tw: consommation de drogues

Lee avait tellement de plans, qui se sont tous effondrés à cause de la NSFW. Il voulait retourner à Dagobah, s'assurer de la décision du Conseil face aux horror games, prendre quelques journées de repos, visiter Flora, la rassurer, lui dire que tout irait bien, lui mentir à n'en plus finir. Mais il a fini par passer de longs jours à l'infirmerie, par apprendre que sa propre faiblesse avait entraîné une attaque sur le camp d'Anthony, Michael et Cormac, il y a eu le sitting à Sweet River, et l'état de Flora empire de jour en jour, et rien ne va.
Lee sent quelque chose naître en lui, un feu qui a toujours été là mais n'a jamais été attisé par quoique ce soit, enterré sous une bonne couche d'affabilité naturelle. Une colère, une colère enragée et frustrée, dont l'intensité et la chaleur ne font qu'augmenter à mesure que les jours défilent. Il se trouve plus sarcastique et sec que d'habitude, moins enclin au pardon face aux petites offenses du quotidien. Lee se laisse faire, se laisse même marcher sur les pieds parfois, parce qu'au final il sait que c'est rarement par méchanceté; mais cette fois, rien ne passe. C'est Sofia qui lui a dit de prendre quelques jours, et il lui a hurlé qu'il n'en avait pas besoin, que de toutes façons il préférait se noyer dans ses voyages et son travail. A sa grande surprise, Sofia ne s'est pas énervée. Elle a posé une main sur son épaule, et lui a simplement dit d'aller se reposer.

C'est la dernière chose qu'il voulait. Se sentir inutile, mis sur la touche, dénigré presque par ces mots dérisoires et ridicules. Il a continué à faire ses livraisons, et elle l'a sincèrement rappelé à l'ordre quand il a eu la mauvaise idée de se présenter à St James, devant tout le monde. Lee n'a même pas eu la force ou l'envie de rétorquer, et il a simplement transplané.
Il n'est pas allé à Sweet River, parce qu'il n'a envie de voir personne. Il n'est pas allé à la planque où sont gardés les malades, parce qu'il n'a pas envie que Flora le voit comme ça. Il est allé dans le Londres moldu, dans l'appartement loué par l'Ordre qui lui sert de QG personnel, et il a passé deux jours dans sa forme animale, à tourner en rond et à dormir et à regarder la ville derrière le double-vitrage, active et inatteignable, douloureusement pleine de vie là où il a l'impression d'en être vidé.

Il est allé voir Flora, et puis il est retourné dans l'appartement fumer toute sa weed, et quand il est arrivé à la fin, il est allé à Sheffield. Il aurait dû y aller avant, surtout en apprenant que c'était là que Anthony, Michael et Cormac avaient échoué, chez Riley et Dennis, mais justement... l'idée d'être confrontée à eux l'angoisse énormément. C'est de sa faute si eux aussi ont été attaqués. Si lui avait su garder son sac, son téléphone, jamais la NSFW n'aurait su où les trouver.
Mais l'angoisse à l'idée de les voir semble minuscule comparée à la terreur d'être confronté à ses pensées qui bouillonnent constamment dans sa tête, le poids de ses responsabilités comme un casque en acier autour de son crâne qui n'a de cesse que de se resserrer pour transformer son cerveau en bouillie. Il n'a pas pensé à les prévenir, mais il ne pense pas que ce sera un problème, si...? Et puis la perspective de voir Riley lui réchauffe le coeur, elle a toujours été quelqu'un à qui il pouvait parler, quand ils étaient ensemble et après. Il soupire donc de soulagement quand c'est elle qui ouvre la porte après trois longues minutes d'attente. "It's me, it's Lee," lui dit-il aussitôt, souriant malgré lui en découvrant sa nouvelle couleur de cheveux. "Sorry, it's super late, uh." Il a encore les relents de son dernier joint qui maintient sur ses pensées une impression de confusion légère, de laisser-aller dangereux. Il regarde autour de lui, l'allée résidentielle déserte: il est presque dix heures du soir, il aurait sans doute dû venir plus tôt, ou le lendemain. Il a honte à l'idée d'avoir tant tardé, emporté dans sa propre vie pour une fois et surtout, surtout, il a honte d'être là parce qu'il a besoin d'aide. Et ce n'est pas tant la weed qu'il veut acheter, c'est surtout qu'il a besoin de quelqu'un à qui parler. Il n'a jamais été du genre à se dévoiler aux autres, toujours à demi-mot, toujours hésitant et presque distant dans sa pudeur; mais là, si il ne dit rien, il sait qu'il va exploser. "Can I come in?"

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Riley n’a pas eu envie de se joindre au reste de ses colocataires, agglutinés ce soir devant la télévision pour s’esclaffer devant une rediffusion de Borat ; c’est elle qui a proposé l’idée, initialement, s’en réjouissant même à l’approche de pouvoir montrer ce film d’anthologie aux nouveaux locataires de la planque de Sheffield, qu’ils ont dévoré sans pouvoir cesser de rire avec Dennis, et qu’ils ne ratent jamais lorsqu’il passe à nouveau à la télévision. Seulement, en attendant les voix s’élever dans le salon, déjà hilares devant les cinq premières minutes du film, Riley s’est ravisée, énonçant d’une petite voix qu’elle allait plutôt lire ce soir, et fermant soigneusement la porte derrière elle pour s’écraser sur son lit. Avec peine, la sorcière commence à s’habituer à la présence de Cormac, Michael et Anthony - il n’y a rien d’idéal à leur situation, mais elle n’est au moins plus aussi mortifiée et énervée que les premières semaines. Ils se tolèrent tous, plus encore depuis la soirée karaoké, qui a su alléger l’atmosphère parfois pesante qui règne dans la maison du Nord de l’Angleterre. Ce soit pourtant, l’addition des présences au sein de sa propre maison, un contraste sensible avec le calme qui y règne habituellement, l’a prise à la gorge, la vidant de ses forces pour aller s’isoler confortablement dans sa tanière.

