Il n'avait rien dit à personne – à l'exception, bien évidemment, de Noam, doublement attentif à ses humeurs depuis le barbecue qui avait viré à la tragédie (ou à l'espoir, comme Ethan l'avait découvert quelques jours plus tard, une fois le choc initial passé). Il n'avait pas essayé de se cacher à son meilleur ami, et il était venu le trouver directement après avoir pris la nouvelle, s'asseyant sur le bord de son lit avec une expression troublée au visage. Tony may have found Araminta. Il avait guetté dans les yeux clairs de Noam les prémices de la compassion, une ancre à laquelle se raccrocher, l'onde rassurante qu'il y trouvait lorsqu'il y plongeait désormais entre deux caresses – dire son nom lui laissait la bouche pâteuse, un fantôme lourdement accroché à sa langue et ses lèvres. Les bras de Noam s'étaient refermés autour de lui et Ethan avait plongé le visage dans son cou, fermé les yeux, inspiré sa chaleur ; les larmes avaient tourné en une spirale paresseuse dans son torse, sans jamais grimper dans sa gorge. Cela faisait trop longtemps que Minty n'était plus le sujet de ses pleurs ; la tristesse avait laissé place à un léger inconfort, le pincement léger d'un souvenir trop lointain, sur lequel s'était écrasé ceux de dix ans de vie.
Ethan s'était depuis longtemps résigné à la retrouver – un état de fait qui le surprit aussi violemment que cette révélation inattendue.

Il s'était extirpé du lit de Noam aux petites heures du matin, le lendemain ; après un dernier baiser, il était allé se préparer avec une boule au ventre, la cristallisation de son appréhension quant à la journée à venir. Ils étaient censés aller trouver un contact, dans une planque dans le Sud du pays – Tony s'était révélé aussi concis et bref que d'ordinaire, et Ethan le soupçonnait d'en savoir trop peu pour s'avancer plus encore. Ça, ou il cherchait à le protéger – comme il s'obstinait à le faire avec l'ensemble de leur groupe, une habitude qui irritait sensiblement Ethan depuis le retour de leur leader. Qu'avait-il fait de plus que Kingsley, au final ? Ethan se posait parfois la question, aux heures les plus noires ; même la photo de Simon et de Stephen avait été un coup du hasard, le fruit de la vivacité d'esprit de Rafaela. Tony n'avait rien à voir, dans l'affaire – et Ethan se disait immanquablement que cette mission-ci serait aussi infructueuse que le reste. Il ne fallait pas s'attendre à un miracle, de la part de Tones, ni à un miracle, lorsqu'il s'agissait d'Araminta. Ethan s'y était par trop esquinté le cœur, à ses débuts d'enquêteur motivé.

Il avait enfilé sa veste, s'était assuré, encore une fois, de la présence de sa baguette à son flanc, et de son carnet dans sa poche ; il y avait glissé une photo de Minty, au cas où, cornée à force de la toucher et de la montrer autour de lui. Have you seen her? Il peinait à croire qu'il risquait d'être confronté à un « oui » sensiblement positif.

Tony l'attendait, à l'extérieur, à l'abri de la pluie sous l'avent de la tente atelier qui servait également de QG lors des réunions des stratèges de l'équipe – auxquelles Ethan n'était bien évidemment que rarement convié. Ignorant la morsure humide de la météo, Ethan esquissa un semblant de sourire, le coin de ses lèvres se crispant sous l'appréhension de l'inconnu qui se profilait à lui – à eux. "I'm all set." Il pensa à la cigarette, qu'il aurait voulu fumer avant d'y aller ; la troisième depuis le réveil, quand il n'en fumait pas, d'ordinaire, dès le matin. Il fumerait quand tout serait réglé, plutôt – quelques heures tout au plus pour déterrer et enterrer à jamais ce souvenir dérangeant, une épine oubliée dont il se serait bien passée.

