Abbas est allé au travail le lendemain comme si de rien n'était, et a rendu un regard surpris et décontenancé à l'employé de la Justice Magique qui lui a annoncé que Penelope Clearwater avait été arrêtée pour trahison et que le Département des Mystères allait être soumis à une enquête interne et que lui, particulièrement, allait être interrogé. Face aux explications hâtives qu'on lui a présenté, il a maladroitement feint la confusion, et lors des cinq entretiens qui ont suivi en compagnie de trois Legilimens tous plus incapables les uns que les autres à ses yeux, il a offert un esprit paniqué et incompréhensif, a laissé sa relation avec Penelope transparaître, et un sincère coeur brisé tout noyer dans un désespoir bien réel.
Cinq jours plus tard, il n'a toujours pas vu Penelope mais a eu le temps de faire enregistrer une dizaine de dépositions avant d'être innocenté par manque de preuves et après avoir prétendument montré patte blanche. Transformant son désespoir en prétendue colère, il a fini par proposer son expertise en apprenant l'état de Penelope. Deux jours plus tard, sa proposition était acceptée et, après le travail, Abbas s'est rendu au département de la Justice Magique avec son autorisation et des cernes noirs.

Il ignore si il est parvenu à tout effacer et si il reste le moindre indice dans l'un des recoins de l'esprit de Penelope; il n'a pas eu le temps de vérifier, échangeant avec elle un dernier regard qui a duré mille ans avant de la voir se faire happer par les bras des Mangemorts qui les attendaient sur le lieu du rendez-vous. Il n'a pas entendu le moindre mot à propos de Sylas ou d'un né-moldu disparu... ce qui ne l'a pas tant surpris que ça, au final, parce qu'après tout qui se préoccupe des sang-de-bourbe au sein de leur société? Il espère simplement qu'il est arrivé à bon port et que l'Ordre va enfin apprendre l'existence des Battues et agir.
Tout ça pour ça. Abbas enterre avec le deuil, la peur et la colère ce sentiment impérissable s'impuissance qui lui tord le ventre depuis cette nuit-là.
Heureusement que Penelope lui a permis de retrouver son niveau en Occlumancie: en plus de pouvoir cacher les remous profonds et douloureux de son esprit face aux attaques des Legilimens du Gouvernement, Abbas peut aussi enfoncer très profondément chaque pensée intrusive et malheureuse dans ce recoin bien loin de son coeur.

Il se passe une main dans les cheveux en entrant dans le département, et encore une fois en suivant les indications jusqu'au bureau des Oubliators, s'arrêtant un instant devant la porte (pour se passer la main dans les cheveux) avant d'entrer. On lui a demandé de venir après les heures des travails, et on l'a prévenu qu'il serait accueilli par la responsable du bureau.
Il s'arrête net en la reconnaissant. Ses grands yeux papillonnent et il offre un léger sourire aussi forcé que peu convaincant en rencontrant ceux de Poppy. "Mrs Tsai." Il s'approche, tenant mollement son autorisation dans une main. "It's been a while." Sa voix est encore plus basse que d'habitude, hésitante; le modèle même de l'homme qui vient de découvrir une grande conspiration au sein même de son Département et de sa vie de couple, l'homme trahi et jeté dans la fosse aux lions. "Strange circumstances to meet again. I hope you've been well." Malgré son impatience, il lui offre un autre petit sourire, sans laisser ses yeux traîner là où Penelope doit se trouver. "Quite the promotion." Il n'a jamais été très bon pour le small talk et dans son souvenir, elle non plus - avec un peu de chance, ils s'en débarasseront rapidement.

C'était un cas exceptionnel, qui avait attiré la curiosité de nombreux collègues du niveau – et quelques autres plus téméraires, montés au niveau trois, plus accessible que le niveau neuf où elle avait été brièvement retenue, dans l'espoir de confirmer la rumeur qui avait couru dès les premières heures. Poppy avait renvoyé les curieux sans exception, agacée par les allées-et-venues dans le quartier général des Oubliators autant que par cette présence incommodante, ce vide insondable dans le crâne de leur invitée. Son badge de spécialiste de la mémoire lui servait bien peu, face au blanc propre et net derrière les yeux de Penelope – ne restait qu'une vague trace de souvenirs d'enfance, des réminiscences qui ne leur apportaient rien d'autre qu'un tableau pittoresque de rires et de sensations primaires, intuitives. Tâtonner dans l'immensité de ce vide, à la recherche de miettes égarées par le ou la responsable de ce ménage de printemps impeccable était épuisant, une recherche minutieuse et, Poppy le pressentait, inutile la laissant aussi drainée que les cartes cognitives de la sorcière. Aucun indice, aucune erreur, aucune trace du passage d'un autre, si ce n'était ce vide saisissant : Clearwater aurait pu être née quelques semaines plus tôt que cela n'aurait fait aucune différence. Ce que Poppy pouvait tirer de cette absence se résumait ainsi à ce simple fait : celui ou celle qui en était à l'origine était un Legilimens redoutable, et courtois. Les capacités mémorielles de la sorcière, bien que bousculées, n'avaient pas été endommagées de façon irréversible.