La notion du temps a été longuement oubliée lorsqu’elle referme le roman, l’esprit coupé du présent par le récit entraînant dans lequel elle s’est plongée sans restreinte. Riley échange le livre pour la petite boîte en bois sur sa table de nuit, en sortant l’un des joints qu’elle a pré-roulé plus tôt dans la soirée, pour l’allumer aussitôt, inspirant la fumée salvatrice en s’asseyant au bord du lit. Il n’y a plus aucun son en provenance du salon, se rend-elle compte alors qu’elle se lève mollement en passant une main sur son visage, l’esprit encore engourdi par son voyage littéraire, qu’elle peine à complètement délaisser. En effet, elle a dû s’y perdre plus longtemps que prévu : le rez-de-chaussée est désert, et dans le noir, quand Riley s’aventure hors de sa chambre, une démarche lente jusqu’à la cuisine, dont elle allume le plafonnier promptement en atteignant l’interrupteur.

Son coeur rate un battement lorsqu’on frappe à la porte, manquant de renverser l’eau bouillante qu’elle verse dans la théière en fonte. Si elle n’a aucune idée de l’heure qu’il peut être, Riley a à peu près conscience que la soirée est déjà bien avancée ; suffisamment pour qu’une visite surprise soit d’office suspecte et inquiétante. La résistante sent un noeud se former dans son ventre, un sentiment désagréable lui collant l’esprit, alors qu’elle repose la bouilloire avec anxiété. S’il s’agissait d’un réel danger, elle le saurait - sa plume n’a rien dit à ce sujet ce matin, mais elle n’a pas non plus parlé d’un invité surprise. Un voisin moldu venu demander de l’aide, peut-être ? Une seconde, Riley hésite à aller chercher l’un de ses colocataires pour s’assurer qu’un visage familier se trouve de l’autre côté de la porte, mais l’idée même de devoir demander de l’aide pour un fait aussi banal l’agace déjà profondément. Baguette à la main derrière son dos, elle finit donc par se diriger vers l’entrée, ouvrant le battant d’une dizaine de centimètres, juste de quoi laisser apercevoir son visage, et tenter d’attraper un semblant de silhouette - il fait, malheureusement, bien trop noir, pour qu’elle n’aperçoive quoi que ce soit. "It's me, it's Lee." En entendant la voix qu’elle reconnaîtrait entre mille, Riley ouvre plus franchement la porte, son coeur faisant un bond terrible dans sa poitrine - de soulagement, certainement. "Oh, hey. − Sorry, it's super late, uh. Can I come in?" Lee fait partie des rares personnes que la sorcière reçoit avec un certain entrain ; sa présence l’a toujours apaisée, en un sens, et la bienveillance dont il fait preuve à leur égard, à elle et Dennis, plus encore. Il y a peu d’âmes avec lesquelles Riley se sent aussi proche, aussi en phase - il y a peu d’âmes, comme celle de Lee. Elle se surprend parfois à espérer le trouver ainsi, sur le pas de sa porte, comme ce soir - en d’autres circonstances, bien souvent.

Pourtant, malgré le léger sourire qui s’empare de ses lèvres, difficile de chasser la pointe d’inquiétude qui vient marteler l’arrière de son crâne. La dernière fois qu’ils se sont vus, l’état de Lee a laissé Riley dévastée, amère, impuissante. Elle a peiné à offrir sa compassion à ses colocataires, eux aussi rescapés d’une attaque de la NSFW ; pour Lee cependant, sa réaction a été toute autre, abandonnant le confort de sa demeure pour lui rendre visite dès qu’elle a appris la nouvelle. Qu’il se pointe ainsi à l’improviste, si tard, au vu des récents événements, n’augure rien de bon. "Of course you can come in." Elle fait un pas de côté pour le laisser entrer à l’intérieur, refermant la porte sur son passage lorsqu’elle entend ses chaussures sur le parquet. Enfin, sous les nombreuses lampes allumées du rez-de-chaussée, elle peut détailler la silhouette qui se dresse devant elle, une confirmation de plus qu’il s’agit bien de lui. Riley lui offre un nouveau sourire en lui faisant signe de la suivre jusqu’à la cuisine. "Right on time, I was just making tea. I feel you could use some." Peu importe ce qui a mené Lee jusqu’à Sheffield, une infusion et un joint savent toujours faire leurs preuves pour apaiser les esprits. Après avoir rempli les deux tasses sorties sur la table, Riley vient s’asseoir à son tour, à côté de Lee, rallumant le joint posé au préalable dans le cendrier. "Sorry if I missed your text, didn’t check my phone all night, I-... Yeah. Everything's alright?"

Riley sourit légèrement, provoquant une risette crispée et maladroite sur les lèvres de Lee. Il sent son estomac se tordre, alors que l'idée qu'elle se fasse des idées chemine jusqu'à son esprit: cela fait bien longtemps, maintenant, qu'ils n'ont pas répété le schéma qui était devenu une habitude lorsqu'ils étaient ensemble. Se mettre ensemble, se disputer, se séparer, se retrouver, ad nauseam - quelque chose dont Lee n'était pas fier, la dernière séparation ayant été la plus douloureuse de toutes. Ils se sont vus de nombreuses fois depuis - après une longue période de distance précautionneuse de la part de Lee -, mais il a toujours remarqué qu'elle lui vouait toujours une énorme affection, presque gênante par son intensité, comme si l'espoir qu'il refasse un jour chemin vers elle existait encore. "Of course you can come in. - Thanks." Lee se faufile dans l'ouverture qu'elle lui fait, après avoir machinalement tapé ses pieds sur le paillasson, jetant un regard à l'intérieur de la maison. Habituelle et familière, quoique plus bondée que d'habitude même si il ne voit aucune véritable trace des nouveaux colocataires de Riley et Dennis. "Right on time, I was just making tea. I feel you could use some." Lee sourit un peu, la suivant dans la cuisine. "Yeah." Il ne sait pas trop quoi dire, par où commencer, si seulement il devrait lui parler de toutes ces pensées qui le tourmentent et tournent en rond dans sa tête. Les horror games, le Cercle sept, Sofia, l'attaque de la NSFW, son propre état, et puis... Flora. Peut-il seulement lui parler de Flora? Ils sont redevenus amis mais... pas à ce point, si?

