« Nan mais ça, c’est là depuis longtemps… » La dévisageant de ton dernier oeil valide, tu repousses la compresse que la jeune lycanthrope te tendait depuis plusieurs minutes, sans relâche, certainement motivée par vos deux rangs distinctifs. Tu avais beau faire encore tes débuts dans ce groupe de terroristes en couche culotte, certains loups te sentaient venir à des kilomètres, et c’était pas seulement à cause de ton eau de toilette « merveilles de sueur et nuits carnivores ». Dommage que la vélane qui leur servait actuellement de chef n’ait pas les narines aussi sensibles…
De même que la chape nauséabonde d’alpha, les indénombrables cicatrices en disaient long sur ta carrière de loup. Si la plupart témoignait de l’issue violente d’altercations sauvages, certaines, plus nettes, presque « rangées », bien alignée sur tes bras et tes jambes, appartenaient tout simplement à chacun des loups de ta meute. Un tableau de chasse que la jeune louve avait dû prendre pour des blessures gagnées au retour de ta mission d’initiation.
Tu grattes nonchalamment la couche de sang séché qui te recouvrait le biceps. « Tu vois ? Ça part tout seul » révélant l’empreinte des crocs de Hoshi.

Tu la laisses en plan, en chemin pour aller payer une petite visite à leur Numa national. Tu ignores royalement les quelques coups d’oeil méfiants de celles et ceux qui devinent vers quelle tente tu te diriges.
D’un autre côté, même si tu n’avais pas eu l’intention de lui tailler une bavette en premier lieu, les odeurs s'échappant de la tente du petit chef auraient tôt fait de te mettre la puce à l’oreille. Dans un campement aussi précaire, une tente légèrement excentrée, à peine plus grande comme dans un désir d’humilité ou tu ne sais quelle autre connerie, qui sentait tout sauf ce qu’elle était censée sentir -à savoir, la crasse, la peur et les compresses sales-, c’était quand même sacrément suspect.

Tu savais que Numa était reclus dans sa tente, rongé par un mal dont on t’avait tu la nature. Et, dans ta cervelle un peu tordue, ça s’était décliné sous toutes les formes les plus atroces, si bien qu’en t’arrêtant devant la tente, tu étais prêt à le retrouver avec des membres en moins, voire en plus, ou alors plus une once de peau sur son squelette, ou qui sait, plus de nez, comme ton ancien leader à toi…
« Toc-toc, t’es présentable ? » que tu chantonnes, plié en deux contre l’entrée de la tente. Accusant ton âge avancé, tu n’attends pas de distinguer sa réponse étouffée pour faire un pas à l’intérieur, absorbant tout l’air sain restant comme un trou noir de poisse. Après tout, même si tu avais fait le malin en te pavanant au milieu du camp, c’était lui qui t’avait initialement demandé de venir le voir. Sans doute pour checker si tu n’avais mangé personne (qu’est-ce qu’il en saurait, si c’était le cas ?), et si tu avais été sage avec sa petite protégée (une halfer, par-dessus le marché).

« Salut, big boss ; » bon ok, cette mention t’arrache un pouffement de rire ; si le reste de la meute te voyait ! « besoin de rien ? Un oreiller en plus ? » un remplaçant digne de ce nom ? « Du pisse-mémé ? » Surpris par l’hygiène irréprochable des lieux, tu ne dissimules pas un froncement de ta tronche, déçu sans doute de ne pas débarquer dans un bouillon d’infections et de magie noire pour contenir quelques plaies purulentes… Tu hausses nonchalamment des épaules ; bah, si ça se trouve, toute cette propreté dissimulait autant d’abjection sanitaire…

Il commence à en avoir foutrement marre de tourner en rond dans sa tente, ses sorties se font rares, ses moments de répits encore plus. La situation lui échappe et les brèves heures qu'il ne passe pas à dormir, Numa range et médite et s'occupe pour éloigner les affres du sortilège, le sentiment d'impuissance qui en découle, et cette rage qu'il a de plus en plus de mal à ranger dans une boîte d'acier. Ce n'est pas que le leader n'a pas pleinement confiance en les capacités de Sav à diriger leur joyeux petit groupe, mais pour quelqu'un qui aime contrôler chaque aspect d'une mission et de sa vie, sa situation actuelle est des plus ... inconfortables. Pour ne pas dire intolérable.