Poppy avait reçu, durant la pause déjeuner qu'elle prenait régulièrement dans son bureau, à l'abri des autres, la note de service de son supérieur. Shafiq coming from Mysteries to see Clearwater after work. Elle avait froncé les sourcils au-dessus de sa salade, parcourant les détails de cette visite tardive. Une autre étrangeté, directement provoquée par la première, sans surprise – la relation amoureuse qu'Abbas Shafiq entretenait avec son assistante (un classique) était désormais connu d'une bonne partie du Ministère. Ce n'était, l'un dans l'autre, pas plus mal : Poppy avait du travail en retard, son agenda bousculé par l'affaire Mudwater, et se voyait accessoirement éviter quelques heures de plus la présence parasite de Thomas.

Poppy releva les yeux aux coups frappés à la porte. Une lueur de surprise illumina un instant les yeux immenses d'Abbas lorsqu'ils croisèrent les siens. Poppy se redressa légèrement, décryptant son expression, dont l'étonnement disparut à peine sous son sourire poli. "Mrs Tsai." "Come on in", l'invita-t-elle en esquissant également un bref sourire, cinq années de distance s'étant instaurées entre eux. "It's been a while." "Yes, indeed", fit-elle en baissant les yeux sur le parchemin qu'il tenait entre ses mains. "Do you mind?" Elle récupéra et déplia l'autorisation sur le tapis de paperasse qui couvrait une partie de son bureau, déchiffrant rapidement l'écriture élégante des officiels du Ministère. "Strange circumstances to meet again. I hope you've been well." "Hm-hm, yes, thank you." Sa voix était distraite par sa lecture, qui ne lui apprenait rien de plus que ce dont elle se doutait déjà, suite à la missive explicative de Foresee. Poppy n'était pas certaine que de laisser l'ancien amant de la victime, à peine sorti des interrogatoires du N2, sonder sa mémoire soit une idée ingénieuse. Abbas était un Legilimens d'exception, et un Occlumens qui, en cinq ans de plus, aurait eu le temps d'affiner son art, de quoi dévier les suspicions du Ministère. "Quite the promotion." Poppy releva de nouveau les yeux vers lui, et, après une brève seconde de flottement à sonder son sourire, lui en adressa un tout aussi crispé : "Same to you, Mr. Shafiq." Puis, en reculant sa chaise : "Come with me."

Elle l'emmena le long du couloir étriqué des Oubliators, un zigzag difficilement navigable paraissant s'enfoncer au cœur du Niveau. Un design unique, à l'image des « synapses sinueux de la mémoire », avait pu lire Poppy dans l'entretien accordé par l'architecte – beaucoup de chemin pour aller se chercher un café, constatait-elle encore après de nombreuses années de service. D'un simple coup de baguette, Poppy déverrouilla une porte, juste après un angle à quatre-vingt-dix degrés ; elle pénétra la première, s'effaçant pour laisser entrer Abbas à sa suite.
La pièce trahissait son statut d'entre-deux, un ancien bureau aménagé en urgence pour les besoins de cette situation singulière. On avait repoussé le mobilier parasite contre les murs, ne laissant, près de la fenêtre magique, qu'un bureau de taille modeste, où se trouvaient un verre d'eau et quelques livres, intouchés, et une chaise, où se trouvait Penelope, les yeux rivés vers cette imitation de l'extérieur. "We don't have cells, up here", précisa-t-elle en refermant la porte derrière eux, le cliquetis du verrou magique, activé par les runes qui y étaient gravées, se faisant entendre nettement sur le silence. Clearwater avait finalement tourné la tête vers eux, abandonnant sa contemplation du faux-paysage ; Poppy croisa les bras, debout près de la porte. "We gave her books, but she doesn't seem to be interested. In books, or in anything, for that matter." Et elle doutait que l'arrivée d'Abbas y change quoi que ce soit.

Le regard et le sourire que lui adresse Poppy le réconfortent dans son idée qu'elle est aussi à l'aise que lui avec les mondanités dont sa femme est friande - et de ce qu'il en a entendu dire, son époux à elle aussi est de la même trempe. "Same to you, Mr. Shafiq." Cinq ans qu'ils ne se sont pas vus, et ils sont bien loin des blancs-becs de l'administration qu'ils étaient à l'époque et Abbas pense aussi au fait qu'à l'époque, il n'avait pas encore la Marque. Ils ont chacun la tête d'un bureau et d'un département, ayant apparemment évolué dans le monde comme on s'attendait d'eux. Abbas ignore pourquoi mais, en se remémorant l'esprit vif et intéressant de Poppy, il ne peut pas s'empêcher d'être très légèrement déçu. "Come with me."
Abbas lui emboîte le pas, gardant une distance respectable avec ses talons, bien vite perdu dans les recoins et couloirs labyrinthiques du bureau des Oubliators. Il se demande bien comment les employés qui y travaillent s'y retrouvent, mais il imagine qu'une bonne mémoire est de mise lorsque l'on veut devenir Oubliator. Il a longtemps pensé à rejoindre ce service mais en a été dissuadé par son père, qui trouvait cette situation bien en deçà du standing d'un Shafiq, aussi passionné qu'il soit par la magie de l'esprit. Poppy a-t-elle ressenti la même pression familiale? Il essaye de rassembler ce qu'il sait d'elle, depuis la dernière fois qu'ils se sont vus, et se souvient vaguement de cette promotion éclair peu après l'affaire qui avait été le théâtre de leur rencontre. Abbas essaye de se remémorer le nom de l'homme qu'ils avaient dû interroger.  Austin... Austin Osbourne? Quelque chose comme ça. Il avait des yeux sombres et méprisants, et des cheveux frisés comme une couronne autour de son visage sévère au sourire condescendant.