Il s'assied sur le table centrale de la cuisine, regardant Riley leur servir du thé. Une fois sa tasse remplie, les mains de Lee viennent l'entourer, comme pour se réchauffer de l'intérieur par ce simple contact. "Sorry if I missed your text, didn’t check my phone all night, I-... Yeah. Everything's alright?" Il secoue la tête par mécanisme. "No, I, I didn't text you, I just..." Il se passe la langue sur les lèvres, plongeant ses yeux dans le liquide sombre au fond de sa tasse. "Shit, girl, it's been a weird few days." Il rit maladroitement, un son qui déraille un peu, avant d'apporter le thé brûlant à ses lèvres. Il les y trempe, l'odeur réconfortante, le goût apaisant, la chaleur douloureuse mais appréciable. "I'm sorry I didn't come earlier to check on yous, things have been... things have been a bit crazy." Il relève les yeux vers elle, sourit légèrement. "How have you been getting on with your new roomies? Must be weird." C'est plus fort que lui: alors qu'il a l'impression que ses pensées et ses mots se battent en duel à l'intérieur de lui, il est incapable de trop se livrer d'un coup, de s'avancer sur son propre ressenti, préférant axer la conversation sur autrui. Après tout, jamais besoin de s'inquiéter pour lui - il gère, il gère tout, jusqu'au moment où tout s'effondre.

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L’apparition surprise de Lee sur le pas de sa porte devrait probablement la réjouir un peu plus que cela. Une légèreté certaine l’assaille toujours en sa présence, depuis la première heure - il y a quelque chose chez lui, qui sait chasser avec un naturel déconcertant ce qui pèse sur ses pensées, une chaleur simple et bienvenue. Si elle a été contrainte de faire le deuil de l’espoir de le voir revenir vers elle, l’enterrant au fond d’elle lorsqu’il est devenu évident que leur histoire était résolument terminée, Riley a été soulagée de ne pas perdre l’affection et la complicité les unissant, se muant, au fil des années, en une amitié sincère, apaisante - peut-être la seule de cette nature, pour elle.

Pourtant, ce soir, la légèreté n’est pas au rendez-vous. I just know stuff, dit-elle souvent pour justifier cette sensibilité, ce sixième sens qu’elle anesthésie souvent et qui lui permet de voir clairement au travers de nombreuses situations. Tout comme elle sait, en cet instant, que Lee n’est pas uniquement là pour profiter de la weed à volonté qu’elle lui offre parfois volontiers sans le faire payer. Parce la dernière fois qu’elle l’a vue, Lee était alité, parce qu’il n’est pas venu les voir depuis trop longtemps, parce qu’elle l’entend dans sa voix, parce qu’elle sait, c’est tout. "No, I, I didn't text you, I just..." Riley enroule ses doigts autour de la tasse fumante, les yeux rivés sur la silhouette de Lee, et la porte jusqu’à ses lèvres pour en prendre une gorgée en lui portant toute son attention. "Shit, girl, it's been a weird few days." Elle accuse son faible rire d’un froncement de sourcils, la tasse reposée doucement sur la table alors qu’elle revient tirer sur son joint en penchant la tête sur le côté, une invitation silencieuse à poursuivre. "I'm sorry I didn't come earlier to check on yous, things have been... things have been a bit crazy. − It’s alright Lee." Riley peut sentir un pincement dans sa poitrine en l’entendant. A l'Ordre, on connaît Lee comme le résistant toujours debout, souriant et avenant, celui qui ne semble souffrir d’aucune forme de soucis, naviguant dans l’existence avec plus de facilités que les autres dans ce contexte difficile qui leur est tombé dessus il y a dix ans. Et, de tous, Riley sait qu’il n’en est rien - elle le connaît, pense-t-elle parfois, avec une pointe de prétention, mieux que quiconque. Et elle ne peut qu’imaginer qu’avec son agression, les troubles récents au sein de l’Ordre, pour lui qui est si impliqué envers l’organisation, Hestia gravement malade, Lee a toutes les raisons du monde d’aller mal.

"How have you been getting on with your new roomies? Must be weird." Ils ont ce point commun, de réorienter la conversation vers l’autre lorsqu’ils s'apprêtent à aborder des sujets qui les forceraient à s’ouvrir et à mettre le doigt sur leur potentiel mal-être. Si Riley est une experte en la matière, Lee en est le maître incontesté. Mais la sorcière est tenace, presque bornée diraient certains, et ne lâche que difficilement lorsqu’elle a quelque chose en tête - encore plus quand elle se trouve à un Lee qui est, sans l’ombre d’un doute désormais, venu chercher un refuge et une oreille attentive. "It is what it is, I guess", prend-elle tout de même la peine de répondre en tendant le joint à Lee, ses mains retrouvant la chaleur de la tasse quand il l’en débarrasse. "I’m getting along with at least one of them, and Dennis seems to be doing just fine, so, there’s that." Elle glisse un léger sourire, prenant bien soin de ne pas peindre précisément le tableau de ce qui est réellement : son malaise depuis le premier jour, la tension constante entre les murs de Sheffield, les prises de bec sans raisons apparentes avec ses colocataires, les longues journées à s’enfumer et dormir pour ne pas avoir à sortir de sa chambre.

Après avoir pris une nouvelle gorgée, Riley relève les yeux vers Lee, marquant une pause légère avant de poursuivre. "Weird how?" Elle peine à contenir la pointe d’inquiétude dans sa voix, revenant sans plus de précisions ou d’explications à ses propos, comme si ce dont elle parlait était parfaitement clair. A weird few days. Après tout ce qu’il a traversé ces derniers temps, elle sent un nouveau poids sur sa poitrine à l’idée qu’un malheur supplémentaire lui soit tombé dessus. "Lee, did something happen?"