Il ne le dira pas à haute voix, mais il apprécie les visites qu'on lui rend, ces quelques minutes passées en compagnie des autres - à qui il ment certes - à oublier son impotence et l'acide qui dévore sa chair et ses os dissimulé sous une couche d'habits et une prestance faussement authentique. Numa sent l'augmentation du mal sinuant dans son sang, rongeant sa raison. L'ancien espion se soulève avec difficulté de ce maudit lit, s'extirpe des draps moites et de ses cauchemars obscurs, lance quelques sorts d'une main tremblante, la magie se répandant en stries chaotiques pour masquer les traces de son trouble dans chaque recoin de sa demeure improvisée, après quoi il respire un peu mieux. Et s'asseoit sur une chaise attendant la venue de celui qu'il a fait appeler.

Fenrir. Numa n'est pas certain de pouvoir lui faire pleinement confiance, lui et sa meute qui rodent autour d'eux. Cependant, ils n'ont pas le luxe de refuser de l'aide et qui sait, peut-être s'avèreront-ils utiles. En réalité, ce qui l'ennuie le plus c'est de ne pas les avoir encore rencontrés, c'est de ne pas pouvoir les observer ni les analyser. C'est d'être complètement, irrémédiablement en dehors, tout en étant coincé entre quatre murs de toile, fucking irony. Quand l'individu entre dans sa tente - enfin - le demi-vélane se redresse, le dos droit, le sourire des jours heureux plaqués sur son visage en remplacement de la grimace grisaillante qu'il affiche quand il est seul. L'appelation big-boss sonne étrangement à ses oreilles, presque comme une moquerie, mais peut-être est-il paranoïaque ou projette-t-il ses propres inquiétudes. Il doit garder la tête froide et l'esprit éclairé (tache bien ardue quand la douleur n'est jamais bien loin et peut l'atteindre d'une fulgurance à chaque instant). "Non merci, mais si tu veux boire quelque chose je t'en prie." Et d'un geste, il indique la table occupée par plusieurs bouteilles déjà bien entamées, les stocks se font rares, on rationne tout ici. "tu m'as l'air en un seul morceau, j'en conclus que la mission s'est bien passée ?" Numa entre dans le vif du sujet, il n'est pas là pour parler beau-temps et tant qu'il dirige l'entretien informel, l'autre n'aura pas le temps de lui poser certaines questions qu'il redoute. Sav lui a déjà fait son rapport, mais il a ce besoin de constater par lui-même, de prouver qu'il n'est pas un poids pour les autres, une épine dans un pied, un caillou dans une chaussure. Qu'il est toujours lui, charismatique et en contrôle, qu'il peut toujours aider, diriger, contrôler, vivre.

C’est vraiment dommage que ce soit sa place que tu convoites, parce que de tous les joyeux drilles de la NSFW, Numa était de loin celui que tu appréciais et respectais le plus. Il n’y avait qu’à voir tous les efforts du monde qu’il mettait dans son impeccable sourire, à ton arrivée. Ça te changeait de Savage ou de sa harpie de service qui tiraient tout le temps la gueule.
Enfin, son sourire te fait aussi doucement rigoler, car tu étais le premier à savoir à quel point il pouvait être faux, et dissimuler la plus sourde des rages. Effectivement, tu abusais du rictus, insupportable, l’air constamment jovial et bonhomme, quand bien même tu nourrissais les plus sombres idées.

Tu lorgnes les bouteilles que Numa désigne, fronçant le nez face à tant de propreté. A tous les coups, il ne s’agissait même pas de picrate, mais plutôt d’un jus de chaussettes aux herbes folles, comme les malades pouvaient en rafoler… Au campement Greyback, c’était plus folklorique, et on hésitait pas à assommer les blessés avec un alcool si fort que Philby avait juré qu’un jour il avait craché des flammes.
Néanmoins, par politesse, tu rôdes autour de la table, avisant les étiquettes sur les bouteilles. Tu ne sais pas lire, aussi, tu pousses l’insolence jusqu’à déboucher deux ou trois bouteilles pour en renifler bruyamment le contenu. Puis, sans te servir, tu les reposes, imprimant au passage la trace graisseuse de tes doigts sur le verre.

