Pour la seconde fois seulement de sa vie Ginny passe son été ailleurs qu'au Terrier. La première fois, c'était l'été de ses douze ans et sa famille avait gagné un voyage en Égypte. Pour elle qui n'avait jamais mis les pieds en dehors du Royaume-Uni, et même en réalité de la Grande-Bretagne ç'avait été une expérience extrêmement impressionante. Cette fois-ci, c'est un peu différent. Passer l'été à Londres est certainement très différent de ses étés habituels à la campagne, mais le 12 Square Grimmauld n'est pas exactement aussi fascinant que l'Égypte et ses merveilles antiques. Non que Ginny ne s'ennuie évidemment, c'est difficile de s'ennuyer avec Fred et George dans les parages, même quand on est aussi accoutumée qu'elle à leurs frasques. Mais elle s'ennuierait encore moins si on ne s'abstenait pas de leur raconter ce qu'il se passe derrière cette fameuse porte fermée tous les après-midis, qui fascine absolument tous les jeunes de moins de dix-sept ans de la maisonnée. Au début, ça allait encore, quand ils se partageaient les oreilles à rallonge des jumeaux pour écouter à la porte. Mais le jour de l'arrivée de Harry — Ginny essaye encore de savoir s'il s'agissait ou non d'une coïncidence — la mère Weasley a décidé de mettre un sort d'impassibilité sur la porte de la cuisine, ce qui, comme Tonks l'avait prédit à Ginny bloqua complètement l'invention pourtant géniale des jumeaux. De fait, donc, si les adolescents ne s'ennuient pas exactement, ils ne sont pas ravis d'être là non plus. Kreattur est divertissant quand il n'est pas complètement insultant et dépoussiérer les tableaux, occupation d'une après-midi fut loin de captiver Ginny. (Ni personne). Ceci dit, à défaut d'avoir les informations croustillantes de l'Ordre, le groupe de jeunes a au moins récupéré Harry sous leur aile à son arrivée quelques jours avant son procès. Compensation sûrement très intéressante pour Ron et Hermione au moins.

Ginny va bientôt avoir quatorze ans — la veille du procès de Harry justement —, mais ça ne l'exonère pas des taches ménagères sous lesquelles les jeunes sont brusquement enfouis, comme si l'arrivée de Harry avait soudain rappelé à Molly l'état général de la maison et accéléré le processus de nettoyage intensif. Souvent mise en équipe avec Hermione, parfois avec Tonks aussi quand elle est disponible, Ginny se distrait comme elle peut — en planquant la figurine de quidditch préférée de Ron sous un canapé ou en écrivant avec Tonks des injures comiques dans la poussière — mais le Terrier lui manque un peu. Elle n'y travaillait pas moins, c'est certain, mais au moins elle avait le jardin et les champs attenants pour courir, s'amuser au lancer de gnomes ou faire un tour en balai. À Londres, c'est plus compliqué, d'autant qu'elle n'a pas vraiment l'occasion de visiter la capitale vu que ses parents ne la laissent pas sortir. Pour prendre l'air, il n'y a que la cour derrière l'immeuble où vivaient les Black, où sont entassés des meubles rongés par les mites ou infestés de doxy et d'où Buckbeak peut se dégourdir un peu les ailes (quoiqu'il soit toujours enchaîné à un mur). Les jeunes ne sont pas invités à beaucoup s'y rendre, mais quand la maison commence à ressembler à quelque chose d'à peu près acceptable, Ginny et Tonks ont pour mission de commencer à y mettre de l'ordre. “ What do you think that was used for? ” Demande Ginny en brandissant devant Tonks un instrument mystérieux et tout rouillé.  “ Looks like a giant pair of tweezers…maybe it's what they used to measure the size of houselves' heads? I heard they did that. ” Ginny plisse les yeux, se demandant si son ainée se paye sa tête.

Finalement, au milieu de l'après-midi quand elles ont déjà bien déblayé les lieux et nourri Buck au passage après leur propre déjeuner, Tonks l'abandonne : elle a la chance, elle, d'assister aux réunions de l'Ordre. Ginny pourrait presque l'oublier parfois tant Tonks la fait se sentir à l'aise et comme si leur différence d'âge n'était rien, mais elle est Auror, et douée avec ça. Un atout pour l'Ordre, d'après Molly. Ginny fait la moue, déçue de perdre sa coéquipière qui rendait définitivement la tâche plus agréable avec ses transformations intempestives et Tonks lui ébouriffe les cheveux en promettant de lui envoyer quelqu'un pour la remplacer. Ginny donne un petit coup frustré dans une planche en bois avant de se remettre à la tâche avec humeur. Elle s'attend à voir débarquer Hermione ou Ron pour l'aider mais finalement quand des bruits de pas résonnent dans la cour, c'est Harry qu'elle découvre en se retournant. “ Hey, ” fait-elle sans masquer sa surprise. Ils se sont déjà vus au petit-déjeuner puis au déjeuner, mais ils n'ont pas eu beaucoup l'occasion de parler. Non qu'ils parlent beaucoup de manière générale, ils ne sont pas amis. Pas faute pourtant pour Ginny de (bien) l'aimer. Elle aimerait bien qu’ils deviennent amis. Mais chaque chose en son temps. Il serait déjà judicieux qu’elle suive les complètement le conseils d’Hermione et tache de l’oublier. Elle peut toutefois déjà se féliciter de ne plus rougir outrageusement en sa présence et d'être capable d'enfin aligner plus de trois mots. En groupe, elle peut même avoir une vraie conversation avec lui. Mais ils n'ont jamais vraiment eu l'occasion d'être seuls. Jusqu’à maintenant. “ Everyone else was busy? ”