Lee ne fait pas mine d'hésiter quand Riley lui tend le joint, et s'en empare avec gratitude, l'amenant bien vite à ses lèvres pour une première taffe salvatrice. L'odeur et le goût familiers de la weed qui pousse à Sheffield lui fait un bien fou, avant même que les effets de la drogue s'imposent à son corps; c'est quelque chose dans le confort de ces gestes répétés dix fois, cent fois, mille fois, quelque chose d'indescriptible qui lui rappelle de longues soirées passées avec Riley à fumer, à parler, à rire, à s'embrasser. Comme si la pendant était aussi simple que ça: parce qu'au milieu des volutes de fumée, c'est le cas. "It is what it is, I guess. I’m getting along with at least one of them, and Dennis seems to be doing just fine, so, there’s that." En temps normal, il l'aurait cuisinée sans remord et aurait récolté avec grand plaisir la moindre de ses pensées à propos de ses trois nouveaux colocataires, et celles de Dennis par extension. Lee aurait voulu savoir le moindre ragot, et être mis au courant de toute tension et/ou appréciation au sein du nouveau groupe de Sheffield.
Mais Riley, il le sait, le voit clairement faire dans ce petit jeu entêté auquel ils sont tous les deux maîtres. Il se contente de répondre à son sourire par mécanisme, articulant un léger "that's good" sans substance.

Depuis quand est-il devenu cette personne? Il n'aime pas ça du tout. Riley marque une pause et Lee remarque tout ce qu'il a aimé à propos d'elle, et tout ce qu'il aime encore. Sa tenacité, son sérieux, et le fait qu'elle prenne à coeur le moindre souci venant de ses proches. Difficile de ne pas voir pourquoi ils allaient si bien ensemble, fût un temps. "Weird how?" C'est quelque chose de bizarre, qu'elle remette ce sujet sur la table. Agaçant, parce qu'il a essayé de noyer le poisson; rassurant, parce que ça veut dire qu'elle l'a écouté, et qu'elle l'a retenu, et qu'elle en a quelque chose à faire. "Lee, did something happen? - No, nothing happened, I'm fine." La réponse vient comme un réflexe musculaire, et sonne complètement faux; Lee pince des lèvres, déçu et amer malgré lui, de ce qu'il considère comme sa propre faiblesse. "It's just... it's just been a lot lately," commence-t-il doucement. "Here, take it back," murmure-t-il avec habitude, lui rendant le joint. "You know... the attack and the whole Sweet River thing and... Hestia... she's not getting better." Lee déglutit difficilement. Ses mains se referment autour de la tasse de thé brûlante devant lui, et il essaye désespérément de se noyer dans le liquide ambré, en vain. Il a la gorge nouée, la voix qui tremble et les yeux humides. Sa poitrine, quant à elle, lui donne l'impression d'être sur le point d'exploser et il déteste ça, cette faiblesse intrinsèque qui ressurgit tellement facilement ces derniers temps. Il déteste encore plus la montrer à Riley, alors qu'elle plus que tout le monde connait son existence. "She's not getting better at all." Et sa voix craque, un sanglot venant s'immiscer dans le fond de sa gorge, avant qu'il n'enfonce son visage dans ses mains crispées et rendues agréablement chaudes par la tasse de thé. "And I don't- I don't know what to do, and I can't fix it, and I think I'm going insane, Riley. I'm going fucking insane, and I don't know what to do, and I just... I just... I don't know what to do." Il n'y a aucune patte à graisser, aucun sourire à offrir, aucun voyage à faire: Lee, pour la première fois depuis des années, est impuissant. Et il n'aime pas ça du tout.

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"No, nothing happened, I'm fine." Riley pince les lèvres devant ce à quoi elle s’attendait : un renvoi direct de la main qu’elle lui tend frontalement. I’m fine. Combien de fois l’a-t-elle entendu, teinté d’une tristesse et d’un épuisement audibles, perdus dans cette voix dont elle connaît chaque nuance, aussi imperceptible soit-elle ? C’en est presque une deuxième nature qu’elle a pu observer au fil des années, cette manie à présenter aux autres cette façade lisse et enjouée. Difficile de le blâmer, quand elle s’est adonnée à la même pratique quelques instants plus tôt, balayant rapidement la question de Lee d’une vérité déformée pour mieux se pencher sur la raison de sa visite. Tout sonne faux pourtant, dans ce ton qui serre brusquement le coeur de Riley. "It's just... it's just been a lot lately." C’est certainement le moins que l’on puisse dire, et Riley ne peut qu’à peine effleurer le poids immense qui doit peser sur les épaules de Lee. Le revers d’une médaille qu’il porte depuis des années, fruit de nombreuses prises de tête lorsqu’ils étaient encore ensemble - il a toujours trop fait pour cette organisation qui n’a jamais eu qu’un regard à peine reconnaissant pour lui, brillant d’un entrain et d’une volonté qui a toujours forcé son respect, autant que fait battre son inquiétude.

Distraitement, Riley tend la main pour saisir le joint que colle Lee contre ses doigts, le portant bien vite à ses lèvres en se laissant aller contre le dossier de sa chaise un instant, bras et jambes croisés. "You know... the attack and the whole Sweet River thing and... Hestia... she's not getting better." Et la liste des injustices et épreuves s’abattant sur le parcours de Lee est probablement encore longue, la sorcière n’en doute pas un seul instant. Mais de toutes, l’état d’Hestia est certainement celle dont elle ne peut même pas imaginer la souffrance. L’idée même de vivre dans la peur de perdre un proche - sans même mentionner la personne dont on peut être le plus proche - lui vrille douloureusement les entrailles. Elle ne sait que trop ce qui en résulte, cette sensation lente et insidieuse, étouffant chaque instant d’une profonde détresse, sans jamais vraiment disparaître. Riley a souvent entendu que le temps est une remède efficace contre la peine ; il n’en est rien. "She's not getting better at all." Lorsque la voix de Lee se brise, Riley se redresse sur son siège, transpercée par le sanglot qui lui échappe comme s’il était le sien, le désespoir du résistant s’introduisant dans chacun de ses pores - et tous les effets de la drogue du monde ne parviennent à endormir le tumulte qui se glisse dans son crâne, parfaitement réceptif à celui de Lee. "And I don't- I don't know what to do, and I can't fix it, and I think I'm going insane, Riley. I'm going fucking insane, and I don't know what to do, and I just... I just... I don't know what to do."

