tw:dépression, consommation de drogue

Une heure maintenant que Riley se retourne dans son lit, les yeux entrouverts dans l’obscurité, à invoquer les forces nécessaires pour s’extirper hors de ses draps et tenter de débuter sa journée. Il y a des journées qui ne commencent jamais vraiment - où elle abandonne tout espoir de tirer les rideaux, préférant rester au fond de son lit jusqu’à ce qu’elle ne ressente plus le temps passer et se réveille le lendemain matin, la faim au ventre et l’énergie suffisante et essayer à nouveau de mettre la machine en route.
Alors que le museau de Ruairi vient chercher les doigts plongés dans l’épaisse fourrure sombre, Riley se demande de quoi sera fait aujourd’hui, si elle aura assez de courage pour ouvrir les rideaux et se risquer à sortir de sa chambre. Car si son quotidien est un pile ou face lancé par sa santé mentale fragile depuis des années déjà, les récents évènements n’arrangent rien à son manque de volonté et d’envie. S’aventurer hors de sa tanière pour déambuler dans les autres pièces du rez-de-chaussée revient à courir le risque de croiser l’un des trois nouveaux locataires de Sheffield - et, de fait, cela fait une semaine qu’elle n’a pas pris la peine de se rendre à l’étage, pas même pour squatter le balcon de Dennis, le laissant plutôt venir jusqu’à elle, ce qu’il fait immanquablement, comme si son frère de coeur avait un radar pour déceler quand elle avait besoin de sa présence.

"Hm, alright, alright", grommelle-t-elle sous les coups de museau insistants du chien, qui s’est redressé sur le lit pour venir renifler son visage qu’elle enfouit dans son oreiller quelques secondes avant de tirer mollement la couverture. Si elle n’était pas responsable de Ruairi - entre autre -, Riley passerait probablement encore plus de temps dans son lit et devant la télévision ; la présence de l’animal est salvatrice, pour bien des raisons, que la résistance ne parviendrait même pas à énumérer. Avant même de se lever, ses mains trouvent la petite boîte posée sur la table de nuit, y sortant un joint qu’elle coince entre ses lèvres, l’allumant dans un même mouvement à l’aide d’un briquet moldu qu’elle trouve tout aussi facilement dans le noir. Quelques taffes plus tard, bouffées nécessaires pour canaliser assez de force, elle se redresse avec peine, suivie par Ruairi dont elle peut entendre les coussinets sur le parquet alors qu’il saute du lit à sa suite. "Let’s get rid of this first." Avec lenteur, Riley se dirige vers le bureau pour s’emparer de son carnet, sa plume, et son thimble, le tout coincé sous son bras avant d’avancer vers la porte.

La lumière agresse aussi vite ses pupilles sensibles, l’obligeant à fermer nerveusement les paupières quelques instants en avançant jusqu’à la cuisine - certainement pas besoin de son clicker pour se déplacer dans sa propre maison, elle connaît chaque recoin par coeur. ” ‘Morning. − Shit." Riley sursaute fébrilement en entendant la voix de Michael face à elle, ouvrant précipitamment les yeux pour détailler la silhouette installée autour de la table de la cuisine - clairement, après trois ans à vivre avec un colocataire se levant bien après elle, elle a perdu l’habitude de croiser du monde dès le matin. Elle se tend un peu - quand bien même Michael a l’air d’être la force calme des trois squatteurs, elle se trouve toujours quelque peu tendue lorsqu’il se tient dans la même pièce qu’elle. Pour être honnête, depuis une semaine, elle est tendue lorsque n’importe qui d’autre que Dennis est dans la maison - de fait, quand bien même la planque de Sheffield voit passer un certain nombre de résistants venant récupérer du matériel magique, Riley apprécie le calme habituel de leur demeure, et, surtout, la solitude.
Joint coincé entre les lèvres, la sorcière aux cheveux gris - il lui semble que Dennis a choisi une coloration grise la dernière fois, mais elle n’en est plus si certaine, il est trop tôt pour se rappeler de ce genre de détails - lève les yeux vers la fenêtre qui s’ouvre dans un crac familier ; Riley arque un sourcil, sans vraiment s’en formaliser, préférant se débarrasser de son matériel qu’elle pose sur la table avant de se diriger vers la machine à café d’un pas nerveux. ”Did you sleep well ? − Uh, yes, I guess", glisse-t-elle en lui tournant le dos dans un haussement d’épaules, tâtonnant pour trouver la boîte contenant les capsules de café, et ne tarde pas à en glisser une dans la machine avant de presser le bouton et de s’adosser contre le comptoir.

