Elle fuit. Elle fuit tout. Elle fuit ses amis, sa sœur, ses professeurs. Elle fuit les conversations trop sérieuses, les débats, les conversations futiles, les blagues. Elle a envie de tout laisser tomber et elle aurait tant aimé ne pas revenir à Hogwarts comme l’ont souhaité ses parents au départ. Plus rien n’a d’importance désormais. Tous leurs efforts sont inutiles. Tout est voué à l’échec. Padma soupire alors qu’elle est enfermée dans les toilettes, là où personne ne pourra la rejoindre. Elle n’aime pas être aussi morose. Elle voudrait être autant motivée que les autres et croire que tout cet entrainement va mener à quelque chose, mais elle n’y arrive tout simplement pas. Elle a perdu son entrain et sa confiance depuis la disparation d’Harry Potter, le sauveur, l’élu. Il avait un don pour les pousser à se dépasser, à croire qu’ils pouvaient vaincre les mangemorts et pour leur apprendre des sorts de défense utiles. L’AD est toujours bien vivante, mais elle stagne. Personne n’a su réellement prendre la relève.  Et franchement, Padma commence à perdre la foi. Elle ne reste que pour sa sœur et pour ne pas se retrouver seule. Elle ne veut pas se retrouver à l’écart alors que ses meilleurs amis sont si enthousiastes. Au fond, d’elle, elle a espoir d’un revirement de situation qui lui permettrait de croire à nouveau. La porte s’ouvre alors que trois filles entrent en rigolant. Padma roule des yeux. Comment on peut encore rigole dans ces circonstances? Alors qu’ils se retrouvent tous en prison dans leur école qui devrait être leur seconde maison. Elle jette sa pomme à moitié entamée et prend son sac, elle a besoin d’air. Elle se lave les mains en jaugeant les trois gryffondors du regard. C’est plus fort qu’elle. Elle les entend rigoler derrière elle, mais elle s’en fiche. Ouais, Padma devient de plus en plus une ombre.

Le vent froid la frappe de plein fouet alors qu’elle ouvre la grande porte la menant au parc, mais elle ne s’arrête pas et s’engouffre de plus belle vers l’extérieur frisquet. Elle prend une grande bouffée d’air frais qui lui fait le plus grand bien. Elle serre un peu plus son foulard et enfonce son bonnet sur sa tête. Elle marche un peu, profitant du calme et du paysage hivernal lorsqu’une tête bien connue attire son regard. La jeune femme se dirige machinalement vers lui. "Salut."Dit-elle d’un ton posé pour saluer son ami. Il n’y a pas si longtemps, il y aurait eu plus de dynamisme dans sa voix et peut-être qu’elle aurait rajouté une taquinerie sur le livre que Michael était en train de lire, mais ça fait un petit moment qu’elle a perdu de sa vivacité. Elle sourit néanmoins lorsqu’il tapote la place à côté de lui pour qu’elle le rejoigne sur le banc. "Aucune idée. Probablement dans la grande salle." Elle hausse les épaules. "C’est plutôt moi qui devrait te poser cette question. " réplique-t-elle en haussant un sourcil. Elle, c’est plus normal de la retrouver parfois seule. À part ses garçons, elle n’est pas très proche des autres élèves. Elle n’a pas tissé de liens forts avec d’autres filles, même si elle s’entend bien avec certaines d’entre elles. Tandis que Michael, il n’est jamais seul. Anthony, Terry ou Sylas ne sont jamais bien loin. Si on en voit un, les autres arrivent généralement bien vite. "C’est rare que t’es seul en fait. " Constate-elle. Elle est tout de même heureuse de l’avoir rien que pour elle. Ça n’arrive pas souvent qu’elle soit seule avec lui, alors qu’il est le premier à l’avoir accueillie au sein du groupe. Elle s’est toujours sentie un peu plus proche de lui que des autres, même si elle a un lien fort et différent avec chacun d’eux. Anthony, c’est les confidences, les rêves et les histoires. Elle peut parler des heures avec Anthony et elle se sent choyée qu’il lui fasse autant confiance alors qu’il a été le plus réticent à son ajout à leur groupe. Terrence, c’est les petits regards subtils, les sourires en coin, les conversations sérieuses, la jalousie lorsqu’il parle à d’autre fille et l’entraide. Sylas, c’est un peu plus subtil, ils n’ont pas grands choses en commun, mais avec le reste du groupe, ils forment un tout. Elle a eu du mal à croire à son couple avec Alexis, mais elle le respecte. Elle sait qu’il n’est pas mauvais. Elle regrette de ne pas plus le connaitre alors qu’ils trainent ensemble depuis si longtemps. Et Michael, c’est le frère qu’elle n’a jamais eu. C’est les taquineries, les rigolades, les chamailleries et le roulage de yeux devant ses conneries. C’est aussi un équipier du tonnerre. Ensemble, ils sont juste imbattables. "Ça…va." Elle ne le regarde pas, se doutant bien qu’il ne la croit pas. Elle aimerait expliquer ce changement soudain d’humeur. Essayer de lui expliquer comment elle se sent, ce qu’elle ressent, mais elle n’est pas certaine qu’il va comprendre. "Et toi?" Elle tourne son visage vers lui, tentant de détourner le sujet d’elle et de ses difficultés.

