Mao ne s'était pas attendu à croiser le regard de Mengwu dans la foule. Non pas que cela soit particulièrement étonnant. Le Wang passait un temps conséquent au club, ces derniers mois, mais souvent leurs rendez-vous étaient planifiés à l'avance, pour des raisons professionnelles, évidemment. Leur relation avait néanmoins pris un tournant plus … inattendu. Les discussions s'étaient prolongées parfois jusque tard dans la nuit, les prétextes pour se voir étaient devenus plus superficiels, moins importants et Mao savait que son regard sur l'autre homme avait changé. Il n'en avait rien vraiment pensé, lorsqu'il l'avait rencontré pour la première fois, Mengwu était un Wang, ils allaient devoir travailler ensemble, il avait l'air plus agréable que les autres. Point. Ses impressions s'étaient révélées correct, Mengwu était, en effet, bien plus agréables que les autres Wangs et Mao avait apprécié leurs interactions. Plusieurs années s'étaient écoulées depuis ce temps-là, et Mao avait commencé, un peu malgré lui, à remarquer certaines choses, la façon dont Mengwu se tenait ou son regard fuyant lorsque certains sujets étaient abordés. Toutes ces petites choses avaient culmines en une certaine forme d'affection pour l'autre homme, une affection qui avait à nouveau pris un autre tournant récemment.

Il ne semblait pas être le seul pour qui certaines choses avaient changé. Ils s'étaient embrassés, la semaine passée, rien de scandaleux ou de tendancieux, c'était un de ses baisers que l'on dépose par automatisme sur les lèvres d'un être cher, et c'était exactement ainsi que cela c'était passé. Ils s'étaient quittés avec un baiser après une énième entrevue et ils n'en avaient pas parlé depuis, ils n'en avaient pas eu l'occasion, en réalité, puisque la seule fois où ils s'étaient vus avait été en compagnie d'autres membres de leurs familles respectives. Mao avait donc été soulagé de le voir parmi les spectateurs de cette soirée, soulagé de voir que ce baiser ne l'avait pas fait fuir.

Il avait fini son spectacle comme d'habitude, si ce n'est en jetant des coup d'oeil réguliers vers là où se trouver Mengwu, avant de remonter dans son bureau. Comme toujours, il avait demandé à Ian de bien vouloir aller chercher son invité et, comme toujours, avait attendu en se servant un verre, les gestes un peu plus brut qu'ils ne l'étaient généralement.

"Le truc du serpent est définitivement le plus populaire." Mao ne put s'empêcher de sourire à ses paroles, et encore lorsqu'il vit son visiteur s'affairer de sa baguette. "Toujours, oui", il lui répondit simplement. "Quoique je ne comprends pas comment quiconque fait pour détourner son regard du magicien." Mao sentit la chaleur lui monter aux joues à ses paroles. C'était ridicule, Mao était le plus âgé d'eux deux, il avait eu sans doute plus d'expérience que Mengwu et pourtant, il en était là. Mengwu s'était révélé bien plus charmeur qu'il n'aurait jamais pu l'imaginer. Il secoua la tête d'un air désapprobateur, comme si ses paroles n'avaient pas affaiblis ses défenses plus qu'elles ne l'étaient déjà. "Assieds-toi", il lui dit simplement, incapable de formuler quoi que ce soit d'autre. Ils commençaient toujours leurs rendez-vous ainsi, formellement assis chacun d'un côté de ce bureau, jusqu'à ce qu'ils finissent inévitablement par se rapprocher, finissant du même côté ou sur le canapé de la pièce adjacente. "Tu es là pour affaires ? Ou pour loisirs ?" Il demanda, presque innocemment. Il savait très bien que, même si certaines choses étaient à discuter, la raison principale de sa visite était toute autre.  

“Affaires d’abord,” Mao ne peut contenir la grimace déçue qui barre son visage. “Quelques… quelques détails, sur la prochaine livraison de Spitfire, rien de plus.” Mao hoche la tête avec un “hm” approbateur. Ce n’est pas plus mal, il imagine, Mengwu et lui sont sensés être des ennemis avant tout, des collaborateurs ensuite, leur relation personnelle encore peu définie ne vient qu’en dernier, de loin. Mao le sait, ils le savent tous les deux. Rien ne peut venir compromettre les relations entre les Wangs et les Warlocks, les relations étant déjà souvent assez tendues pour ne pas en rajouter. Surtout pas venant d’eux, eux qui sont d’ordinaire si sérieux, personne ne pourrait imaginer ce qui se tramait derrière la porte fermée du bureau de Mao et c’était sans doute mieux ainsi. Il savait que les affaires étaient importantes pour Mengwu et il était prêt à sacrifier quelques minutes de leur précieux temps pour lui faire plaisir, s’il le fallait.