Il est bien simple de se perdre dans des pensées superficielles et incrongues comme ça, d'enfoncer au fond de ses pensées la crainte qu'il sent enfler dans son ventre, une véritable poigne de fer qui lui attrape les entrailles et les tord dans tous les sens. Le coeur d'Abbas tombe dans sa poitrine quand Poppy déverouille la porte d'un bureau d'un mouvement de sa baguette.
Ses yeux se posent aussitôt sur Penelope et il ignore comment il garde son calme; ses sourcils se froncent, sous la concentration, alors qu'il fouille son visage des yeux. "We don't have cells, up here." Abbas se focalise sur l'image qui s'impose à son esprit: le long couloir des cellules du niveau neuf, menant à l'antre du Lord.

Puis il se focalise sur cinq choses qu'il peut voir: les longs cheveux de Penelope, trois livres ayant vu de bien meilleurs jours, le bout des chaussures de Poppy, une bibliothèque croulant sous des classeurs de toutes les couleurs, une lumière blanche terrible.
Quatre choses qu'il peut toucher: le col trempé de sueur de sa chemise dans son cou, le tweed de sa veste qui lui gratte le poignet, le sol sous ses pieds qui lui semble sous le point de céder, sa ceinture qui lui rentre un peu trop dans le ventre.
Trois choses qu'il peut entendre: la voix de Poppy ("We gave her books, but she doesn't seem to be interested. In books, or in anything, for that matter."), le battement constant partout au Ministère de l'aération magique, son coeur battant à toute allure dans ses tympans.
Deux choses qu'il peut sentir: sa propre angoisse et sa propre peur.
Une chose qu'il peut goûter: du sang.

Du sang? Abbas déglutit difficile et desserre les dents, ses mâchoires refermées sur l'intérieur de sa joue. "You might wonder why I'm here," dit-il lentement, en se tournant vers Poppy après avoir fait mine de détailler Penelope sans la voir. "I've offered my expertise for selfish reasons. As you know, you don't get to this perfected mastery of Legilimancy without a hint of ego." Sourire entendu et circonspect, aux lèvres fines. "That she would have hidden something like this from me is quite... upsetting. Not that I don't think that you or your office won't get to the bottom of things in time." Il penche la tête sur le côté et tend la main vers Penelope. "May I?" demande-t-il poliment, peu désireux de lui faire penser qu'il la pense incapable - au contraire, il serait presque inquiet qu'elle soit tout l'inverse, il se souvient très bien de son tour de force à l'époque.

Après un bref coup d'oeil à Clearwater, le regard de Poppy revint se poser sur Abbas. Au fil des années passées en tant qu'Oubliator (et maître legilimens), Poppy avait appris à être attentive aux indices que l'on pouvait recueillir dans un regard, un sourire, entre les traits du visage d'autrui. On en trouvait parfois assez pour n'obtenir, une fois dans l'esprit de l'autre, que la confirmation de ce qui avait été décelé à la surface.
Abbas était, en apparence, un véritable mur, laissant filtrer des émotions appropriées, comme triées sur le volet de ses ressentis. Cinq ans auparavant, déjà, Poppy l'avait trouvé étrangement complexe à lire, avant de réaliser qu'Abbas, comme elle, se contentait de jouer le jeu du professionnalisme dans ce gouvernement aux règles strictes. Le masque s'était fissuré, au fil des journées et des heures supplémentaires, pour laisser apparaître quelques ondulations sincères, chez l'un comme chez l'autre ; désormais qu'ils étaient de nouveau de simples collègues (et qu'Abbas était, accessoirement, devenu le directeur du département le plus secret du Ministère), Poppy avait l'impression de buter de nouveau contre le mur soigneusement érigé à la surface de Shafiq – tout comme elle lui offrait, de nouveau, ses sourires crispés et la distance détachée qui la caractérisait au travail.

Aussi ne vit-elle sur ses traits que l'écho d'un examen rapide et critique, teinté, peut-être, d'une nuance de déception agacée. "You might wonder why I'm here." Poppy avait quelques idées en tête, mais elle préféra les garder pour elle, offrant un regard égal à Abbas en attendant la suite. "I've offered my expertise for selfish reasons. As you know, you don't get to this perfected mastery of Legilimancy without a hint of ego." Son sourire tacite répondit au sien, une note de complicité factice, presque mondaine, jouant sur leur statut de maîtres commun.  "That she would have hidden something like this from me is quite... upsetting. Not that I don't think that you or your office won't get to the bottom of things in time." A temps, mais moins vite que lui, entendit-elle, faisant tourner sa baguette entre ses doigts pour endiguer le sursaut de son propre ego, un réflexe défensif qu'avait entraîné une existence de condescendance face à son sexe, ses origines et son âge (trop jeune, avant, presque trop vieille, désormais). "I'm sure it is. Upsetting." Poppy sonda ses pupilles sombres des siennes ; rien dans le ton de la conversation, ou dans le regard qu'Abbas avait adressé à Penelope, ne laissait entendre un véritable attachement émotionnel envers son assistante. L'expérience lui avait surtout appris qu'on ne pouvait jamais vraiment faire confiance à un Occlumens – et Poppy se rappelait la maestria avec laquelle Abbas maîtrisait sa magie de l'esprit et son intellect. Abbas était un homme brillant et secret, qui se voyait désormais dans l'embarras avec cette relation adultère, rendue publique, avec une traître Sang-mêlée ; si Poppy avait été à sa place, elle aurait joué les mêmes cartes pour se sortir de cette situation critique et gênante. "May I?" "Sure." Inclinant légèrement la tête en signe d'approbation, elle détacha son regard scrutateur du sien, et le suivit avant de se décaler de quelques pas sur le côté, afin de pouvoir englober dans son champ de vision le visage d'Abbas et celui de Penelope. "I hope you don't mind," s'excusa-t-elle en offrant un simili-sourire face à cette absence d'intimité criante, son épaule trouvant le support d'une des étagères où s'entassaient les classeurs, "she is under my responsability until further notice." Et elle se tut, sa baguette en main, couvant du regard les deux amants.

