Obelia ne fume pas souvent, parce qu’après tout, les cigarettes sont une denrée rare à la Fawkes: elles ne sont même pas autorisées au sein même de l’école, la plupart des étudiants n’étant pas en âge ni d’acheter ni de fumer de la nicotine. En plus de ça, c’est devenu de plus en plus dur de s’en procurer côté sorcier, et ils ont rarement le droit de s’aventurer dans le monde moldu, même avec leurs permissions. Obelia a de la chance: elle et Dennis s’entendent bien, et elle a un sens inné des affaires qui lui permet de le convaincre de lui acheter des clopes de temps en temps, en échange de chemises bigarrées et flashy créées par ses soins - sa vraie récompense, à chaque fois, c’est l’énorme sourire appréciateur et heureux de Dennis en découvrant ses nouvelles fringues, et l’étreinte dans laquelle il l’étouffe pour la remercier.

Fumer a été une habitude développée dans la rue et la forêt, de quoi prétendre avoir chaud quand elle et Noah se les gelaient, et aussi de quoi tromper la faim certains soirs quand ils ne parvenaient pas à mettre la main sur de quoi se nourrir. Obelia s’en est vite débarrassée à son arrivée à la Fawkes mais, des fois, ça la prend à la gorge: un besoin vertigineux et angoissé qui rend ses doigts fébriles et ses yeux clignotants, enflant dans sa poitrine comme un ballon de baudruche jusqu’à ce qu’elle ait l’impression d’être sur le point d’exploser. Elle passe toute la journée dans un état de nervosité avancé, sa jambe tressautant sous les tables de classe alors que ses yeux sont rivés vers les fenêtres - même Pan le remarque, au déjeuner, posant sa main sur son bras pour attirer son attention et lui adresser un petit sourire: "are you okay?" C’est un peu honteux, alors Obelia se contente de lui dire que tout va bien, que ça ira mieux ce soir, qu’elle a besoin de dormir - elle n’aimerait pas voir le doux regard de Pan changer, l’affection tendre et dédiée qu’il lui dévoue se voiler de jugement et de mépris.

Pan est gentil. Un peu trop, peut-être, du genre à tout lui pardonner sans y penser deux fois, même les trucs idiots qui ne méritent pas vraiment de pardon. Ça rend la peur qu’il ouvre les yeux et se rende compte qu’elle n’est pas aussi parfaite qu’il semble le penser encore plus grande, encore plus terrifiante.

Alors elle lui ment, l'aveugle d'un sourire puis d'un baiser, et après les cours s'excuse en lui disant qu'elle va aller se balader, seule, pour se changer les esprits. Elle commence par se diriger vers la forêt, mais bifurque rapidement avant d'arriver à l'orée des arbres, après avoir jeté un coup d'oeil alentours. Les serres de la Fawkes sont petites, et n'ont rien à voir avec celles d'Hogwarts dont Obelia se souvient très bien, mais elles offrent une protection parfaite des regards indiscrets et surtout de la pluie, au besoin - particulièrement, Obelia a pris ses habitudes près de la cabane en bois qui abrite quelques outils et qui a un banc comme voisin. Même si ce n'est pas du tout agréable de rester le cul au bord d'un vieux morceau de bois humide qui menace de s'effondrer à chaque mouvement pendant quinze minutes, c'est tout de même un petit havre de paix pour qui veut fumer tranquillement. Et avec le sortilège que Dennis lui a appris et qui permet d'effacer toute trace ou odeur de fumée dans l'air, Obelia est bien parée pour pratiquer son petit secret dans sa quiétude habituelle.

Elle est donc plutôt surprise, de la pire manière qui soit, de tomber sur Francis quand elle s'approche de son havre de paix. Obelia hésite quand elle le reconnait, et s'apprête à tourner les talons mais s'immobilise en croisant son regard. Francis - enfin non, Cat - a un regard particulier et qui la déstabilise à chaque fois, sans doute parce qu'il lui donne l'impression d'être de retour des années en arrière, à la Damocles, quand ils n'étaient encore rien d'autre que des gamins. "Uh." Elle en a entendu des choses, à propos de Cat, à la Fawkes, depuis son arrivée il y a quelques mois - et pas forcément que des choses positives. Peu importe, au final, vu qu'elle s'applique à l'éviter comme la peste et à écourter toute conversation en sa présence. "Do you think I could sit here?" demande-t-elle finalement, pointant un doigt vers un coin du banc qui peine déjà à accueillir une seule personne. "We don't have to talk." Elle ignore qui elle essaye de rassurer, d'elle ou de lui. Ses doigts nerveux viennent ensuite s'emparer du paquet de cigarettes dans la poche de son blouson jouant avec en attendant sa réponse.