Il savait aussi que Mengwu avait raison lorsqu’il parlait de détails, les livraisons étaient toujours réalisées de la même façon, et tout avait toujours très bien fonctionné. Il allait lui répondre, lorsque Mengwu reprit la parole, “Je suis toujours ouvert aux loisirs avant le travail, par contre.” Mao laissa échapper un léger rire. Dans ces moments-là, Mengwu le surprenait. Depuis que leur relation avait pris un nouveau tournant, il avait découvert un nouveau visage au Wang. Un visage plus léger, loin du sérieux habituel. Il n’aurait jamais pensé avoir des contacts autres que professionnels et cordiaux avec Mengwu, même si la curiosité avait été présente dès le début. Il releva les yeux vers son invité, se rapprochant du bureau pour laisser ses doigts glisser sur le bois sombre. “Je t’ai connu plus sérieux,” il ne put s’empêcher de lancer avec un sourire complice, “mais, soit, parlons loisirs.” Ils devraient probablement parler, d’eux. Mao n’était pas réellement prêt pour cette conversation, mais il savait qu’elle était nécessaire. Dans une autre vie, dans une vie dans laquelle ils n’auraient pas fait partie de gangs ennemis, ils auraient surement pu s’en passer longtemps encore, mais cette vie n’était malheureusement pas la leur. “Je…” il commença, hésitant, rapprochant sa main tatouée de celle de Mengwu, l’effleurant presque. “On devrait parler, de nous,” les mots une fois sortis de sa bouche semblaient bien plus imposant, bien plus sérieux. Mao ne savait pas vraiment comment exprimer ce qu’il voulait dire, ne savait pas par quel bout prendre ce problème. “Qu’est-ce que tu veux ?” Y avait-il même vraiment un “nous” entre eux ?

“Que peux-tu m’offrir, Masao ?” Mao ne s’était pas attendu à une vraie réponse, mais il ne s’était ps non plus attendu à une telle question. Une question à laquelle il ne pouvait pas vraiment répondre. Ils étaient si différents, ils venaient du même milieu mais n’y étaient pas entrés de la même façon, ils faisaient partie de deux clans ennemis, deux clans au bord d’une guerre prête à éclater à tout moment. Une partie de lui savait que tout cela n’était qu’une sombre idiotie de leur part, de croire que les choses pourraient bien se terminer, alors que la réalité était tout autre. La douleur, la tristesse et des conséquences qui les dépasseraient tous les deux, c’était la seule chose qu’il pouvait réellement lui offrir, il supposait que Mengwu en était conscient. Pour autant, une partie de lui, plus égoïste, plus imprudente avait envie d’essayer, espérait que peut-être tout ne serait pas si mal ou qu’au moins ils auraient quelques instants de paix avant l’inévitable.

Il ne répondit pas, se contentant d’observer son invité alors que ses doigts s’approchaient dangereusement des siens, assez pour qu’il ne puisse nier l’évidence, qu’il ne voulait tout simplement pas renoncer à lui, à ce qu’ils avaient. “Je ne peux pas… je ne veux pas de quelque chose de léger. Je ne peux pas donner ça. Je ne peux pas faire ça.” Il n’y avait rien de léger entre eux, il n’y avait rien eu de léger entre eux, le contexte rendait cela impossible, de toute façon, et Mao était bien trop impliqué pour prétendre que tout cela n’était qu’un béguin passager ou quelque chose de simplement charnel.

Mao se rapprocha un peu plus, glissa ses doigts contre la main du Wang pour venir l’attraper franchement, cherchant en même temps à saisir son regard fuyant. “Je sais,” il lui répondit doucement. Il ne savait pas exactement ce qu’il se passait pour Mengwu, ils n’avaient que peu discuter leurs expériences passées, mais Mao savait que Mengwu n’avait jamais eu de relations avec un autre homme, et il imaginait qu’il n’avait pas eu beaucoup de relations tout court. Tout cela était inattendu, Mao lui même avait été étonné de se surprendre à developper de telles pensées pour Mengwu, alors qu’il pensait ne plus jamais pouvoir éprouver ce genre de sentiments. “Je ne veux rien de léger non plus,” il dit avant d’ajouter avec un faible sourire, “tout ça ne peut pas être léger, pas dans nos positions.” Ils n’auraient jamais risqué tant pour quelque chose d’insignifiant, et Mao espérait que Mengwu comprendrait ce qu’il voulait dire. “Tout ça est … compliqué, mais je pense que ça vaut la peine d’essayer, non ?”.