"Sure." Abbas offre un sourire sans chaleur à Poppy en se tournant de nouveau vers Penelope, bien content de sentir ses murs solidement enfoncés et érigés dans les méandres de son esprit et autour de son coeur. Le premier pas est le plus dur: pendant un instant, Abbas aurait presque peur de ne plus savoir comment marcher, comme si soudainement sa jambe toute entière était faite de coton. Et puis il pose le pied à terre et se lance, et le reste lui vient naturellement.
Il s'approche sans la quitter des yeux, quoique bien conscient du regard de Poppy sur lui. Il y a quelque chose d'incroyablement embarrassant à se faire observer ainsi et Abbas est douloureusement conscient de ce regard sur son profil, qui le décortique comme lui-même le fait si bien face aux gens qui l'intéressent ou qui sont présentés à lui comme les prochaines victimes de sa Légilimancie. Si il a rencontré moults Legilimens, Abbas n'en a pas connu beaucoup qui étaient meilleurs que lui et qui considéraient ce don comme lui et comme Poppy. Il se souvient avec une certaine satisfaction les heures qu'ils ont passé à constituer leur dossier, à l'époque, et la précision incisive de madame Tsai; il a affaire à un adversaire redoutable, et il ne peut pas relâcher sa concentration.

De toutes manières, si il laissait la moindre fissure s'immiscer sur les murs solides de son Occlumancie, Abbas sait qu'il s'effondrerait à même le sol.
Abbas lui adresse un regard vide, qui n'est pas sans lui rappeler celui des nombreux né-moldus qui défilent aux Mystères; malgré lui, il sent un lent sourire venir éclairer son visage, un relent de tendresse amère qu'il ne peut pas réprimer. "I hope you don't mind." Abbas tourne les yeux vers Poppy et secoue la tête. Il n'en attendait pas moins d'elle, même si son intérêt bordant le voyeurisme le gêne légèrement. "She is under my responsability until further notice." Abbas soupire et son sourire s'efface. "She doesn't look like she's going to hurt anyone." Il pince des lèvres. "Well, not anymore."
Il s'assied face à elle, tirant une chaise, et Penelope le suit de ses grands yeux noirs, curieuse et à la fois indifférente. Elle ne le reconnait pas et Abbas se garde bien de s'appesantir sur l'intense sentiment de désespoir qu'il ressent face à ce constat. Il sort lentement sa baguette de son étui, et Penelope suit le moindre de ses gestes de ses yeux. "It's going to be okay," lui ment-il avec aisance - il avait promis de ne jamais le faire, mais la femme à qui il a fait cette promesse n'est plus là. Abbas caresse distraitement l'une des runes gravées à la base de sa baguette du pouce en l'agitant dans l'air; avant de faire quoique ce soit, il s'arrête, coule un autre regard noir en direction de Poppy. Il la darde un instant, la jauge dans son esprit pendant un bref moment.

Oui. Oui, définitivement, il pourra la perdre et la tromper; cet ego de Legilimens, encore, et cette peur de se faire prendre la main dans le sac ou pire, qu'on le soupçonne. Finir comme Gore, qu'il a tué de sa propre main, trahi par ses propres camarades Mangemorts... Abbas réprime un frisson à cette idée. Poppy est redoutable, il le sait mieux que personne, mais il ne peut pas se permettre de la laisser l'observer ainsi et tirer des conclusions trop hâtives.
De toutes manières, l'esprit est un monde à part, où tout est si facilement manipulable et confusant; il s'en sortira, et Penelope ne se sera pas sacrifiée pour rien. "Will you be coming with me?" propose-t-il, avec un petit sourire affable.

Poppy, à sa place de choix, constata le sourire tendre qui s'éprit des lèvres d'Abbas en rencontrant le regard de la sorcière. Elle garda ses yeux rivés sur la scène qui se jouait en silence sous ses yeux – ce voyeurisme discret serait pardonné par le fait que l'Oubliator n'avait été, d'une part, jamais été partisane des ragots, et qu'elle serait ensuite, après cet entretien, une tombe auprès de ses collègues. Cet intérêt était un drôle de mélange entre le personnel et le professionnel ; Poppy était fascinée par la simplicité apparente avec laquelle fleurissaient les émotions humaines, cassant l'aura rigide et peu amène de Shafiq. S'ils avaient été liés comme on le disait, dans les couloirs du Ministère... Poppy ne pouvait que se figurer, comme une spectatrice lointaine, le déchirement de la voir ainsi réduite à une coquille vide. "She doesn't look like she's going to hurt anyone. Well, not anymore." Affrontant de nouveau son regard, Poppy se garda de lui dire que ce n'était pas d'elle qu'elle se méfiait exactement ; elle pinça légèrement les lèvres en une expression mi-compatissante, mi-retenue, son regard glissant jusqu'aux yeux vides, mais chaleureux, de Penelope.

