march 2001

Cinq jours, cela faisait cinq jours qu'il avait fermé sa pote au nez d'Ethan. Cinq jours qu'il essayait à tout prix d'éviter de croiser son regard et tout ce qu'il pouvait lire dedans.
Son altercation avec Noam avait mis un bordel inouï dans sa vie et il aurait aimé pouvoir revenir en arrière, ne jamais le croiser ou partir avant qu'ils n'en arrivent à ce point là. Mais ça n'aurait été que repousser l'inévitable. Et une partie de lui savait qu'il avait sa part de responsabilité dans cette histoire. Il avait vu, il avait senti que leur relation avait pris un tournant inattendu et il n'avait rien fait pour l'arrêter. Ethan l'avait rendu égoïste, avec son enthousiasme et ses yeux qui lui faisaient perdre tout sens de self-preservation. Il avait été happé et il n'avait rien fait pour arrêter la machine, au contraire, il avait foncé droit dedans. Il avait laissé leurs gestes s'attendrir, il avait laissé leurs regards s'alourdir et il avait savouré chaque instant. Jusqu'à l'intervention de Noam.

Ethan avait essayé de venir le voir, le lendemain, il était venu à la porte de sa chambre, avec ses grands yeux tristes et paniqués, et Simon avait su à ce moment-là qu'il ne pouvait pas lui parler, que toute tentative serait vaine, parce que son désir d'être avec lui et de faire comme si rien ne s'était passé était plus fort que sa raison. Alors il avait réuni ses dernières forces pour lui dire qu'il ne pouvait pas lui parler, pas maintenant et il avait fermé la porte avant qu'Ethan ne puisse lui répondre. Depuis, il avait l'impression de le croiser tout le temps, partout, et il fuyait à chaque fois que le blond était à moins de dix mètres de lui. Ethan ne semblait pas se résigner, il avait continuer à essayer et Simon avait trouvé un mot sous sa porte le jour précédent :

Simon please, I just want to talk
Can you meet me, potions' room, tomorrow at 3? I'll be there
Please come,
I just want to talk

Le mot n'était pas signé mais le contenu ne laissait aucun doute quant à qui en était l'expéditeur. Il avait passé une partie de la nuit à y réfléchir et avait fini par prendre la décision d'y aller. Il ne pouvait pas éviter Ethan éternellement et refuser de lui parler donnait raison à Noam. Dick move.

Il avait marché jusqu'à la salle de potions quelques minutes après quinze heures, le coeur battant anormalement vite et la gorge serrée. Il avait ouvert la porte et Ethan était là, comme il l'avait dit. Simon avait réussi à expirer un faible "hey" en arrivant. La dernière fois qu'ils avaient été aussi proches tout allait bien. Le voir à nouveau lui coupait le souffle et il savait qu'il ne pourrait pas tenir longtemps ainsi, avant que toute sa conviction ne s'effondre sous le lourd regard de son ancien amant.
Il déglutit difficilement, "You wanted to talk, talk."

Ethan avait essayé de comprendre comment la situation avait pu lui échapper à ce point. Ce n'était pas un malheureux dérapage, ou un cahot sur le parcours de l'existence, non : c'était un cataclysme qui était survenu brutalement, en une nuit et sans qu'il puisse le prévenir, faisant exploser le rêve dans lequel il se prélassait depuis qu'il voyait Simon.

Simon ne voulait plus le voir, plus lui parler, plus le regarder, même ; constater que le récit de Noam, qu'il n'avait pas voulu croire, soufflé par l'improbable de ce renversement de situation, avant de voir Simon, était bel et bien réel lui avait mis un violent coup au cœur – ce dernier s'était déchiré lorsque Simon lui avait refermé la porte au nez, le laissant seul face à une incompréhension douloureuse qui était allée se loger dans sa gorge, et avait explosé en sueurs froides sur sa peau.

C'était irréel, impossible ; de la dispute violente avec Noam au silence radio de Simon, Ethan peinait à croire ce qui se passait, traversant les événements enrobé dans une couche ouatée de préservation – lorsqu'il essayait d'en sortir, la réalité abrasive lui rongeait la chair et les sens, et il se réfugiait de nouveau aussitôt dans les pleurs, de gros sanglots qu'il avait fini par noyer dans les bras de son meilleur ami.
Simon ne voulait plus le voir, semblait-il, parce qu'il l'aimait – c'était absurde, stupide, complètement crétin, et Ethan se révoltait contre cette réaction insupportable en des moments de colère soudaine, qui retombait immanquablement face à sa tristesse solitaire, et le refus de Simon de lui apporter des réponses.