« Tu m'as l'air en un seul morceau, j'en conclus que la mission s'est bien passée ? » Tu te retournes vers lui, ton rictus vorace rivalisant avec le sien, impeccable, resplendissant, comme on s’attendrait d’une vélane. Tu ouvres les bras, les épaules haussées. « Hé oui ; on ne se débarrasse pas de moi aussi facilement ! » que tu chantonnes. Tu marches lentement de long en large, toujours en mouvement, massif, sournois, tranchant avec l’immobilité presque noble du chef. « D’ailleurs, je m’attendais presque à une mission un peu moins… tranquille ? » Tu cherches tes mots (comme si tu en connaissais trop…), essayant de nuancer un propos qui avait été plus véhément quand tu en avais parlé à ta meute, voire même à Baruch. « Je pensais pas que ton groupe faisait preuve d’autant de sobriété… et même de clémence ! » Le mot d’ordre de Savage avait tourné en boucle dans ton crâne de brute épaisse, insolent, pour un loup aussi sanguinaire que toi. No deaths, no bad injuries, no biting. Par trois fois, c’était allé à l’encontre de ta philosophie. « Loin de moi l’idée d’imaginer que vous faites ça n’importe comment… mais disons que, pour avoir été dépêché sur les lieux de vos précédentes petites sauteries, je m’attendais à ce qu’on laisse moins de survivant derrière nous… » Tu marivaudes, profitant de ton temps de parole pour avancer à pas de loup jusqu’au sujet qui fâche. « Sauf si, bien sûr, pour des raisons que j’ignore, le mot d’ordre a changé ? »

Il a une prestance non négligeable, cela Numa ne peut pas le nier. Une force à l'état pur, en même temps c'est nécessaire quand on dirige un groupe ou en l'occurence, une meute. L'ancien espion en sait quelque chose. C'est bien pour cette raison qu'il a nommé Sav à sa place quand les effets du sortilège n'ont pas diminué avec le temps. Il ne pouvait plus se permettre d'être un leader dans son état actuel. Engourdi par le sommeil, bouffé par la malveillance magique se répandant dans sa gorge, dans ses veines, dans son corps tout entier. Cette décision a été la plus difficile qu'il n'ait jamais eu à prendre. Après tout, elle a été accompagnée d'une augmentation de ses compulsions, et en bon être rationnel, Numa sait que ce n'est pas bon signe. Le manque de contrôle, l'inaction prolongée, être enfermé entre ces quatre bouts de tissu .... Une accumulation de cartes bancales sur le chateau mental qu'il construit depuis son enfance.

Ses yeux se posent sur les taches de graisse. Numa observe silencieusement le petit ballet de Fenrir avec les bouteilles, son reniflement bruyant qui écrase le silence, ses yeux se posent sur les taches de graisse, et sans en boire une goutte, il repose chacune des bouteilles sur la table. Ses yeux se posent sur les taches de graisse. Ses mains se referment sur les accoudoirs de la chaise, jusqu'à ce que ses phallanges blanchissent sous la pression apposée par ses doigts. Il prend sur lui pour ne pas se lever, récupérer sa baguette et effacer les traces - ces marques visibles à l'echo de ce mal qui le ronge - laissées par le lycanthrope. Il n'en fait rien. Ne pas montrer le moindre de signe de faiblesse en présence d'inconnus. Le leader alité à la nette impression que le plus petit écart de sa part serait catalogué dans l'esprit de Fenrir et utilisé plus tard. C'est ce qu'il ferait lui si les rôles étaient inversés. C'est ce qu'il a fait quand il était encore à Fucking Sweet River et que la NSFW n'était qu'un rêve fou dans son esprit insatisfait.