Garder une barrière érigée entre ses propres émotions et celles d'autrui faisait partie de l'armada de compétences que Poppy avait développé au fil des années. Déshumaniser son vis-à-vis facilitait grandement le processus, et Poppy avait invoqué, avec Clearwater, les mêmes protections qu'avec les Moldus qui défilaient dans son agenda, un fossé de désintérêt qui la préservait de sentiments dangereux tels que de la pitié ou d'une compassion trop intense. Poppy avait, depuis toujours, traîné avec elle une réputation de déconnectée ; son métier excusait ce vieux reproche, et l'avait même transformé en un atout de choix, dans un domaine où elle touchait constamment à du vivant – des Moldus, des souvenirs, et les ressentis intrinsèquement liés à ces derniers.

"It's going to be okay." Abbas avait sorti sa baguette, et Poppy n'intervint plus, s'effaçant pour n'être que le témoin privilégié (et alerte) de cet échange. "Will you be coming with me?" Sous la surprise, une expiration amusée, décalée au vu des circonstances tendues, franchit les lèvres de Poppy ; elle fronça bien vite les sourcils devant l'air mortellement sérieux d'Abbas, en dépit de ce sourire faussement engageant qu'il affectait en la regardant. "Sorry, I thought you were joking," ajouta-t-elle devant l'intensité de son regard, deux puits sans fond où il était aisé de se perdre. Poppy se redressa, décroisant les bras, sa prise se refermant plus franchement sur sa propre baguette. "I thought you would like to do this alone." Une lueur interrogatrice au fond des yeux, elle sonda ceux d'Abbas un instant, avant de le rejoindre ; elle s'appuya contre le bureau, légèrement en retrait, décalée face au regard de Clearwater, qui dériva sur elle avec la même indifférence qu'elle avait pour Abbas.

Les souvenirs construits sur ces cinq derniers jours avaient été effacés chaque soir par ses soins ; il fallait laisser libre accès aux miettes de mémoire, que de nouvelles additions auraient pu obstruer, ou rendre plus complexes le travail de fourmi qu'étaient leurs recherches.

Poppy semble amusée par sa proposition, et Abbas lui renvoie un regard impavide souligné par son sourire crispé, laissant un léger silence s'étirer sans véritablement comprendre la source de l'amusement de l'Oubliator. "Sorry, I thought you were joking." Consterné, Abbas ne comprend pas vraiment ce qu'il y avait d'amusant ou qui aurait pu laisser penser qu'il plaisantait (un art délicat pour lui) et secoue la tête légèrement, tandis que Poppy se redresse pour s'approcher. "I thought you would like to do this alone." Il soutient son regard, et les coins de ses lèvres s'étirent un peu. "I haven't forgotten how good you are and another pair of eyes won't hurt," répond-t-il lentement. Elle le rejoint et Abbas laisse retomber son sourire pour regarder Penelope, qui observe Poppy avec le même regard qu'elle lui adressait à lui. Quelle étrange sensation, il trouve, que de voir Penelope porter tel regard sur le monde: indifférent, sans chaleur, à mille lieues de la femme qu'il a connu un jour. Qu'il a aimé.

"Penelope." Il ignore si elle reconnait son prénom ou si elle se tourne simplement vers la source de son, mais elle tourne ses grands yeux noirs vers lui et Abbas manque de flancher, de sauter sur ses pieds et de s'enfuir en courant dans l'autre sens. "It's going to be okay," répète-t-il gentiment. Il lève sa baguette et tape la mesure trois fois dans l'air - deux fois superflues, mais un réflexe chez lui - en marmonnant une formule dont il n'a plus besoin avec le temps et l'expérience: "Legilimens."

Il se rappelle de l'esprit de Penelope avec plaisir: les choses bien dressées, ordonnées et soigneusement rangées comme dans l'esprit de tout Occlumens qui se respecte. La précision des souvenirs, la vivacité de leurs sensations, témoignages de son esprit curieux et acéré. Abbas se souvient très bien avoir brisé les protections de Penelope et l'avoir vu son esprit paniquer, se rétracter puis s'ouvrir, le laisser le consulter comme un document administratif qu'il affectionnait tant, fût un temps. Il se souvient aussi de leurs longues leçons d'Occlumancie et de Légilimancie, où elle l'avait laissé pénétrer son esprit à plusieurs reprises pour lui montrer comment s'y prendre; il se souvient de Penelope lui ouvrant les bras, métaphoriquement parlant, s'ouvrant à lui comme jamais, le prenant par la main dans le monde de ses pensées pour lui montrer ses secrets et ses envies et ses rêves.
Quand il se faufile dans le crâne de Penelope, cette fois, il n'y a rien de tout ça. Aucune impression chaleureuse, aucune sensation de reconnaissance, rien.