Ethan s'était juré que si Simon ne venait pas, cette fois, il le rayerait définitivement de son esprit – après être allé le trouver, où qu'il fusse, pour aller lui dire le fond de ses pensées. C'était un lâche, un salaud qui le lâchait sans un bruit, après ce qu'ils avaient vécu – avait-ce été uniquement important pour lui ? Il avait commencé à douter, en se rongeant les ongles dans la salle des potions, le regard résolument rivé vers l'extérieur. Peut-être que Simon s'était foutu de lui. Peut-être que Simon n'en avait, depuis le début, rien eu à faire, et l'avait mené en bateau avec une facilité abusive.
Ses regards, ses sourires, ses baisers et ses caresses ; Ethan refusait à croire que tous ces gestes qui avaient tant compté pour lui, qu'il pouvait encore sentir sous sa peau s'il y repensait un instant, n'étaient que du vent, une simple passade qu'on pouvait balayer du plat de la main, comme si elle n'avait jamais existé.

Il retint son souffle lorsque la porte s'ouvrit, descendant du rebord de la fenêtre où il s'était installé ; Simon évita d'accrocher trop longtemps son regard, et lui souffla une salutation du bout des lèvres – des comportements tranchant avec le Simon au regard intense et à la voix claire qu'il connaissait, ce qui plomba lourdement l'espoir idiot, qui s'était levé en le voyant entrer, comme si, en se présentant, le sorcier lui signifiait que tout allait s'arranger. "Hey", répondit Ethan avec difficulté, tentant d'accrocher le regard de Simon du sien en balayant avec insistance son regard fuyant – le voir ne lui laisser aucune prise acheva de donner le ton peu engageant de cette conversation qu'Ethan avait tant voulu avoir, et se retrouvait désormais à redouter, regrettant l'initiative de son bout de parchemin glissé sous sa porte.

Il avait besoin de savoir – il avait besoin d'entendre les hypothèses qui s'étaient formées à ses yeux aveugles pour connaître le fin mot de cette histoire, régler le problème (l'espoir n'était pas mort). "You wanted to talk, talk." Un nouveau coup au visage d'Ethan ; il l'engageait à parler comme si lui n'avait plus rien à lui dire. La simple idée que Simon se serait contenté d'éviter jusqu'à ce qu'ils ne soient plus rien qu'un vague souvenir, si Ethan n'avait pas insisté, lui était particulièrement douloureuse. "What is happening?" Les explications de Noam, quand bien même décousues et peu éloquentes, avaient touné assez longtemps dans le crâne d'Ethan pour qu'il en tire certaines conclusions, dont les raisons qui avaient poussé Simon à l'éviter sans préavis – il ne put néanmoins s'empêcher de retenir cette interrogation qui lui cognait contre les tempes depuis trop longtemps, au milieu de ce brouillard où il ne parvenait pas à démêler le vrai du faux, la vérité de ses hypothèses, basées sur un récit dont il n'avait entendu que la moitié de la bouche de son meilleur ami.

"I don't understand", ajouta Ethan d'un ton agacé, ses sourcils se fronçant légèrement face au fait improbable, à ses yeux, que Simon veuille tout arrêter sans même lui parler. "I thought we were doing great... I thought we – this actually meant something to you, even a little, and we were having fun, and, and..." Les mots se perdirent dans sa confusion, qu'Ethan dissipa d'un mouvement de main agacé, secouant légèrement la tête avant de revenir, l'esprit tout aussi peu clair, planter son regard sur le visage de Simon. "Are we, is this over?" Il déglutit difficilement, avalant péniblement ces mots plaintifs qu'il n'aurait jamais voulu souhaiter prononcer, en détaillant les traits du sorcier.

Simon avait fait l'erreur de relever les yeux vers lui. Juste un instant. "What is happening?" La question avait été posée et Simon avait eu le réflexe idiot de le regarder, comme il l'avait souvent fait, parce qu'il en était venu à être pendu aux lèvres de son ancien camarade, souvent littéralement, pendant des mois et que ce genre d'habitudes étaient difficiles à perdre. Il ne savait pas trop quoi lui dire, il pouvait comprendre qu'Ethan était triste, frustré, peut-être même pire. Mais sa propre frustration était également bien présente, parce qu'il savait que Noam lui avait tout raconté et que les choses étaient relativement claires. Et il n'avait pas envie de se confronter à devoir lui expliquer, comme ça, en face à face, s'il pouvait l'éviter. Peut-être que ça faisait de lui un lâche, mais il ne pouvait pas se permettre de ciller, pas à cet instant.