Le sourire - carnassier - qui lui est renvoyé ne le met pas plus à l'aise. Pas plus que la réponse donnée. Encore moins cette façon de rester debout face à lui, comme s'il voulait prouver sa supériorité. Numa n'a pas besoin d'être debout pour plonger une pièce dans le silence, pour que les regards se tournent vers lui (c'est à la fois l'avantage et le désavantage de ses origines de vélane). Il comprend cependant pourquoi Fenrir agit ainsi. encore une fois, si leurs rôles étaient inversés. Il en ferait de même. « Je pensais pas que ton groupe faisait preuve d’autant de sobriété… et même de clémence ! » Numa lève un sourcil. son regard ne se pose pas sur les taches de graisse., amusé. Son sourire doux sur le son visage blême. (aucun enchantement ne peut complètement masquer le mal qui le dévore à petit feu). « Loin de moi l’idée d’imaginer que vous faites ça n’importe comment… mais disons que, pour avoir été dépêché sur les lieux de vos précédentes petites sauteries, je m’attendais à ce qu’on laisse moins de survivant derrière nous… » "Bien sûr. ca a dû te faire bizarre." Il acquiesce, se demandant intérieurement où l'homme veut en venir. « Sauf si, bien sûr, pour des raisons que j’ignore, le mot d’ordre a changé ? » AH. là. Il s'y attendait à un tel sous-entendu. Peut-être pas aussi rapidement, mais le loup ne semble pas vouloir tourner autour du pot plus longtemps. "Tu n'es pas là depuis longtemps, c'est donc tout à fait normal d'avoir des questions ou même des doutes. Je suis bien sûr disposé à te répondre si jamais c'est le cas." Il sourit de plus belle, c'est bien tout ce qu'il peut faire sans prendre le risque d'éveiller une migraine ou une douleur fulgurante au coeur de ses os. "Mais rien n'a changé, si ce n'est qu'actuellement c'est Sav qui nous guide ça lui écorche la langue. nous avons toujours le même objectif qu'au départ. Et cela ne nécessite pas des morts inutiles. N'es-tu pas d'accord ? Il ne lui demande pas complètement son avis, Numa cherche principalement à analyser à quel point l'homme qui lui fait face aujourd'hui peut s'avérer être un atout ou un danger pour lui et pour eux. C'est pour cette raison qu'il l'a fait venir jusqu'à lui. Se préparer au meilleur comme au pire. En toute circonstance et même alors que la douleur rugit contre ses tempes. Non, il ne pose pas son regard sur les taches de graisse.

« Tu n'es pas là depuis longtemps, c'est donc tout à fait normal d'avoir des questions ou même des doutes. Je suis bien sûr disposé à te répondre si jamais c'est le cas. »
Tu t’arrêtes momentanément de tourner en rond, l’échine un peu courbée et les mains dans le dos, ne dissimulant pas ton air excédé. C’est qu’on dirait que Numa s’adresse à un môme. Alors, d’accord, tu savais ce que ça faisait d’être à la tête d’une ribambelle de marmots, mais il s’agirait pas qu’il te prenne pour un loup de la dernière lune… « Oh oui, je n’y manquerai pas » que tu réponds, mielleux, le sourire aussi charmant que ta dentition le permet.

« Mais rien n'a changé, si ce n'est qu'actuellement c'est Sav qui nous guide » Tu ricanes. « nous avons toujours le même objectif qu'au départ. Et cela ne nécessite pas des morts inutiles. N'es-tu pas d'accord ? » Tu te tournes vers lui, le sourcil haussé. Tu aimerais bien penser qu’il te demande réellement ton avis. Et, même si c’est pas le cas, tu te ferais une joie de le lui donner. Tu hausses les épaules, secouant la main comme si tu pensais que ton avis sur la question ne valait pas tant que ça. « Oh bah ch’ais pas, moi j’pensais que pour libérer les hybrides, y’avait jamais de morts inutiles dans les rangs de leurs oppresseurs… Mais pour c’que j’en sais… » Voilà que tu te mets à parler avec la même insolence que la petite -comment déjà ?- Susan Bones. Passivement agressif, tu te remets à marcher de long en large, observant l’ameublement de la tente.

Oui, tu étais venu ici pour le faire chier sur sa politique. Mais tu avais aussi autre chose derrière la tête. Tu feuillettes quelques bouquins, pensivement, cornant les pages à cause de cette fâcheuse habitude que tu avais copié des autres, à savoir, de t’humidifier le pouce avant de tourner la page suivante. Autant dire que ça laissait de jolies taches brunes au coin des feuilles. Pour rien, en plus, vu que tu ne savais pas lire, et qu’apparemment, Numa ne savait pas regarder des images. « Nan mais en vrai, tu dois en avoir marre que tout le monde te dise quoi faire… » Enfin un semblant de compassion pour le chef démuni de la troupe. A vrai dire, tu étais le mieux placé pour savoir que sa place était compliquée à tenir, et que son trône, branlant, croulait sous le poids des risques, de sa santé brinquebalante et des responsabilités. Hoshi pouvait se casser un ongle qu’on t’en aurait tenu pour responsable…