Le plus dur, trouve-t-il, est de ne pas remplir Penelope avec sa propre angoisse qu'il sent monter dans sa poitrine: c'est toujours le danger, avec une toile vierge, on veut y jeter ses propres couleurs et coups de pinceau. Abbas sent rapidement la présence, envahissante et pesante lui semble-t-il, de Poppy le rejoindre et s'attelle déjà à la tâche. "Focus on what brought you here, Penelope." Il sait l'esprit remuer, entendre les mots sans véritablement les comprendre; des sensations se succèdent, une confusion monte, un agaçement certain, et une peur terrifiant lui mord l'estomac - pas la sienne, celle de Penelope, découvre-t-il avec grand déplaisir. A-t-elle eu peur quand-- non, pas le temps de se poser ce genre de questions. "Who did this to you?" Le visage de Poppy s'impose à elle, puis celui d'Abbas, puis un autre employé du Ministère qu'Abbas connait pour l'avoir vu il y a deux jours dans la salle d'interrogation: un autre Legilimens qui, il imagine, a lui aussi essayé d'entrer dans ses pensées. "No, not this, Penelope. Focus, who did this to you?" Il y a une paire d'yeux bleus, et Abbas reconnait Sylas et son air terrifié quand ils ont dû le laisser; il essaye de se jeter sur cet éclat de souvenir mais ce n'est que ça. Le regard de Sylas, posé sur elle, lui posant une question silencieuse.

Le reste de l'état des lieux est pénible. Chaque souvenir n'est qu'un éclat, un prisme qui ne fait plus passer la lumière pour la décomposer. Abbas n'a rien à se mettre sous la dent, ce qui est à la fois désespérant et incroyablement frustrant. Il a appris à Penelope comment vider l'esprit d'un né-moldu pour y verser le fiel du Gouvernement; il n'arrive pas à croire qu'elle se soit fait la même chose elle-même, parce qu'il sait qu'il en est incapable lui-même - du moins, pas dans les circonstances où il s'est jeté corps et âme dans son esprit pour en effacer toute preuve trop incriminante. S'est-elle jeté un sortilège de Confusion? Si il retourne à York où il l'a abandonnée, trouvera-t-il tous ses souvenirs à même le sol, lentement en train de mourir, sans Pensine pour les accueillir?

Abbas se redresse et secoue la tête quand il se retire de l'esprit de Penelope. Rassuré et navré en mesures égales, il ferme un instant les yeux et se passe une main nerveuse dans les cheveux. "Interesting," commente-t-il en rouvrant les yeux, les clignant plusieurs fois avant de retourner trouver le visage de Poppy. "Penelope is a talented Occlumens." Il lui fait de nouveau face et Penelope lui rend un regard curieux, quoiqu'il puisse lire sur ses traits qu'elle les a sentis la fouiller, une petite gêne s'étant installée sous la forme d'un pli entre ses sourcils. "Could she still be hiding from us?" Il n'aime pas cette pointe d'espoir qui se réveille dans sa poitrine, malvenue et dangereuse, mais qui pourtant le réchauffe légèrement.

L'esprit de Penelope était lisse, propre et net, seulement teinté par les émotions simples qui la traversaient sur l'instant : un léger sentiment d'appréhension et de crainte, provoqué par l'intrusion des deux Legilimens dans son crâne. Poppy pouvait sentir la présence d'Abbas, un poids léger pesant sur la toile tendue de l'esprit de Clearwater. "Focus on what brought you here, Penelope." La voix résonna sourdement, à la fois étouffée et décuplée par son absence de matérialité dans ce plan défiant les lois magiques classique – Poppy pouvait l'entendre battre contre sa propre boîte crânienne, et elle sonda un instant cette masse inexistante à ses côtés, se heurtant à une barrière opaque, camouflant les ressentis de son compagnon de voyage. Confusion, agacement, puis la peur, saisissante, fondant sur elle comme une vague familière – l'armada d'émotions provint de Penelope, un livre ouvert sous leur inquisition. "Who did this to you?" Poppy garda un instant ses yeux absents rivés sur Abbas, observatrice muette plus intéressée par lui que par le reflet de leurs visages, sur l'écran des souvenirs récents de la sorcière. "No, not this, Penelope. Focus, who did this to you?" L'éclat d'yeux bleus que Poppy connaissait bien, désormais ; elle avait longuement tapoté sa plume, dans le dossier Clearwater, sur ce morceau de souvenir qui avait été aussi décevant que le reste.
Il n'existait plus que des lambeaux de mémoire, chez la sorcière. Poppy, en silence, laissa Abbas en faire le constat par lui-même.