"I don't understand" la frustration et l'agacement d'Ethan étaient palpables. Il pouvait voir ses émotions sur tout son visage et les entendre dans le son de sa voix. Il n'arrivait même pas à comprendre lui-même, comment ils avaient pu en arriver là, pour quelque chose qui n'était pas censé devenir si important et qui les avait pris par surprise.

 "I thought we were doing great... I thought we – this actually meant something to you, even a little, and we were having fun, and, and…" — "It didn't" fuck. Les mots étaient sortis avant qu'il ne puisse les en empêcher. "Are we, is this over?" Il ne savait pas si c'était la violence de ses propres paroles qui avaient changé quelque chose mais Ethan le regardait avec beaucoup plus de détermination qu'avant et Simon avait été, encore une fois, obligé de détourner le regard.

"I mean, it didn't mean for me what it meant for you. And honestly, maybe it's better that way. We've been pretty much doomed from the start and this, whatever this was, you weren't happy in it. From the very beginning," il se souvenait encore comme si c'était arrivé hier. Ethan et lui avaient des opinions très différentes sur ce qu'était une relation. Et Ethan avait longtemps été blessé car Simon n'était pas ce qu'il attendait. Noam avait eu raison, il le savait. Leurs débuts avaient été chaotiques parce que Simon n'avait jamais fait dans l'exclusivité et qu'Ethan n'avait jamais fait autrement avant lui. Mais ils en avaient parlé, ils s'étaient expliqués et tout cela avait eu un effet bénéfique sur leur relation, du moins c'est ce qu'il avait pensé. Peut-être que dans le fond Noam avait raison, peut-être qu'Ethan n'avait jamais été heureux de cette situation et qu'il était resté parce que son attachement pour Simon surpassait ce qu'il attendait vraiment d'une relation.

"I'm not good for you Ethan, I'm not what you want, I'm not what you need. And I have probably hurt you a lot more than I should have so" le noeud présent dans sa gorge se renforça d'avantage à ses mots, "yeah, we're over," il finit par lui dire, relevant les yeux vers son ancien amant. Il ne pouvait pas échapper à son regard indéfiniment, et il savait que ce qu'il y verrait serait insupportable, mais il le méritait, après tout.  

It didn't. Ethan se prit une balle en plein cœur à ces simples mots ; et alors qu'il se raccrochait désespérément à Simon, à la réponse qu'il allait, qu'il devait lui faire (que ce n'était pas vrai, que tout cela n'était qu'un terrible malentendu, que Noam s'était fait des films, qu'Ethan avait été trop bête pour comprendre ce qui s'était passé dans la tête de Wen), ce dernier détourna le regard, coupant le dernier fil qu'Ethan avait peiné à tisser, en accrochant les yeux beaucoup trop sombres de Simon. "I mean, it didn't mean for me what it meant for you. And honestly, maybe it's better that way. We've been pretty much doomed from the start and this, whatever this was, you weren't happy in it. From the very beginning." L'impact éclata violemment dans le torse d'Ethan, un choc qui manqua de le faire flancher sur place. S'il s'était senti brusquement chuter au récit de la rupture rapportée par Noam, ce fut, face à Simon, son monde entier qui s'effondra. L'entendre directement de sa bouche  ne laissait plus de place à l'espoir qu'il avait inconsciemment cultivé ces derniers jours, à ce « mais peut-être que », à ces justifications multiples du comportement pourtant inexplicable de Simon, qui seraient enfin confirmées lorsqu'ils finiraient par se parler.

Simon brisait désormais cette illusion naïve, écrasait ses espérances, faisant dégringoler Ethan dans les affres d'une réalité trop cruelle à son goût. Doomed? Sans comprendre, il fronça les sourcils, peinant, au milieu de cette dégringolade, à se remettre de ce choc que son esprit n'arrivait pas à assimiler.
Rien ne faisait sens ; ils s'étaient quittés comme d'habitude, la dernière fois, avec des sourires tendres et un long baiser sur le pas de la porte de sa chambre. Simon avait soupiré contre ses lèvres, s'était détaché de lui pour lui accorder un de ces regards qui insufflaient dans son ventre des nuées de papillons – le contraste entre sa chaleur et ses yeux sombres, fuyant son propre regard, creusait un gouffre chaotique dans son torse, étourdissant le crâne malmené d'Ethan.

"I'm not good for you Ethan, I'm not what you want, I'm not what you need. And I have probably hurt you a lot more than I should have so... Yeah, we're over." "What?", souffla-t-il après quelques secondes, le temps de reprendre pied, balayé par ces arguments flous, indistincts, qui ne renvoyaient à rien qu'Ethan pût comprendre sur l'instant. "What are you talking about? I was – I am happy!" Il n'avait jamais été aussi heureux que depuis qu'il avait rencontré Simon – parlait-il des quelques désaccords, au sujet de ses relations ouvertes ? Ethan croyait que tout ça était derrière eux ; sa jalousie s'était apaisée suite aux discussions honnêtes qu'ils avaient pu avoir, à la patience et à l'affection de Simon.

