C’était une nuit de juin comme il en a existé tant d’autres. Les températures journalières sont agréables, avoisinant les vingt-cinq degrés. L’astre solaire s’en est allé dans un profond sommeil, laissant pour seule lumière sur le parc de Poudlard l’éclat de la lune. Quelques élèves téméraires en plus de ne pas respecter l’heure du couvre-feu n’hésitent pas à braver le froid nocturne. Plusieurs petits groupes de jeunes gens – pour la plupart en dernière année d’études – se dispersent dans les bosquets, espérant à tout prix échapper à Argus Filch. Ce que ces adultes en devenir ne savaient pas, c’est que du sommet du château de Poudlard, un sage aux longs cheveux blancs et au regard espiègle les observait d’un air rêveur. Lui aussi, à une époque, avait enfreint les règles pour profiter des premières douces nuits d’été. « Molly ! » Un jeune homme aux cheveux roux se leva d’un bond, comme s’il était monté sur ressort. Il regardait avec des yeux d’adolescents amoureux la jeune femme qui s’approchait vers lui,  emmitoufflée d’une grande échappe tricotée main. Molly adressa un sourire à Arthur lorsqu’elle arriva à sa hauteur qui accentua encore plus le malaise du jeune homme. « J’ai lu le petit mot que tu m’as fait passer à la bibliothèque. J’aime quand tu me proposes d’enfreindre une ou deux règles. »  De ses yeux verts, la jeune gryffondor inspecta le visage d’Arthur. Bien que blanc comme un linge, et parsemé de taches de rousseur, il ne pourrait être plus plaisant à son regard. Et malgré le peu de lumière, elle pouvait voir que les joues de l’élève de dernière année s’empourpraient. Il tira un peu sur sa cravate – le nœud serait à refaire – et piétinait un peu sur lui-même. « Je suis content que tu aies pu venir et… assied-toi ! » Il fit signe à Molly de prendre place sur le banc en pierre, et elle s’exécuta, intriguée par tout ce cérémonial. « Je suis ravie que tu m’invites à profiter du clair de lune avec toi, mais… tu n’as pas l’air bien. Qu’est-ce qui t’arrive ? » Arthur avait mis une veste de costume, certes elle n’était pas de première jeunesse. On pouvait voir quelques rafistolages au niveau des coudes, et un bouton semblait vouloir se faire la malle. Avait-il ciré ses chaussures ? Elle vit Arthur essuyer ses mains moites sur son pantalon et rester debout face à elle. « Je suis content que tu aies pu venir et…» Molly laissa échapper un petit rire. Arthur, tu me l’as déjà dit ça. » Le ton qu’elle employa était doux et plein d’amour. Arthur et elle se côtoyaient depuis plusieurs mois déjà. Tout de suite, la jeune Prewett avait ressenti pour le jeune Weasley une profonde amitié. Puis ses sentiments avaient vite évolué : elle aimait son côté un peu gauche, sa profonde et honnête gentillesse et ses valeurs simples. À côté d’Arthur, elle se sentait aimée et respectée. Ils n’étaient jamais allés plus loin que quelques baisers dans le cou, mais pour Molly, rien ne valait un rendez-vous avec son Weasley. « Arthur, veux-tu bien t’asseoir à côté moi ? Et m’expliquer calmement ce qui ne va pas. Peut-être pourrais-je t’aider ? »Elle lui fit signe de s’asseoir à ses côtés pour qu’ils admirent l’astre lunaire dans le ciel dégagé d’Angleterre. Mais Arthur secoua négativement la tête, déplaçant quelques mèches de cheveux rebelles qu’il avait tant bien que mal essayé de coiffer toute la soirée. « Molly, je… » Cette dernière ne bougea pas d’un cil, préférant attendre que