elle le dise pour le savoir; il relève toutefois des yeux mouillés d’émotion vers elle, avec un sourire tremblant sur les lèvres. "I love you too. I love you so much. You can’t die, Flora, you really can’t." Elle sourit en réponse, sans force ni joie, caressant sa nuque de ses doigts froids. "I won’t," ment-elle avec aise, "I promise I won’t."

Il passe la journée puis la nuit avec elle, sous sa forme animale pour lui tenir chaud, finissant par s’endormir à côté d’elle, ronronnant même dans son sommeil en sentant ses doigts caresser sa fourrure inlassablement, l’entendant sans l’écouter lui lire un livre qu’il lui a ramené pour passer le temps. Ca parle d’une princesse, et d’un tisseur de tapis, et d’un amour impossible. Elle lui a déjà raconté l’histoire une dizaine de fois, mais il ne s’en lasse pas.

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Quand il se réveille, elle est déjà partie.

C’est Sofia qui le détache de son corps, puis l’attend patiemment quand il se cache sous le lit pendant des heures, en feulant à la moindre main s’approchant d’un peu trop près de lui. C’est Sofia qui lui serre l’épaule quand il consent à se retransformer, et c’est avec Sofia qu’il retourne à Sweet River pour rassembler les maigres affaires de Flora dans un sac qu’il met sur son dos sans rien dire. Il pense qu’elle le laissera filer sans rien dire, mais elle l’arrête d'une main sur son bras lorsqu’il s’apprête à transplaner pour Londres. "Lee. Look at me." Il obéit, puis baisse les yeux presqu’aussitôt. "Say something. You know I can’t let you go off on your own, not like that. - I'm fine, Sofia, I just... I just need some time." Elle ne répond pas pendant un moment, laissant sa main retomber. Lee relève les yeux, mais même lui n'a pas la force de faire semblant de sourire.

Il retourne à St James, pour la première fois depuis des semaines. Il a une toute petite chambre près des cuisines, là où personne ne vient jamais l'embêter. Il devrait peut-être se plaindre de cette pièce étroite mais il passe tellement peu de temps au manoir qu'il s'en fiche, et il a découvert qu'il aimait bien, au final. Il aimerait pouvoir s'y enfermer, se rouler dans les draps, s'y prélasser en gros matou, s'y endormir, ne pas s'y réveiller.

Il dépose, avec des mains tremblantes, les quelques affaires de Flora qu'il va garder. Des livres qu'il lui a offert, d'autres qu'elle lui a demandé de se procurer. Un collier qu'elle aimait bien, avec une main de Fatma bleue au bout. Un jeu de cartes qu'ils ont peint à deux à Noël, en se dessinant roi et reine de coeur. Un soldat de plomb qu'ils ont fait ressembler à Sirius pour se moquer de lui en lui donnant des voix. Les perles pour cheveux qu'elle lui a offert pour les fêtes, et gravé elle-même de runes protectrices, qu'il lui a promis de porter quand il se laisserait pousser les cheveux de nouveau.

Lee finit par verrouiller la porte de la chambre pour ne pas qu’on le dérange, et par se transformer pour passer la nuit sous sa forme de lynx, tapi sous le lit.

What you have lost will not be returned to you. It will always be lost. You're left with only your scars to mark the void. All you can choose to do is go on or not. But if you go on, it's knowing you carry your scars with you.

Ils l’ont enterrée avec les autres malades qui sont décédés, sur le terrain de la maison faisant office d’hospice pour les gens atteints de la maladie. C’est en voyant le nom de sa soeur sur la tombe grossière que Lee a décidé qu’il serait temps d’aller voir Hestia, d’au moins lui annoncer la nouvelle - à moins qu’elle le sache déjà.

Quand ils se retrouvent, ils tombent dans les bras l’un de l’autre. Il n’a même pas besoin de parler pour qu’elle sache. Ils pleurent, beaucoup, en crieraient presque de tristesse et de douleur à l’idée que la personne qu’ils aiment tous les deux le plus au monde soit partie. Lee sait combien ça a été dur pour elle, d’être séparée de Flora, d’apprendre la souffrance de sa transformation à distance, de ne pas pouvoir lui parler du tout pendant des mois entiers - sauf la fois où il est parvenu à faire se rencontrer les jumelles pendant quelques heures, à Noël… Il ne peut pas imaginer la douleur qu’elle ressent, et il espère qu’elle ne peut pas imaginer la sienne.