Et désormais, Simon lui disait que cette affection n'avait jamais existé – tout comme ce bonheur qui avait rempli les jours d'Ethan depuis leur premier baiser. "You're the one I want, and, and what I need, and I feel so good when I'm around you and... Why are you saying these things? I don't understand", répéta-t-il en passant une main sur son front puis à l'orée de son crâne, comme pour en dégager la confusion vertigineuse qui s'y était logée, détournant un instant les yeux de Simon. "Is it because of what Noam said?" Il revint à Simon, plantant son regard sur lui, cherchant à accrocher, de nouveau, son regard pour une réponse honnête. I may have told him you, like, loved him. Ses joues chauffèrent en se rappelant les mots de son meilleur ami, comme une évidence soudaine au milieu de la tempête – à la fois craintif et honteux de ses propres sentiments dont il venait tout juste de prendre conscience, et gardait pour lui en attendant d'apprivoiser cette sensation étouffante que d'être profondément, et après si peu de temps, amoureux de Simon.

"What are you talking about? I was – I am happy!" Les mots résonnaient dans son esprit. Il avait été heureux avec lui, il l'était toujours. Simon du repousser la partie de son cerveau qui le sommait de tout stopper, de revenir en arrière, d'abdiquer, de lui dire que, finalement, peut-être qu'il avait raison, qu'ils n'étaient pas destinés aux coeurs brisés et aux silences gênants qui suivraient, qu'ils avaient une chance d'être heureux. Ils l'avaient été, même Simon n'avait pu le nier. Il avait essayé pourtant, lorsque tout devenait un peu trop intense, lors qu'il avait réalisé que la première chose à laquelle il pensait en se réveillant était Ethan, quand il avait réalisé que toutes ses journées étaient rythmées par les siennes et par leurs rencontres, les moments où ils se retrouvaient dans leur bulle où rien ne semblait pouvoir les atteindre, pas même la dure réalité que tout cela ne pourrait pas durer.

"You're the one I want, and, and what I need, and I feel so good when I'm around you and... Why are you saying these things? I don't understand" Les mots du blond semblaient avoir été spécifiquement créés pour toucher à tout ses points faibles. Simon avait toujours eu ce besoin intrinsèque de faire plaisir, de rendre heureux et de savoir Ethan si honnête, si franc dans sa confusion pourtant affreusement évidente rendait ce qu'il avait à faire d'autant plus difficile.  

"Is it because of what Noam said?" Il ne savait pas ce que Noam lui avait dit, exactement. Il savait qu'il lui avait parlé mais il ne savait pas quels mots il avait utilisé, de quelle manière il avait tourné les choses pour lui raconter. Et à la mention de son nom, la colère qu'il avait ressenti était revenue comme si elle ne l'avait jamais quitté.

"Of course it is! It was his fucking point, to break us up and he did. And I'm sure he's real proud of it", il s'arrêta un instant, le temps de se rappeler que ce n'était pas Noam qui était là, mais bien Ethan, Ethan dont la seule faute avait été de trop s'attacher. "Look, he said I was an asshole and that I was playing you, hurting you. And he said that you were in love with me," sa voix se brisa légèrement sur ces derniers mots, les prononcer ainsi à voix haute rendait tout beaucoup plus intense, soudainement, beaucoup plus difficile.  "And if it is true, then I can't be with you, you understand that don't you?" Il dit en relevant les yeux vers lui, le regard implorant. Il fallait qu'il comprenne, il fallait qu'il comprenne car il n'y avait qu'une seule issue à tout cela.

"I won't make you happy Ethan, I'm not your big crazy love story. Let me be just a random guy you fucked or … or your sexuality epiphany, at best. Please Ethan, please just let this go. " let this go because I don't trust myself around you.