La main de Riley glisse sur la table, trouvant hasardeusement le coude de Lee pour s’y refermer, une pression légère pour créer un contact avec lui, comme si cela pouvait le soulager un instant de sa douleur. ”Lee sweetie, I-” Une seconde, les mots restent coincés dans sa gorge, fait rare et surprenant pour elle, qui n’est jamais à court de conseils bien avisés - à ses yeux, du moins. Mais que pourrait-elle bien dire, face à l’impuissance évidente du sorcier, et le manque de solutions qui se présentent à lui ? Elle aimerait lui promettre que tout va s’arranger, qu’il va se remettre progressivement de son agression, qu’il mettra la main sur ceux qui lui sont tombés dessus, que les têtes dirigeantes de l’Ordre reviendront à la raison et commenceront enfin à prendre de bonnes décisions, qu’une solution sera trouvée pour la maladie qui ravage les rangs de l’organisation résistante, qu’Hestia sera de nouveau sur pieds en un rien de temps. Mais Riley ne croit à rien de cela, et elle s’en veut de ne trouver une lueur d’espoir pour chasser le brouillard dans lequel se trouve Lee. ”I’m sorry you have to face all this. Life has been a bitch with you, and if there’s one person in the universe who doesn’t deserve all this, it’s you.” A cela, Riley y croit, incapable de mentir ou d’abattre la moindre parole hypocrique, uniquement pour l’apaiser. C’est tout simplement vrai : Lee est une trop belle personne pour mériter que le moindre tort lui soit fait. Ses doigts se referment un peu plus sur son coude, avant de glisser le long de son avant-bras pour venir trouver sa main, qu’elle serre dans la sienne. ”Sweetie, listen to me. You’re the strongest person I know, alright? And I know you’ve been fighting for so long and you’ve been doing so much for everyone. But you- you can only do so much, Lee.” Elle exerce une légère pression sur sa paume en pinçant les lèvres, ses yeux se baissant un instant sur le reflet du plafonnier dans la tasse devant elle, avant de revenir à la silhouette de Lee. ”I know you’re a fixer, but there are some things you can’t fix. You can’t fix the Order, it’s not fair you’ve been bearing all that guilt, you- you have to think about you. You’re more important. Hestia’s more important. That’s all that should be on your mind right now, let go of the noise sweetie.” Le grand bruit généré par tout ce que Lee supporte au quotidien depuis trop longtemps, et qui ne fait que se tordre un peu plus le coeur de Riley dans sa poitrine.

Lee essaye de respirer calmement dans le secret de ses mains jointes, collées à son visage. De longs frissons désagréables et presque douloureux lui agitent la colonne vertébrale, reflets des sanglots coincés dans sa poitrine qu'il essaye de réprimer de toutes ses forces. ”Lee sweetie, I-” Le surnom tendre lui arrache un petit gémissement peiné et étouffé, et il sent les larmes commencer à lui mouiller les paumes, descendre jusqu'à ses poignets, brûlantes et amères. La main de Riley vient trouver son coude, et Lee se réfugie contre ce contact avec avidité. Il aimerait qu'elle le prenne dans ses bras, mais il n'a pas envie de s'imposer - il ne sait même pas pourquoi il s'effondre face à elle. Elle, mieux que quiconque, connait ses faiblesses et les doutes le taraudant au plus profond de lui... mais au vu de leur relation passée, Lee se trouve injuste de lui partager ainsi ses états-d'âmes par rapport à Flora.

Riley ne semble même pas y penser, et reste l'amie qu'elle a toujours été pour lui - et l'amie dont il a besoin en cet instant précis. ”I’m sorry you have to face all this. Life has been a bitch with you, and if there’s one person in the universe who doesn’t deserve all this, it’s you.” Cela le fait rire, mais cela le fait aussi pleurer de plus belle alors qu'il secoue la tête. Il n'a jamais compris comment et pourquoi Riley le voyait comme ça, comme si il était une sorte de héros ne pouvant rien faire de mal. Il lui abandonne sa main, écrasant ses larmes contre ses autres doigts, avant de rouvrir les yeux pour la regarder. "I don't know about that, Riley..." Sa voix est eraillée par les pleurs qui ont du mal à sortir, rendue faible par la tornade de sentiments dans son coeur. ”Sweetie, listen to me. You’re the strongest person I know, alright? And I know you’ve been fighting for so long and you’ve been doing so much for everyone. But you- you can only do so much, Lee.” Il renifle en l'entendant. Elle a raison, il sait qu'elle a raison, mais il découvre que c'est une vérité qui lui est tellement difficile à avaler. Sans son rôle au sein de l'Ordre, qu'est-il? L'ombre du Lee qu'il a été un jour. Tout le monde pense qu'il est resté fidèle à lui-même, mais Lee sait la vérité. Il n'est qu'un imposteur. Un mensonge.

Riley presse sa main et Lee referme ses doigts autour de la sienne, la serrant avec force. Il a besoin de ce contact, il a besoin de la sentir, de se faire envelopper par elle et sa force. Il a toujours admiré ça, chez Riley. Sa manière de trouver les bons mots, de savoir quoi dire et quoi faire, quels conseils donner aux autres. Elle a toujours été intelligente, et il se souvient avec grand plaisir des longs moments qu'ils ont passé à parler, dans leurs lits partagés, des autres et d'eux-mêmes, dénouant des vieux problèmes juste avec leurs mots et leurs pensées. ”I know you’re a fixer, but there are some things you can’t fix. You can’t fix the Order, it’s not fair you’ve been bearing all that guilt, you- you have to think about you. You’re more important. Hestia’s more important. That’s all that should be on your mind right now, let go of the noise sweetie.” Lee renifle d'autant plus, sentant ses larmes revenir lui picoter le nez, et il regarde Riley intensément avant d'apporter sa main, toujours dans la sienne, vers son visage. Il la pose contre sa joue, avant de lui embrasser les doigts, puis de les presser contre son front en fermant les yeux. "I... I can't," avoue-t-il d'une voix brisée. "I just... I don't know how."