Cat, lui, avait vu sa consommation de cigarettes radicalement augmenter depuis qu'on l'avait parqué à l'Ordre. L'interdiction de fumer ne l'avait en rien effrayé ; habitué à enfreindre les règles de par son existence même, il s'était contenté de s'y adonner discrètement, à l'arrière des serres de l'école (un endroit où s'effectuaient quelques magouilles, sans pour autant être le spot privilégié de ces dernières). On aurait eu tort de croire qu'on ne troquait que des cartes de Chocogrenouille et des bonbons de chez Honeydukes, à la Fawkes – si l'échange de cartes était en effet monnaie courante, Francis avait rapidement découvert que ses paquets de cigarettes valaient autant, si ce n'était plus, dans l'enceinte close de l'école que dans la rue. Il en distillait à ceux dont il avait besoin, en soulignant la faveur qu'il leur faisait, à leur céder des Lucky Strike qu'il avait lui-même obtenu auprès de Lee, ou grappillées durant leurs quelques sorties dans le monde moldu ; un petit trafic souterrain, anodin, et pour le moins fort utile à Cat, qui tenait par les poumons une petite bande d'adolescents plus doués en magie, et autrement plus diligents à écrire ses parchemins que lui.

Cat avait, après tout, promis à Lee qu'il ferait des efforts ; il ne voyait pas l'utilité de gratter de son écriture maladroite la liste des effets d'une plante qu'il ne croiserait jamais de sa vie – il préférait donc s'entraîner aux quelques sorts utiles dont Paws lui avait rapidement fait l'inventaire. Ce n'était pas brillant, et Francis pouvait sentir une appréhension lourde le saisir lorsqu'il prenait sa baguette en main, accélérant le rythme de son cœur et rendant sa peau moite. Dolohov et Carrow n'étaient jamais bien loin.

Il s'était échiné à produire un Accio digne de ce nom. Le sortilège, que Paws maîtrisait avec une désinvolture désarmante, lui résistait durement : Cat, assis sur le dossier du banc humide et luisant, les pieds sur le siège, constatait le sac de terreau qu'il n'avait réussi à faire bouger que de quelques centimètres, avec un air peu convaincu, une cigarette aux lèvres, ses doigts mollement refermés sur sa baguette d'occasion. Il crevait de chaud, sous l'effort peu fructueux qu'il avait produit, et avait quitté sa veste, irradiant d'une chaleur malade de frustration – ce n'était pas demain la veille qu'il apprendrait à transplaner, ni à pouvoir (efficacement) apporter son aide à Paws.

Une tache blanche attira son regard ; Francis releva vivement la tête en abaissant sa cigarette (il en avait assez de se retrouver chez Weasley pour un sermon de vieux), et croisa les yeux clairs d'Obelia.
Ni amie, ni ennemie ; il sonda un instant son regard, et comprit bien vite qu'elle était venue s'isoler pour les mêmes raisons que lui – qu'elle ne le cherchait pas, qu'elle ne l'enverrait pas non plus chez la directrice. S'ils ne se parlaient pas, depuis leurs retrouvailles, il régnait une sorte de solidarité tacite, entre les éléments les plus vieux du centre. "Uh." Son hésitation palpable le fit camper sur ses positions : son regard noir sur elle, portant de nouveau sa cigarette à ses lèvres, pour fumer comme si rien au monde (et surtout pas son arrivée) pouvait l'empêcher d'être. "Do you think I could sit here? We don't have to talk." Cat jeta un bref coup d'oeil à l'autre extrémité du banc, où reposait sa veste en jean abandonnée sous la pratique. "Yeah, do as you want", répondit-il en détournant finalement le regard, laissant sa main retomber le long de sa jambe en expirant la fumée de sa cigarette. Il laissa filer quelques secondes, planant sur cet accord commun en considérant qu'ils n'avaient, effectivement, aucune raison de se parler ; et pourtant la présence solitaire d'Obelia avait piqué la curiosité de Cat, qui se figurait leur trio, à elle, Noah et Pan, comme inséparable (ou interchangeable). "Where's your boyfriend?" Et ses yeux revinrent à elle, s'accrochant un instant à ses traits qu'il avait l'impression dérangeante de reconnaître, sans parvenir à les replacer totalement – un souvenir lointain, à la fois dans le temps, à la fois rapport aux adolescents timorés qu'ils avaient été, à la DHS, loin des adultes qu'ils se trouvaient être désormais.