“ You'll sleep tomorrow. — Ugh, Hermione, you have no idea...! I swear it gets worse as the weather gets better, it's like his nose is tuned in to the temperature or something... ” Hermione rit un peu malgré lui devant la mine défaite d'Harry qui n'a pas fermé l'oeil de la nuit à cause des ronflements de son camarade de chambre. C'est la deuxième nuit d'affilée depuis qu'il a quitté Privet Drive, et Harry ignore comment il va finir l'été à ce rythme... Il avait oublié combien les ronflements de Ron pouvaient devenir forts, et ça semble encore pire quand les épais rideaux entourant les lits d'Hogwarts ne sont pas là pour atténuer les sons. “ It's like a-- — Shhh... you guys! I think they're going to have a meeting... ” leur parvient le murmure affolé de Fred, et aussitôt leur petit groupe cesse de discuter à mi-voix. Ils sont en train de récurer les divers médaillons qui se trouvent sur l'un des imposants murs de la maison des Black, c'est l'une des dernières choses qu'il reste à faire avant que Mrs Weasley accepte l'état de la maison comme étant décent — elle a déjà prévu de leur donner la vaisselle à faire à la main, bien entendu. Les oreilles se tendent, les regards se rivent vers la porte qui mène au couloir qui mène à l'escalier qui mène au salon où les membres de l'Ordre, Molly a confisqué les farces et attrapes utiles de Fred et George mais peut-être pourront-ils...

“ Harry? ” parvient une voix, criée depuis le rez-de-chaussée et Harry sursaute malgré lui. Il a le coeur qui bat à cent à l'heure, pensant naïvement qu'on le veut avec eux pour la réunion, et se précipite à la rambarde pour regarder qui vient de l'appeler: Tonks, qui lève la tête vers lui avec un sourire. “ Mind giving a hand to Ginny in the backyard? ” Il essaie de ne pas montrer sa déception alors qu'il hoche la tête, retirant ses gants de protection en descendant les marches. “ Try to see through the window, ” lui marmonne George quand il passe devant lui et Harry lui adresse un regard brave et sérieux. Défilent dans la maison des Black des dizaines de sorciers, tous étrangers et similaires à la fois, qui s'enferment pendant des heures et des heures pour des réunions auxquelles Harry n'entend rien. Il essaie de tendre l'oreille alors qu'il passe devant la porte du salon mais ne croise que le regard de Sirius, à l'intérieur, qui lui fait un clin d'oeil avant de lui faire signer de bouger. Sa place n'est pas ici.

Harry est un peu vexé et déçu en sortant, seulement soulagé quand un léger vent vient lui effleurer les joues. Il fait si chaud, dans cette maison, et il est reconnaissant pour cette fraîcheur inattendue. Il imagine qu'en descendant au rez-de-chaussée pour rejoindre le rendez-vous, Molly trouvera d'autres tâches au reste du groupe pour les occuper sans leur laisser la possibilité de les espionner. “ Hey, ” l'accueille Ginny et Harry lui offre un rapide petit sourire, levant la main pour repousser ses lunettes le long de son nez. “ Hiya. ” Il s'approche d'elle. Alors qu'ils étaient confinés à l'intérieur, il a entendu que Tonks et Ginny avaient été envoyées nettoyer le jardin de derrière. Machinalement, les pas d'Harry le mènent à Buckbeak, qui piaille en le reconnaissant, agitant la tête et faisant tinter la chaîne autour de son cou. “ Everyone else was busy? ” Il secoue la tête et rajoute, pensant que peut-être elle ne le regarde pas: “ Tonks asked for me. ” Il fait un peu la moue, avant de s'incliner devant Buckbeak respectueusement, souriant quand il sent la tête de l'hippogriffe s'approcher et caresser son crâne. “ Did you ask for me? ” demande-t-il en tournant la tête vers Ginny, ses mains venant se mêler aux plumes du magnifique animal. “ Did you ask for me? ” demande-t-il ensuite à Buckbeak qui frotte sa mâchoire contre sa main comme un énorme chat à plumes possédant des ailes et un caractère bien trempé.

“ Good boy. ” Après avoir fait ses salutations au majestueux animal, Harry retourne vers Ginny. “ So what's the plan? I was thinking, maybe we could climb up that tree to try and get a look at their meeting through the window, ” dit-il à voix basse, Harry ne perd pas le nord, et il en a marre de passer ses journées à nettoyer en se faisant infantiliser par les membres de l'Ordre.