Poppy abaissa sa baguette, au retour, et cilla légèrement pour reprendre pied avec le confort familier de son propre esprit. Rien de nouveau, chez elle, une table rase où même la visite d'Abbas n'avait su provoquer d'autres réactions que celles d'un face-à-face avec un parfait inconnu. "Interesting." Le regard de l'Oubliator croisa celui d'Abbas – en quoi le constat flagrant de ce vide pouvait-il se révéler intéressant ? Craignant savoir ce qui se cachait derrière ce commentaire décalé, après cette fouille peu concluante,  "Penelope is a talented Occlumens. Could she still be hiding from us?" Les lèvres de Poppy se pincèrent légèrement en une expression désolée. Si rayer d'importants et d'émouvants souvenirs chez les Moldus lui posait désormais aussi peu de problème que d'effacer une faute maladroite sur l'un de ses rapports, balayer les miettes d'espoir d'autrui, tout juste ramassées, restait un exercice désagréable – en particulier quand l'autre en question n'était autre que Shafiq, qu'elle connaissait assez pour savoir qu'ils étaient, en certains points, par trop similaires. "She could, if she was her old self", concéda-t-elle sans néanmoins l'épargner de ce pan de vérité flagrant – que Penelope n'était plus elle, ni l'Occlumens de talent, ni la femme qu'il avait pu connaître. "We would have felt some kind of bump, some rough patch along her mind by now." Et le coin de ses lèvres s'étira en un semblant de grimace compatissante à son adresse, avant. "I'm afraid there is nothing much else to see."

Les mots de Poppy mettent un temps inifiment long à venir pour l'esprit d'Abbas déjà en train d'évaluer toutes les possibilités de cette pointe d'espoir, et en train d'y chercher une solution. Penelope est une grande Occlumens, l'a toujours été, et Abbas n'a su la briser que par pure chance, s'engouffrant dans une brèche qu'il avait transformé en ravin à l'époque; et si il suffisait de faire la même chose cette fois, de chercher sans relâche et de s'immiscer dans un vieux traumatisme pour faire sortir le véritable esprit de Penelope de sa cachette? Cela lui semble tout à fait possible: après tout, elle pratique l'Occlumancie complexe, elle ne leur montre que ce qu'elle veut qu'il voit et sans doute se cache-t-elle, intelligente et entière, dans un recoin bien loin de la surface. L'aurait-elle accueilli si il était venu sans Poppy?

"She could, if she was her old self." Les lèvres d'Abbas se pincent et, malgré lui, il tourne de nouveau la tête vers l'Oubliator pour lui adresser un regard sombre - non pas qu'il n'apprécie pas que Poppy lui dise la vérité, au contraire, juste que cette dernière le contrarie plus qu'elle ne le devrait, réduisant à néant ce rapide souffle d'espoir qui vient d'agiter ses pensées. "We would have felt some kind of bump, some rough patch along her mind by now." Abbas, maintenant, ne veut pas y croire. Poppy sous-estime Penelope, réalise-t-il, elle la sous-estime et c'est le pêché capital pour un Legilimens: un bon Occlumens peut se cacher sous toutes les carapaces. Abbas le sait mieux que tout le monde, le débâcle Harris encore frais dans le fond de son crâne...

Poppy lui adresse un rictus qui, à défaut d'être désolé, est au moins compatissant - mais Abbas sait désormais qu'elle ne comprend pas. "I'm afraid there is nothing much else to see." Il tourne de nouveau ses yeux vers Penelope, réprimant l'envie de caresser sa joue, de l'embrasser, de la prendre dans ses bras. Une dernière fois. Mais l'idée de le faire sous les yeux sombres et observateurs de Poppy est presque nauséeuse, profondément gênante. Il s'éclaircit la gorge. "I'm going back," la prévient-elle simplement, par courtoisie, agitant de nouveau sa baguette trois fois en retournant dans l'esprit, réconfortant et familier, de Penelope.

Il ne l'invite pas, cette fois, mais ne pourra pas l'empêcher de venir regarder; il n'a rien à cacher, se répète-t-il tranquillement. Abbas pense que c'est les derniers moments qu'il passera avec Penelope, alors il en profite secrètement, visite quelques souvenirs sans intérêt, s'attarde sur quelques émotions qui passent. Il aimerait lui murmurer de penser à lui, à Abbas Shafiq, de se focaliser sur sa voix, et voir ce que ça lui évoque; mais la présence désormais anxiogène de Poppy l'en empêche, alors il se contente de peu, allant d'association d'idées en association d'idées, guidé par un esprit explosé et confus qui ne sait pas trop où aller. Au final, il utilise ce qu'il a utilisé il y a des mois plus tôt pour mettre à terre les protections de Penelope: "think about Percy. Think about the child." Et quand l'esprit, mou et fatigué, ne réagit pas, Abbas sent tout espoir quitter son coeur, et une douleur se réveiller aux tréfonds de sa poitrine. "Think about the child." Mais non, rien. Juste ce vide terrifiant, et l'impression de se tenir sur le précipice, à deux doigts de se laisser happer et recracher sous une autre forme.

C'est plus fort que lui: Abbas agite sa baguette dans sa concentration et laisse derrière lui une impression de réconfort, une chaleur ressemblant presque à de l'amour, avant de se retirer. Penelope a un léger sourire sur les lèvres, bancal mais présent, et il sent lui-même les coins de ses lèvres s'étirer.
Quand il se relève, la légère risette a disparu et il est un peu blême, s'appuyant d'une main aux doigts tremblants au dossier de la chaise sur laquelle il était assis. Ses yeux se plantent dans ceux de Poppy Tsai, et décident d'y rester; les abîmes sans fond de Penelope lui font mal, désormais qu'il sait qu'il a bien trop fait son travail, et que Penelope aussi. "Triggers don't work," dit-il lentement. "Have you been able to tell if this was made by someone or herself?" Et puis, sans attendre (il l'a habituée, lorsqu'ils travaillaient ensemble, aux pensées allant trop vite et sortant sans être triées, quand elles étaient des possibles réponses à leurs questions professionnelles): "Are you going to use your little thing on her?" demande-t-il, la main n'aggripant pas la chaise se levant pour agiter les doigts devant elle, mimant un morceau de jade dansant entre ses phalanges. "It seems that it was a good, hm, deus ex machina of sorts last time we came to a stall." Son ton est intéressé (il serait bien curieux de la revoir à l'oeuvre) mais prudent aussi (il ignore les véritables limitations de cette magie). Si c'est ce qu'elle compte faire, Abbas devra être présent - il aurait peur qu'avec cette magie quasi-divine, elle s'aventure trop loin dans les pensées de Penlope.