Arthur reprenne ses esprits. Elle connaissait ce jeune homme, et derrière son côté un peu perdu, se cachait un homme intelligent et cultivé. Il avait simplement besoin de temps pour braver sa grande timidité. « Oui Arthur ? » C’est là qu’il mit un genou à terre, un peu chancelant et prit la main de Molly. La douceur de la peau de la jeune Prewett contrastait avec la moiteur de la paume de la main du garçon. Cette dernière écarquilla les yeux ; Arthur l’étonnera toujours. « Molly… Ma belle Molly. Jamais je n’aurais pensé qu’un grand dadais comme moi pourrait être aimé par une femme aussi douce, gentille et belle que toi. Chaque matin, je me réveille en me disant que je suis le plus chanceux des sorciers. » Molly sentit les battements de son cœur s’accélérer. De nature peu encline à se confier, voilà que Weasley déclarait sa flamme. Elle ne pouvait être plus touchée par les mots de son aimé. « Et c’est pour ça que… » Il racla sa gorge, très très séche. Les mains qui encerclaient celle de Molly étaient de plus en plus humides mais la jeune femme ne s’en rendait même pas compte. Elle n’avait d’attention que pour lui. « Le monde est en train de devenir fou autour de nous, Molly. Nous entrons dans une sombre époque, et ce que nous avons connu jusqu’à présent s’efface pour laisser place à un futur incertain. Mais… » Il passa une main dans les cheveux roux de la gryffondor qui lui rendit ce geste tendre. La montée de Lord Voldemort n’était plus un mythe maintenant. Chaque jour disparaissaient des sorciers et des sorcières. Le ministère ne pouvait rien pour enrayer ce phénomène, et à leur sortie de Poudlard, chaque élève savait que la vie serait dure. « Ce futur, je le veux à tes côtés… si tu le veux bien. Toute ma vie, je… Molly Prewett, soyons fous et marions-nous. » La bouche de Molly s’entrouvrit mais aucun son ne sortit. Elle était sous le coup de l’émotion. Lorsqu’Arthur avait mis un genou à terre, elle avait pensé que c’était pour être plus à l’aise. Son jeune amoureux semblait quelques fois avoir du mal à coordiner tous ses mouvements. « Je n’ai pas de bague à t’offrir… je, tu sais bien » Les parents Weasley n’avaient que très peu de moyens, mais leur richesse d’âme était pourtant visible dans la bonté de chacun de leurs enfants. « Je ne peux que t’offrir la promesse d’être chaque jour à tes côtés, de te rendre heureuse, toi et tous les enfants que nous aurons. Six ou sept, ce serait parfait et… » Arthur avala sa salive difficilement… « Alors… qu’est-ce que t’en dis Molly ? » Il tremblait toujours un peu, suspendu à une réponse de la jeune femme. Vinrent perler aux yeux de cette jeune femme quelques larmes, qu’elle aurait voulu pouvoir retenir. Arthur lui tendit un mouchoir en tissu froisé, mais ne dit rien. « Oh Arthur… j’en dis que ce serait merveilleux. » Un sourire resplendissant s’installa sur les lèvres de Molly et Arthur, et pendant quelques secondes, le temps s’était comme arrêté. « C’est oui. Être madame Arthur Weasley serait un immense honneur et… je t’aime Arthur. » C’était la première fois que ces trois mots planaient entre eux, et c’était merveilleux. Arthur s’avança vers elle et lui déposa, timide, un tendre baiser sur la joue. Molly rigola et tourna la tête pour que leurs deux bouches se rencontrent enfin. Elle sentit Arthur paniquer quelques instants, mais bien vite, cela leur sembla à tous les deux naturel. Ils étaient faits pour se trouver.  