Il a l’impression d’être fendu en deux. Un peu comme après la mort de Fred, voire pire. Fendu en deux, comme un arbre frappé par la foudre, voué à périr lentement, obligé de rester debout malgré tout. Sous les vagues de SMS qu’il a reçu de la part d’autres membres de l’Ordre ayant appris la nouvelle et lui offrant leurs condoléances, il a aussi reçu quelques messages urgents qu’il a décidé de transférer à Dennis et à Sofia. Il ne peut pas juste s’arrêter de travailler, il n’a pas le temps de faire son deuil, quoique Sofia lui dise. Il ne peut pas s’arrêter parce que si il s’arrête… il n’est pas sûr de pouvoir se remettre en marche. Il n’est pas sûr d’en avoir envie.

Quand lui et Hestia se détachent, après plusieurs minutes passées à se serrer et à pleurer et à gémir, il la regarde et elle ressemble tellement à Flora qu’il a envie de vomir. Il aimerait l’embrasser, la prendre dans ses bras de nouveau, lui dire qu’il l’aime, et s’excuser, s’excuser de ne pas avoir pu la sauver, de ne pas avoir su la sauver, de ne pas l’avoir sauvée. Il aimerait se transformer en lynx et se rouler en boule sur ses genoux comme il le faisait parfois pendant l’hiver, pour lui tenir chaud pendant qu’elle leur lisait ses histoires préférées. Il aimerait glisser ses mains dans ses cheveux, caresser sa peau, embrasser son cou, se lover dans son odeur.

Mais c’est bien Hestia, qu’il a face à lui - et le don presque magique qui lui permet de différencier les jumeaux n’est pas mort avec sa soeur.

Alors Lee ne peut que pleurer, lui dire au revoir, et lui promettre de revenir la voir dans quelques jours.

Quelques jours deviennent quelques semaines, et quand il parvient enfin à avoir la force d’essayer d’entrer en contact avec Hestia de nouveau, il apprend qu’elle aussi est morte. Ou plus exactement selon son contact, qu’elle s’est éteinte sans que personne ne comprenne pourquoi. Elle est partie, elle aussi, et où qu’elle soit, Lee espère qu’elle a retrouvé Flora.

Lui, en revanche, est toujours désespérément seul.

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“So yeah. All of this happened, that’s why I haven’t been around much…” Lee pince des lèvres, jetant un regard vide en direction de la pierre ornant la tombe de Fred. Cela fait des mois qu’il ne s’est pas rendu ici. Il évite le cimetière improvisé de l’Ordre comme la peste, détestant lire les noms de tous ses amis qui ont disparu, de tous les gens qu’il n’a pas sauvé. Fred est enterré un peu à l’écart, privilège d’être un Weasley peut-être, ou simplement parce qu’il a été l’une des premières pertes et qu’on ne savait pas trop quoi faire de lui. C’est dangereux de venir ici seul, c'est trop près de Wolverhampton et il y a eu plusieurs rapports de Mangemorts ou de Brigadiers à proximité, mais peu importe. C'est l'un des rares endroits où Lee se sent en paix et n'a pas l'impression d'avoir un poids d'attaché au pied. "I hope you're not too jealous." Le sourire sur ses lèvres n'atteint pas ses yeux, qui débordent de larmes depuis de longues minutes. Lee renifle en se passant une main sur le visage. "I'm sorry Fred... I'm so fucking sorry."

Il n'a pas envie de faire ça de nouveau. Il n'a pas envie d'être accablé par cette chappe de plomb de nouveau, il n'a pas envie de passer des heures enfoncé dans son lit, il n'a pas envie de croiser le regard désolé des gens autour de lui. Il n'a pas envie d'être faible, triste, mélancolique, incapable de ressentir autre chose qu'un profond désespoir. Fred, et maintenant Flora. Lee savait déjà que la vie était injuste, il ignorait simplement à quel point.

Sa main passe dans ses cheveux, ses ongles s'enfonçant un peu sur son crâne, la douleur vive mais rassurante, d'une certaine manière. “I thought about you a lot, these past few days. About you, and Angelina, and... and everything else. And I'm sorry. I'm just sorry. It's like I can't do anything right..." Lee appuie la paume de sa main contre ses yeux, espérant calmer les larmes qui en coulent à n'en plus finir.