Au moins, le son de la machine faisant couler le café dans sa tasse meuble le silence gênant installé entre Riley et Michael, et elle en profite pour tirer à nouveau sur son joint en baissant les yeux vers Ruairi qui s’est collé à sa jambe - à croire que l’animal aussi ressent le malaise qui flotte dans la cuisine. ”How does it work ?” La sorcière relève le regard, fronce légèrement les sourcils. It ne veut rien dire, dans son vocabulaire - autant que there ou this. Elle a l’habitude, que ses interlocuteurs ne prennent pas la peine de préciser ce dont elle parle, oublient qu’elle ne peut pas voir ce dont elle part - suffisamment pour avoir appris à deviner le sujet de conversation. ”Oh." Elle s’écarte un peu pour prendre la boîte à capsules, l’agitant pour la désigner. ”Well you take a capsule, put it in that hole, press this button and that’s pretty much it." Étrange, pourtant, elle est presque certaine de l’avoir entendu s’en servir il y a quelques jours. Whatever. Riley repose de la boîte pour s’emparer de sa tasse, venant s’installer en face de Michael avant de tirer sur son joint. ”You’ve never used muggle devices before?" demande-t-elle avec une pointe de curiosité. Leur maison regorge d’objets moldus en tous genres - il peut toujours être bon de savoir si l’un de ses nouveaux colocataires n’a aucune idée de ce qu’est un micro-onde ou une télévision.

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L’arôme du café éveillent un peu ses sens engourdis par le réveil difficile, et plus encore par l’effet familier du cannabis qui recouvre assez vite sa boîte crânienne du cocon cotonneux et confortable que Riley s’impose en permanence. Elle vient porter la tasse à ses lèvres, sans prendre la peine de laisser ses yeux vissés sur Michael à l’autre bout de la table, encore trop vaseuse pour maintenir cet effort. "Actually, I used to live in a muggle suburb …" Oh ? "Right." Pourquoi est-ce qu’il lui a demandé comment fonctionnait la machine à café, alors ? Si c’était simplement pour briser la glace et la faire passer pour une conne derrière, ce n’est pas comme cela qu’il devrait s’y prendre - comme s’il y avait une bonne manière de s’y prendre, quand il s’agit de faire sortir la résistante de sa coquille hermétique aux autres, encore plus à ses nouveaux colocataires envers lesquels elle ne fait pas l’ombre d’un effort pour montrer un visage chaleureux. De toute façon, dans quelques semaines, ils seront repartis pour la campagne britannique - à quoi cela servirait qu’elle se force à apprendre à les connaître ? Riley repose son café mollement avant de porter son joint à ses lèvres, sa main désormais libre écartant la tasse pour venir chercher à tâton le carnet qu’elle a déposé plus tôt sur la table. Elle espère que cela ne lui prendra pas trop de temps, aujourd’hui, elle peut déjà sentir Ruairi venir à nouveau se coller à ses pieds, réclamant sans aucun doute sa sortie matinale.

"No I was talking about your predictions." Comme si elle avait déjà oublié la présence de Michael dans la pièce, Riley lève les sourcils avant de rabattre ses yeux clair vers le résistant, aussi surprise que passablement tendue par la situation. Elle sait qu’évoluer autour d’une personne porteuse de son handicap demande un certain temps d’adaptation - apprendre à tout remettre à sa place, à préciser de quoi on parle, à lui mettre dans la main ce qu’on lui tend, et un certain nombre de réflexes que des sorciers comme Dennis et Lee ont adopté depuis le temps. Pourtant, elle se sent toujours un peu stupide dans ces moments de flottement un peu gênant, où on lui fait comprendre qu’elle n’a pas tout à fait saisi ce dont on lui parlait. Ce fait est d’autant plus irritant qu’elle se trouve dans sa propre maison, dans sa propre cuisine, et qu’elle se retrouve face à un résident intrusif dont l’éducation sur le sujet est à refaire.