Ils se sont tellement pris la tête à ce sujet, lors qu'ils étaient ensemble. Lee ne peut même pas se souvenir combien de fois Riley lui a demandé de lâcher du lest, de laisser tomber, d'arrêter de constamment être à l'affût et à l'appel des autres membres de l'Ordre. Combien de fois elle lui a dit que Kingsley ne méritait pas sa loyauté (elle avait raison) et Sofia son temps (elle avait tort). Il se souvient s'être emporté lui-même, agacé de son mépris pour l'Ordre et de son fonctionnement. Il se souvient...

Il se souvient de tant de choses, qui lui échappent désormais. Lee donnerait tout pour retourner en arrière, remonter le temps. Pas forcément quand il était avec Riley, non... mais juste pouvoir mieux apprendre à profiter de l'instant présent. Les années à Hogwarts, les moments volés à Wolverhampton, ce long hiver que lui et Flora ont passé à Sweet River. Maintenant, ses souvenirs défilent devant ses yeux et il n'arrive plus à les attraper et à se concentrer. Tout se mélange, entre son devoir, ses envies et son destin. Lee sait qu'il fait partie de l'Ordre pour une raison, et qu'il restera à jamais un résistant convaincu - que même les beaux yeux d'Anthony ou les grands discours de Noam ne le convaincront jamais de rejoindre les Avengers. Il a foi en l'Ordre. Il donne tout à l'Ordre, il a tout donné à l'Ordre.

Mais il se retrouve tout de même à vouloir pleurer toutes les larmes de son corps, dans la cuisine d'une des planques de l'Ordre, en ayant l'impression d'être en train de lentement se casser en deux.

"She's going to die, Riley." C'est la première fois qu'il le dit à haute voix, quoique ce ne soit qu'un murmure. Un silence s'étire, et Lee se fait la réflexion qu'il pourrait sans mal faire comme si il n'avait rien dit, et que Riley jouerait le jeu avec lui - pour lui même. Mais il se surprend à renchérir. "She's going to die, and I'm going to be alone." Il sait que c'est faux et, surtout, que c'est injuste envers elle: ils restent amis, après tout, et il sait qu'elle sera toujours là pour lui.
Mais même quand il est entouré de dizaines de personnes, Lee se sent seul. Mis à l'écart. Au début, c'est ce qu'il voulait: du temps, de l'espace, de la solitude. Maintenant, il réalise qu'il ne sait plus trop comment agir. Qu'il se distancie naturellement, repousse gentiment, longe les murs comme une seconde nature.

Lee sent quelques larmes amères couler sur ses joues, et les regarde omber sur la table de la cuisine. Il presse toujours le revers des doigts de Riley contre son front. Ils sont un peu plus froids que sa peau, et le rassénèrent un tout petit peu. Il inspire puis expire profondément, de manière souffreteuse et tremblante, avant de se redresser sur sa chaise. "Riley... can I have a hug?" demande-t-il d'une toute petite voix, reniflant en pressant l'envers de son poignet contre son nez. Il n'attend pas quand elle lui ouvre ses bras, et se précipite dans son étreinte en enfouissant son visage dans son cou et dans ses cheveux; et alors les derniers sanglots refoulés explosent, et il se met à pleurer de toutes ses forces, ses bras se refermant autour de Riley avec désespoir.

tw:mention de drogue

Riley n’a pas besoin de ses yeux pour ressentir la détresse de Lee. Elle l’entend dans sa voix brisée, ses reniflements. Elle la sent dans l’air qui entoure le résistant. Elle la sent contre sa peau tremblante, lorsqu’il porte sa main à son visage trempé de larmes, y presse ses lèvres humides avant de la remonter jusqu’à son front. Riley y étend ses doigts, comme elle a pu le faire tant de fois il y a des années de cela, qu’elle déroule avec le même naturel qu’autrefois - un cocon à proximité de ses pensées, pour les enrober de sa chaleur et de sa présence. "I... I can't. I just... I don't know how." Elle aimerait tant, que ce simple contact fasse s’envoler sa peine et le libère de tout ce qui l’agite, comme sa mère savait le faire avec elle. Roise n’était peut-être pas une sorcière, mais elle faisait partie de ceux capables d’aspirer les douleurs de quiconque, sans avoir à faire quoi que ce soit de plus qu’une main sur le haut du crâne ; et si Riley n’a pas hérité de ce don qu’elle a un temps jalousé, elle n’a jamais cessé de tenter.

Elle sait pourtant que cela ne serait pas totalement juste, d’effacer ce que Lee ressent - parce que cette peine est la sienne et que personne n’a le droit de le lui dérober, auquel cas il serait dans l’incapacité de l’affronter et de digérer le fait que… "She's going to die, Riley." Le coeur de Riley dégringole dans son estomac, une chute douloureuse gorgée des mots douloureux à entendre - encore plus à prononcer, peut-elle seulement imaginer - de son meilleur ami. Et elle qui sait toujours trouver les mots se retrouve sans le souffle ; parce qu’il n’y a rien à répondre à cela. Elle n’a pas le droit de lui donner de l’espoir, en lui disant qu’il se fait des idées et que Hestia va s’en sortir - elle n’en a pas la moindre idée, ce serait terriblement injuste de sa part que d’affirmer un mensonge simplement pour apaiser les pensées de Lee. Aussi, Riley presse un peu plus ses doigts contre le front du sorcier, laissant chaque sanglot la traverser - pour être avec lui, simplement et en silence. "She's going to die, and I'm going to be alone." A cela également, il serait injuste de répondre qu’il a tort. Evidemment, Riley restera aux côtés de Lee, elle parmi tant d’autres qui seront prêts à l’épauler qu’il perd réellement Hestia. Evidemment, qu’il ne sera pas seul. Mais Riley ne connaît que trop bien ce sentiment de solitude avec lequel elle vit depuis dix ans désormais, ce vide impossible à combler dans sa poitrine, que tous les amis et amours du monde ne sauraient guérir.

