tw: crude language, blood

Riv transplana au camp avec un grognement de douleur. Fuck. Leur petite sauterie avait mal tourné, et Riv avait été blessé. Un connard de sang pur lui avait lancé un sort qui avait ricoché en plein sur sa cuisse et la douleur avait été si intense qu’il était tombé avant de pouvoir vraiment réaliser ce qui venait de se passer. Le reste de la soirée était flou, il n’avait pas vraiment compris ce qui lui était arrivé, son corps était passé en survival et il n’avait fait que faire ce qu’il fallait pour rester en vie.

L’adrénaline était quelque peu retombée, cependant, et il n’avait pas pu faire beaucoup de chemin avant de s’écrouler à quelques mètres de sa tente, son pantalon était souillée et lourd de sang et il ne pouvait pas apercevoir grand chose entre les morceaux de tissus déchirés et le sang qui brouillait sa vision. Il ne savait pas où étaient les autres, pour l’instant, il n’y avait que lui et Atticus qui était planté à quelques mètres comme un putain d’idiot. Il était pourtant quasiment certain que Sav, Baruch et Greyback n’étaient pas loin derrière lui. “Don’t just stand there and do nothing!” il cria en direction d’Atticus qui se mit enfin en mouvement. Il s’approcha de lui, les yeux écarquillés, “you’re bleeding a lot, shit” — “am I? didn’t realize,” il lui répondit, moqueur. Il était énervé et inquiet, inquiet parce qu’ils étaient toujours seuls, et parce qu’il ne savait pas où était Sav et les autres, ni quand ils allaient revenir. Il avait besoin d’Aoife, elle était la meilleur en soins, elle pourrait l’aider, il essaya de se rassurer, de ne pas céder à la panique et à son coeur qui battait bien plus vite qu’il ne l’aurait du. A ses côtés, Atticus avait déjà essayé une demi douzaine de sorts de soin, mais rien ne semblait fonctionner. Riv n’était pas surpris, les blessures magiques étaient souvent compliquées à soigner, et Riv ne doutait pas une seconde que le sort du sorcier qui l’avait blessé était vicieux et créé pour faire le maximum de dégâts possibles. “It’s not gonna work,” il lui dit avec dépit.

Si rien ne fonctionnait et s’ils essaient seuls, Riv était dans la merde. “We need something, something to stop the bleeding,” il commença, le son quittant difficilement ses lèvres, “Towels, bedsheets, something. Maybe fire, fire cauterizes right?” Il lui demanda sans vraiment attendre de réponse. “We’ll figure it out, go get something, anything.” Alors qu’Atticus s’éloignait vers les tentes, il entendit un craquement derrière lui et se retourna brusquement pour voir une silhouette qui s’approchait au loin. Il espérait vraiment qu’il s’agisse de l’un des leurs.

tw : blood, crude language

C’était Baruch, qui sortait de la forêt là où il avait atterrit. Baruch qui s’approchait de lui et lui demandait de retirer son t-shirt. Dans d’autres circonstances, Riv aurait sans doute fait une remarque acérée mais il était trop faible, et trop étonné de sa propre stupidité. Il retira son t-shirt avec des mains tremblantes, le froid attaquant à présent chaque centimètre de sa peau dénudée. Son corps entier était pris de tremblements, dus au froid certainement, aux nerfs sans doute. Il murmura un faible “thank you,” quand Baruch lui offra son manteau alors que Riv lui donnait son t-shirt. Il l’observa déchirer son pantalon avec des gestes presque robotiques. Il ne l’avait jamais vu comme ça, et Riv n’osait pas demander ce qu’il se passait dans sa tête. Il ne semblait pas être lui-même, pas comme Riv l’avait connu en tout cas. Et il ne savait pas si sa posture si étrange était due à ce qui venait de se passer, si Baruch avait était pris d’un sortilège qui l’avait laissé confus ou si c’était le sang qui le perturbait tant. Il semblait calme, déterminé à sa tâche, mais Riv n’était pas dupe. Il avait déjà vu des personnes exulter ce genre de calme, et ça ne présageait rien de bon. Rien du tout. D’un autre côté, Baruch était un vampire expérimenté, il pouvait sans doute faire avec un peu de sang, non ?

Ses propres pensées se faisaient floues. Il avait perdu déjà beaucoup de sang, peut-être même trop. Il pensa distraitement que c’était peut-être la fin pour lui, comme ça, à cause d’un sortilège mal placé. Riv n’avait jamais espéré vivre très vieux, mais il aurait préféré mourir d’une façon moins décevante. “It will hurt,” Baruch lui dit doucement, et Riv le regarda confus le temps d’une seconde, “what?”, avant que le vampire ne serre le tissus autour de sa jambe blessé, réveillant la douleur qui s’élança dans son corps avec force. “Fuck!” il jura,  ses yeux se reposant sur ceux de Baruch, qui le regardait fixement, comme si il voulait le bouffer, littéralement. Il lança un regard paniqué autour de lui, tout s’était passé très vite, tout se passait encore très vite, et personne ne semblait vouloir revenir vers eux, ni Atticus qui était parti on ne sait où, ni les autres, qui devaient encore être coincés dans la bataille. Et lui se sentait fragile, vulnérable. Le sang qu’il avait perdu l’avait vidé d’une grande partie de ses forces et si l’adrénaline l’avait gardé éveillé, réactif, il n’était pas certain qu’elle puisse faire le job encore longtemps. “We-we need help, man,” il commença faiblement, la panique se frayant un chemin dans sa voix, “where the fuck are the others?”.