“Oui,” Mengwu répondit rapidement, et Mao put sentir son coeur se calmer, ce seul mot suffisant à apaiser les quelques angoisses que cette conversation avait fait resurgir. Même le silence qui suivi ne suffit pas à écourter cette nouvelle quiétude, pas lorsque Mengwu avait accueilli la caresse de sa main avant tant de douceur, et encore moins lorsqu’il laissait encore les doigts de Mao glisser sur sa peau. Il fut quelque peu surpris lorsque l’autre homme se leva d’un coup pour s’approcher de lui, Mengwu n’était pas le genre d’homme à prendre ce genre d’initiatives, Mao l’avait remarqué bien vite et il était sur que Mengwu en était également conscient. “Puisque tu es l’aîné et le plus expérimenté de nous deux, je me permets de te blâmer pour tes goûts désastreux,” Mao lui sourit faiblement, un peu confus. “Tu pourrais mieux choisir.” Mengwu ajouta, avant qu’il ne puisse dire quelque chose, et le sourire de Mao s’affaissa légèrement. Il ne pouvait parler que d’une chose : lui, eux. Ca le rendait triste, que Mengwu puisse penser ainsi, mais il pouvait comprendre pourquoi. Il avait toujours vécu un peu dans l’ombre des autres, des autres Wangs qui étaient tous brillants, ostensiblement brillants. Chaque Warlocks avait son Wang, et, même si, entre le gamin de douze ans et une femme, le choix de Mengwu avait été évident ; rien de tout cela n’était jamais entré en compte. Mao avait toujours su voir Mengwu pour ce qu’il était, il avait toujours pu voir ce qui se cachait derrière son masque. Il espérait pouvoir lui faire comprendre, un jour, qu’il n’avait pas été un choix par défaut, qu’il n’avait même pas été un choix du tout. Mao n’avait jamais prévu que tout cela puisse lui arriver, il n’avait pas voulu que ça lui arrive, lui qui avait toujours regardé avec un certain dédain les coucheries des uns et des autres, qui n’avait jamais compris pourquoi tant des siens prenaient tant de risques pour une simple amourette. “Non,” il lui répondit simplement, avant que Mengwu n’approche sa main de son visage en un geste d’affection inédit pour eux. “Je suis heureux que tu choisisses si mal.” Mengwu ajouta et Mao secoua la tête légèrement contre sa main. “Il n’y a rien de mauvais à te choisir, toi,” il commença d’une voix basse, “et je pourrais dire la même chose pour toi,” Mao les avaient entendus, tout ceux qui disaient qu’il était un freak. Il prit la main de Mengwu dans la sienne, la décolla de son visage pr venir embrasser légèrement ses doigts. “Tu es le meilleur choix, le seul choix. Et les autres, peu importe qui ils sont, tu n’as rien à leur envier, d’accord ?”

Mao regarda son invité avec douceur, alors que Mengwu pressait ses doigts entre les siens. “Ce sont eux qui ont quelque chose à m’envier, plutôt.” Mao lui lança un sourire amusé, il n’était pas vraiment d’accord, et il doutait que beaucoup seraient rendus à envier Mengwu à ce moment précis, mais il savait qu’il serait inutile de parlementer, et si Mengwu estimait avoir une telle chance d’être avec lui, peu importe ce que cela voulait dire, c’était une bonne chose. Et il semblait que Mengwu pouvait lire tout droit dans ses pensées, s’il en croyait les mots qui sortaient de sa bouche. “La dernière fois, on s’est laissé sur…  je me disais que… que… je n’étais pas certain de bien avoir… avoir compris ce que tu voulais dire par...” Mao ne put s’empêcher de lui lancer un sourire accompagné d’un regard interrogateur. Il se doutait bien de ce dont Mengwu parlait, après tout, leur dernier au revoir avait été mémorable, du moins pour lui. Et pour Mengwu aussi, s’il en croyait la rougeur qui s’était emparée de ses joues.

La tentation de lui faire dire, vraiment, ce qu’il voulait était grande, il aurait pouvoir voir jusqu’où il pouvait aller avec lui, voir quelle était sa limite et surtout ce qu’il se passerait une fois que celle-ci serait atteinte.Mais il était peut-être plus judicieux de garder tout cela pour une autre fois, quand ils auraient avancé davantage dans cette relation, lorsque Mao serait plus certain de ne pas le braquer. Parce qu’il savait que tout cela était nouveau, et surement assez angoissant pour lui, il partageait cette angoisse, d’une certaine manière; elle venait avec l’aspect inattendu de leur relation.

Il se leva lentement de son fauteuil, gagnant ainsi quelques précieux centimètres, il était toujours plus petit que Mengwu, évidemment, mais il pouvait au moins l’atteindre, ainsi. Il détacha sa main de la sienne pour la loger dans son cou, caressant de son pouce la ligne aiguisée de sa mâchoire. Il plongea un instant son regard dans le sien avant de s’avancer et de finalement clore la distance entre leurs corps. Il l’embrassa avec douceur et détermination, ses doigts arpentant sa peau alors que ses lèvres glissaient sur les siennes. Ce baiser là était bien différent de celui qu’ils avaient partagé auparavant, plus intense, plus révélateur, aussi, ce qui aurait pu passer pour un moment d’égarement la dernière fois ne l’était définitivement pas cette fois là. “Tu comprends maintenant ? Ou tu as besoin de plus d’explications ?” il lui demanda, le sourire aux lèvres.