« Du coup, j’viens te proposer de ramener plus de bras » Tu balances le bouquin dans un coin, bandes les vieux muscles de tes bras. « J’ai des loups semés un peu partout, et j’pense que ça pourrait faire une pub intéressante de savoir que tes rangs grossissent de jour en jour » Tu poses ta botte crasseuse sur le bois d’un vieux coffre, en frottes le bout pensivement. Les semelles crantées émiettent de la boue sèche un peu partout. « Vu que tu veux pas de morts inutiles, rien ne vaut un peu d’intimidation, tu crois pas ? » Mais là encore, tu lui demandes pas vraiment son avis.
« Avec Baruch, on a prévu d’aller chercher l’une de mes petites dans pas longtemps » Voilà, ça c’est posé, qu’il essaye un peu de t’arrêter. « C’est qu’en plus, maintenant que je me suis enfui, j’m’inquiète pour eux » Allez, t’es pas une bête, et tu passes un peu de pommade, entre daron de famille nombreuse, tout ça… « Tu sais ce que c’est, hein : on veut toujours être derrière eux pour savoir ce qu’ils font mais, parfois, le karma fait qu’on est cloué sans pouvoir rien faire » Tu ne dissimules pas un mouvement du menton dans sa direction. « C’est comme cette héroïne moderne, là, Medea » Tu lèves la tête, inspiré. « Elle a jamais baissé les bras, » tu sers le poing « tout ça pour sa famille » tu baisses la tête, on dirait presque tu vas lâcher une larme. « Et puis, du jour au lendemain, plus rien » d’un élan de rage et de frustration, tu balances ton bras, faisant tomber une pile de livres.

Quand bien même elle avait l’air plus vraie que nature, tu parlais bien du protagoniste de London’s Burning, à ceci près que tu n’avais pas compris qu’il s’agissait d’une simple fiction. « Bref, » tu te calmes, te redresses, tendant la main vers Numa « j’ai ton accord ? »

A le voir marcher de long en large, fureter son nez dans les affaires de Numa, poser ses mains sur les livres, les corner, les graisser ; le demi-vélane finirait par croire que quelqu’un l’a mis au courant de ses petits tocs et que le nouvel arrivé dans leur bande se fait un malin plaisir de laisser une trace de son passage un peu partout. Il va lui falloir des heures pour que sa tente soit rutilante de nouveau. Pas qu’il soit déjà en train d’imaginer les meilleurs sortilèges pour décorner les pages d’un livre et venir à bout des taches les plus tenaces. C’est de toutes façons l’étendue de sa capacité magique ces derniers temps, bien qu’il n’en parle pas aux autres membres de la NSFW. A-t-il des doutes sur la question ? Que lui a-t-on dit de ce leader incapacité, alité, inutile ? Que penses-t-il réellement de leur organisation et pourquoi décider de les rejoindre ? toutes ces questions s’enchaînent et se mêlent à la compulsion contre laquelle Numa se bat, celle de se lever, de lui demander de partir et tout nettoyer, là. tout de suite. Toutefois, il a un peu plus de self-control que cela.

Pour se distraire de cette intrusion dans son espace psychique, Numa se concentre sur les paroles prononcée par le lycanthrope, plisse ses yeux derrière un sourire de façade, et occupe ses mains sur un des verres à sa disposition qu’heureusement l’autre n’a pas (encore) touché. “Oh bah ch’ais pas, moi j’pensais que pour libérer les hybrides, y’avait jamais de morts inutiles dans les rangs de leurs oppresseurs… Mais pour c’que j’en sais…” Ses commentaires ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd, le leader s’étant toujours targué d’être à l’écoute des siens, mais encore faut-il qu’il soit certain que ces personnes en question ont les meilleurs intérêt du groupe à coeur. Et pour l’instant, ce n’est pas le cas en ce qui concerne Fenrir. Sur le papier, le demi-vélane est d’accord avec les propos prononcé par l’homme qui s’amuse avec ses objets. Mais la différence c’est que transformer des personnes contre leur gré n’est pas une pratique qu’il tolère ; quand un groupe se voit attribué de nouveaux membres, c’est tout une nouvelle balance à trouver pour ne pas rompre l’harmonie déjà existante. C’est d’autant plus compliqué quand on ne peut le faire que depuis une petite tente, la moitié du temps endormi. “Dans le rang des oppresseurs bien entendu, c’est pour les autres qu’on veut faire attention.” Il ne diras rien de plus sur la question, il ne faudrait pas qu’on ait l’impression que Numa se justifie alors qu’il n’en est rien. « Nan mais en vrai, tu dois en avoir marre que tout le monde te dise quoi faire… » serait-ce de la compassion qu’il entend dans la voix de Fenrir. C’est surprenant, et un peu condescendant. “Cela n’arrive pas si souvent que ça, je te rassure.”