Le silence était tombé sur le quartier général de la résistance. Seuls les petits pas des rats qui avaient colonisé les sous plafonds pouvaient trahir un semblant de vie dans ce lieu. Pourtant, dans la pièce principale du QG, décorée à la va-vite de longs rideaux marrons pour empêcher toute indiscrétion, tous les membres de la résistance étaient présents, du moins ceux qui n’étaient pas en mission extérieure. Certains se rongeaient les ongles, en signe d’impatience. D’autres réchauffaient pour la énième fois d’un coup de baguette leur café qu’ils n’arrivaient pas à avaler.  Le goût amer du café était le même que celui que laissait cette guerre à chaque sorcier. Les pertes étaient nombreuses, et il ne se passait pas une seule nuit sans que l’on déplore la perte d’un être cher. « Je n’en peux plus d’attendre ! »  Molly se leva de sa vieille chaise en bois et s’approcha de la cheminée pour se réchauffer, vainement. C’était la première à énoncer tout haut ce que tous les sorciers présents pensaient tout bas. Nombreux sont les sorciers à penser que la Résistance est toujours dans l’action, à mener des combats contre les mangemorts et à esquiver des sorts mortels. Ils se fourvoient. À leur grand dam, les partisans de l’ordre du phénix usaient beaucoup de leur temps et de leur énergie à attendre. Des nouvelles, en espérant qu’elles soient meilleures que les précédentes. À attendre qu’une lueur d’espoir soit visible dans ce conflit qui s’éternise. « Molly, assied-toi, tu vas te fatiguer inutilement. »  La voix caverneuse de Sirius Black venait du coin de la pièce, il était adossé à la fenêtre et ne pouvait s’empêcher de jeter un coup d’œil toutes les cinq minutes dehors. Pour maintenir l’espoir. Pour pouvoir être le premier à annoncer à Molly que ses deux petits frères allaient passer le pas de la porte du QG en bonne santé. « Sirius a raison chéri, tu dois te ménager. »  Molly regarda son époux qui lui adressa un sourire plein de tendresse, mais la tristesse qui commençait déjà à s’installer dans son regard fit que la gorge de Molly se serra un peu plus encore. Sa longue chevelure rousse ne se distinguait pas des flammes ardentes qui s’élevaient dans la cheminée. Elle sentit un petit coup de pied dans son ventre. Le petit être qui grandissait en elle prenait à malin plaisir à prendre sa vessie pour un souafle. Peut-être ferait-il partie de l’équipe de Quidditch à Poudlard… mais qu’il profite du ventre de sa mère. Parce que le monde dans lequel il allait voir le jour était noir, triste et décourageant. Molly contourna le canapé où étaient assis Arthur, Abelforth et Marlène. Tous lui adressaient un sourire, mais personne n’était dupe de l’issue de cette triste soirée d’hiver. « Je vais faire un petit tour dans la salle de bain»  Molly sortit alors de la pièce, se dandinant de droite à gauche. Son huitième mois de grossesse l’épuisait et la disparition de ses deux frères ne l’aidait pas à se reposer. Huit heures. Huit longues heures. Ils auraient déjà dû revenir de mission, même avec un bras en moins ou une jambe en lambeau, ils devraient… Ils vont revenir. La seule fille Prewett était née avec un optimisme à toute épreuve. Lorsque son mari avait peur de ne pas pouvoir ramener assez d’argent à sa famille, Molly trouvait toujours des légumes du potager à échanger contre deux poulets de la voisine – aussi pingre soit-elle. Lorsque les membres de l’ordre du phénix revenaient de mission, il n’était pas rare qu’ils trouvent un plat mijotant sur le feu. Molly ne pouvait pas participer activement à la résistance. Ses six – bientôt sept – petits ne pouvaient pas perdre leur maman. Alors elle avait décidé de laisser ses frères seuls monter au front… Où pouvaient-ils bien être ?

Tout en descendant les escaliers, Molly entendit le bruit d’un transplanage. Elle se déplaça le plus rapidement possible, légèrement encombrée par son ventre. Au moment instant, Moody entendit les pas lourds de la future maman sur la moquette défraîchie. Il profita de l’absence de Molly pour regarder Arthur et Sirius. Tout en enlevant son épais manteau en peau de bête – que Molly avait à de nombreuses reprises voulu laver pour lui ôter cette odeur de bête morte, Moody hocha négativament la tête plusieurs fois. Alors, Sirius remit consciencieusement à sa place l’épais rideau qu’il n’avait cessé d’entrouvrir sachant qu’après présent, il ne verrait plus les deux gaillards aux cheveux roux et aux muscles affutés débarquer. Il baissa la tête et se mit face à la cheminée où était auparavant postée Molly. Quant à Alastor, il n’avait pas de mots tout de suite pour exprimer ce qu’il avait vu lors de ses recherches, il… « Alors Moody, des nouvelles ? », lança la rousse à peine eut-elle passé la porte. Molly avait confiance en chaque membre de l’ordre. Mais avec Moody c’était différent, elle savait qu’il ne serait jamais revenu sans une piste, sans un indice. Il était aussi têtu et obstinée qu’elle. Moody ne voulut pas fixer le regard de Molly. Il savait que cette jeune femme savait lire en chaque être comme dans un parchemin. Empathique et attentive, la nature l’avait dotée d’une sensibilité rare. Et maintenant, la nature lui imposait la perte de ses deux frères. Molly regarda alors son époux qui s’avançait vers elle les bras grand ouverts. « Arthur… non. Non »  Elle recula d’un pas tout en posant la main sur son ventre, les mouvements de l’enfant avaient cessé. Arthur aurait voulu trouver les bons mots pour expliquer à la mère de ses enfants que ses deux frères n’étaient plus. Molly ferma les yeux.