Padma n’a pas hésité une seconde à le rejoindre lorsqu’elle l’a aperçu seul dans le parc. Elle ne s’est pas demandée s’il fuyait les autres membres du groupe et s’il avait envie d’être seul. Avec ses garçons, elle ne se pose jamais ce genre de questions et s’incruste plutôt. Habituellement, elle est bien accueillie et cette fois ne fait pas exception. Elle relève à peine le surnom qu’il lui donne, trop lasse. Avant, elle l’aurait repris. Maintenant, elle s’en moque. Elle prend place à ses côtés sur le banc glacé.

Elle n’est la seule qui a changé assez drastiquement. Certes, la situation n’est pas évidente pour personne et la disparition d’Harry Potter en a touché plus d’un, mais s’il y a bien quelqu’un qu’elle aurait cru capable d’y faire abstraction, c’est bien Michael. Son ami a toujours été celui qui rigole pour détendre l’atmosphère, celui parle sans arrêt jusqu’à en donner mal à la tête, celui qui flirte, celui qui potine, le bout-en-train qui préfère mettre sa grande intelligence à trouver les meilleurs moyens d’éviter de faire ses devoirs au lieu de s’appliquer à les faire. Il ne reste plus grand-chose de ce Michael-là. Il est devenu plus distant, il fait beaucoup moins de connerie et son rire se fait plus rare. Une part d’elle aurait bien besoin des folleries du garçon. Pour lui démontrer qu’il y a encore un peu de beau dans ce paysage enlaidit. Padma est mal placée pour le juger. Elle comprend ce qu’il vit, ce qu’il ressent parce qu’elle se retrouve dans la même condition. Ça l’a rend tout de même triste de le voir ainsi, l’étincelle de son regard moqueur complètement éteinte. Elle ne pensait pas voir cela un jour quand elle l’a rencontré. Toujours animé, toujours à l’affût de la prochaine bêtise, toujours là pour taquiner. Elle espère que c’est une mauvaise passe. Il a besoin de retrouver sa fougue. Elle hoche simplement la tête lorsqu’il lui avoue ne pas avoir attendu les autres après leur cours. Elle ne pose pas de question. Après tout, elle a fait la même chose est allée s’enfermer dans les toilettes. Son esprit curieux en a pris lui aussi un coup depuis les derniers événements. Plus rien ne l’intéresse et elle se contente de ce qu’on lui dit, sans pousser d’avantage. Elle force un sourire ne sachant pas quoi dire puis son attention se porte sur ses mains gantées. Le silence aurait pu être pesant, mais avec Michael à ses côtés, il fait du bien.

Elle ne peut pas passer à côté de la question fatidique. La question la plus basique qui soit, mais aussi celle qu’elle évite le plus dernièrement. Elle répond que tout va bien de façon hésitante qui trahit la vérité. Elle lui renvoie rapidement la pareille pour éviter de trop s’étendre, mais il revient vite à la charge. Elle ne peut plus fuir et mentir à nouveau. Le garçon sait que depuis un moment, elle ne va pas aussi bien qu’elle le prétend. Elle soupire et se mord les lèvres en fixant l’horizon. "J’ai juste l’impression qu’on fonce droit dans le mur." Elle prend un temps pour mettre ses idées en place et ne pas dire des choses qui pourraient offusquer son ami. "Sans Harry, on va nulle part. On arrivera à rien contre les deatheaters. Et l’ordre a fait quoi depuis trois ans? Plus ça va, moins j’ai d’espoir qu’un jour on retrouve la paix." Elle ne va pas par quatre chemins et dit enfin tout haut ce qu’elle pense depuis tout ce temps. Elle ne se sent pas mieux pour autant, même que ça la rend encore plus triste de se sentir ainsi et d’avouer qu’elle ne fait pas confiance à l’ordre et mêmes à ses camarades. Ça la met en colère de déjà leur donner la défaite. Elle veut être plus optimiste, mais elle est juste incapable. "Je suis nulle, je sais. Juste, j’arrive pas à voir la lumière. " Elle hausse les épaules. C’est affreux d’admettre qu’elle a abandonné. "Tu crois qu’on peut renverser les deatheaters? Qu’on a assez de ressources pour le faire?" Elle coule vers lui un regard implorant. Peut-être saura-t-il lui montrer qu’elle a tort d’être aussi défaitiste.