Harry s'est approché de l'hippogriffe que Ginny et Tonks, elles, ont préféré laisser tranquille dans son coin après lui avoir donné quelques pigeons à manger. Pour être honnête, Buckbeak fait un petit peu peur à Ginny. Non pas qu'elle croie tout à fait aux accusations qui ont fait que l'animal a été condamné à mort il y a maintenant deux ans, mais tout de même. Elle sait que les hippogriffes sont fiers et dangereux quand on ne se comporte pas correctement face à eux et puisqu'elle n'a pas appris à le faire, elle préfère encore éviter les accidents. Pourtant il a l'air tout inoffensif quand il piaille en reconnaissant apparemment Harry. “ Tonks asked for me. ” Ginny fronce les sourcils, profitant du fait que l'attention de Harry semble toute accaparée par l'hippogriffe. Elle se demande si Tonks a fait exprès de demander à Harry de venir la voir, surtout si d'autres étaient disponibles comme semble l'indiquer le signe de tête qu'il lui a adressé. Tonks sait bien que d'habitude c'est avec Hermione que Ginny fait équipe. Peut-être que c'était pour permettre à Harry de venir dire bonjour à Buckbeak… “ Did you ask for me? ” Elle a beaucoup de mal à ne pas s'empourprer alors que le Survivant se retourne brusquement vers elle, ses mains toujours dans le plumage de Buck. Elle secoue la tête doucement, forçant son cœur à rester calme et ses joues à conserver leur pâleur habituelle : elle ne ment pas après tout, elle n'a pas demandé à Tonks de le chercher lui. Elle n'a rien demandé, à vrai dire et si elle avait dû quémander un compagnon elle n'aurait jamais osé prétendre à Harry. Surtout qu'elle aurait eu tendance à penser qu'il aurait refusé. “ Did you ask for me? ” demande-t-il donc plutôt à Buckbeak qui aurait presque l'air de répondre oui alors qu'il frotte sa mâchoire contre la main de l'adolescent. Il a l'air complètement inoffensif désormais et même carrément adorable. “ Good boy. ” Ginny a du mal à réprimer le sourire attendri qui lui pend aux lèvres et tente de le transformer en risette amusée alors qu'Harry se tourne de nouveau vers elle. “ So what's the plan? I was thinking, maybe we could climb up that tree to try and get a look at their meeting through the window, ” Elle fronce les sourcils, confuse un instant, parvenant toutefois finalement à suivre le fil ses pensées. Pour Ginny, le plan, c'était juste de ranger la cour comme on le lui a demandé et faire vite avec ça histoire d'être débarrassée de cette tâche. Elle n'est pas plus ennuyeuse que celles qu'on leur donne à faire à l'intérieur de la maison, mais Ginny, un peu naïvement sûrement, espère encore qu'à un moment Molly finira par considérer que le domaine Black est assez propre et donc par les laisser tranquille. A girl can dream. Mais Harry est à mille lieues de tout ça visiblement et il a tout de suite vu dans sa nouvelle mission une opportunité. Ginny n'avait même pas pensé au fait que avec un peu d'imagination espionner la cuisine depuis la cour était possible — sûrement parce qu'elle était flanquée de Tonks et donc complètement distraite. Mais l'idée lui plaît. La façon de penser d'Harry aussi.

“ You know what? That might just work! I don't think mum has thought of that just yet. ” Après tout le sort d'impassibilité n'a été jeté qu'après deux ou trois réunions que les jeunes ont réussi à espionner avec les oreilles à rallonge. Molly ne pense pas (encore) à tout. Et surtout, si elle est habituée aux idées des jumeaux, elle ne peut encore anticiper celles toutes aussi folles d'Harry. “ I like how you think Potter. ” sourit-elle, mutine, avant de lâcher ses ustensiles rouillés, sans le moindre regret, pour s'approcher de l'arbre. Elle s'arrête à un mètre du tronc les yeux plissés et une main sur son front faisant barrage au soleil, étudiant les branches, leur épaisseurs et les angles de vues possibles. Grimper ne va pas être facile et il n'y a qu'une ou deux branches qui semblent à vue d'œil assez solides pour les soutenir tous les deux, mais… ça vaut le coup d'essayer. Quand Harry la rejoint elle lui offre un petit sourire complice, jetant instinctivement un regard par-dessus son épaule, vers Buckbeak abandonné. “ Hey, say Harry, ” elle fronce un peu les sourcils, la timidité avec lui est difficile à oublier. Elle fait de son mieux. “ D'you think you could teach me how to er… approach him? Not right now obviously we've got this to do but er… later maybe? ” Elle croise son regard et parvient à le soutenir malgré sa nervosité. Ce n'est pas qu'une excuse pour passer du temps avec lui même une fois qu'ils auront terminé tout ce pour quoi ils sont là. Ginny avait un petit peu peur de Buckbeak et en le voyant interagir avec Harry elle a compris qu'il n'y avait pas vraiment de quoi et comme pour la plupart de ses peurs, surtout celles qui ne sont pas raisonnables, Ginny veut mettre un point d'honneur à les surmonter. Passer du temps avec Harry, s'il accepte, n'est qu'un bonus. “ Anyways, d'you know how to climb trees? ” Harry n'a pas du tout eu la même enfance qu'elle et, puisqu'ils ne se connaissent somme toute pas si bien que ça (même si elle, à travers Ron, a appris beaucoup de choses sur lui), elle a un léger doute à ce sujet.

“ You know what? That might just work! I don't think mum has thought of that just yet. ” Harry et Ginny échangent un rapide regard complice. Harry aime bien comploter avec les jumeaux, Ron et Hermione; il n'en a pas vraiment eu l'occasion avec Ginny. Ils n'ont jamais été proches, pas vraiment, ils sont amis — du moins c'est ce que pense Harry — mais sans plus. Il faut dire qu'avant cet été, Ginny semblait bien incapable d'aligner deux mots face à lui. “ I like how you think Potter. ”  Il lui sourit en coin en réponse, s'écartant de Buckbeak après quelques dernières caresses pour s'approcher en même temps qu'elle de l'énorme arbre centenaire qui est planté au milieu du jardin des Black. Il lève avec elle le nez pour regarder les diverses branches de l'arbre (remarquant avec une moue que malgré leur année d'écart, ils font presque la même taille), les étudiant sans savoir quoi regarder ou chercher.  “ Hey, say Harry. — Hm? ” fait-il, un peu évasif, espérant qu'elle ne lui demande pas son avis quant à leur ascension imminente. Quand elle ne répond pas tout de suite, il tourne la tête vers elle et suit son regard vers Buckbeak. “ D'you think you could teach me how to er… approach him? Not right now obviously we've got this to do but er… later maybe? ”