D'habitude, Anthony prend quelques heures, quelques jours (si la situation le permet) avant de lancer les autres sur des pistes, quand il entend parler de quelque chose, quand un de ses contacts lui donne une piste. Il aime bien prendre le temps d'analyser la situation, de réfléchir à la meilleure manière d'agir. Il en discute souvent avec Norah, d'ailleurs, avant qu'ils présentent les informations aux autres et décident ensemble qui se met sur le coup. Cette fois, cependant, Anthony n'a pas attendu. Le sujet était beaucoup plus personnel, et surtout, il refusait de cacher des choses, même pour quelques heures, à Ethan. Leur relation est déjà suffisamment sur le fil, il n'a pas envie d'entretenir la tension en ayant des secrets pour lui.

Il est donc allé le voir juste après son entrevue avec Anna, une ancienne camarade de Poudlard, également membre de l'Ordre depuis 2002. Ils ont gardé contact, après le départ des Avengers à Dagobah, et cela faisait déjà plusieurs années qu'il lui avait parlé, au détour d'autres conversations, d'une dénommée Araminta, comme il l'a fait avec chacun de ses contacts. Il n'a jamais perdu de vue la quête d'Ethan, et à mesure que les années ont passé et qu'il s'est pris un peu plus d'affection pour l'ancien Serpentard, il a eu de plus en plus envie qu'ils trouvent cette fille... ou au moins qu'ils aient une piste pour savoir ce qu'elle était devenue.

Il y a deux ans, il a eu une première piste, mais il n'a même pas eu le temps d'en parler à Ethan avant de se rendre compte qu'il était sur la mauvaise voie. Il se trouve qu'il y avait une autre Araminta, dans sa promotion — une autre fille avec plein de points en commun avec son Araminta. L'espoir a disparu aussi vite qu'il était arrivé.

Mais cette fois, cette fois, c'est une vraie piste. Du solide. Anna lui a parlé d'une planque, dans le sud de l'Angleterre, et du fait qu'un petit groupe y résidait, complètement en marge de l'Ordre depuis des années. Tony n'a pas beaucoup de détails, il sait juste qu'une Araminta vit-là bas, qu'elle ressemble physiquement à la photo qu'Ethan trimballe partout depuis des années, et qu'elle a l'âge d'Ethan, à peu près. Ce serait quand même fou qu'il y ait une troisième Araminta qui corresponde à cette description, non ?

Il y croit. Il veut y croire. Il se dit qu'ils en ont besoin, d'une petite victoire, avec tout ce qu'il se passe en ce moment. Il a aussi besoin de se racheter un peu auprès d'Ethan, alors s'ils parviennent à retrouver Araminta, peut-être... peut-être qu'ils pourront se reparler un peu plus normalement.

Ils ont décidé de partir au petit matin, Anthony s'est levé presque d'un bond. Il a juste pris le temps de déposer un baiser dans le cou de Sohan et de lui dire qu'il serait bientôt de retour avant de se préparer pour la journée qui l'attend. L'horizon est encore flou quand il se poste devant la tente en attendant Ethan. Celui-ci ne tarde pas à apparaître. "I'm all set." Anthony lui offre un petit sourire encourageant. Ok, let's go then. Il ne sert à rien de perdre du temps, ni d'essayer de combler tout ça avec des bavardages inutiles. Tony est à peu près sûr que ça crisperait Ethan plus qu'autre chose... Ils quittent la devanture de la tente et sortent du périmètre de Dagobah. Quand ils sont suffisamment éloignés, Tony offre son bras à Ethan et ils transplanent.