Elle a bien vu que Michael n’est pas d’accord avec elle. Ses yeux écarquillés ne sont pas passés inaperçus. Même s’il semble lointain et plus discret qu’à l’habitude, il a toujours espoir que les choses peuvent changer. Sa poitrine se sert un peu plus devant cette constatation. Si elle a cru que son ami avait perdu espoir, tout comme elle, pendant quelques secondes, elle se rend vite compte que ce n’est pas du tout le cas. Et elle se sent mal. Elle ne veut pas le décevoir et encore moins le mettre en colère. Elle regrette presque de s’être confiée et d’avoir autant parlé parce qu’au fond, elle ne se sent pas mieux. Il n’y a pas de poids en moins qui s’est enlevé de ses frêles épaules. Au contraire même, il semble qu’un nouveau s’y soit ajouté. Elle ne veut pas qu’il la rejette ou qu’il la juge. Elle ne veut pas qu’il s’éloigne d’elle. Elle ose un regard vers lui. Il est surpris par ses propos ça c’est sûr, mais il ne semble pas dégoûté. Il essaie sans doute de comprendre comment elle a pu en arriver à ce point, alors qu’elle a rejoint l’AD et qu’elle s’implique. Comment lui dire que ce n’est pas de bon cœur qu’elle se rend à leurs rencontres toutes les semaines.  Comment lui dire que c’est parce qu’elle a peur d’être seule et qu’ils lui tournent le dos. Tous les quatre. Elle ne peut pas se permettre de les perdre. Ils sont ses seuls véritables amis.

Elle ne répond pas immédiatement lorsqu’il tente de la convaincre que l’absence d’Harry ne change rien. Hermione Granger? Elle n’a pas le leadership de Potter. Elle est douée certes, mais elle n’est pas une meneuse. Ce n’est pas celle que Padma veut suivre. Et Ron? Vaut mieux pas y penser. Oui, le groupe est fort et solide. Oui, il est motivé et soudé, mais il manque quelque chose. Elle n’arrive pas à mettre le doigt dessus, mais il manque un truc pour la convaincre complètement, pour lui montrer que ça vaut le coup. Elle est tout de même heureuse de voir que le garçon continue d’y croire. Elle trouve ça important et elle ne veut pas le tirer vers le bas avec ses réflexions défaitistes. Tant qu’il ne l’abandonne pas. Et il le démontre bien en lui répondant qu’elle n’est pas nulle avec un ton presque horrifié. L’ombre d’un sourire se dessine sur ses lèvres. Au moins, il ne semble pas fâché. Il doit juste se demander pourquoi elle est dans un tel état et pourquoi elle n’est pas autant hypée qu’eux. Ce n’est pas l’envie qui manque. Elle n’est juste pas capable de voir plus loin, de voir une finalité positive à toute cette situation. Les deatheaters ont pris le pouvoir à une vitesse vertigineuse, il lui semble impossible de les renverser. Elle le mentionne à son ami qui soutient pendant plusieurs secondes son regard. Elle aurait été mal à l’aise avec n’importe qui, mais pas avec lui. C’est avec lui qu’elle se sent le mieux. Alors elle ne détourne pas ses yeux du visage du garçon. Elle sent que sa question le prend au dépourvu et elle se doute qu’il n’a pas les réponses. Personne ne les a, mais il ressort son optimisme qui, malheureusement, n’atteint toujours pas la brune. "Oui, j’aimerais." Et elle ne ment pas. C’est juste ça qu’elle souhaite en fait. Y croire. Mais, elle démontre beaucoup moins d’optimisme que le garçon. Elle se sent transpercé par son regard foncé. Elle a l’impression qu’il ne la jamais regardé de cette façon. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? "Je suis désolée, si je te déçois. Ou si j’ai miné encore plus ton moral. " Ce n’était sans doute pas à quoi il s’attendait lorsqu’il lui a demandé si elle voulait en parler, mais elle a voulu être honnête avec lui. Sans le blesser.