"Of course it is! It was his fucking point, to break us up and he did. And I'm sure he's real proud of it." L'explosion de colère soudaine de Simon secoua Ethan avec d'autant plus de force que le sorcier se mettait rarement en colère ; mais après tout, il semblait qu'il le connaissait bien mal, en dépit de sept mois de relation. I n'aurait jamais cru qu'un jour Simon chercherait à se défaire de lui en le laissant dans le noir – à l'idée, encore une fois, qu'il l'aurait lâché en érigeant entre eux un mur de silence, Ethan sentait la tête lui tourner. "Noam would never do that", parvint-il à lâcher sous ce flot d'incrédulités qui se déversait sur lui en seaux depuis le début de ce dialogue, désagréablement piqué par l'attaque violente envers Noam. Il lui était d'autant plus dur de l'entendre qu'ils avaient eu leur première vraie dispute suite à cette histoire, qu'Ethan avait crié sur son meilleur ami (des mots qu'il n'aurait jamais cru un jour dire à Noam, jusqu'alors la personne qu'il aimait le plus au moins), qu'il avait éprouvé le désir de ne plus lui parler ou le voir pour la première fois de sa vie ; quand Ethan s'était effondré sur son lit après avoir essuyé le visage fermé de Simon et son refus catégorique au dialogue, Noam était venu le rejoindre – ils avaient pleuré tous les deux en se serrant l'un contre l'autre, sous les excuses répétées de Noam.

"Look, he said I was an asshole and that I was playing you, hurting you. And he said that you were in love with me." Ethan perdit brusquement ses couleurs ; si Noam lui avait raconté, créant un profond malaise chez lui qui n'avait confié ses sentiments que de manière confuse à son meilleur ami (il n'avait jamais été amoureux de cette façon-là, même avec Minta), il était autrement plus difficile de l'entendre de la bouche de Simon – lui apportant la confirmation terrible que ces sentiments étaient au cœur du problème.  "And if it is true, then I can't be with you, you understand that don't you?" Ses joues pâles se teintèrent brusquement d'un rouge tomate ; frustré, confus, en panique face à cette situation qui lui échappait parfaitement. "No, no I don't", souffla-t-il en rencontrant le regard implorant de Simon, une nouvelle flèche plantée dans son cœur meurtri à la réalisation qu'il était sérieux, qu'Ethan allait le perdre, l'avait perdu... Il déglutit difficilement, en sentant une bouffée de chaleur trempée, désagréable, lui monter dans la gorge.

Il ne comprenait pas en quoi le fait d'être amoureux de lui les empêchait de continuer ; n'était-ce pas ce vers quoi ils s'étaient dirigés dès le départ ? Simon ne l'aurait jamais embrassé, caressé, enlacé comme il l'avait fait s'il ne s'était agi que d'une simple passade - Simon n'était pas ce genre de personne, Ethan en était certain, et le martelait dans son esprit comme pour repousser les doutes qui l'avaient assailli durant ces derniers jours."I won't make you happy Ethan, I'm not your big crazy love story. Let me be just a random guy you fucked or … or your sexuality epiphany, at best. Please Ethan, please just let this go." "You're not, you'll never be a random guy I fucked", croassa-t-il d'une voix désespérée, son souffle lui manquant sous la rafale incessante de ces paroles blessantes, fausses, comme si l'on avait écrit le parfait script pour lui faire le plus de mal possible. "I wanted to wait to tell you, I wasn't even sure that" il était incapable de prononcer les trois syllabes, retenues dans sa gorge par la boule d'émotions qui enflait à chaque seconde. "That's ridiculous, Simon", s'interrompit-il en inspirant brusquement, s'approchant de lui avec au visage un air désespéré – qu'il l'écoute jusqu'au bout, qu'il comprenne, qu'il voie que ce lui pouvait voir, ressentir, avec clarté. This is not over – it can't be. "This would be so, so stupid to break up over this, over a fight you had with Noam, and, and... Okay so what if I am in love with you? What difference does it make?" Son fard s'intensifia, mordant sa nuque devant cette déclaration bancale, qu'il aurait aimé lui faire dans d'autres circonstances, sur un autre ton que celui de la supplication. "I'm not asking you to tell me you love me, I can wait, or not, you don't have to fall in love, I just – I just need you," souffla-t-il en accrochant ses yeux sombres, tentant de glisser ses mains sur son torse, pour le ramener à lui par ce simple contact. "You're not an asshole, you can and you do make me really, really happy", sa voix se brisa légèrement sous l'émotion, sentant ses yeux le picoter sous la menace des larmes, tandis qu'il plongeait toujours plus dans le regard de Simon, "please, don't do this... That would be so stupid."

"You're not, you'll never be a random guy I fucked." La voix brisée d'Ethan l'avait presque fait vaciller. Il était si certain, si déterminé à sauver ce qu'il restait de leur relation. Il était si honnête, aussi, plus honnête que Simon n'aurait jamais pu l'être. Il savait que c'était injuste de lui demander cela, parce qu'il savait pertinemment qu'il n'y avait rien de random dans leur histoire; que si, peut-être les débuts l'avaient un peu été, tout s'était arrêté à partir du moment où Simon avait plongé ses yeux dans ceux du blond et en avait perdu tout son souffle.

