La plage qui s'étend à perte de vue, faite de sable si pâle qu'il en semble presque blanc avant de venir s'enfoncer dans la mer azurée. En cette heure de la matinée, le soleil embaume peu à peu le paysage, et ses rayons viennent frapper les eaux agitées, apportant à la mer des jeux d'ombres et de lumière. Cette vision, Fleur la connait par coeur et pourtant, à chaque fois c'est la même chose. Ce sentiment de plénitude qui la prends à chaque fois, calmant ses angoisses et apaisant son coeur. Quelques instants d'oubli, semblant presque hors du temps. Des secondes, fugaces, loin des affres de cette guerre. Fleur se tient là, les yeux observant le paysage par de-là la fenêtre de sa cuisine. Tenant sa baguette d'une main, la sorcière guide par magie un couteau occupé à découper des tranches de pain qui viennent aussitôt se déposer sur une assiette. Comme bien souvent les jours suivant les arrivages, la Delacour s'est levée aux aurores. C'est qu'il y a beaucoup à faire pour accueillir au mieux les nouveaux pensionnaires du Shell Cottage, attendant qu'ils puissent quitter la petite maison pour rejoindre les différentes planques de l'ordre. Fleur prends le temps de déposer un peu de beurre et de confiture sur le petit plateau de bois, ainsi que quelques oeufs au bacon ... sans oublier les traditionnels baked beans typiquement anglais - une tradition du petit déjeuner que Fleur n'a jamais compris, soit dit en passant.

Cela fait quelques années qu'elle et Bill ont proposé leur demeure à l'ordre, usant de sa position stratégique pour accueillir les réfugiés et les aider à quitter le pays, où bien à y entrer. Et si cela n'est guère facile tous les jours, elle ne changerait d'avis pour rien au monde. Elle le sait, ils ont aidé de nombreuses personnes, et en aideront surement d'autres. Une décision qui fut comme une évidence pour le couple, et que Fleur n'a jamais regretté. Elle pousse un léger soupir, passant une main dans sa longue chevelure blonde avant de faire léviter le plateau garni d'un coup de baguette. La sorcière traverse le rez de chaussée, se dirigeant vers les escaliers afin de rejoindre l'une des chambres d'amis aménagée sous les combles de la bâtisse. « Bonjour. » Murmure Fleur, pénétrant doucement dans la pièce, son plateau voletant toujours derrière elle. À l'intérieur, une jeune femme d'une vingtaine d'années au visage qui ne lui est pas inconnu. Moon Shadow. Jeune chanteuse à la carrière brisée, arrivée voilà quelques jours. Jeune sorcière au cracatère semblant bien trempé, du peu qu'elle a pu voir. « Je t'ai amené le petit déjeuner » explique Fleur, alors que le plateau vient se poser sur le lit, en face de la jeune femme. « Tu as bien dormi ? » Questions simples, et voix posée. Douce. Fleur tente de se montrer la plus accueillante possible, peut-être parviendra-elle à apaiser la sorcière traumatisée ?

@Moon Shadow

tw : pensées suicidaires, mention de drogues

Assise sur le lit, les genoux contre sa poitrine, Moon a le regard dans le vide. Elle avait à peine dormi, et cela se voyait sur son visage. Son teint n'a jamais été aussi terne. Son corps tremble machinalement, sans qu'elle ne puisse avoir de contrôle dessus. Elle sait très bien pourquoi. Elle est en manque. Elle n'a même pas pu avoir une tasse de café, depuis son arrivée. Les anglais et leur sens du mauvais goût, pense-t-elle. Repliée sur elle-même, elle n'a goût à rien, envie de rien. La seule chose qui la soulagerait, ça serait un rail de somnis, mais c'est impossible. Ces derniers mois, elle avait peiné à s'en procurer, mais elle avait quand même réussi à garder des doses régulières. Mais ici, impossible d'en trouver, impossible d'en consommer. Elle va devenir folle, si elle ne met pas la main sur sa poudre magique. Sa tête lui fait un mal de chien. Moon ferme ses yeux, et serre les dents. Si elle ne peut pas avoir sa drogue, alors à quoi bon vivre ? Plutôt mourir. Elle rouvre ses yeux et se met à chercher du regard, quelque chose qui pourrait l'aider à s'ôter la vie. Fuir, très peu pour elle. Pendant des mois, elle a pensé que cela serait mieux que de servir les Walsh, mais elle avait eu tord. Une vie de fugitive, c'est pire. Penser aux Walsh, l'a fait automatiquement penser à Raf, et elle peut sentir les larmes lui monter. Moon essuie son visage avec la manche de son pull. Elle reprend sa recherche de l'arme parfaite. Elle n'a même pas de baguette pour l'aider, on la lui a confisquée. Elle déglutit, alors qu'elle se demande si elle pourrait casser le miroir, et récupérer le verre pour faire saigner son sang de bourbe.
Elle n'a pas le temps de réfléchir plus, qu'on toque à la porte. La silhouette de Fleur apparaît dans l'encadrement de la porte. Elle a apporté le petit-déjeuner. Yukes. Moon ne mange que très peu, et elle n'a absolument pas faim. Elle apprécie la gentillesse de la Delacour, mais très peu pour elle. Ici, ça n'est pas son monde. ─ Bon-jour. Elle peine à articuler un simple mot, ça promet. Elle fixe du regard le plateau qui lui donne envie de vomir. La simple odeur de la nourriture lui donne des hauts le coeur. Ce n'est pas de ça dont elle a besoin. Moon soupire. ─ Je n'ai pas faim. Merci, pense-t-elle, mais ça ne sort pas. ─ Je n'ai pas vraiment dormi. Elle est sèche, malgré elle. La française ne lui a rien fait, mais se retrouver ici, au milieu de nul part, entourée d'inconnus, loin de tout, loin d'Andrés, cela l'angoisse. ─ Quand est-ce que je vais partir ?