tw : trop de sang

Le juron de Rivage résonne et une part de Baruch se dit que c’est bon signe - tant que le gamin crie et gueule, c’est qu’il est encore en vie. Tant qu’il aura la force d’abîmer le monde entier d’insultes et de cracher sa rage, il est parmi eux. Ça le force même à cesser de le regarder, à fixer ses yeux noirs ailleurs que sur son visage tiré de panique, blême comme la mort. À tenter de respirer, de se calmer, lui-même, alors qu’il lui semble tout percevoir, prédateur au-dessus d’une proie déjà à terre. Les battements affolés du coeur du jeune homme, la salive qui lui monte en bouche, ses crocs qui semblent y prendre trop de place. « We-we need help, man, where the fuck are the others? I do not know », et ça l’angoisse autant que ça ne lui fait rien du tout. Chaque attaque est un risque, celui que certain.e.s d’entre elleux ne reviennent pas du champ de bataille, qu’on les fauche en plein vol. La possibilité de la mort de trop de leurs camarades l’effleure tout juste, alors que ce qui l’angoisse est plutôt l’absence imminente de personnes bien plus aptes que lui en ce qui a trait aux soins.
De personnes dont l’ultime faiblesse, à cet instant, n’est pas le sang.

« Please stay calm », enjoint-il en sortant sa baguette pour la pointer sur la plaie qui marbre la cuisse de Rivage. Un sortilège informulé nettoie à peine la peau de la terre, des débris, du sang qui n’a pas tout à fait cessé de couler qu’importe la force du tourniquet. Quelle saloperie lui a-t-on jeté ? « Vulnera Sanentur », essaie le vampire, mais le puissant sort de guérison semble lui échapper. Ricocher contre la blessure, pratiquement, être absorbée par la magie sombre qui la parcourt, sans changer quoi que ce soit.

Une lance de douleur l’aveugle soudainement, plus forte que toute les autres, sa vision passée du rouge au blanc en un éclair. Il jurerait que sa tête vient d’exploser. Tout son corps se crispe, se recroqueville, les deux mains plaquées sur les tempes, sur la nuque, comme pour tenter de calmer, de reprendre, ce qui ne cesse pas. Le visage ensuite caché entre ses paumes. Il tremble de tous ses membres. « It hurts so much », et c’est difficile de définir ce dont il parle, que ce soit de son épaule qui saigne abondamment sous les lambeaux de sa chemise, du glyphe à sa nuque qui se fait l’épicentre de son martyr, de son crâne qui semble vouloir exploser, ou de la faim lancinante qui rampe sous sa peau.
Le manque soudainement vertigineux.
Il en oublie où il est, quelques instants.
Ce qu’il fait.
Avec qui il est.
Baruch sent le sang sur ses mains, ses poignets, ses bras, son épaule, son visage, et lorsque sa langue se risque à le goûter, son inimitable parfum ferreux, les notes si reconnaissables du sang de harpie, tout cela semble l’envahir en une fraction de seconde. Les battements de son coeur augmenter jusqu’à l’excès, jusqu’à ce que son souffle se coupe, et l'agressivité peu à peu naître, depuis le même endroit où la douleur afflue. Un déferlement, une vague qui menace et veut s'écraser. « Go. Un chuchotement rauque entre ses paumes. Now. »

“I do not know” la voix de Baruch, les syllabes accentuées ne firent rien pour calmer l’angoisse qui se muait doucement mais surement en panique. Fuck, fuck, fuck, Riv ne l’avait jamais vu comme ça, ne l’avait jamais entendu parler de cette façon. Baruch semblait être une autre personne, et Riv n'était pas sur que cet autre Baruch soit un bon présage. “Please stay calm,” il lui dit avant de jeter un énième sort de guérison sur sa jambe, un sort qui ne fait rien de plus que lui lancer un nouveau frisson. Putain de merde. Il allait crever à cause d’une chose si stupide.