tw: explicit language

"Yeah, do as you want." Obelia jette un regard à la veste en jean étalée sur le coin libre du banc, s'attendant à ce que Cat fasse un mouvement pour la débarasser - quand le mouvement ne vient pas, elle fait un pas en avant, une moue sur les lèvres. Elle sort nerveusement le paquet de cigarettes de la poche de son blouson, en retire une qu'elle glisse entre ses lèvres. Elle se fiche bien de la marque, se fiant généralement au goût de Dennis pour son petit pêché secret (sans trop avoir le choix, quoiqu'il en soit - elle est déjà reconnaissante qu'il lui en file à l'occasion), mais est rassurée de voir qu'il s'agit d'un produit moldu, cette fois. La cigarette lui rappelle son père, qui se levait toujours de table pour fumer dans la cuisine entre le fromage et le dessert, sous le regard mi-agacé mi-impatient de sa femme. Même si la plupart du temps, repenser à son enfance la plonge dans un mélange de malaise et d'angoisse, certaines scènes, comme ça, remplissent Obelia d'une tendresse inattendue mais bienvenue, et lui rappelle d'où elle vient après tout ce qu'elle a vécu.

"Where's your boyfriend?" Surprise, elle marque un temps d'arrêt avant de froncer les sourcils, prise au dépourvu. "He's not my boyf..." Elle s'interrompt d'elle-même en comprenant que, peut-être, Cat n'est pas en train de parler de Noah. Pas du tout, même. Elle a un boyfriend, et ce n'est clairement pas Noah, et à peu près tout le monde le sait à la Fawkes. Le réflexe vieux comme leur amitié fait monter une chaleur désagréable dans son visage, colore ses joues d'un rose embarrassé en lui donnant l'immonde impression d'avor été prise en flag en train de faire quelque chose de particulièrement honteux. "Where's yours?" réplique-t-elle donc, piquée à vif. "Wait, actually, isn't he more like your sugar daddy or something? I know that's how you're getting those fags and all those fancy sweets." Elle pointe du doigt la cigarette allumée coincée dans la bouche de Cat, avant de plonger la main dans la poche de son propre blouson pour attraper son briquet et le faire crépiter devant son propre visage, allumant sa cigarette et en avalant une bouffée avec un plaisir évident, toujours plantée face à Cat. "Do you suck his dick or something?"

tw: crude language

Obelia était restée debout, après un regard circonspect sur l'autre moitié du banc. Cat ne broncha pas, concentré à fumer sa cigarette, tandis que la squatteuse surprise allumait la sienne. Peut-être y'avait-il aussi un peu de mauvaise volonté, à ne pas faire un geste pour l'inviter plus sincèrement à s'asseoir – peu importait, Cat sentait que quelque chose dérangeait Obelia, chez lui, et tout comme quelque chose l'irritait naturellement, chez elle. "He's not my boyf..." Il constata en direct le rétropédalage de la sorcière, nettement visible sur ses traits blancs et lisses ; une discrète expiration amusée (moqueuse) lui échappa devant la confusion si évidente dans l'expression d'Obelia. "Where's yours?"

Un picotement désagréable lui parcourut l'échine, provoqué par son ton belliqueux : Cat avait, à force, développé un sixième sens qui lui permettait de sentir quand quelqu'un s'apprêtait à en découdre. "Wait, actually, isn't he more like your sugar daddy or something? I know that's how you're getting those fags and all those fancy sweets." Est-ce qu'elle parlait de... Paws ? Le sang de Cat ne fit qu'un tour : il dégagea sa cigarette d'entre ses lèvres, tandis que pleuvait la seconde salve. "Do you suck his dick or something?" "What the fuck are you talking about?" Ses sourcils s'étaient froncés, piqué au vif par l'aisance avec laquelle Obelia roulait son amitié avec Paws dans la boue.
C'est que Paws qui venait le voir moins souvent, ces derniers temps, et ne lui rapportait plus autant de snacks qu'à ses premières semaines à la Fawkes. Au fond de lui, Cat pouvait sentir la crainte que le sorcier ne commence à se lasser – le sel craché par Obelia n'en était que plus douloureux, sur cette plaie qui commençait à s'ouvrir. "Maybe you should try to suck one of your boyfriends' first," Cat eut un mouvement de menton en direction des Camel. "This is shit, I don't think none of them likes you very much." Cat était, concrètement, certainement dans la mouise si Obelia décidait d'en venir à la magie – ses muscles s'étaient tendus, comme à chaque incartade, prêts à décamper à la moindre entourloupe.