Harry est complètement surpris et hausse les sourcils, les laissant dépasser la limite de ses lunettes. Son air surpris laisse rapidement place à un petit sourire amusé. “ Of course Ginny! There's not a lot to it to be honest. ” Il est plutôt fier, ceci dit, de sa relation avec l'hippogriffe: seul Sirius en est aussi proche il lui semble, et Harry sait que c'est un grand honneur. Des fois quand il est triste, il se remémore le gémissement plein de douleur de Malfoy après sa rencontre impromptue avec un hippogriffe vexé. “ Anyways, d'you know how to climb trees? ” Il fronce les sourcils et fait la moue en reposant son regard sur l'arbre. “ Of course I know how to climb trees! ” s'offusque-t-il presqu'aussitôt. “ ... in theory. ” Sa moue s'approfondit. “ Not really. ” Il l'a déjà fait pourtant, chez les Weasley, quand ils allaient faire des randonnées autour du Terrier ou se baigner dans la rivière voisine. Mais jamais avant ça. Et jamais avec confort et agilité... “ I'll race you to that big branch there. ”

Bien entendu, c'est Ginny qui gagne, et Harry qui grogne de douleur quand il se laisse tomber sur la branche voisine. Il est tout en sueur, le soleil écrasant du Londres londonien n'aidant en rien, mais l'âge et la robustesse de la branche lui permet de presque s'y allonger pour reprendre son souffle alors que Ginny le darde d'un air goguenard. Harry reprend sa respiration et finit par se pencher un peu pour essayer de voir quelque chose de la fenêtre... oui! Il croit voir... un rideau orange. À moins que ce ne soit les cheveux de Mrs Weasley. “ Can't see much. You? ”

“ Of course Ginny! There's not a lot to it to be honest. ” Ginny essaye de ne pas trop overthink la réponse de Harry et son air très surpris quand il a entendu sa question. Elle ignore s'il fait preuve de simple modestie en affirmant que ça n'est pas grand chose, ou s'il considère vraiment que c'est facile et pense secrètement qu'elle est débile de demander de l'aide pour si peu. Elle préfère encore ne pas trop s'attarder sur la question, souriant simplement, contente qu'il ait accepté, quoi qu'il en soit, et enchaînant plutôt sur leur mission actuelle. Au froncement de sourcils qui suit sa deuxième question, ainsi qu'à la petite moue qui fend les lèvres d'Harry, Ginny croit avoir sa réponse. Et elle ne coïncide pas vraiment avec celle qu'il lui offre oralement : “ Of course I know how to climb trees! ” quoique : “ ... in theory. ” La moue d'Harry s'approfondit et Ginny retient un sourire amusé. Elle ne voudrait pas qu'il croie qu'elle se moque. Ça n'est pas le cas, vraiment pas, elle trouve juste ça mignon, son air offusqué, son aveu ennuyé. Ce n'est pas un talent incroyable que de savoir grimper aux arbres et il n'en est pas moins une personne et un sorcier formidable. Il doit le savoir. “ Not really. ” Elle pourrait lui apprendre. S'il le lui demandait. Mais il ne le fera pas et Ginny n'est pas assez proche de lui pour le proposer non plus. “ I'll race you to that big branch there. ” Elle hausse un peu les sourcils face au défit qu'elle est absolument incapable de refuser, bien qu'elle fasse plus que se douter désormais qu'il ne pourra tout simplement pas gagner. Et effectivement : après des efforts et de la sueur Ginny pose enfin son postérieur sur la branche la plus large et mieux placée alors que Harry ne se laisse tomber sur une autre un peu plus loin et un peu moins grande que quelques minutes plus tard. Il a fait un bel effort ceci dit, il peut être fier de lui. Elle l'observe alors qu'il ne perd pas beaucoup de temps à s'installer un peu mieux et se pencher pour tenter d'apercevoir l'intérieur de la cuisine. Il se dissipe moins qu'elle. (Normal, il n'a rien pour le distraire).

Elle secoue la tête et détourne le regard de son profil pour faire comme lui. “ Can't see much. You? ” Elle plisse un peu les yeux et se penche un peu plus avant de hocher lentement la tête.  “ Yeah…I think… ” Quelqu'un est debout, dos à la fenêtre : Tonks devine-t-elle facilement car en un battement de cil la chevelure rousse devient bleue. Elle parvient en plissant un peu plus les yeux à reconnaître un visage, celui de Sirius, qui parle et parle et parle. “ I mean.” Elle fronce les sourcils. Ils ont tous les deux, dans leur engouement à l'idée d'essayer quelque chose de nouveau pour enfin démêler certains des secrets de ces fameuses réunions, oublié un léger détail : “It's not like they're doing much in this room, you know. They just talk. And well…they're talking. ” Ginny ne sait pas lire sur les lèvres, un talent qu'elle devrait peut-être essayer de développer pour l'avenir, et quand bien même elle le saurait ça serait difficile à cette distance. Le plan de Harry s'avère un peu inutile. “Wait! He's holding something — Sirius — and- oh. ” Elle se renfrogne et son ton excité s'assombrit bien vite : “ It's just a bottle of butterbeer. ” Elle adresse un regard dépité à Harry. Sans le son, il y a peu d'intérêt à épier le meeting des membres de l'Ordre. “ Sorry. ” Elle hausse les épaules et fait la moue. Elle est déçue, mais quelque chose lui dit que Harry l'est plus encore. En un sens, si ça les intrigues tous, ça le concerne lui plus que tous les autres. Elle ne doute pas vraiment qu'il est mentionné pendant certaines de leurs conversations. Il est le dernier à avoir vu Voldemort vivant après tout. Voldemort revenu. Il n'est pas impossible non plus que l'on discute de son procès… À sa place, elle aussi aimerait savoir de quoi il en retourne. “ We can keep looking though, maybe we'll find something out. ” Un indice quelconque de l'objet de la réunion du jour, peut-être.