Lee sursaute et saute sur ses pieds, attrapant sa baguette, en entendant un craquement dans son dos. Il s'apprête à transplaner, fébrile et couard depuis son altercation avec la NSFW, mais suspend ses gestes en rencontrant le regard sombre de Kingsley. "Sofia said I'd find you here," grogne-t-il. "Come now, Paws, we need you back at the manor." Lee cligne des yeux sans comprendre avant de secouer la tête. "No," commence-t-il d'une voix tendue. "I don't care for your horror games bullshit, I'm-- - That was not a question, Lee, that was an order. - Excuse me?" Les sourcils de Kingsley se haussent sur son front. "I said it was an order. We need you back at the manor. - No, I can't, I'm..." Lee fait un geste de la main en direction de Fred, avant de jeter un regard noir à Kingsley. "Fuck you. - Listen, boy-- - Don't call me that. Who the fuck do you think you are?" Il s'approche de quelques pas et Kingsley reste parfaitement immobile.

"Can you tell me how many circles are on my wrist? - I don't fucking care about your circles, you pumpous son of a bitch. I know who you are. You're a self-centered, cruel and ambitious man whose single-minded idea of revenge against the Dark Lord is forcing you to send people to be slaughtered off left and right," crache-t-il, allumé d'une rage qui n'est pas commune pour lui. "You see us as canon fodder or, worse yet, as pawns that you can do what you please with. You fuel the discord that has been plaguing us for months now with your backwards pureblood ideas, and you can't even stand the idea that people might disagree with you so you go off on them first chance you get, thinking you can scare them into staying quiet. I know who you are because I know men like you, Kingsley, and I know them well: I've been fighting against them for ten years now." Kingsley ne répond pas, et Lee, à bout de souffle, le regarde d'un air mauvais pendant un temps interminable.

"Are you done? - Fuck you. I'm not going. - You are coming with me, whether you want it or not." La main de Kingsley s'abat sur son épaule, ses doigts s'enfoncent dans son épaule et, paralysé, Lee ne bouge pas. "I can't lose you, Lee." Lee sent son coeur faire une embardée malvenue dans sa poitrine, et un silence s'étire. "So you're going to cry some more if you need to, then you're going to go back to the manor with me so that we may finish what we started. Don't you think I'd like to take my time and mourn the many people I've lost too? Uh?" Il le secoue un peu et Lee ne sait pas quoi répondre, frappé en plein coeur par sa brutalité inaffectée. "But we don't have that, we don't have time. So suck it up and be done with it. I'm sorry for what you lost, Lee, but I need you to focus on what we can win. This war."

Lee ouvre la bouche et la referme sans rien dire, se sentant très petit et vide quand la main de Kingsley se détache de son épaule. Son regard sombre le vrille de parts et d'autre et il a envie de hurler, de pleurer, de faire quelque chose pour lui faire payer ses mots, pour que Kingsley cesse de penser à Flora comme à une énième perte, comme si elle n'était pas la personne la plus importante de sa vie à lui.

N'a-t-il pas le droit à un peu de douceur, ne peut-il pas faire son deuil tranquillement, se faire oublier quelques temps?

Le regard de Kingsley lui dit que non. "I'll be waiting for you down the hill. Be quick," lui souffle Royal, avant de se détourner et de repartir, les mains enfoncées dans les poches de sa veste.

Lee aimerait qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige, que le ciel représente son état d'esprit tumultueux et malheureux. Que quelque chose se passe, que sa rage et sa peine trouvent écho avec le monde autour de lui. Mais non: en levant les yeux, Lee ne peut voir qu'un ciel immense et bleu, et un soleil de juin le frappant avec une force peu commune, réchauffant sa peau de manière presqu'agréable. Il aimerait hurler, se battre, lancer un sortilège cuisant entre les omoplates de Kingsley qui s'éloigne sans un regard pour lui. Il aimerait...

Lee ferme les yeux, pendant un instant, avant de chasser les vestiges de larmes sur son visage. Il tremble encore, de tristesse, de colère, de solitude, d'injustice mais, après quelques secondes passées à regarder la tombe de Fred, il finit par emboîter le pas à Kingsley en se promette qu'il leur fera payer à tous.