La sorcière soupire avant de tirer sur son joint, se laissant aller contre le dossier de sa chaise. "Be more specific next time, obviously I can’t see." Elle le sort comme une évidence, son ton relativement irrité la surprenant - s’il existait un spectre des répliques passive-agressives qui filent régulièrement entre ses lèvres, Riley se trouverait certainement du côté passif. Difficile de chasser l’agacement tenace à l’arrière de son crâne, pas même en envoyant une longue taffe au fond de ses poumons ; aussi, elle pousse un nouveau soupir enfumé avant de se redresser. "I write automatically. Well, that’s how it’s called, automatic writing." RIley marque une pause pour venir chercher la plume sur sa droite, qu’elle présente sous le nez de Michael. "I just have to clear my head and let my quill write whatever it wants. Sometimes it’s words, sometimes it’s nothing, sometimes it’s weird... shapes - drawings are my favourite", glisse-t-elle ironiquement. Car quand bien même elle peut se représenter grossièrement ce qui apparaît sous sa plume grâce au thimble, les dessins et formes représentent souvent un challenge compliqué, qu’elle abandonne la plupart du temps, quand Dennis n’est pas à ses côtés pour l’épauler. "But whatever it is, it’s a message from the future or the past. And I can just read through it. I mean, most of the time. I’m some sort of time channeler, if it makes sense. That’s what the third eye is all about, isn’t it?" Évasive, comme toujours lorsqu’elle parle de quoi que ce soit la concernant de près ou de loin, Riley recrache un nuage de fumée en tournant un instant ses yeux vers la fenêtre, détaillant la tache lumineuse qui se dresse devant son regard clair. "Do you want to see?" Ses pupilles se sont à nouveau tournées vers Michael, alors qu’elle lui pose la question en penchant la tête sur le côté - une démonstration sera probablement plus parlante que son explication bancale, qu’elle ne cherche jamais vraiment à approfondir.

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Les yeux rivés sur la silhouette redressée de Michael, Riley considère un instant ses questions en fronçant les sourcils dans une expression sérieuse, retournant la plume entre ses doigts avant de tirer à nouveau sur son joint et de laisser l’épaisse fumée envahir ses poumons en se faisant. Au contraire, les prédictions négatives ou impactantes se font plutôt rares, sa plume ne semblant souligner que la morosité et le caractère répétitif de son existence - elle ne s’en plaint certainement pas, mieux vaut un quotidien dénué d’événements renversants que de se retrouver sous les feux du gouvernement, ou d’autres menaces inattendues, comme la NSFW. A choisir, elle préfère nettement lire d’insignifiants messages de l’avenir plutôt que des bouleversements, tel que celui qu’elle a vu apparaître sous sa plume il y a quelques semaines, qui a débouché sur le débarquement de leurs nouveaux colocataires. C’est d’ailleurs pourquoi Riley concentre toujours ses prédictions sur sa propre vie, plutôt que sur des considérations plus larges - elle ne le fait que lorsqu’on lui demande, ou qu’elle s’ennuie profondément. "It’s always trying to tell me something, boring stuff most of the time. You’ll see, anyway." La résistante finit par décrocher son regard clair de Michael, reprenant une longue taffe avant de déposer le joint dans le cendrier qui ne quitte jamais la table de la cuisine. Elle s’empare mollement du carnet, enfilant le thimble au bout de son index pour le passer sur le papier en tournant les pages, s’assurant d’en trouver une vide pour commencer rapidement sa séance. "You should probably sit back, we never know how long it can be", conseille-t-elle dans une haussement d’épaules, avant d’échanger le thimble pour sa plume.

Comme à son habitude, Riley ferme les paupières pour s’assurer de ne pas laisser une lueur soudaine perturber le vide qu’elle cherche à faire son esprit, sachant pertinemment que ses yeux ne pourront résister à l’appel d’un rayon de soleil traversant la fenêtre. Une par une, elle se débarrasse de ses pensées, les laissant flotter à la surface de son esprit jusqu’à ce qu’elles se mêlent les unes aux autres, devenant une brume indistincte et insaisissable. La plume ne s’agite pas tout de suite, immobile sur le papier, son corps attendant l’instant où le vide sera total pour commencer à tracer des lignes, droites au début, pour devenir de plus en plus incertaines, des courbes se formant petit à petit. Riley s’oublie parfaitement, n’est plus en cet instant où elle laisse le temps prendre possession de ses mouvements ; ils ne restent d’elle que de vagues sensations, imperceptibles dans le désert qu’est son esprit, trahies uniquement par les contractions ponctuelles de ses traits sous les assauts de l’avenir.