Fenrir balance le bouquin dans un coin de la tente et non pas proprement rangé par ordre alphabétique comme l’aurait souhaité Numa (il s’occupera de ce détail, un de plus, après son départ) et propose alors de ramener plus de personnes auprès d’eux. Si l’idée n’est pas mauvaise en soit, il n’est pas forcément à l’aise avec autant de personnes fidèles à Fenrir et non pas vraiment à la NSFW. Il n’est pas non plus persuadé que les autres les accepteront et cela risque de créer des tensions. D’un autre côté, ils ne peut pas dire non à des bras en plus. Il hoche de la tête donc, gardant bien de dire à voix haute tout ce qui lui passe par la tête « Tu sais ce que c’est, hein : on veut toujours être derrière eux pour savoir ce qu’ils font mais, parfois, le karma fait qu’on est cloué sans pouvoir rien faire ».  “J’en sais quelque chose oui.” répond-il tout de même avec un léger sourire qu’il veut de connivence qui s’effrite lorsque Fenrir compare sa situation à celle d’un personnage d’une série qu’il apprécie regarder. (on s’occupe comme on peut quand on ne peut que rarement quitter son lit), si le terme d’héroïne moderne le fait un peu tiquer, tout comme la cascade de bouquins s’étalant sur le sol, il reste stoïquement neutre et ne l’interrompt pas jusqu’à la toute fin de ce charmant monologue.

numa abandonne le verre et se lève avant d’hocher de la tête. “Cela ne me pose pas de problème. Tant que tu as vu tout ça avec Sav. Il ne nous viendrait pas à l'idée de te tenir éloigné de ta famille. Ta petite est bien sûr la bienvenue et j’espère que j'aurais le plaisir de la rencontrer quand elle sera parmi nous." Il se déplace de quelques pas à son tour, sans se départir de cette confiance qui même au cœur de la douleur ne le quitte jamais complètement. "Tant qu'on se respecte, qu'on communique et qu'on s'écoute, il n'y a pas de raison que ça se passe mal." Ce n'est pas une menace  même si cela pourrait y ressembler.

Arrivé assez proche de Fenrir, Numa change de sujet. Il veut apprendre à le connaître, on ne peut juger une personne au premier regard. Avec la WUSS, il aurait adoucit ses traits, user de son don pour ensuite s'introduire dans les pensées de Fenrir. Mais c'est une activité qu'il se répugne à entreprendre. Seulement quand tout le reste a échoué. Alors, il utilise son arme principale, la seule qu'il lui reste actuellement, son doux sourire et les mots qui sortent de ses lippes. "Comme ça toi aussi tu regardes London's Burning ? Tu savais qu'ils font une rediffusion en ce moment ?" Le sujet qui les amène à se trouver en face à face dans cet endroit est loin d'être terminé. Mais Numa est un homme patient, il peut entreprendre un détour pour arriver à ses fins. Savoir par exemple, ce qu'il aime dans cette série, pourquoi Medea, voilà une bonne façon d'en découvrir plus sur le sorcier s'en éveiller les soupçons.