Padma peut se compter chanceuse d’avoir Michael Corner dans son entourage et comme meilleur ami. Elle se sentait mal vis-à-vis de lui concernant son implication au sein de l’AD ou de son soutien défectueux auprès de la résistance. Elle avait si peur qu’il la rejette ou qu’il se mette en colère contre elle, qu’elle avait gardé tout son ressentiment, ses questionnements et ses inquiétudes pour elle. Elle faisait comme si tout allait bien, même si au fond, ce n’était pas du tout le cas. Ça l’avait même rendu malade, encore plus anxieuse. Elle en venait à s’éloigner de sa bande. Alors qu’au fond, il lui suffisait simplement d’être honnête. Son ami n’a pas ri d’elle, il ne l’a pas rabaissé, il ne s’est pas fâché. Il a juste écouté. Il ne comprend pas, certes, mais il ne lui tourne pas le dos. Son soutien est inestimable et elle sait alors qu’elle peut lui faire confiance et qu’elle peut tout lui dire. Même s’il n’est pas d’accord avec elle, même s’il est surpris par ses propos, il est toujours là, assis à côté d’elle, son beau visage interloqué qui la scrute. Il n’est pas parti. Il ne tente pas de lui faire entendre raison. Il veut juste qu’elle sache que peu importe ce qui peut se passer, il va être là. Et ça, c’est précieux. Elle voudrait tant être de son côté, croire en l’ordre. Elle lui sourit lorsqu’il lui mentionne avoir pris des livres de sorts à la bibliothèque pour en apprendre d’avantage et s’entraîner de son côté. "Oui, je veux bien." Qu’elle répond. Ça la rassure qu’il ne compte pas l’abandonner et qu’il veuille l’aider. Peut-être saura-t-il lui redonner confiance. Peut-être saura-t-il lui montrer que ça vaut vraiment la peine de se battre et de faire front devant l’ennemi. Peut-être saura-t-il lui montrer qu’elle est un atout pour leur bataille contre les deatheaters. Ils ont toujours formé une équipe solide, ça ne changera pas de sitôt.

Elle est heureuse d’avoir eu cette conversation avec lui. Elle ne se sent pas nécessairement mieux et son envie d’abandon est toujours présente, mais au moins, une personne chère à son cœur est au courant de ce qu’elle ressent. Il y a quelqu’un qui sait qu’elle a peur pour leur futur et qu’elle est incertaine dans ses choix. Elle n’est plus seule à se morfondre. Elle lui avoue qu’elle avait peur de sa réaction et de le décevoir. Ce n’était vraiment pas son intention de lui miner le moral ou de lui en mettre encore plus sur les épaules. Elle sait qu’il se met beaucoup de pression dans les études et la situation actuelle, mais aussi quant à la réussite et la protection de ses amis. Il est le leader du Raven Gang, ce n’est pas pour rien. Elle s’excuse, mais il ne répond pas. Il a ancré son regard dans le sien et un truc surprenant se passe. Son ami se penche vers son visage et pose ses lèvres froides sur les siennes. Trop surprise, la belle ne réagit pas, les yeux grands ouverts une fraction de seconde avant de répondre à ce baiser dont elle a rêvé à de nombreuses occasions depuis leur première année. Elle ne s’était jamais imaginé qu’ils en échangeraient un dans ces circonstances. Si elle avait eu des sentiments amoureux à son égard autrefois, il lui semblait que ce n’était plus vraiment le cas aujourd’hui. Les papillons endormis au creux de son estomac ne se réveillent pas. Lorsqu’il se détache, elle reste sans voix et cligne plusieurs fois des yeux comme pour vérifier que tout s’est réellement passé. Elle ne sait pas trop comment réagir. C’est évident qu’il ne l’avait pas prévu. Et elle, elle s’est attendue à ressentir beaucoup plus de chose que… le vide. Elle ne peut s’empêcher d’éclater de rire, une fois la stupéfaction passée. "C’était quoi ça?" Qu’elle demande les joues rouges et en feu.