Sauf que Cat croyait la connaître ; assez pour savoir qu'Obelia parlait plus qu'elle n'était prompte à bazarder l'un des sorts offensifs qu'on leur apprenait, en classe. Et le blabla, il savait faire – assez pour ne pas se laisser marcher sur les baskets par une sorcière qui avait passé les dernières années à faire du camping dans la campagne britannique.

"What the fuck are you talking about?" Les sourcils froncés sur le visage de Cat laissent entendre qu'elle a, peut-être, touché à un nerf - tant mieux, ça veut dire qu'il ne s'appesantira peut-être pas sur sa parole qui a dépassé sa pensée, et elle n'aura pas à se justifier d'avoir pensé qu'il parlait de Noah. "You know damn well who I'm talking about," répond-t-elle donc avec un large sourire pernicieux. Personne n'ignore que Cat est ami avec un membre du cercle cinq, avec Paws qui plus est, et que ce dernier lui confère un énorme traitement de faveur - que ce soit par rapport aux profs ou par rapport au fait que Cat s'en met plein les poches de contrebande. Ce n'est pas une surprise qu'il soit le caïd de la Fawkes et le plus riche d'entre eux...

"Maybe you should try to suck one of your boyfriends' first." Les sourcils d'Obelia se froncent en l'entendant, sans comprendre. "This is shit, I don't think none of them likes you very much." Elle pourrait simplement lui demander ce qu'il fume lui, si son copain Paws lui offre de la qualität  venue d'ailleurs, ou alors protester et lui dit qu'elle n'a qu'un seul boyfriend, thank you very much. Elle hésite même à s'approcher et lui arracher sa cigarette d'entre ses doigts pour la goûter et lui dire que c'est de la merde.

À la place, Obelia roule des yeux d'un air exaggéré. "This is shit," l'imite-t-elle, plutôt bien d'ailleurs, en empruntant son accent mancunian et en finissant de s'approcher. Elle pousse la veste de Cat et s'assied sur le banc, sans le regarder. C'est comme si sa réponse avait désamorcé la bombe, mis fin à ce bras de fer aussi puéril qu'inutile entre eux. "Also, I only have one boyfriend and he likes me just fine. It's Panuwat," croit-elle bon de préciser, avec une certaine gêne maladroite. Elle tire un peu sur sa cigarette, avant jeter un regard en biais à Cat, l'air inquiète. "Just don't tell him you saw me have a smoke, alright?" L'idée que Pan l'apprenne lui noue l'estomac. Même si ils ne sont pas véritablement amis, à part par proxy, elle pense qu'elle peut faire confiance à Cat sur ce plan-là.

"This is shit." Mais quelle emmerdeuse ; Cat tira nerveusement sur sa cigarette, une expiration faussement amusée filant entre ses lèvres en recrachant la fumée de sa Lucky. Elle était aussi exaspérante que douée en accents, semblait-il, et il la regarda s'installer sur le banc en repoussant sa veste, qui glissa à l'arrière et échoua sur le sol humide (et, à cette heure, grouillant probablement de limaces en tout genre, dans la proximité des serres). "Are you fucking serious", ronchonna-t-il entre ses dents, coinçant sa cigarette entre ses lèvres pour enjamber le dossier du banc et aller récupérer sa veste. "Also, I only have one boyfriend and he likes me just fine. It's Panuwat." Cat lui jeta un regard vaguement intrigué, en revenant se percher sur le banc, sa veste sous ses fesses cagneuses, amortissant la pression douloureuse du bois contre ces dernières ; son ton n'était plus aussi incisif, et son expression autrement moins belliqueuse maintenant qu'elle parlait de Panew... Panootwat... Pan. "Just don't tell him you saw me have a smoke, alright?"