C'est une température étrangement un peu plus froide qui les accueille dans le petit village du Sud de l'Angleterre. Ils sont apparus entre deux buissons sur le côté d'une petite maison, Tony se rapproche de la rue. Number twenty-six. murmure-t-il en plissant les yeux pour trouver le numéro en question. Come on. Il traverse la rue, longe les petites rues et les jardins bien entretenus, et finit par monter les marches d'une petite maison tout ce qu'il a de plus ordinaire. Avant de frapper, il se tourne vers Ethan. Are you ready? demande-t-il. Il a bien envie de lui demander s'il veut faire demi-tour, mais il a un peu peur qu'Ethan le prenne mal — qu'il pense que Tony ne le pense pas prêt, ou pas assez courageux ou quelque chose dans ce genre. Il se tait toujours trop, face à Ethan, tant il a toujours peur de se l'aliéner. We're meeting a man named James. ajoute-t-il. Il laisse à Ethan le prochain move — ayant un peu peur d'aller trop vite.

Ethan relâcha le bras de Tony sitôt qu'ils réapparurent, le contact n'aidant en rien ses nerfs tendus. Nerveux était un euphémise pour désigner son état ; ses yeux alertes roulaient autour d'eux, découvrant la petite rue où ils devaient filer, serrant sa baguette sous sa veste épaisse. Ce ne serait pas un piège, ni une déception ; Anthony, aussi émotionnellement mou aux yeux d'Ethan (un miracle qu'il ait, enfin, trouvé le chemin de la raison avec Sohan) fut-il, avait à la corde de son arc toute une batterie d'ancien Auror – et la même envie de dénicher la vérité sous-jacente, qu'il se soit agi de Simon ou d'Araminta. "Number twenty-six. Come on." Ethan lui emboîta prestement le pas, filant le long des jardins, son regard parcourant les fenêtres éteintes qui défilaient – alerte, toujours, et il se rendit compte qu'il tremblait lorsqu'il passa une main dans ses cheveux blonds. Il l'enfonça rapidement dans sa poche, avant qu'Anthony ne le remarque, et grimpa les marches de la maison après un rapide coup d'oeil à cette dernière.

Tout était si banal, et à la fois si étranger ; Ethan connaissait ces maisons par cœur, un modèle répandu à sa Liverpool natale, et pourtant peinait à se figurer qu'Araminta puisse se trouver derrière cette simple porte qui ne payait pas de mine.
Dix ans de désespoir, et de recherche, pour la trouver dans une maison qu'ils avaient trouvé avec un bête transplanage. C'était ridiculement facile – trop, peut-être, et Ethan déglutit difficilement en décrochant les yeux du battant, en se rendant compte que Tony ne frappait pas.

"Are you ready?" "Of course I am." Le mensonge fut agrémenté d'un pincement de lèvres peu amène – les précautions inutiles de Tones l'exaspérait désormais sitôt qu'elles étaient vocalisées par sa voix trop grave et trop calme. "We're meeting a man named James." "Alright. What's your contact name? Does he know we're coming?" Ethan sortit sa main de sa poche, retint une brusque envie d'entraîner entre ses doigts son paquet de cigarettes, et alla toquer fermement à la porte, sans interrompre la conversation qu'il pouvait avoir avec Tony – il lui suffisait juste d'un nom et d'un oui ou d'un non, et inutile de retarder plus longtemps cette rencontre, qui lui apporterait, dans le meilleur (ou le pire) des cas, les réponses qu'il cherchait depuis si longtemps.

Il y eut des bruits de pas, et un mouvement derrière les rideaux avant que la porte ne s'ouvre : apparut un sorcier d'âge moyen, peinant à tenir dans l'encadrement de la porte tant il était immense. "Hi there, is James around?" L'inconnu leur adressa un regard à chacun, comme un physionomiste jaugeant de leurs identités à l'entrée d'un bar, avant de revenir à Ethan. "That would be me. Who's asking?" "I'm Ethan, he's Tony," répondit-il en tentant de jeter un coup d'oeil de l'autre côté de James – une mission impossible au vu de son gabarit d'armoire à glace. "Come on in." Il s'écarta pour les laisser entrer, visiblement au courant de leur arrivée, et Ethan laissa ses yeux filer à l'intérieur, cherchant à agripper, dans l'étroite maison surchargée d'une décoration vieillotte, le visage bien connu de Minty.