« Maaaamaaaaaan ! »   Le cri strident de la petite fille rousse parvint jusqu’aux oreilles du destinataire. Les deux garnements aux côtés de la petite fille lui tiraient les couettes : un la gauche, l’autre la droite. Et bien évidemment, ils s’amusaient à tirer l’un après l’autre. La petite Molly sentait que son crâne n’allait pas tarder à exploser. « Mais qu’est-ce que c’est que ce travail dites moi ! »   La maman de Molly, Fabian et Gideon Prewett était plantée dans l’embrasure de porte de la chambre des enfants, les mains sur les hanches. « Cafteuuuuuuuuse ! »   s’amusait à répéter Fabian à en rendre dingue Molly. « Pleuuuuuureuse »  lui répondait de bon cœur Gideon tout en se décrottant amoureusement la narine droite. Molly regarda de ses yeux pleins de grosses larmes sa maman, pour qu’elle vienne enfin la sauver de ses deux petits frères. De ses deux terreurs oui ! « Fabian lâche la natte de ta sœur ! Gideon, si je te prends à lui cacher cette crotte de nez dans les cheveux… »   Malheureusement, la jeune maman laissa échapper un petit rire qui n’échappa pas à ses trois garnements qui stoppèrent tout de suite leurs bêtises. « C’est eux… qui… ont… »   sanglotait la seule fille. « Je me fiche de savoir qui a commencé Molly. Je vois que Gideon a du rouge sur les ongles, donc je sais que tu n’es pas innocente. Est-ce que je me trompe ? »   Elle lève un sourcil et sa petite Molly baisse son nez tacheté vers le sol « Non.. »  C’est à cet instant que leur maman s’asseya à leurs côtés. « Tous les trois, vous formez les côtés d’un seul et même triangle. C’est pour cette raison que malgré vos chamailleries, vos disputes ou même si vous prenez des chemins différents à l’âge adulte, souvenez-vous que tous les trois vous êtes plus forts que seuls. Mes petits chéris. »  


Molly se remémora cette scène qui datait d’il y a vingt-cinq maintenat. Maman, comme tu avais raison. Elle finit par ouvrir les yeux, envahis par les larmes. Comment allait-elle survivre sans ses deux frères. Gideon avait toujours un mot pour la faire rire. Elle se souvient encore du jour où après avoir donné naissance à Ronald, il lui avait glissé, Encore un petit effort molly, et on va bientôt pouvoir créer une équipe de quidditch. C’était sa façon de la féliciter de leur avoir encore donné un beau petit neveu. Fabian était plus calme, et souvent il se laissait embarquer dans les bêtises de son frère. Mais ses deux grands garçons aimaient leur sœur plus que n’importe qui. C’était la seule et unique femme dans leur vie, puisqu’ils n’avaient pas encore trouvé épouse malgré leurs nombreuses conquêtes. Ne t’en fais pas Mollynette, on se voit demain Les derniers mots de Fabian résonnèrent encore dans l’esprit de l’épouse Weasley. C’est à cet instant que Moody s’approcha d’elle, et posa une main sur son épaule. « Les mangemorts ont dû se mettre à cinq pour les tuer. Ils se sont battus en héros Molly…»  Le chasseur de mangemorts, respecté par la résistance et craint par le camp adverse, tendit une montre au verre brisé à Molly. « Il aurait voulu qu’elle te revienne. » »   Molly serra la montre contre son cœur. Et c’est à ce moment-là que son petit lui redonna un coup de pied. Sa petite Ginevra. La vie continuait, et Molly se jura que jamais la communauté n’oubliera : Gideon et Fabian Prewett, tombés pour la Résistance, avec courage et honneur.