"I wanted to wait to tell you, I wasn't even sure that — That's ridiculous, Simon" Une partie de lui scandait toujours qu'Ethan avait raison, c'était peut-être vrai, Simon n'était pas sur que la logique fasse partie de son attirail d'armes contre Ethan. Il essayait pourtant, il essayait de rationaliser tout cela, de prendre du recul pour observer la situation d'un oeil critique, en vain. Sa détermination se brisa un peu plus alors qu'Ethan s'approchait de lui. À cette distance, il pouvait voir tous les détails de sa peau, la constellation que formait les tâches de rousseurs qui marquaient sa peau, toujours présentes malgré l'absence de soleil récent et les rougeurs qui s'étaient frayés un chemin sous le coup des émotions; il pouvait sentir son odeur aussi, l'odeur enivrante que son cerveau avait très vite retenue et enregistrée. "This would be so, so stupid to break up over this, over a fight you had with Noam, and, and... Okay so what if I am in love with you? What difference does it make?" Il put sentir ses yeux s'agrandir à ses paroles, les réminiscences de sa dispute avec Noam toujours bien présentes et les émotions qui y étaient attachées également. "It was not just a fight Ethan, you wouldn't believe the things he said to me, the things he said about you." Il dit en secouant la tête alors qu'Ethan s'approchait un peu plus. "I'm not asking you to tell me you love me, I can wait, or not, you don't have to fall in love, I just – I just need you," il avait fini, ses mains effleurant son torse en un contact brulant. La réaction de Simon ne s'était pas faite attendre, il s'était dégagé d'un coup d'épaule, comme si les mains d'Ethan l'avaient blessé. "Don't touch me", il avait dit, la voix plus dure et froide qu'il ne s'en pensait capable. La panique avait pris le dessus, son esprit travaillant double pour tenter d'analyser la situation alors qu'Ethan continuait à lui parler "You're not an asshole, you can and you do make me really, really happy — please, don't do this... That would be so stupid", ses grands yeux si implorants que Simon avait du faire un nouveau pas en arrière, le coeur battant si fort qu'il l'entendait raisonner en lui. Sa respiration s'était accélérée et sa cage thoracique semblait s'être resserrée sur ses organes, lui influant un nouvel élan de terreur. Il fallait qu'il s'échappe, qu'il sorte de cette situation une bonne fois pour toute, et si Ethan ne voulait pas comprendre, il allait lui faire comprendre. "You're the one being stupid if you think we ever had a chance. What do you think would happen, Ethan? Do you want to wait around for something that's never going to come? Is that it? I am not in love with you, I never was and I never will be. This is not going to happen, not now, not ever. Get that into your fucking head." Il dut détourner son regard d'Ethan, les mots si violents et si unlike him qu'ils en étaient insupportables, en espérant qu'Ethan y croirait, lui, pour qu'au moins leur supplice soit terminé.  

"You're the one being stupid if you think we ever had a chance. What do you think would happen, Ethan? Do you want to wait around for something that's never going to come? Is that it? I am not in love with you, I never was and I never will be. This is not going to happen, not now, not ever. Get that into your fucking head."

Le silence retomba brusquement sur les deux sorciers ; Simon détourna vivement le regard, les sourcils froncés en une expression douloureuse, mécontente, dégoûtée – Ethan n'aurait su dire de quoi il s'agissait exactement, le fixant d'un air hagard, sonné par l'importance du choc.

Simon venait de le détruire en un seul tir à la précision redoutable. Simon ne l'avait jamais aimé, et ne l'aimerait jamais ; et toute la crainte de le savoir tomber amoureux de quelqu'un d'autre pour l'abandonner, toute la jalousie mordante qui l'avait fait souffrir, aux débuts de leur relation ouverte, toutes ces insécurités qui l'avaient rendu malade, et avaient fait croire à Noam que Simon était une des pires choses qui lui soient arrivé, étaient brusquement remontées à la surface, éclatant sur les joues rouges d'Ethan, dans son torse déchiré par la nouvelle – ce n'était qu'une confirmation de ce qu'il avait toujours redouté, de ce que Noam lui avait dit, en le voyant en souffrance, que Simon ne l'aimait pas autant que lui avait pu l'aimer.