Cat la considéra un instant, comme pesant le pour et le contre de cette inquiétude sensible ; s'il connaissait déjà pertinemment la réponse, il pouvait bien faire mariner Obelia pour son coup de sang brusque, et l'insulte faite à sa précieuse amitié avec Paws. "I didn't see shit", répondit-il finalement en détournant la tête, comme s'il effaçait littéralement de sa mémoire visuelle le souvenir d'une Obelia fumant à ses côtés.

Ils se contentèrent de fumer durant un bref instant, scellant cet accord de paix fragile en silence, jusqu'à ce que les yeux de Cat reviennent se poser sur elle, balayant son profil de ses pupilles encore méfiantes – un réflexe, décuplé par la présence d'Obelia (et sa transformation qu'il ne s'expliquait encore pas entièrement) et de l'odeur de la DHS qu'elle traînait, comme eux tous, avec elle. "Why don't you want to tell him you're smoking?" Se cacher aux yeux des autorités de la Fawkes était essentiel ; se cacher à son propre petit ami était un mystère qui traînait dans l'esprit de Cat, s'accommodant tout juste du fait qu'Obelia sortait avec Pan, quand il l'avait cru amoureuse de Noah. Il fumait ouvertement avec Feng, lorsqu'ils se retrouvaient, profitant honteusement de la liberté de le faire à l'air libre, partageant avec elle ses cigarettes du marché noir – récupéré par le biais de sa famille, lui disait-elle avec cet air particulièrement cool qui tirait un sourire discret à Francis.

Obelia soutient le regard de Cat, sourcils légèrements froncés, et serre les dents quand les secondes s'égrènent et s'allongent un peu trop à son goût. Elle n'ose rien dire, de peur de faire tomber sa décision du mauvais côté, et à la place pince des lèvres en prenant son mal en patience - quelque chose où elle n'a jamais excellé. "I didn't see shit." Un intense soulagement s'empare d'elle et elle hoche la tête, quand bien même Cat détourne la sienne. Obelia replace ses yeux face à elle, sa cigarette à la lèvre quand elle n'est pas coincée entre deux longs doigts osseux, toujours légèrement embarrassée, mais rassénérée par l'idée qu'il ne la trahira pas. Elle est habituée à s'écharper avec autrui pour mieux finir dans un silence complice, peu propice à la rancoeur et à la rancune - certains n'arrivent pas à naviguer, avec elle, à cause de ça et d'autres, comme Cat, s'y retrouvent parfaitement.

Ils fument silencieusement, la nicotine répandant dans la poitrine d'Obelia une chaleur amère familière et doucereuse, rassurante - elle sent un peu de la nervosité qui l'habitait avant s'échapper à chaque fois qu'elle crache un nuage de fumée. Dennis lui a dit que certaines cigarettes sorcières formaient des objets et des formes lorsque l'on crachait leur fumée - mais elle a du mal à se défaire des moldues, rassurantes par leur familiarité et leur goût âcre. "Why don't you want to tell him you're smoking?" Elle jette un regard à Cat, surprise, et fronce les sourcils. Prise au dépourvu, une énième remarque acide manque de sortir d'entre ses lèvres, et est aussi soudainement effacée quand elle se rend compte qu'elle-même n'arrive pas exactement à mettre le doigt sur la réponse à sa question.

"I don't know," répond-t-elle lentement, ses yeux perdus dans le vague pendant quelques secondes revenant sur la silhouette de son ancien compagnon d'infortune. "I think he'd be disappointed and I don't want that." L'idée de la déception de Pan est terriblement désagréable, tiraille jusqu'à son ventre - il l'abandonnerait, elle en est convaincue, alors elle peut bien lui servir tous les mensonges du monde pour qu'il reste avec elle. Et puis, ce n'est pas vraiment un mensonge, c'est une omission - Cat serait sensible à cette différence, elle en est convaincue. Elle presse ses lèvres ensemble, sourcils toujours froncés. "I know it's not a big deal or whatever, I mean, a lot of people smoke, right? And I'm sure he'd say he doesn't care. But... I don't know, he sees me a certain way, and I don't want that to change." Elle ignore pourquoi elle se retrouve à déballer tout à ça à Cat. Peut-être parce qu'elle n'a personne à qui en parler: le seul susceptible de l'écouter, Noah, ne se départit jamais de son dédain évident pour son petit copain, à son grand énervement. "You seeing anyone?" Toute rumeur est bonne à prendre, quand on s'ennuie comme un rat mort, à la Fawkes.