« Je n’arrive pas à croire que tu ne m’aies rien dit ! Papa et toi en plus, aucun n’a pensé qu’il serait astucieux de me prévenir ? » Ça gueulait fort au Terrier des Weasley. Et à cet instant, seul Charlie, second des enfants Weasley, avait haussé le ton. Molly essayait de le calmer, et de lui expliquer calmement. « Nous voulions trouver le bon moment, et il ne s’est jamais présenté. Charlie, il n’était pas facile de te joindre là-bas. » Mensonge. Lorsque Molly Weasley voulait contacter l’un de ses enfants, elle n’avait besoin de personne pour trouver un moyen. Ronald se souvient encore de la beuglante qu’il avait reçue lors de sa deuxième année à Poudlard. Mais à cet instant, Molly préférait mentir à son fils, c’était bien plus simple de mettre ça sur la faute de la Roumanie. « Pas à moi Maman ! Tu as réussi à m’envoyer une douzaine de paires de mouffles rouges en tricot en plein milieu du mois d’août. Si vous aviez vraiment voulu… » Charlie balançait dans de grands gestes empreints d’énervement tous les vêtements qu’il avait dans sa valise. Molly le regardait, et ne pouvait s’empêcher d’être heureuse de le voir avec eux. Parmi eux. Toute sa famille était au complet, et comme une maman canne, elle aurait voulu les protéger sous ses ailes. Cependant, elle savait que maintenant qu’ils étaient adultes, ils ne voulaient plus être protégés comme des enfants. Ils voulaient tous participer, d’une manière ou d’une autre à cette guerre. Et cette idée pétrifiait à chaque fois Mum. Pouvait-on lui en vouloir de cacher la vérité à sa progéniture ? « Harry a disparu, il est aux mains des mangemorts et Merlin seul sait s’il… » Charlie ne finit par sa phrase. Il n’avait pas connu le jeune Potter personnellement, mais comme pour tout un chacun il représentait l’espoir, l’espoir d’un monde où Voldemort et ses acolytes ne seraient plus qu’un mauvais souvenir. Où chaque sorcier pourrait mener sa vie comme bon lui semblait, peu importe son sang ou sa nature profonde. C’était cet espoir qui avait également poussé Molly Weasley à s’engager aussi intensément dans la Résistance. Elle n’avait pas pu le faire à l’époque où elle avait des enfants en bas-âge. Maintenant ils étaient en âge de comprendre… alors pourquoi ne pouvait-elle pas comprendre qu’eux-même maintenant étaient libres de faire leurs propres choix ? « Il est en vie Charlie. Harry est en vie, et on va le retrouver. »   Molly ne pouvait envisager un monde où le petit de Lily et James Potter n’était plus. Pas simplement parce qu’il représentait le dernier rempart contre les Ténèbres. Mais parce qu’elle l’aimait comme un fils. Elle l’avait accueilli dans sa maison, dans sa famille. Elle se souvient du jour où Arthur lui avait dit qu’elle n’était pas la maman du jeune Potter. Et elle se souvient encore plus avoir répondu du tac au tac que c’était tout comme !. Il n’avait pas eu la chance de grandir dans une famille aimante, et idiotement, Molly avait voulu qu’il connaisse cette joie et ce… « Tu n’en sais rien Maman ! Rien du tout ! » C’est à cet instant qu’Arthur décida de monter dans la chambre de son fils, histoire de calmer le jeu. La mère comme le fils avaient deux gros caractères, et cela pourrait bien vite partir en pugilat. Alors comme à son habitude, il fit acte de présence derrière et avec sa femme sans pour autant prendre tout de suite la parole. « Charlie ! Tu étais le seul enfant que je savais en sécurité là-bas ! Tu étais le seul à être éloigné de cette guerre, et je voulais que tu y restes le plus longtemps possible. C’est pour ça que j’ai décidé, avec ton père, de ne rien te dire. Est-ce que tu comprends ça ? Je me suis mise à disposition de la Résistance comme tes oncles l’avaient fait avant moi. » Elle marqua un temps de pause, et Charlie ne répliqua pas. Il savait que Mum ne parlait que très rarement de ses frères morts. C’était un sujet toujours aussi douloureux, et l’aborder signifiait que Molly était vraiment très en colère. « Maman… Tu sais bien que je ne peux pas rester à m’occuper des dragons alors que ce monde, le monde dans lequel tu nous as élevés est en train de disparaître. Ron se bat chaque jour pour retrouver son ami. Freddy et Georgy aident la communauté comme ils le