Lee va être seul - et il n’y a rien qu’elle puisse faire pour empêcher cela, si ce n’est rester dans les parages quand il aura besoin d’elle. "Riley... can I have a hug? − Come here”, souffle-t-elle en glissant sa main sur son épaule et passant son bras dans son dos, l’accueillant contre elle en se penchant sur sa chaise pour l’étreindre avec le peu de forces qu’elle possède. Sa tête se pose contre la sienne, alors qu’elle ferme les paupières en écoutant la mélodie déchirante de ses sanglots dans son cou, qui fait naître quelques larmes au coin de ses yeux clos. Non, elle ne pourra pas l’arracher à son supplice, elle ne peut que lui ouvrir ses bras et le laisser déverser toute sa tristesse contre elle, tandis qu’elle lui murmure des “I’m sorry” à peine audibles en caressant doucement son dos.

Jusqu’à ce que les sanglots se fassent de plus en plus espacés, après de longues minutes à l’étreindre, et qu’elle se détache tout juste en glissant une main sur sa joue pour en récolter les quelques larmes qu’elle peut sentir sous ses doigts. Riley lui offre un sourire sans joie en caressant sa joue de son pouce, avant de souffler d’une petite voix : ”Go on the couch, I’ll be here in a minute.” Elle reste quelques secondes sur sa chaise, lorsqu’elle entend Lee renifler bruyamment et se diriger vers le salon sans un mot, pour reprendre son souffle, ou amasser le courage de se lever, difficile à dire. Elle finit néanmoins par s’exécuter, se dirigeant d’un pas lent vers le réfrigérateur en essuyant les sillages humides sur son visage. Elle tâtonne un instant pour trouver un pot de glace, dont elle s’empare promptement avant d’attraper une cuillère et de rejoindre Lee dans le salon. ”Here”, lui adresse Riley en lui tendant le pot de glace dans lequel elle a enfoncé la cuillère, se posant sur le canapé à côté de lui. Elle tire le plaid qu’elle y trouve jusqu’à Lee, l’installant sur ses genoux avec maladresse et attention, se tournant finalement dans sa direction, en tailleur, avant de prendre une profonde inspiration.

”When I was young, every time I was feeling sad or depressed, or- or just helpless really, my Mom would wrap me in a blanket, and my Dad... my Dad would buy me ice cream.” Son ton est sérieux, complice, comme si elle lui livrait un secret enfoui ; de fait, elle est à peu près certaine qu’elle ne lui a jamais partagé cette information de ce qui lui semble être une vie antérieure - elle n’en a jamais vraiment eu l’occasion, en vérité. Parce que si elle a déjà eu affaire à un large panel d’émotions de Lee, jamais ne s’est-il retrouvé dans un tel état face à elle. ”Now you know I hate ice cream, this thing is way too cold to be eaten. And my Dad knew that too”, ajoute Riley dans un sourire en coin en baissant un instant les yeux pour collecter ses pensées éparpillées par l’émotion et les douces vagues du cannabis installées dans sa boîte crânienne. Elle les relève vers Lee, là où elle devine son visage, sans être assurée qu’elle le regarde précisément dans les yeux - mais elle n’a jamais eu à s’encombrer de cela avec lui. ”Well I would eat the whole jar. I would- I would stick ice cream into my mouth until it was all gone, wrapped in my blanket like the tiniest thing in the world. And it was a pain the whole way. Even afterwards, I could still feel the cold on my teeth, my tongue, it was the worst - but I felt so relieved, every single time.”

Riley marque une courte pause, quelques secondes de silence seulement, pour finalement reprendre dans une nouvelle inspiration : ”That’s what I do with Dennis when he’s too down. And that’s what he does too, now. Whenever I can’t leave my room, he brings the weirdest flavoured ice cream, he wraps me in my blanket and… and I still eat all of it. ‘Cause it’s not about the ice cream, is it?”, conclue-t-elle en contractant ses épaules, ses lèvres étirées en un sourire triste, presque blême, qui se veut pourtant compatissant et complice. Elle laisse sa tête retomber contre le dossier du canapé, une main sous sa joue, l’air un peu ailleurs, pourtant bien présente, toute son attention tournée vers Lee et son pot de glace, sans apporter plus de précisions sur son anecdote. Parce qu’il n’y a rien d’autre à ajouter que cela.

Riley se racle doucement la gorge, sa main trouvant le bras de Lee, sur lequel elle se referme en une caresse amicale et tendre. ”Dennis is out tonight, you can sleep in his room if you want to. I mean, you can stay as long as you want. We’ve got loads of ice cream in the freezer. And obviously, loads of weed.” Un bien meilleur remède que la glace, qui n’en est pas vraiment un - Riley est bien placée pour le savoir.

tw: le gros bad, suicide ideation, drug mention

Lee n'aime pas pleurer. Il n'aime pas la sensation d'étouffer, la brûlure de ses joues, les picotements qui lui remontent le long des sinus jusqu'à son crâne. Il n'aime pas les tremblements difficiles à réprimer de sa poitrine, et il n'aime pas le goût salé des larmes dans le fond de sa gorge, ou la douleur remontant ses côtes mises à mal par les sanglots déchirants le prenant de part et d'autre, lui donnant l'impression d'être élastique, extensible, sur le point d'être découpé en deux.

Le pire dans tout ça, c'est que ça lui donne l'impression de durer une éternité, des heures, des jours, des mois - comme si son existence se résumait à cette crise impromptue de larmes, à cet état profond de désespoir qui se manifeste de cette manière violente et terrible, douloureuse et envahissante. Lee se sent triste et frustré, malade et fatigué, comme si ses maux étaient véritablement physiques, qu'il pouvait les sentir le ronger de l'intérieur, une maladie grave qu'il pourrait essayer de soigner autrement qu'avec de la weed et des larmes.

