“Y’a quelqu’un??? Allô?” Personne ne répond à ses appels à l’aide désespérés et Sylas sent une boule d’angoisse grimper dans sa poitrine pour se loger dans sa gorge, le réduisant au silence pendant quelques longues minutes de malaise profond. C’est Alexis qui a eu la merveilleuse idée de l’inscrire à Fort Boyard (même si Sylas pense que l’idée venait en réalité de Maxine qui voulait se débarrasser de lui le temps d’un weekend) (ou alors pour toute la vie, vu comme c’est parti…) et, bêtement, il a accepté de participer parce qu’il voulait l’impressionner. Et puis, il est fan du feuilleton, il connaît toutes les épreuves et tous les rebondissements, pas de soucis à se faire de ce côté-là.

Le rebondissement du mec qu’on oublie de faire sortir des cachots une fois l’émission finie, en revanche, il le connaissait pas.

“Allô??” C’était marrant, au début, de courir partout dans le Fort, de faire des high five (ou des low five) à Passe-Partout et Passe-Muraille en répétant les répliques demandées par l’association de cette édition, Les Grands… euh… Alexis a essayé de lui faire retenir le nom de l’association pour laquelle Sylas est sensé faire des conneries afin qu’ils s’en mettent plein les poches, mais sa mémoire lui fait parfois l’effet d’être une passoire et c’est typiquement le genre d’informations qui rentre par une oreille pour ressortir de l’autre aussi sec. Il espère que ces cons ont au moins fini l’émission sans lui et ont récupéré un max de thunes sous le nez de Felindra et ses tigres…

“Allô???” répète-t-il désespérément au moindre bruit, confondant courants d’air et bruits de pas. Il va devenir fou, son visage pressé entre les barreaux de la cellule dans lequel on l’a enfermé suite à son epic fail lors de l’épreuve du Débarras (pas sa faute si ses bras ont fatigué au bout de la deuxième caisse, et puis c’est pas un peu sexiste de juste laisser les mecs participer?). Les barreaux sont en plastique, certes, c’est du chiqué comme tout à la télévision… mais bon, quand même, c’est chiant. Il a envie de pisser, et il a un peu… froid. Et, peut-être, un peu peur. Même si les fantômes hantant le Fort depuis des années évoqués par Père Fouras, c’était du chiqué aussi. Pas vrai?

“A--” Sylas s’interrompt pour tendre l’oreille, sa respiration se coinçant dans sa gorge en entendant une porte claquer à proximité. Un vent froid peu commun s’abat sur lui et il sent sa respiration se coincer dans sa poitrine, pressant d’autant plus son visage contre les barreaux en essayant de s’immiscer entre pour voir ce qu’il se passe de l’autre côté de la pièce. “Euh, excusez-moi, vous êtes caméraman ou…” Sa voix meurt dans sa gorge quand il voit le casque cuivré à la face de tigre de l’homme face à lui. Sylas saute sur ses pieds et recule avec angoisse, même si il reconnaît l’un des fameux Maîtres des Ténèbres Fort, il ne peut pas retenir la panique qui s’abat sur lui comme une douche froide en repensant aux paroles du Père Fouras et des esprits hantant le Fort la nuit… “ME TUEZ PAS S’IL VOUS PLAÎT JE VOULAIS JUSTE GAGNER DE L’ARGENT POUR, EUH, L’ASSOCE!!!” s’écrie-t-il de toutes ses forces en se pissant un peu (rien qu’un peu) dessus en se carapatant de l’autre côté de la cellule, tremblant, essayant de se faire tout petit alors que le MdT s’approche.

Sylas tremble de plus belle quand le Maître des Ténèbres s'approche et sursaute en criant de surprise quand sa tête cuivrée rentre en contact avec les barreaux dans un son sourd - il a tellement, tellement peur que le casque n'en soit pas un et que la gueule énorme du tigre s'ouvre et que ses crocs se referment sur lui, pour ne jamais le laisser repartir. « Rah, putain, merde— » Le bruit qui résonne assourdit à peine la voix du MdT, grave et basse comme un stentor. Il n'a jamais entendu un Maître des Ténèbres parler avant ça, et ça le met un peu mal à l'aise, tout comme ça le terrifie - ça veut sans doute dire qu'il a fait quelque chose de terriblement mal, non? « Mais qu’est-ce que tu fous là ? Sylas, c’est ça ? » Sylas ouvre de grands yeux en entendant son prénom dans la bouche de l'animateur (ils ne sont que des animateurs pour l'émission, hein? et pas des esprits enfermés à double-tour à Fort Boyard comme certains racontent?? hein???) et hoche la tête. "Euh, bah, j'sais pas," balbutie-t-il, ses grands yeux clairs écarquillés et sa mâchoire manquant de traîner sur le sol tant il conserve un air béat face à ce MdT qui parle et qui connait son prénom.