peuvent. » En effet, même si les jumeaux avaient une part moins importante dans la lutte pure et dure, ils donnaient aux gens de l’espoir. À leur façon, avec leur magasin de farces et attrapes, ils apportaient aux sorciers un peu de réconfort. « Tu n’avais pas le droit de me laisser en dehors de cette guerre alors que toute ma famille risque sa vie. » Molly regarda alors son fils balancer ses tenues sales dans son armoire. « Tu penses que ça va se laver tout seul Charlie ? » Charlie lui lança un regard qui voulait dire, penses-tu que c’est le moment de parler de mon linge sale ? D’un coup de baguette, Molly fit disparaître les vêtements pour qu’ils se retrouvent dans le panier à linge sale, dans la cave du Terrier. « Tu ne peux pas me demander de rester à l’écart Maman… et de toute façon, je ne t’écouterai pas. » Charlie passa alors devant sa mère et son père et descendit. Molly regarda Arthur. Ces deux-là n’avaient pas besoin de se parler pour se comprendre. Ils avaient bien élevé leurs enfants, et à des moments, Molly aurait voulu qu’ils soient plus égoïstes ou même trouillards. Qu’ils restent dans les jupons de Maman. Mais c’était impossible. « Molly, tu ne peux plus les protéger comme lorsqu’ils vivaient encore tous ici. Ils sont adultes et… » Molly prit son mari dans les bras. « C’est que je ne suis pas prête à en perdre un Arthur… Je ne pourrais pas y survivre tu sais. » Les deux parents se blottirent l’un contre l’autre, sachant que leur famille, comme toute la communauté magique, courait un grave danger.

Plus aucune nuit ne sera jamais pareille. Plus aucun dîner de famille ne sera aussi animé qu’autrefois. Plus aucun Noël… Plus aucun anniversaire… Cette litanie funèbre ne quittait pas l’esprit de Molly. Allongée dans son lit, elle venait encore une fois de se réveiller en sursaut. L’image du corps de son petit, pétrifié dans la mort, revenait à chaque fois qu’elle fermait les yeux. La sensation de son corps tout froid lorsqu’elle avait embrassé une toute dernière fois, l’absence de ce sourire qui le caractérisait tant. Elle se retourna dans ses draps en essuyant ses larmes, et passa une main à côté d’elle. Rien, seulement le froid, plus de mari. Elle se redressa alors sur son lit, et regarda l’horloge qui trônait dans la petite chambre conjugale. Il était bien tard, ou bien tôt. À vrai dire, pour Molly, maintenant chaque seconde, chaque heure avait la même saveur. Celle de l’absence, celle de la mort. Elle se leva et mit ses pantoufles. La mère de famille n’avait pas besoin de chercher bien longtemps son mari dans leur bicoque. Elle s’avança le plus discrètement possible vers la chambre de leurs jumeaux. Son cœur se brisait à chaque fois qu’elle pensait à Freddy. À chaque fois qu’elle le renvoyait étendu dans son cercueil, unique endroit où sa maman ne pourrait malheureusement pas le suivre. Elle poussa délicatement la porte entrebâillée et aperçut son mari, allongé sur le lit de leur enfant décédé. Cette vision lui arracha les entrailles, et les sanglots qui provenaient de son époux lui donnèrent envie de hurler. « Arthur, ce n’est pas bon de faire ça…» Mum s’approcha un peu plus de son mari qui serrait fort la peluche que leur petit fred ne quittait pas lorsqu’il n’était encore qu’un enfant. Elle ferma les yeux quelques instants. Ils ne pouvaient pas flancher tous les deux, ils n’avaient pas le droit… Fred n’aurait pas voulu les voir dépérir en le pleurant. Même si le jour de l’enterrement de leur fiston, Molly aurait voulu s’allonger à côté de lui et l’accompagner dans sa dernière demeure. Elle avait regardé les six autres petits roux à ses côtés, et… « Arthur, nous n’avons pas le droit de nous laisser aller, les enfants…»  Arthur renifla, et serra plus fort encore la peluche. « Il nous reste six enfants. En vie. En bonne santé. Nous devons… » Weasley père se tourna alors vers son épouse, et la regarda quelques secondes. Molly ne l’avait jamais vu ainsi. Ses joues étaient creusées, il avait perdu l’appétit. Sur son visage, se voyaient les sillons que les larmes trop nombreuses avaient imprimé. «Fred est mort. Notre fils est mort Molly. » Chacun de ces mots était un coup de poignard en plein cœur. Elle se sentait meurtrie au plus profond de sa chair. Elle lui avait donné la vie, ils lui avaient donné la mort. Cette sensation d’impuissance la bouffait littéralement, mais à quoi bon le répéter ? « Oui Arthur. Notre petit est parti.  