Il repense à son père qui sourit, il repense à Fred qui lui jette un dernier regard paniqué avant de mourir, il repense à Flora tout petite dans son lit. Il repense à tous ces gens qu'il a perdu et qu'il ne retrouvera jamais, qu'il ne reverra jamais. Il repense à tous les moments heureux de sa vie, et il n'arrive pas à se concentrer sur eux, à essayer de s'imaginer la félicité qu'il a un jour pu ressentir - tout d'un coup, c'est comme si il ne restait que la souffrance, le désespoir, le malheur, la tristesse, quelque chose qui a toujours été là et qui s'est caché, a attendu son heure pour ressortir.

Et maintenant que cette heure est venue, il ne sait pas quoi en faire.

Il n'a ni les outils, ni les moyens, ni le temps de se défaire de toutes ces émotions violentes et douloureuses - et, réalise-t-il soudainement, il n'en a pas envie. Il veut qu'elles le consument, qu'elles l'avalent tout entier, et qu'elles ne le recrachent jamais. Il voudrait se fondre dans les bras de Riley et disparaître, laisser ces bas intincts prendre le dessus, comme lorsqu'il reste trop longtemps sous sa forme de lynx. Il est tellement plus simple d'être un animal, parfois, de simplement se laisser être porté par ses instincts et ses réflexes plutôt que par ses sens et ses émotions. Peut-être qu'il s'en sortira comme ça, raisonne-t-il, tout comme il s'est sorti des geôles du Ministère grâce à sa forme animale.

Peut qu'il veut être lynx pour toujours, ou alors peut-être qu'il ne veut plus être humain, ne veut plus être en vie.

Il gémit et il pleure et il sanglote et il soupire et finalement, comme toujours, le plus gros de l'orage passe et les pleurs s'espacent, deviennent silencieux, s'arrêtent.

Et pourtant, le sentiment qu'ils laissent derrière perdure, prêt à enfler de nouveau, à venir le hanter une nouvelle fois, parce que ce n'est pas comme ça qu'il pourra s'en débarasser malheureusement.

Les doigts frais de Riley sur sa peau brûlante sont rassurants quand ils glissent sur la peau de sa joue, lui faisant relever la tête et observer son sourire sans joie ni chaleur, en se demandant si elle aussi il est en train de la rendre triste. ”Go on the couch, I’ll be here in a minute.” Lee hoche la tête sans protester et se relève, reniflant contre sa main, la contournant pour se rendre dans le salon plongé dans le noir. Il ne fait même pas l'effort d'allumer la lumière, s'écroule sur le canapé en reniflant de plus belle, enfouissant son visage dans ses mains en forçant à calquer sa respiration sur un décompte lancinant et difficile qu'il fait dans sa tête.

Il entend Riley revenir de la cuisine et extirpe difficilement son visage d'entre ses mains pour la regarder et se fend d'un rire mouillé en la voyant avec un pot de glace, une cuillère plantée dedans comme un drapeau à la surface de la lune. ”Here. - Thanks, Riley." Elle s'assied près de lui et lui tire le plaid dessus, lui arrachant une autre escalffe étranglée en se laissant faire. Il n'a jamais eu une dent particulièrement sucrée, mais il amène la cuillère déjà garnie à ses lèvres et laisse la saveur exploser dans sa bouche sans appétit ni plaisir particulier.

Il est surpris quand Riley se met à parler mais l'écoute attentivement en sentant monter en lui une autre vague de tristesse. Moins épaisse que la précédente mais présente tout de même, et il comprend sans rien dire ce qu'elle essaye de lui dire, en se gorgeant de cette crème glacée bien trop froide et bien trop sucrée qui le laisse indifférent. Et à chaque bouchée, pourtant, il a l'impression d'un peu remplir ce vide vertigineux qu'il ressent et qui ne fait que grandir, d'heure en heure, déjà prêt à accueillir la mort de Flora qui ne saurait tarder maintenant. À cette idée, Lee ne trouve même pas en lui en de s'insurger ou de pleurer de nouveau. Il a l'impression de devenir aussi engourdi que ses lèvres froides, rendues lointaines à cause de la glace. "‘Cause it’s not about the ice cream, is it?” Lee se tourne vers elle et la regarde, elle et son sourire triste, et il renifle. "Yeah." Il comprend ce qu'elle veut dire et il baisse les yeux, attristé peut-être que ce poids qu'il ressent n'est pas que le sien, abasourdi par l'idée qu'il n'a pas été le seul à traverser une épreuve similaire et ne l'a jamais été.

La main de Riley sur son bras lui fait suspendre ses gestes, et il relève de nouveau les yeux vers elle. ”Dennis is out tonight, you can sleep in his room if you want to. I mean, you can stay as long as you want. We’ve got loads of ice cream in the freezer. And obviously, loads of weed.” God first, lui aurait dit sa mère. Lee n'y a jamais cru, n'y croira sans doute jamais, mais cette pensée l'apaise étrangement - l'idée de mettre quelque chose en premier, que ce soit Dieu ou la glace ou la weed, est rassurante et lui permet de faire un énorme pas en avant. Il renifle un peu et repose le pot de glace (bien entamé, presque à moitié) sur la table basse avant de se laisser aller dans le dossier du canapé, lui-même surpris de voir que ses larmes ont un peu séché et que sa poitrine n'est plus agitée du moindre tremblement traître. Sa main glisse jusqu'à celle de Riley et il serre ses doigts, avant de les amener à sa bouche pour les embrasser. "I don't deserve you, Riley," dit-il d'une toute petite voix brisée et tendue, une voix d'après-larmes. "Thank you." Il ne relâche pas sa main en la laissant retomber sur le canapé, et ferme temporairement les yeux, se permettant pour la première fois d'oublier, au moins un peu, dans quelle timeline sombre et injuste il vit.