Il n’eut que quelques secondes pour s’apitoyer sur son sort, avant que son attention ne soit accaparée par le vampire à ses côtés, qui s’était soudain recroquevillé sur lui-même. “What the fuck,” il laissa échapper doucement. Baruch était blessé, il avait pu le voir, mais pas à ce point, si ? “What’s happening?” il lui demanda. Il ne savait pas quoi faire, il avait peur de s’approcher, de le toucher alors qu’il était dans cet état. Et à ce moment là, Riv réalisa qu’il ne le connaissait pas si bien, pas assez pour envisager ses réactions, pas assez pour savoir quoi faire pour les aider tous les deux. “It hurts so much” Baruch lâcha d’une voix plaintive. Cette fois, Riv n’hésita pas avant de poser une main sur son épaule, et de lui demander, “what? what hurts?” d’une voix pressée, anxieuse. Le vampire ne lui répondit pas, le visage invisible, caché derrière ses mains ensanglantées. Riv jeta un oeil aux alentours, Atticus toujours aux abonnés absents. S’il s’en sortait, il allait le tuer, le tuer pour avoir pris son temps à faire la seule chose que Riv lui avait demandé de faire. Fucking useless.

“Go,” la voix de Baruch retenti à ses côtés, différente encore une fois, presque inaudible derrière la barrière que formait ses mains, “now,” il ajouta. Le ton de sa voix, l’urgence, le fit frémir. Il était en train de se vider de son sang à côté d’un vampire, évidemment que ça allait mal tourner. “Baruch,” il lâcha faiblement, il ne l’appelait jamais vraiment par son prénom et celui-ci semblait étranger entre ses lèvres. Il croisa son regard finalement, perdu derrière ses doigts, et ce qu’il y vit lui confirma ce qu’il avait redouté. Il était dans une sacré merde. Il se releva difficilement, sa jambe peu réactive face à l’urgence de la situation. Il ne savait même pas où aller, son esprit incapable de réfléchir, cédant à la panique et aux assaults de la douleur qui pulsait dans sa cuisse.

La silhouette d’Atticus réapparut soudain d’entre les tentes, et Riv sentit un vent de soulagement le traverser alors qu’il se dirigea vers lui en appelant son nom. Peut-être qu’à deux ils pourraient y arriver, ou transplaner, il n’en aurait pas la force, mais Atticus pourrait sans doute l’emmener avec lui. Il fit quelques pas vers lui, avant que la douleur qu’il avait pu oublier l’espace d’un instant ne se ravive, semblant cent fois plus intense et que sa jambe ne lâche sous le poids de son corps, l’envoyant joncher au sol, ses mains tendues par réflexe au dernier moment l’empêchant à peine de gouter à la terre qui se trouvait à quelques centimètres de son visage.

tw: violence, sang

Riv eut à peine le temps de relever la tête, ne put voir que l’ombre de Baruch avant de sentir sa présence accablante autour de lui, puis, bien vite, sur lui. Sa respiration, effrénée et difficile lui brulait les poumons et l’empêchait de faire quoi que ce soit. La présence de Baruch immuable, son poids immense alors que tout son corps semblait s’enfoncer dans la terre. Riv n’avait jamais penser tenir à sa vie plus que de raison, il avait toujours su qu’il allait mourir jeune et avait toujours accueilli cette sensation avec une quiétude qui en avait surpris plus d’un. Pourtant, à ce moment là, son instinct semblait s’être réveillé, et la fureur des harpies avec. Il ne le réalisait qu’à peine, mais il se débattait fortement, essayait d’échapper à la silhouette du vampire avec que de ses lèvres fusaient bien des insultes à son égard.

“It will hurt” Baruch lui avait murmuré et Riv ne lui avait répondu que d’un énième “fuck you” avant que ses crocs ne percent sa chair et que la seule chose qu’il ne puisse sentir soit la douleur acerbe de sa morsure. Putain de vampire, il avait pensé, naïvement sans doute, qu’ils étaient amis, et Baruch allait le remercier ainsi, en le tuant. Il espérait au moins rester en tant que fantôme et lui pourrir la vie jusqu’à la fin de la sienne. Riv n’avait jamais été connu pour sa capacité à pardonner, Baruch le saurait bien assez vite.

Atticus était toujours debout, il pouvait voir sa silhouette, floue, lointaine, sa position l’empêchant de le voir correctement alors que ses yeux peinait à se fixer sur lui. Il savait que des sons sortaient de sa gorge mais il ne savait pas ce qu’il disait, ce qu’il faisait. La réalité commençait à perdre son sens, ou peut-être que c’était lui qui perdait le contact avec la réalité.

Tous ses sens semblaient avoir déraillé. Il ne sentait plus grand chose, la douleur s’était apaisée au profit d’un froid presque paisible; l’odeur de la terre sous son nez semblait plus forte, plus forte que celle du sang qui coulait dans son cou; il ne pouvait que gouter à l’humidité dans l’air, la saveur des highlands qu’ils connaissaient tous si bien; la seule chose qui raisonnait dans ses oreille était les battements de son coeur, erratiques au début puis de plus en plus lents; sa vision était toujours floue, perdue, les arbres de la forêt qui les entourait vacillaient de droite à gauche; et bien vite ses yeux se fermèrent pour n’entrevoir que l’obscurité derrière ses paupières, les battements de son coeur se firent de plus en plus distants, et tout s’arrêta.