Ethan papillonna, entrouvrit la bouche, détacha son regard de Simon pour se raccrocher à quelque chose qui n'avait aucun rapport avec ce coup brutal qu'on venait de lui décocher. "Okay...", souffla-t-il se rendant compte qu'il respirait difficilement, passant une main fébrile dans ses cheveux blonds. "Okay, if that's how you want it... I, I won't wait, for anything", fit-il en relevant les yeux vers lui, un peu vivement, comme frappé par cette solution à la simplicité enfantine. Il fit un pas vers lui, les mains ouvertes en signe d'apaisement, se gardant bien de le toucher pour l'instant – l'écho de sa voix dure, si différente de celle qu'il lui connaissait, tapait encore lourdement contre ses oreilles. "You don't have to love me, not like this, I can manage, we can manage just like we did until now." Il en était capable, il pouvait ne pas lui dire, ranger ses sentiments à lui dans une boîte, ne rien attendre, ne rien vouloir de plus, se contenter pleinement de ce qu'ils avaient déjà – le désespoir brouillait sa vision, ses instincts, la sensation dans son ventre lui signifiant qu'il en serait tout bonnement incapable ; Ethan choisissait de fermer les yeux, de sacrifier ses envies de famille et de mariage, de faire une croix sur ce grand amour réciproque dont il se nourrissait dans les telenovelas depuis son adolescence – il était prêt à tout, sur l'instant, pour garder Simon, même de s'amputer d'une partie de lui-même.

"I can enjoy what we have, just as it is, this could work", assura-t-il autant pour Simon que pour lui-même, sans se rendre compte du désespoir qui lui serrait le cœur et insufflait un espoir fallacieux dans son torse ; celui de croire qu'il pourrait le retenir s'il le suppliait encore.

 Pendant un moment, Simon crut qu'Ethan avait compris, que tout cela était terminé, pour de bon, qu'ils allaient pouvoir partir et reprendre le cours de leur vie. Quand Simon avait reposé les yeux sur lui, Ethan ne le regardait plus et le soulagement qu'il avait ressenti avait un arrière gout amer. Il avait l'air hésitant, sa voix faible et ses gestes éreintés. "Okay …Okay, if that's how you want it... I, I won't wait, for anything". Simon l'aurait presque remercié, il l'aurait presque remercié de comprendre, enfin, d'accepter que leur futur se résumait à cela, rien. Cela aurait été malvenu, sans doute. Il allait ouvrir la bouche, pour lui répondre, lui dire que c'était mieux ainsi, peut-être, ou qu'ils pourraient un jour devenir amis.

Il n'avait pas eu le temps. Ethan l'avait devancé une nouvelle fois. "You don't have to love me, not like this, I can manage, we can manage just like we did until now." what the fuck? "I can enjoy what we have, just as it is, this could work". Ils tournaient en rond. Simon ne put s'empêcher de soupirer, de passer une main lasse sur ses yeux. C'était la pire semaine de sa vie, de loin. Il ne pouvait même pas commencer à comprendre comment il avait réussi à se retrouver dans une telle situation. Il aurait pensé que ses mots auraient suffit, que la cruauté dont il s'était forcé à faire preuve aurait été nécessaire pour le faire fuir, à minima, pour le dégouter même, le conforter dans l'idée qu'il n'était que le connard que Noam avait sans doute du lui décrire.

"Fucking hell, Ethan" il soupira, "it will not work. I don't want it to work. Look what we had was fun" mindblowing and fucking too good to be true "but it's over, I don't want it anymore, I don't want you anymore". Il était en train de briser son propre coeur, et la réalisation ne faisait que renforcer l'angoisse qui avait pris possession de tout son corps. Il le regarda à nouveau, laissant ses yeux arpenter les courbes de ses pommettes, de ses lèvres qu'il avait tant aimer connaître, avant de plongé son regard dans le sien, ses yeux qui étaient devenu la chose qu'il préférait regardé, l'immensité bleutée qu'ils reflétaient plus addictive que tout ce qu'il avait pu connaitre. "Let it go, Ethan, before it becomes really fucking pathetic," il n'attendit pas de voir la réaction du blond, trop effrayé par ce qu'elle pourrait être et surtout par ce qu'une seule seconde de plus passée avec Ethan pourrait signifier pour lui, se retourna et sortit de la salle, sans prendre la peine de refermer la porte derrière lui.