tw: internalized homophobia, transphobia, deadnaming

Cat soutint le regard surpris d'Obelia dans le sien – elle était nerveuse, comme lui, ses regards à vif, comme les siens, un miroir déformé de ses propres réactions qu'il considérait avec un sentiment de familiarité dérangeant, le ramenant cinq ans en arrière, cherchant à l'attirer jusque dans les tréfonds de souvenirs douloureux, un monde dont il avait cherché à se séparer dans sa fuite, et dont la Fawkes, la présence de Noah, Obelia et Cam lui rappelait l'existence – en lui.

C'était sans doute le plus désagréable : de sentir que ce monde existait encore quelque part en lui. "I don't know. I think he'd be disappointed and I don't want that." Déçu ? Pour des cigarettes ? Pan avait l'air sympa, assez pour ne pas se fâcher pour une histoire de clopes – peut-être qu'il était plus conservateur que ce que Cat pensait. "I know it's not a big deal or whatever, I mean, a lot of people smoke, right? And I'm sure he'd say he doesn't care. But... I don't know, he sees me a certain way, and I don't want that to change." Cat se contenta de le la considérer en silence, retenant la question qui le démangeait, et qu'il ravala aussi sec – ils avaient après tout été prêts à s'écharper, quelques minutes plus tôt, et il n'avait aucun intérêt pour Obelia, tout comme elle n'avait aucun intérêt pour lui. "You seeing anyone?"

Shit. Ce n'était pas le genre de question qu'on entendait tous les jours, à la Fawkes. Cat lui adressa un regard surpris, avant de le détourner en sentant les affres de la gêne remonter en lui. "No", mentit-il, les rendez-vous avec Feng de précieux secrets dont seul Paws, à l'Ordre, était au courant. Et quand bien même Obelia venait de lui confier l'un des siens, mise au pied du mur, Cat ne lui devait rien – rien d'autre qu'une place sur ce banc à moitié pourri et un brin de conversation. "And I'm not into guys or something," précisa-t-il en lui adressant un regard lourd de sens – qu'elle n'aille pas répandre la rumeur qu'il se tramait quelque chose entre lui et Paws, ou avec n'importe quel autre mec de l'institut.

Not into guys. Il tira sur sa cigarette, détournant les yeux une fois qu'il fût certain que le message était clair ; puis son regard revint aux longs cheveux blonds d'Obelia, plus clairs que dans son souvenir. "Why are you Obelia now?" Le regard de Cat accrocha les yeux clairs de la sorcière, frottant son pouce sur la couture de son vieux jean en l'observant, sa demande un produit brut échappé de son esprit confus, face à cette occurrence nouvelle. What happened to Hans? "You didn't like being a boy or?" ajouta-t-il avec plus de précaution dans la voix, cette fois, sentant que le sujet était un terrain complexe, miné, dont personne à la Fawkes ne parlait (et que tout le monde semblait constater néanmoins), Noah et Camilla vraisemblablement à l'aise avec cette anomalie sensible aux yeux de Francis.

tw: dysphoria

Cat se détourne rapidement du regard interrogateur d'Obelia, et cette dernière se sent sourire légèrement malgré elle en devinant une teinte de gêne sur son visage. "No." Le sourire d'Obelia en deviendrait presque carnassier en l'entendant, peu convaincue. "And I'm not into guys or something. - Sure." Le ton ne semble pas convaincu et une expression narquoise demeure sur ses traits alors qu'elle tire sur sa cigarette, sans même s'aventrer sur la pente glissante du why are you saying it like it would be such a bad thing? Cat ne lui fait pas l'effet d'être un bigot et, de toutes façons, Obelia a vite compris qu'il était plus simple d'éviter les sujets fâcheux plutôt que de confronter les gens à leurs préjugés et autres pensées offensantes.