Riley papillonne furieusement en ouvrant les yeux, retrouvant son corps avec la sensation désagréable d’avoir été emmenée dans un recoin sombre, étouffant, et de ne pas parvenir complètement à s’en extraire. Elle repose la plume aussitôt, pour chercher l’extrémité du joint dépassant du cendrier, le rallumant rapidement pour tirer nerveusement dessus, reprenant contact avec la réalité lorsqu’elle tourne ses pupilles sur la silhouette de Michael toujours présente près d’elle. "How long was I gone? This one felt like an eternity. Hm." Sa main gauche glissant sur la table, elle ne tarde pas à trouver le thimble, l’enfilant sur son index avant de, avec une pointe d’hésitation, le passer sur la première page. Elle suit les lignes droites, constatant leur évolution en fronçant les sourcils ; si elle ne détecte, pour l’instant, aucun mot, il lui semble passer sur ce qui ressemble à des cercles, superposés les uns au dessus des autres, comme si elle était repassée dessus de nombreuses fois. "Ok. I lied. I have a feeling this one is not going to be boring. Help me out here : are those circles or clouds?"

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A son don inné et travaillé pour la divination, s’est toujours ajouté chez Riley une sensibilité certaine, un gut feeling terriblement puissant, qu’elle n’a jamais essayé d’ignorer. Au contraire, elle en a fait une force, suivant ses intuitions comme un compas précis et infaillible. Si elle sait que cela a toujours su faire rire ceux avec qui elle partage ses impressions, Riley garde une confiance aveugle en ce que lui dicte ses instincts. Force est de constater qu’elle ne se trompe que rarement, et on peut d’ailleurs compter sur elle pour le rappeler dès que l’occasion se présente.

Et en l'occurrence, Riley a un mauvais feeling, en retraçant les courbes et lignes qui sont apparues sous sa plume, ses sourcils un peu plus froncés au fur et à mesure qu’elle en déchiffre l’apparence, dans un premier temps. Elle a fait suffisamment de prédictions dans sa vie pour reconnaître les signaux annonciateurs d’un mauvais présage ; il n’y a pas que son intuition qui se met en état d’alerte, mais également sa connaissance approfondie de l’écriture automatique, de ce qu’elle peut apercevoir sous son thimble. Le plus inquiétant est certainement cette absence de mots, et l’omniprésence de cette forme épaisse, circulaire, incertaine. "Clouds, I guess." Un instant, Riley relève le menton en direction de Michael, le joint revenant à ses lèvres dans un geste automatique et inconscient, pour garder quelques secondes la fumée dans ses poumons. "Hm, right", marmonne-t-elle en recrachant la fumée, son doigt toujours agité sur le papier alors qu’elle continue à tourner lentement les pages de son carnet.

Toujours, la forme - les nuages, lui a confirmé Michael - revient, à chaque page désormais, depuis en plus imposante et épaisse. Elle a appris jeune que les nuages ont de nombreuses significations, et qu’il faut toujours interpréter leur apparition avec précaution ; de fait, il n’est pas rare qu’ils se dessinent avec parcimonie dans ses prédictions quotidiennes, un discret reflet et un rappel de son état émotionnel, du brouillard dans lequel elle se plonge volontairement. Ici, cependant, ils sont bien trop nombreux, toujours regroupés au centre des pages, couvrant même les quelques mots qu’elle devine à peine en-dessous. "That’s… not good", poursuit-elle tout bas, comme pour elle-même, avant de revenir à Michael pour préciser sa pensée. "I mean, it’s not necessarily bad either, hard to tell for now. Let’s just say this much clouds, placed just like that, it’s usually a sign of discord or tension, unresolved issues that may come back. Things like that." Un large spectre, qui ne peut qu’être précisé si son thimble se décide à lui faire déchiffrer la suite - si seulement sa plume, elle-même, a été assez clémente pour lui donner suffisamment d’indices.

"Wait." Difficile à dire si elle parle pour elle-même ou pour Michael. Toujours est-il que Riley perçoit enfin un mot dans le brouillard, au centre d’un nuage, puis d’un deuxième, puis d’un autre encore. Elle lève un sourcil en tirant sur son joint, avant d’ouvrir la main dans une expression confuse. "What the hell is a… jackdaw?", finit-elle par demander, comme si Michael pouvait l’éclairer sur cette information capitale.