Harry ne voit pas grand-chose, ses cheveux ont un peu poussé depuis le début de l'été et il souffle un peu pour renvoyer une mèche de cheveux sur son front. Ses petites lunettes rondes, quant à elles, sont à moitié translucides à cause de la condensation de sa sueur. Toujours élégant. “ Yeah…I think… ” En entendant que Ginny voit quelque chose, Harry se penche un peu plus pour regarder, espérant apercevoir quelque chose... Les rideaux deviennent bleus... et Harry comprend qu'il s'est fait avoir par Tonks. Ses cheveux viennent de prendre une couleur bleue... froide... est-elle triste? Apeurée? ...nerveuse? Harry se perd en conjonctures inutiles malgré lui. “ I mean. — Yeah?? ” insiste-t-il impatiemment, se disant aussi qu'il va falloir qu'il aille faire changer ses lunettes chez Specsavers incessamment sous peu. “ It's not like they're doing much in this room, you know. They just talk. And well…they're talking. — Oh. ” Il fronce les sourcils. Il n'a pas pensé à tout. Évidemment, sans l'audio qu'aurait pu leur procurer les inventions confisquées de Fred et George...

“ Wait! He's holding something — Sirius — and- oh. — What? What is it? — It's just a bottle of butterbeer. — Ugh. ” Il soupire lourdement en changeant un peu ses prises sur l'arbre pour poser son visage contre la branche et observer Ginny. “ Sorry. ” Il grogne un peu comme toute réponse. Pas besoin de s'excuser. Ils n'y arriveront sans doute jamais... “ We can keep looking though, maybe we'll find something out. — Maybe... ” Il n'a pas l'air trop convaincu. Il tourne de nouveau la tête pour se remettre à regarder la maison, étudiant les différents étages. Au troisième, il voit la silhouette de Kreacher près de la fenêtre, la regardant d'un air mauvais: quand leurs regards se croisent, l'elfe de maison tire vite le rideau et s'en va, laissant Harry avec une étincelle de dégoût au fond de la bouche. Il ne connait l'elfe que depuis quelques jours mais il a vite compris qu'il n'avait rien en commun avec Dobby.

“ This house is so strange... ” Après être allé au Terrier plusieurs fois, Harry s'était habituée aux maisons belles et absurdes des sorciers. Grimmauld Place est différente. Étroite, austère, et la magie à l'intérieur... Harry ignore si c'est pour de vrai mais on dirait que la magie, vieille, poussiéreuse et puissante, est plus lourde ici. Il a du mal à dormir. Ses cauchemars, peuplés de Cedric qui meurt, encore et encore, sous ses yeux, ne sont pas aidés par cette ambiance parfois un peu pesante... Il secoue la tête pour s'éclaircir les pensées. “ Should we get down before your mum sees us? She'd probably kill us if she knew we were up there... ” Il grimace un peu, adressant en même temps un léger sourire à Ginny. Il jette un dernier regard vers la fenêtre, déçu. “ What do you think they talk about in there? D'you think... ” La pensée le perturbe un peu et il reste silencieux, ramène une main à son visage lentement (de peur de tomber) et remonte ses lunettes sur son nez dans un geste mécanique. “ D'you think we're going to fight him? Like- like the First War? ”

“ Maybe...” Harry a l'air vraiment déçu et peu convaincu par l'offre de Ginny qui ignore quoi proposer d'autre. Elle n'y peut rien dans le fond s'ils ne peuvent pas entendre la conversation de là où ils sont et si voir sans le son n'a pas grand intérêt. Pourtant elle prend sa déception à cœur, comme si elle en était entièrement responsable et elle fait la moue malgré elle. Qu'importe : Harry ne la regarde déjà plus, la tête tournée vers une autre fenêtre de la maison, Ginny tentant de ravaler sa moue et la mauvaise humeur qui lui pend au nez. Elle se doute qu'Harry n'a plus aucun intérêt à rester ici, avec elle, et que puisqu'il n'a pas l'air du tout d'être venu pour effectuer même le strict minimum de tâche ménagère avec elle, il va repartir si tôt qu'ils seront chacun descendus de leur branche. “ This house is so strange... ” Elle fronce un peu les sourcils, presque surprise qu'il fasse même un semblant de conversation avec elle après l'échec de son plan. Elle ne sait pas vraiment quoi lui répondre toutefois. Elle est assez d'accord : cette maison est loin d'avoir la chaleur du Terrier, c'est certains et même la maison poussiéreuse de sa grande tante Tessie est plus accueillante que l'ancestrale maison des Black. Ceci dit, c'est plus grand que le Terrier surtout vu le nombre d'habitants, beaucoup plus réduit, qui y a un jour vécu. Même maintenant qu'ils sont bien plus nombreux à occuper les lieux, ils ont beaucoup de place, Ginny trouve. “ Should we get down before your mum sees us? She'd probably kill us if she knew we were up there... ” C'est même tout à fait certain : Ginny ne donne pas cher de leurs peaux si Molly les trouve ici, en train d'essayer de les épier. Ou du moins, elle ne donne pas cher de sa propre peau. Sa mère semble incapable de ne serait-ce que hausser le ton avec Harry. Ce dernier jette comme un dernier regard vers la fenêtre et la déception peinte sur son visage est comme un coup au cœur de Ginny. Elle aimerait tant être capable de provoquer un de ses jolis sourires.