Son cœur battait à tout rompre, d'un battement gauche, comme si cabossé par cette discussion atroce qui lui vrillait le corps – Ethan se raccrochait désespérément au regard de Simon, puis lorsqu'il le détourna, se frottant les paupières sous sa proposition, se rattrapa à ses traits fins, doux, balayant la tension qu'il pouvait y lire de son espoir démesuré. "Fucking hell, Ethan, it will not work. I don't want it to work. Look what we had was fun, but it's over, I don't want it anymore, I don't want you anymore." Son cœur, soudain, sembla s'arrêter de battre, arraché par la violence de ces mots. Il ne voulait plus, martela son esprit, engagé sur pilote automatique dans cette chute libre, il ne le voulait plus ; la gorge d'Ethan se serra violemment, l'empêchant de déglutir, de respirer, de procéder à toutes les fonctions vitales qui auraient pu le maintenir en vie. Le regard de Simon en passant sur lui lui écrasa le visage, écorchant ses traits avec une violence qui acheva de lui égratigner le torse ; la lueur au fond des yeux de Simon était dure, impitoyable, cassée sous la fatigue – la fatigue de lui, se rappela-t-il avec un vertige. "Let it go, Ethan, before it becomes really fucking pathetic." "Simon", souffla-t-il, sa voix basse et rauque, un borborygme échappé de ses lèvres comme un premier sanglot, ses chordes vocales aussi engourdies et brisées que le reste ; Simon s'était détourné et franchit rapidement la porte, laissant derrière lui un Ethan sonné, ébranlé – mort.

La douleur fondit sur lui comme une vague sitôt que l'anesthésie induite par le choc cessa de faire effet ; son torse éclata de l'intérieur, rompant son plexus et sa cage thoracique, une implosion sévère qui lui arracha une violente montée de larmes et le cloua contre le mur de la pièce, au pied duquel il finit par éclater en sanglots.

Il avait pleuré, pleuré, pleuré encore ; il avait regagné la chambre de Noam au radar, transplanant devant sa porte avant d'y entrer – son meilleur ami, le premier au courant de ce rendez-vous, lui avait dit qu'il serait là à l'attendre. Incapable de s'exprimer cette douleur trop grande pour les mots, il s'était effondré dans ses bras, les refermant autour de Noam contre lequel il se raccrocha comme une bouée.

Il avait pleuré, pleuré encore ; les jours et les nuits se mêlaient sans de véritable différence, ses joues humides sous les larmes omniprésentes. Les quelques heures de sommeil qu'il grappillait le plombaient lourdement, un sommeil pénible duquel il se réveillait avec l'immanquable douleur de savoir que Simon ne voulait plus de lui. Noam n'était jamais loin, l'enlaçait, lui parlait, l'accompagnait parfois dans ses pleurs – c'était un soutien infaillible, mais ce n'était pour le cœur brisé d'Ethan pas assez. Noam n'était pas Simon, personne n'était Simon, et Ethan allait mourir dans un monde où Simon ne voulait pas de lui.

Ils s'étaient recroisés, au camp ; d'abord de loin, et Ethan avait senti les larmes lui monter aux yeux brusquement, tandis que Simon se détournait pour leur éviter un moment pénible – et quelque part, Ethan lui en était reconnaissant. Puis les larmes s'étaient arrêtées dans son torse, y fourmillant en une douleur pénible lorsqu'il le voyait, commençant à lui adresser des sourires un peu faiblards, puis des "hey" lorsque Simon se mit à reconnaître sa présence – et lorsqu'ils furent envoyés ensemble en mission, trois semaines plus tard, Ethan ne pleurait plus que de temps à autre, dans l'intimité de sa chambre, et put lui parler en dépit du douloureux embarras qui plombait leurs échanges.

C'était comme ça, se força-t-il à se dire, faisant refluer l'espoir idiot qui était revenu à son contact – il pleura de nouveau dans les bras de Noam, ce soir-là.

En avril, Noam et lui organisèrent leur anniversaire, comme de coutume, lors de la même soirée ; si Ethan n'était que moyennement d'humeur à affronter des festivités joyeuses, il se força à s'habiller et faire l'effort, et se retrouva à rire, après un fond de Firewhisky, autour du feu de camp où les résistants de leur connaissance s'étaient réunis. Les yeux d'Ethan continuaient de parcourir malgré eux les visages, à la lueur du feu, à la recherche inconsciente du regard de Simon – il se brûla sur une déception vive, en ne le trouvant pas une première fois. Puis lorsqu'il laissa de nouveau errer son regard parmi les invités, il accrocha un regard, puis un autre, et le regard de Simon.

Son visage se décomposa sous la brusque surprise, dégageant le masque de joie qu'il s'était construit pour l'occasion ; il tenta de calmer le bond violent de son cœur, de raisonner la confusion soudaine qui s'était emparée de son esprit. C'était comme d'habitude, comme lorsqu'ils se croisaient au camp, devant les chambres, aux cuisines – alors comme d'habitude, Ethan lui adressa une miette de sourire, accrochée au coin de ses lèvres pour lutter contre le souffle qui menaçait de le faire flancher, incapable de faire un geste, de dire un mot, de peur d'avoir l'air profondément pathétique.