Lorsque son regard vira de nouveau vers Penelope, Poppy comprit ce qui allait se produire avant de l'entendre. "I'm going back." Bien sûr ; un homme comme Abbas ne se serait pas contenté d'une première plongée aussi infructueuse. Tout Occlumens qu'il fût, Poppy pouvait lire et comprendre l'entêtement à chercher quelque chose qui n'était plus – parce que ce quelque chose avait été si longtemps, parce qu'Abbas était habitué à réussir, quand le reste du monde avait échoué, parce qu'ils s'aimaient après tout, peut-être. Il s'obstinerait encore, et Poppy devrait revenir à la charge, presser avec une fermeté à la douceur relative les espoirs surréalistes du directeur des Mystères. Ce n'était pas un problème ; elle rechignait simplement à assister à ce spectacle crève-coeur des heures durant, quand l'issue était tracée d'avance.

Pour la seconde plongée, elle préféra ainsi rester à l'extérieur, et s'occuper à déceler, cette fois, les expressions d'Abbas tandis qu'il s'affairait dans l'esprit de Penelope ; elle se décala d'un pas, reprenant sa place entre les deux sorciers face à face. "Think about Percy. Think about the child." Une pause – le léger pli entre les sourcils de Clearwater resta identique, et les yeux de Poppy revinrent aux traits concentrés, légèrement crispés d'un Abbas perdant, devant la difficulté, son masque de politesse léger. Elle le revoyait comme elle avait pu le voir, devant Osbourne ; las et fatigué, butant incessamment contre le mur érigé par l'Occlumens. "Think about the child."

Un silence, puis Abbas se redressa, agitant sa baguette, avant de se relever de la chaise ; Poppy balaya une dernière fois le visage bienheureux de Clearwater, avant de relever les yeux vers lui, et de se faire harponner par le regard incisif d'Abbas. "Triggers don't work." Une bonne idée, face à l'absence de réaction apathique de l'esprit de Clearwater ; Poppy avait tenté de la provoquer avec les moyens du bord – des menaces, le nom de Shafiq, les éléments du dossier qu'on lui avait transmis du N2. "Have you been able to tell if this was made by someone or herself?" Il prit une inspiration brève, et, coupant court aux articulations de l'esprit de Poppy face à cette question, reprit : "Are you going to use your little thing on her?" Les gestes d'Abbas retracèrent avec une précision étonnante le roulement de sa jade sur ses doigts, cette little thing qu'elle avait fini, sous la frustration et l'évidence que leur enquête ne menait nulle part, par utiliser quelques années plus tôt.

Poppy papillonna légèrement, sous la surprise ; l'intérêt vif d'Abbas au sujet de la pierre, à l'époque, était resté gravé dans la mémoire au rangement chaotique de Poppy – un enchevêtrement de souvenirs au nombre aussi impressionnant que cette absence d'ordre sensible, pour tout spectateur jetant un œil à l'intérieur de son crâne. "It seems that it was a good, hm, deus ex machina of sorts last time we came to a stall." Un nouveau sourire crispa légèrement ses lèvres, tandis qu'elle soutenait l'intensité de ses pupilles désespérées et volontaires ; elle se voyait de nouveau contrainte d'écraser de sa vérité les espérances d'Abbas, naissant au fil des heurts qu'il rencontrait face à cette énigme qui n'en était pas vraiment une. "I don't have it anymore", répondit-elle finalement, de ses syllabes à peine articulées qui lui avaient valu de nombreuses réprimandes, adolescente. "As for your first question, we don't know." And we don't care, sa garda-t-elle d'ajouter, ainsi plongée au plus profond du regard d'Abbas. "If Justice sent her to my office with as little clues and as little security, it means they don't expect a lot to come from it all." And that they don't care, again. On ne l'aurait, autrement, pas laissée moisir dans un bureau rapidement aménagé en salle d'interrogatoire – et l'on n'aurait pas laissé Abbas, premier suspect dans l'affaire, s'asseoir en face d'elle sous la simple surveillance de Poppy. Il s'agissait d'une visite de courtoisie, une faveur rendue à un Mangemort de l'élite – des adieux offerts sous la simple condition que Clearwater était un cas perdu désormais. "You know how this kind of magic works, and memories," ajouta-t-elle, cillant un instant devant ce qu'elle s'apprêtait à lui dire, sortant malgré elle de son rôle d'observatrice impartiale, "She has been wiped clean. I'm sorry, Abbas." Et une lueur de compassion sincère apparut dans son son regard, une étincelle navrée qui plissa un peu plus ses lèvres, en dépit de l'abrupt de cette conclusion qu'elle lui servait.