“ What do you think they talk about in there? D'you think... ” Elle penche la tête de côté, curieuse de la fin de sa phrase, intriguée (et touchée) par le fait qu'il lui demande son avis, à elle, la petite sœur de son meilleur ami. Elle ne se fait pas d'illusion toutefois : c'est juste qu'il l'a sous la main, rien de plus. “ D'you think we're going to fight him? Like- like the First War? ” Ses traits s'alourdissent sous le poids de la question et elle prend le temps d'y réfléchir, arrangeant sa position sur sa branche désormais qu'elle ne se sent plus obligée d'observer la fenêtre de la cuisine. La vérité c'est qu'elle n'en sait trop rien. Ginny a treize ans — quatorze, dans à peine une poignée de jours —, elle a déjà côtoyé la mort de près à cause de ce même him dont parle Harry et c'est ce dernier qui l'en a sauvée. Elle a peur, le contraire serait stupide, mais elle a aussi envie de croire que tous les exploits accomplis par Harry ne sont pas des coïncidences et qu'un jour il pourra — ils pourront (elle ne sait pas si elle est comprise dans ce tout, mais elle aimerait) — le battre pour de bon. “ I think so. ” finit-elle par répondre allongée sur le ventre sur sa branche, le menton dans le creux d'une main, les yeux étudiant le visage d'Harry.  “ It's what it means doesn't it? The rebirth of the Order, it means, Dumbledore is treating it- the situation- like the First War. So I guess they're preparing for that. ” Ils — sans elle, sans Harry non plus. C'est une erreur, elle pense, même si Harry n'a qu'un an de plus qu'elle, il devrait être inclus. Elle a du mal à imaginer la guerre contre Voldemort sans lui. “ I wonder how they plan on doing it. ” Elle se mordille la lèvre, se sentant franchement inutile, incapable de réconforter Harry parce qu'elle ne sait pas ce qu'il ressent. “ I just hope…this time around- I hope they- -we,” se corrige-t-elle timidement, qu'elle soit inclue ou non, prenne part à l'effort ou non, il s'agit de son camp. “-can win sooner, you know, before there are as many casualties as last time. ” Ginny n'a jamais connu ses oncles maternels à cause de cette première guerre. Harry a perdu ses parents. Elle fait confiance aux adultes dans la cuisine encore observée il y a quelques minutes à peine. Elle croit en eux, croit en l'Ordre. Mais elle a du mal à être tenue à l'écart malgré tout, du mal à complètement avoir foi quand elle n'est pas en possession de tous les éléments. Elle se demande si Harry ressent la même chose. “ It's hard not to know what the plan is though. ” Elle ne demande pas une voix, elle demande juste à en savoir plus sur les prémices d'une guerre qui secouera certainement sa génération.

À la Première Guerre Sorcière, Harry a perdu ses parents. Ginny a perdu ses oncles. Et certainement d'autres gens dont il n'a pas entendu parler. Quand il entend les Weasley ou même Sirius en parler, il ne peut pas s'empêcher de frissonner. Une guerre, une véritable guerre de magie et de sang. Harry a été choqué d'en entendre parler avant: comment est-ce qu'une guerre intestine au Royaume-Uni avait-elle pu se dérouler au nez et à la barbe des moldus? “ I think so. ” Les traits d'Harry s'assombrissent malgré lui. D'autres sorciers vont mourir alors. Des sorciers normaux et innocents comme Cedric, qui était à peine un adulte. Il trouve ça ridicule que les membres de l'Ordre ne veulent pas les convier à leurs réunions secrètes, surtout les jumeaux qui ont l'âge. Ou même lui qui a été le seul à être confronté à Voldemort plus d'une fois, à l'avoir vu en face-à-face depuis son retour... repenser à juin dernier lui fout des frissons désagréables. Les yeux rouges de Voldemort, le corps blanc de Cedric, le vert du sortilège mortel... Pettigrew...  “ It's what it means doesn't it? The rebirth of the Order, it means, Dumbledore is treating it- the situation- like the First War. So I guess they're preparing for that. ” Ils. C'est bien ça le problème. Ses parents sont morts quand ils avaient vingt-et-un ans chacun. Quinze ans, vingt-et-un... Il trouve ça injuste. Je l'ai combattu, je l'ai vu, sans moi, vous ne le sauriez même pas, qu'il est de retour, aimerait-il leur dire, mais ils ne veulent pas entendre.