Obelia se dédie à sa cigarette, jetant parfois quelques regards aux alentours, savourant chaque bouffée salvatrice de la nicotine avec un plaisir non-feint. Cat n'est pas la pire personne sur laquelle elle aurait pu tomber pour partager ce moment étrange et hors du temps. Elle ferme les yeux, présente son visage au ciel, profite. "Why are you Obelia now?" Elle rouvre brusquement les yeux pour le regarder, l'air confuse, ressemblant vaguement à un animal de proie pris dans les phares d'une voiture déboulant à toute allure. "You didn't like being a boy or?" Obelia sent un poing en plomb se refermer sur sa gorge et manquer de l'étouffer et elle sent son coeur dégringoler dans son torse. L'embarras est vif, soudain, poisseux et en un clignement d'yeux, elle est projetée dans les yeux de Cat se voit telle qu'elle était avant, Hans avec son air renforgné et ses cheveux coupés trop courts, une image qui la rendrait presque physiquement malade si elle s'y attardait trop.

"I, uh." Ses lèvres sont sèches et Obelia détourne les yeux, espérant trouver dans leur environnement un peu de force. "Yeah, something like that." Comme souvent, elle n'a pas envie de s'épancher ou de militer pour justifier la véracité de son existence dans l'esprit étriqué des connards, mais Cat n'est pas un connard fini, lui. "I mean..." Elle se passe la langue sur la lèvre inférieure, hésitante. "It's more like... you know, I was always a girl, but now I get to live as one." Obelia a le coeur qui bat un peu fort dans sa poitrine, un peu trop, et elle détourne le regard avec une certaine nervosité. Elle a l'impression que son pire cauchemar est en train de se réaliser. "So it's Obelia now. Just Obelia." Elle aimerait pouvoir mettre un tranchant définitif dans sa voix, mais elle ne fait que légèrement trembler alors que la fin de sa cigarette commence à lui réchauffer les doigts.

tw: transphobia, deadnaming, misgendering

"I, uh. Yeah, something like that." Cat détailla discrètement le profil d'Obelia qu'elle lui présentait, les yeux détournés sous un embarras sensible jusqu'à son bout de banc. Ils n'étaient pas amis, pas exactement ; ils n'avaient jamais été plus que des connaissances, à l'époque . "I mean... It's more like... you know, I was always a girl, but now I get to live as one." Always a girl? Il eut un froncement de sourcils, plus visible, sur son visage habitué aux expressions maussades, que ce qu'il aurait souhaité. Comment avait-elle pu être une fille dès le début, en étant un garçon ? La confusion du sorcier fut avalée dans une nouvelle bouffée de cigarette, son esprit butant sur cette contradiction entraînant d'autres questions dérangeantes. Etait-elle née en fille, alors ? On s'était trompé à la naissance ? "So it's Obelia now. Just Obelia." Les doigts d'Obelia tremblaient, illustrant la fébrilité dans sa voix que Cat, sensible aux inflexions de cette dernière (un réflexe de survie pour détecter la menace, ou au contraire la bienveillance, chez autrui), constata en cillant. Snobbish name. "Okay, cool," commenta-t-il avant de tirer de nouveau sur sa cigarette, détournant les yeux du malaise du sorc... De la sorcière - son esprit peinait à jongler entre la nouveauté de ces informations et l'image encore présente de Hans dans ses souvenirs.

Lorsqu'il y pensait, il y avait toujours eu, déjà à l'époque, un quelque chose de différent, chez Hans - et l'appeler par ce nouveau nom, le voir comme une fille, même s'il ne comprenait pas entièrement, apparaissait comme une des suites logiques à la délicatesse du garçon. De la jeune fille. Putain, il ne savait plus : est-ce qu'il fallait l'appeler Obelia dans le passé aussi, maintenant ?

Cat se passa une main sur ses tempes surchauffées par des questions qu'il ne s'était jamais véritablement posées. "You look cooler now, but your name is, like..." Son regard était revenu à Obelia, son visage diaphane et son style détonnant avec le reste de la Fawkes, une marée de vêtements de seconde main dont Cat faisait partie lui aussi. "Yeah, anyway, not my business if you like it." If you are a snob. Cat baissa les yeux sur sa cigarette, reculant devant le regard bleu d'Obelia - il avait appris à éviter les confrontations inutiles depuis de longues années et il n'était plus sûr de vouloir se disputer avec elle, Noah ou Camilla. Être snob était un crime de moindre importance, face à ceux auxquels on les avait habitués depuis la Damocles. "I'll go", il écrasa son mégot sur le banc cabossé et le jeta dans l'herbe, avant de descendre de son perchoir en récupérant sa veste. "See you in class or here maybe." Il lui adressa un dernier regard, et se détourna pour laisser seule à la nuit sa complice du soir.