Pour la première fois depuis le début de votre entrevue, Numa finit par se lever. Tu ne dissimules en rien ta surprise, appuyée d’un haussement de sourcils tels qu’on dirait qu’ils vont se décrocher de ta figure. Tu avais l’air d’observer le miracle de la foi, du genre JC qui guérit un paraplégique (phénomène que tu saurais justifier, dès lors que tu aurais pu prouver que le Jésus en question était une harpie qui avait au préalable maudit son futur patient, avant de lever la malédiction) (pour les jours où tu n’étais pas persuadé que le Jésus susnommé n’était pas un vampire comme dirait Imelda, l’autre bonne soeur de service…).
Le miracle est tel que tu manques de passer par-dessus l’accord qu’il te donne pour aller chercher tes enfants. Il ne serait pas déçu en découvrant le petit morceau qu’est Hoshi. Tu ignorais ce que les autres s’imaginaient en essayant de visualiser la meute Greyback, mais généralement, vu le dégoût sur leur tronche, il était fort plausible qu’ils supposent que ta meute était constituée de gros types lourdauds comme toi…

De là découlait le choix de faire venir Hoshi en premier (ajouté à ça le fait qu’elle était encore la fi-fille à son papa, et qu’elle avait encore du mal à se débrouiller seule). Ça permettrait aux NSFW de se dire que, peut-être, les Greyback étaient pas tous comme toi, et qu’il y avait quelque chose à en tirer, même si ce n’était qu’un point de vue plus agréable pour l'œil. Bon, pas dit que le subterfuge allait tenir la route lorsque ce serait au tour de Fish, Gy’, et tous les autres cradingues, mais c’était un début.
« Tant qu'on se respecte, qu'on communique et qu'on s'écoute, il n'y a pas de raison que ça se passe mal. » Tu hoches allègrement la tête. « J’savais que je pouvais compter sur toi, grand chef » Encore un peu, et tu lui faisais l’accolade, si tu n’avais pas eu peur de le faire tomber en miettes. Tu ravises ton mouvement, te contentant d’une tape sur l’épaule. « Elle aime beaucoup communiquer, la petite » promets-tu, sans préciser que la communication, chez Hoshi, relevait le plus souvent du règlement de compte ou des mille trucs et astuces pour se décolorer les cheveux en pleine nature…

Maintenant que tu y repenses, tu n’aurais pas imaginé une seule seconde que l’effet produit par cette ouaille de vélane pouvait être aussi palpable, maintenant qu’il se tenait debout, dignement même, oserais-tu penser, et à une si maigre distance que tu pouvais compter ses poils de barbe, incroyablement bien taillée pour l’ennemi numéro un du pays. Tu n’étais pas du genre à être sensible à la beauté, en temps normal, et le goût esthétique de la meute flirtait avec le zéro pointé ; la seule qui semblait en développer un, c’était Hoshi, justement, et encore, on parlait là de quelqu’un qui trouvait que les crocs à fourrure rose et à plateformes relevaient du must-have du bon goût. Aussi, tu n’étais pas très à même de remarquer le beau quand tu le croisais. Mais l’avantage avec les vélanes, c’est qu’elles ne laissaient pas trop de place au doute.
Tu te dis alors que ça devait être sacrément plus facile de régner, quand on était superbe et que, si t’avais su, tu te serais brossé les dents un peu plus souvent… Et puis tu te dis, que régner par la force d’un sourire impeccable, c’était peut-être pas ce qu’il y avait de plus fiable ; la preuve étant qu’actuellement, c’était Sav au commande, et que pour lui arracher une risette, à celle-là, il fallait y aller au couteau.

« Comme ça toi aussi tu regardes London's Burning ? Tu savais qu'ils font une rediffusion en ce moment ? » Tu clignes des yeux, tiré de tes pensées brouillonnes. Décidément, il savait te faire du charme, celui-là. « Toi aussi comme dans tu regardes London’s Burning ? » Ça se sent gros comme un barbecue Greyback que Numa a piqué ta curiosité. La preuve ; tu ne gigotes plus dans tous les sens, te tenant solidement sur tes pattes, l'œil rivé sur lui, un sourire faisant son bonhomme de chemin dans la jungle de ta barbe. « Les grands esprits se rencontrent, dis-moi. Une fois que j’ai commencé, j’ai pas pu décrocher ; c’est dire que des fois, j’avais l’impression qu’elle copiait ma vie, tellement ça m’parlait ! » Si on omettait quelques crimes de guerre et actes cannibales, mais c’était du détail. « Ça te fait pas ça, à toi aussi ? La manière dont Medea lâche tout ce qu’elle est en train de faire dès qu’un d’ses mômes a besoin d’elle ? » Numa avait touché juste, et devait se faire une joie de gratter la corde sensible qu’il avait dénichée. « J’trouve ça dingue ; en plus, c’est typiquement le genre de comportement qu’on s’dit qu’on est le seul con à avoir. Et bah non, bim, collez des mômes dans les pattes d’un adulte responsable » Oui, oui, vous ne rêviez pas, tu te considérais bel et bien comme un adulte responsable. « Et c’est l’instinct d’alpha qui prime… Si c’est pas une belle leçon lycanthrope, ça ! » Bah oui, il ne s’agirait pas de louper l’occasion de tout ramener à la cause lupine, hein…