“ I wonder how they plan on doing it. ” Il hoche la tête. Même Sirius, qu'il pensait pourtant être une source de confiance totale, ne lui a rien dit. Il aurait pu lui toucher deux mots... “ I just hope…this time around- I hope they- -we can win sooner, you know, before there are as many casualties as last time. ” Il est bien d'accord. Mais ils ne mettent pas tout de leur côté si ils refusent qu'ils aident, les jeunes. Ils sont plus que capables... ou sur la voie de l'être. “ It's hard not to know what the plan is though. — I know, ” soupire-t-il avec agacement. “ They're keeping us in the dark because they want to protect us but clearly, Voldemort won't be that kind when he comes for us. ” Le nom du Mage Noir lui vient toujours trop vite, s'échappe d'entre ses lèvres alors qu'il ignore les frissonnements gênés et apeurés de ses proches. Il a détourné les yeux de Ginny, regardant la fenêtre d'un air pensif; il n'essaie même plus de voir à travers. Il réfléchit juste, se perd dans ce futur qui lui semble bien sombre. Lui qui pensait que la magie pouvait tout résoudre... “ I wish no one else would die... ” rajoute-t-il d'une voix plus basse, repensant au corps immobile de Cedric, son regard vitreux.

En un instant, il est de retour dans le cimetière. Le chaudron, le sang, le couteau, Pettigrew, Cedric, non!, les sorts, ses parents...

Ses parents, tués par Voldemort. Pendant une guerre similaire à celle-ci. Il se demande combien d'orphelins vont ressortir de cette guerre. Ou combien de gens comme Amos Diggory vont voir leurs vies entières se fissurer à cause d'un simple et unique sortilège. “ I'm scared, Ginny, ” finit-il par admettre, l'aveu étant presque douloureux et étouffant. Il est désormais incapable de la regarder, après avoir prononcé des trois mots qui n'auraient jamais dû dépasser la frontière de ses lèvres.

“ I know, ” Ginny sait qu'elle prêche à un converti. Elle sait aussi que, peu importe ce qu'elle ressent à l'idée d'être mise à l'écart, pour Harry, ça doit être cent fois pire. Il a objectivement dix fois plus de raisons d'être admis dans cette pièce. Il a de bonnes raisons d'y être admis, tout court. Sans Harry il n'y aurait pas même de renaissance de l'Ordre. “ They're keeping us in the dark because they want to protect us but clearly, Voldemort won't be that kind when he comes for us. ” Le us, qui l'inclut cette fois-ci sans aucun doute, la fait frissonner désagréablement. De la revanche d'un Voldemort revenu à la vie, elle ne verrait pas d'inconvénient à être laissée de côté. Mais elle ne pense pas qu'Harry la vise réellement, il vise leur génération, tout simplement, qui n'a pas moins de chance que les autres d'être touchée par la guerre qui se profile. Leur jeunesse n'est pas ce qui arrêtera les death eaters. Surtout s'ils cherchent à protéger Harry. En revanche, Ginny, n'a même pas tressauté quand il a prononcé à haute-voix le nom du mage noir : elle a peur de l'être lui-même, peur de ce dont il est capable — même à travers un vieux journal intime — mais elle n'a pas peur du nom. Ça n'est que ça, un nom. Et même pas le vrai en plus. “ I wish no one else would die... ” elle baisse les yeux presque honteuse de son pauvre petit souhait à côté de celui d'Harry. Pour autant si celui d'Harry est plus noble, le sien à elle est plus réaliste : avant que Voldemort ne soit mis définitivement hors d'état de nuire, il y aura certainement d'autres pertes humaines. Tout ce qu'ils peuvent espérer, c'est qu'il y en ait moins que la première fois. Mais contrairement à Harry, Ginny, elle, n'a vu personne mourir sous ses yeux, alors elle se garde bien de faire la moindre remarque quant à son vœux malheureusement un peu naïf. “ I'm scared, Ginny, ” Elle bat des cils, ses sourcils tressautant sous le coup de la surprise et elle observe un petit moment le profil fuyant du Survivant.

“ I know. Me too. ” Qu'Harry ait peur ne l'étonne pas plus que ça ; elle s'inquiéterait bien plus s'il n'était pas effrayé du tout. “ That's why I trust you. ” Il ne lui a pas demandé de lui faire confiance, il n'a même rien demandé du tout le pauvre. Mais Ginny pense que cette nouvelle guerre dépendra forcément un peu de lui et elle lui fait parfaitement confiance pour accomplir son rôle dedans. Il est noble et courageux, sa peur n'enlève rien à ça et il est déterminé aussi sans être complètement inconscient — ce qu'elle craindrait si, justement, il ne se rendait pas compte du danger pour lui comme pour les autres. La seule surprise que Ginny ressent, c'est celle liée au fait qu'il lui avoue sa peur. À elle. Elle ne croit pas se tromper en pensant qu'il n'en parlerait pas à n'importe qui. Et peut-être que c'est juste qu'il avait besoin de le dire maintenant et qu'elle s'est juste trouvée là, peut-être que ça n'est qu'un concours de circonstances qui n'ont rien avoir avec elle, mais Ginny se sent touchée malgré tout. Suffisamment pour justement s'ouvrir à lui, elle aussi, lui offrir des mots qu'il ne lui a pas demandé mais qui n'en sont pas moins sincères. “ I'm scared too. I think- we all are, or should be. But being scared of what might happen, during the fight, or if — Merlin forbids — He wins… that's as good a fuel as any. And fear…you know, I think it can make us be more prepared. Because what with last war's body count… I mean… no one wants a remake of that. ” Sauf justement l'autre camp, beaucoup moins regardant à ce sujet. Elle pince des lèvres, hésite un court instant puis se redresse en position assise sur sa branche. “ Let's go down, yes? It'll probably be over soon anyways and we do have to pretend to have been doing some work around here. ” Et il y a sa promesse de l'aider à faire connaissance avec Buckbeak aussi, s'il n'a pas oublié, si ça n'était pas que des mots en l'air.