« Wolfie t’a pas sorti de là ? - Euh, bah... - --JURE MOI que t’es PAS un fantôme ou j’te file à bouffer aux tigres !! - JE JURE J'SUIS PAS UN FANTÔME J'SUIS JUSTE SYLAS," s'écrie aussitôt le prisonnier en réponse, par mécanisme, serrant ses bras contre lui en le voyant sortir un trousseau de clefs sous son nez et commencer à jouer avec. Il s'approche timidement, les yeux hagards. "Promis juré, j'suis pas un fantôme, putain, j'sais pas, ils m'ont enfermé là mais euh, l'émission, elle est finie? J'ai la dalle, j'ai envie de pisser, ça fait des heures et je..." Il s'interrompt, rendu mal à l'aise par le regard immobile du casque de ce qui semble être, tous comptes faits, un homme comme les autres. "Y'a-y'a des fantômes ici? Dans le Fort?" demande-t-il ensuite d'une petite voix, un frisson terrifié lui dévalant l'échine.

Ses yeux écarquillés balayent la cellule et la pièce derrière le MdT, puis reviennent à son visage cuivré et félin. Il se demande qui se cache là-dessus, ou si il est juste un fantôme lui-même, venu le hanter parce qu'il a oublié le nom de l'association. "T'es, t'es pas un fantôme, toi non plus, hein?" demande-t-il d'une petite voix, un doute sincère et terrifié dans la voix, en se reculant un peu jusqu'à s'adosser nerveusement au mur froid en pierres derrière lui. Son estomac tordu d'angoisse lui remonte dans la gorge avec une nausée désagréable. "Ou un gentil fantôme? T'es un gentil fantôme?" Pas facile de raisonner dans ces conditions, mais il prendra ce qu'il pourra, du moment qu'il peut se tirer fissa...

Deux heures, deux heures que l'émission est finie et Sylas est encore là - ça lui ressemble bien, ça, toujours laissé pour compter. Mais c'est la première fois qu'il passe la soirée derrière des barreaux... Il est enfermé et en plus, d'après l'homme-fantôme en face de lui, il y a de véritables spectres qui rôdent et-

« bWAH! - AHHHH!!!!" Sylas se pisse un tout petit peu dessus.

Putain le con. "Mais, ça va pas, c'est pas drôle, ça," couine-t-il d'une voix enrouée, regardant le MdT d'un air absolument terrifié. « Bon allez, on arrête les conneries. » Sylas n'est plus trop sûr qu'il a envie de le suivre, maintenant... Mais malgré tout, l'autre finit par lui ouvrir la porte dans un grincement d'outre-tombe qui fait serrer les dents de Sylas dans un grincement tout aussi désagréable et il s'approche de deux petits pas incertains. « Oué j’suis un gentil fantôme s’tuv. - O....k...." Bon a priori un fantôme qui parle comme dans le terter, ça devrait pas faire trop de mal.

Le Maître du Temps lève les mains pour commencer à retirer son casque et Sylas s'approche encore un peu, hésitant à lui proposer son aide mais réticent à le toucher ou à s'approcher de trop près. « Rah, putain d’merde je- Aide-moi à retirer ce bordel Sylas, ptain. - Euh, t'es sûr? J'ai les mains moites... - Faut m’retirer cette merde j’étouffe là ptain je - Okay, okay, attends..." Il s'approche, manque de se prendre un coup de casque en cuivre quand le MdT se met à ruer aveuglément. "Vas-y, calme toi, mec, attends," marmonne-t-il. Il l'attrape par les oreilles et se met à tirer, tirer, tirer jusqu'à ce qu'un plop résonne et révèle la tête du terrifiant Maître du Temps.

"Hé mais... attends, j'te connais?!" On dirait plus une question qu'autre chose. Sylas ramène le casque en cuivre contre lui dans un geste étrangement protecteur, ses sourcils froncés au-dessus de son expression vaguement méfiante. "Euh... attends, on se connait, non?" Il a un peu la tête du frère d'Alexis, mais aux dernières nouvelles, et d'après les nouvelles de cette dernière, son frangin travaille dans le loi, côté avocat pas police municipale, ou truc du genre... Ou alors c'est un autre de ses frères? C'est un peu compliqué cette histoire, Sylas n'a jamais compris. "Je suis le copain d'Alexis. Tu la connais?"