Numa n'aurait certainement pas pensé se retrouver dans sa tente à papoter série télé avec Fenrir, mais il n'aurait pas non plus imaginé être aussi irrémédiablement incapacité par un sortilège, la vie avait cette façon de prendre les gens au dépourvu et de les laisser avec les conséquences sans s'arrêter pour autant. Ce constat ne sied guère à une personnalité comme celle de Numa qui préfère de loin tout planifier plutôt que se laisser aller à suivre les vagues. Force lui est de constater qu'il ne peut en être autrement et qu'il doit faire bon gré mal gré de ce que le hasard, le destin ou la providence (en fonction du référentiel de pensée de chacun) daigne leur envoyer dans la figure.

Si chaque petit écart, chaque adaptation de sa pensée nécessite bon nombre d'efforts de sa part, il n'en reste pas moins capable de transgresser sa rigidité tant que cela les maintient en vie et dans une sécurité toute relative. Il met donc de côté son besoin électrique de nettoyer sa tente, préférant se concentrer sur sa conversation avec le lycanthrope - il aura bien tout le reste de la journée pour détendre la tension en effaçant toutes les traces de saleté de son humble demeure. Il l'écoute avec attention déblatérer sur Medea, remarque la brillance dans son regard et s'il trouve qu'il s'emporte un peu trop pour une histoire fictionnelle n'en pipe pas mots. Après tout, chacun est bien libre de faire ce qu'il souhaite et de trouver où il le peut des moyens de s'échapper à leur sombre réalité, Aoife a ses livres, Fenrir ses séries, Numa son nettoyage. Qui serait-il pour juger ; cela n'est de toutes façons pas le but de l'entreprise.

Au contraire, le demi-vélane voit cet échange comme une porte dans la psyché de Fenrir, après tout les personnages que l'on admire ne sont-ils pas des reflets de ce que l'on est ou à défaut de ce que l'on souhaiterait représenter ? il n'est pas rare d'en apprendre davantage sur autrui en se concentrant sur des détails en apparence insignifiants. Pour être tout à fait hônnete (et même si la moralité de ce personnage est questionnable) Numa pense comprendre ce que cherche à expliquer l'homme qui lui fait face. Il comprend cette nécessité de tout plaquer pour venir au secour des siens - lui-même en ayant fait les frais plus d'une fois. Il hoche de la tête. "Il y a rien de plus important que la famille, et je ne parle pas que des liens de sang mais de celle que l'on se trouve. Je te rejoins sur ce point." Une idée germe alors dans son esprit, et quand une pensée survient il lui est souvent impossible de la tenir éloignée tant que Numa n'a pas tout fait pour la voir se réaliser en action, c'est pourquoi il attrape une des chaises en masquant un grognement de douleur, et la déplace à côté de celle qu'il vient de quitter. "C'est pas du grand luxe, mais Aoife m'a enregistré quelques épisodes - c'est qu'il ne peut pas les voir en même temps que lesdits épisodes sont diffusés, tant il est souvent endormi sous le coup des potions qu'il doit ingurgiter - si jamais ça te dit on pourrait en regarder un ou deux ?". D'une certaine manière, le leader de la NSFW cherche à sonder un peu plus l'esprit de ce comparse qui reste encore un mystère presque entier à ses yeux, quoi de mieux que d'observer ses réactions dans le feu de l'action, si on puit dire. En réalité, Numa a bien l'envie d'oublier le martèlement qui cingle dans les veines de son bras gauche et le picottement qui surgit à chaque fois que son regard se pose sur le bazar de sa tente.