Harry ne devrait pas lui dire qu'il a peur, lui aussi. “ I know. Me too. ” Il sait que pourtant, tout le monde a peur. Il le sait. Mais il a l'impression qu'il n'a pas le droit d'en faire partie. Il doit être celui qui se jette dans la gueule du dragon, celui qui explique en larmes ce à Dumbledore ce qui est arrivé à Cedric, celui qui peut rassurer Ron, en toutes circonstances, qu'ils vont s'en sortir. Harry n'a pas le droit d'avoir peur... et pourtant il est terrifié. Les ronflements de Ron sont absolument assourdissants mais ce n'est pas que ça. Presque toutes les nuits, quand il ferme les yeux, il voit la même scène, encore et encore, en boucle: le corps de Cedric sursautant, une fois frappé par le rayon vert, et s'immobilisant à jamais sur l'herbe. Il n'aurait jamais dû être là. Harry sait que c'est de sa faute... “ That's why I trust you. ” Il relève un peu brusquement les yeux vers elle. Il ne sait pas si il mérite cette confiance. Il pense que Ginny l'aime bien, l'aime trop, qu'elle le voit comme étant quelque chose ou quelqu'un qu'il n'est pas. Il est le Survivant, mais il n'est pas le héros qui a ramené Cedric comme tout le monde semble le penser. Il n'est que le lâche qui n'a pas pu le sauver. Qui l'a regardé mourir sans rien faire, sans même le venger. Il repense au cri de douleur d'Amos...

“ I'm scared too. I think- we all are, or should be. But being scared of what might happen, during the fight, or if — Merlin forbids — He wins… that's as good a fuel as any. And fear…you know, I think it can make us be more prepared. Because what with last war's body count… I mean… no one wants a remake of that. ” Elle doit avoir raison. Peut-être que tous les héros ont peur, au final, mais qu'ils le cachent mieux que tout le monde. Harry ne veut pas être un héros. Il veut simplement aller à Hogwarts et finir ses études et devenir Auror. Il n'a pas choisi tout ce qui lui est arrivé. Mais il sait que si ça se présente à lui de nouveau... il doit aider. Il refuse de voir le monde sorcier être mis à feu et à sang par Voldemort et ses sbires. C'est son monde maintenant. “ Let's go down, yes? It'll probably be over soon anyways and we do have to pretend to have been doing some work around here. ” Il hoche la tête. “ I need to introduce you to Buckbeak too, ” dit-il d'un ton qui se veut léger. Il lui adresse l'éclat rapide d'un sourire, avant de regarder le sol avec une grimace. Il n'a pas le vertige, mais il ne sait pas encore comment il va redescendre...

Ginny redescend avec la vitesse et l'agilité d'un singe, et finit par lui donner quelques conseils pour l'aider à en faire de même. Il atterrit juste en face d'elle et lui sourit maladroitement. “ Thanks. ” Pour ses conseils et avis pour descendre, mais aussi pour ses mots.

Il y a des vieilles branches mortes depuis des siècles, semblent-ils, qu'ils ramassent et ramènent dans un coin où les adultes pourront les couper en petit bois. Ils font ça tout en discutant de la saison de Quidditch de cet été, que malheureusement Harry n'a pas pu suivre. Il fait si chaud mais le travail physique lui fait du bien. Bien entendu, il trouve ça injuste que ce qu'ils font en une dizaine de minutes pourrait être fait en un mouvement de baguette magique, mais ça fait du bien, ça, aussi: agir sans réfléchir, faire quelque chose de ses mains (il n'empêche qu'il essaye parfois de regarder par la fenêtre le rendez-vous de l'Ordre en espérant voir quelque chose, en vain: Molly a dû les voir dans le backyard et tirer le rideau). Au final ils se mettent à ramasser ce qui reste, et Harry met la main sur une statuette de gnome de jardin... “ Look how ugly it is, ” fait-il en le montrant à Ginny avec une grimace. “ He looks like a mix between Mondingus and Filch... — OI, WHO YE TALKIN' ABIT BOY?? ” Harry pousse un cri de surprise en relâchant le gnome au fort accent écossais, qui se met aussitôt à le poursuivre en lui hurlant de s'excuser pour avoir comparé son doux faciès à celui des deux hommes les plus moches qu'Harry connaisse.

Ginny est en train de mourir de rire, plutôt que de l'aider, et c'est seulement quand Sirius débarque en les interpellant pour les inviter à boire du thé qu'Harry cesse d'être pourchassé: d'un mouvement de baguette, Sirius calme le nain. “ So you've met Fergus. He's... ” Le nain continue de s'époumoner, heureusement en silence, en flottant dans les airs. “ ... something. He keeps the actual gnomes away. Tea? ” propose-t-il et Harry et Ginny, à bout de souffle l'un à force d'avoir couru dans tous les sens pour échapper au gnome, et l'autre à force d'avoir ri en le regardant, hochent la tête avec entrain. “ Wait! ” appelle Harry quand ils commencent à rejoindre Sirius vers la porte menant à la maison. “ Maybe we'll join you later. ” Sirius hoche la tête avec un petit haussement d'épaules et laisse la porte ouverte. “ Buckbeak? ” propose-t-il à Ginny qui a l'air surprise. Il fronce les sourcils. “ Even though I'm not sure you deserve to get to know such a majestic beast anymore... you traitor! ” se plaint-il en lui enfonçant un doigt vicieux dans l'épaule.