Le ton de Moon est sec alors que quelques phrases s'échappent à peine de ses lèvres. Aussi tranchantes qu'une lame, froides et violentes. Tranchante. En cet instant, l'image qui s'impose à Fleur est celle d'un animal blessé, recroquevillé sur lui-même. Un animal montrant les crocs, menaçant de mordre la moindre âme qui s'approcherait de trop près. Après tout, c'est un peu ça. Une jeune sorcière à la gloire déchue, envolée. Une vie de plus bafouée, brisée par ce gouvernement de malheur. Elle en tant vu, Fleur. Des sorciers et sorcières aux âmes écorchées, qui ont perdu jusqu'à leur humanité tant ils sont traités comme des moins que rien. Il y en a qui en deviennent cyniques, d'autres sont animés d'une envie presque viscérale de se battre. D'autre, encore, ne souhaitent que fuir, laissant derrière eux les souvenirs révolus. Tous ont un point commun, même si cela ne se voit pas toujours au premier regard. Ils sont brisés. Comme si une part de leur humanité leur avait été arrachée, morcelée. Et depuis tant de temps qu'elle tente d'aider ces sorciers, elle a appris à reconnaître les signes, même les moins perceptibles. Parfois, ça va être une lueur dans le regard ou une froideur presque mécanique. Dans d'autre cas, cela se traduit par une violence contenue, bouillonnante. La douleur peut prendre bien des formes, après tout.

Fleur ne réponds pas tout de suite, essayant de ne pas se formaliser devant le manque de coopération de sa petite protégée. Bien-sûr, elle aurait apprécié un simple merci, mais elle sait que c'est parfois trop demander. Elle se contente d'acquiescer en silence, prenant le temps de reculer de quelques pas. Elle essaye ainsi de laisser à Moon son espace. Un instant de silence, gêné du côté de Fleur qui pousse un léger soupir. Elle a beau avoir l'habitude, elle ne sait jamais vraiment comment réagir. « L'ordre doit me recontacter pour organiser ton transfert dans une de leur planque, ça ne devrait pas prendre plus que quelques jours. » Comment peut-on en arriver là ? songe-elle. Cette fille, bien sûr qu'elle la connait, ou tout du moins, la connaissait. Une chanteuse à succès, dont les titres ont résonné dans toutes les radios magiques voilà quelques années. Elle était alors une véritable idole. Et aujourd'hui, là voilà ici. Une jeune fille paumée, blessée. Le regard fuyant et le teint terne, marqué par la douleur et les tourments que Fleur ne comprends pas. Qu'elle ne peut pas comprendre. « Ça va aller. Ne t'en fais pas. L'ordre te protégera. » Elle marque une pause. « Tu veux peut-être autre chose à manger ? Cela te fera du bien, tu sais. » Tente-t-elle, avec une voix douce. « Ma mère me disait souvent qu'un peu de thé fait toujours du bien. Et je dois bien avouer qu'en matière de thé, les anglais n'ont rien à envier à personne.  » Une légère tentative d'humour. Pas sûr que ça déride la jeune sorcière, mais ça vaut le coup de tenter, non ?

@Moon Shadow

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