Nous sommes amputés d’une partie de notre âme mais Fred…» Prononcer son prénom est encore tellement douloureux, mais essentiel. Molly ne voulait pas que ce prénom soit tabou. Elle voulait faire vivre Fred à travers eux, à travers toute leur famille. « Nous devons refaire surface Arthur. On ne peut pas les laisser gagner. Il faut se battre. » Arthur tourna de nouveau le dos à son épouse. C’était la première fois en trente et un ans de mariage qu’Arthur mettait fin à la conversation d’une telle manière. « Bats-toi toi… moi je n’en ai plus la force. »    

À partir de ce jour-là, Weasley père n’était plus que l’ombre de lui-même. Lui auparavant fier patriarche d’une famille nombre ne quittait plus leur modeste demeure – le Terrier n’était plus un endroit sûr. Il semblait se terrer dans son chagrin. Molly aurait voulu se laisser mourir elle-aussi afin de rejoindre cet enfant adoré. Mais son deuil s’était mué en colère et elle voulait la mettre à profit pour aider tous les enfants qui restaient à sauver. Le sien n’était plus, mais il en restait des milliers qui seraient tôt ou tard victimes innocentes de cette dictature. Alors la maman endeuillée transforma son chagrin en énergie. Sa haine en courage. Son amour maternel en convictions. C’est pour que cette perte inestimable ne soit pas vaine que Molly Weasley devint un fer de lance de la Résistance.

Wolverhampton est attaqué. Ils nous ont trouvés. Partez, fuyez. La descente des mangemorts dans le quartier général de la Résistance avait laissé des traces au sein des rangs des combattants pour un monde meilleur. Les adeptes de Lord Voldemort ont tout saccagé : des vies, des familles, et tout ce que l’ordre du phénix avait construit jusque là. Après cette tragédie, une nouvelle ère commença pour tous les membres éminents de la résistance. La confiance en ce groupe était mise à mal : le manque de résultats, les pertes trop nombreuses et le manque de coups portés aux sbires de voldemort avaient eu raison de beaucoup de volontaires pour mener les combats. Des petits groupes de résistants s’étaient formés suite à l’éclatement de leur QG : certains suivaient toujours les directives données par l’Ordre mais d’autres avaient décidé d’attaquer en force, de rendre coup pour coup aux mangemorts. Étaient-ils plus dans le faux ? Personne ne pouvait les juger de vouloir appliquer la loi du Talion. Surtout maintenant qu’une issue favorable à leur cause était de moins en moins envisageable. Du moins c’était ce que le commun des sorciers pensait. L’existence des horcruxes ne leur avait pas été dévoilée. Bien évidemment, Molly était au courant que le diadème de Serdaigle avait été détruit mais combien d’autres en restaient-ils ? Alors qu’elle lisait les dernières nouvelles dans ce torchon de propagande qu’était la Gazette, Molly leva les yeux vers Percy. Ce dernier remuait pour la énième fois sa cuillère dans son potage au potiron. « Mange, ça te fera du bien. » Depuis que Pénélope était partie, son fils n’était plus que l’ombre de lui-même. Il avait perdu l’appétit, et semblait affecté jusque dans sa chair lorsqu’on y regardait d’un peu plus près. Ses beaux cheveux roux avaient laissé place à quelques cheveux blancs, arrivés bien avant l’heure. La mort de son plus jeune frère quelques années auparavant avait entamé le cœur de Percy mais le départ de sa fiancée avait été le coup de grâce. Et Mum ne pouvait le laisser dépérir ainsi. Sur Arthur, elle n’avait malheureusement aucune emprise mais elle ne laisserait pas son intello de fils prendre le même chemin que son papa. Les relations avec le troisième fils de la fratrie n’avaient pas toujours été au beau fixe. Lors du retour de lord des Ténèbres, il avait quelques temps préféré se ranger à l’avis de ses supérieurs hiérarchiques : ce n’était que des boniments inventés par Dumbledore pour accéder au pouvoir. Pendant cette période, Percy avait totalement coupé les ponts avec sa maman, et ses frères et sœurs. Puis cet enfant doué pour les études et qui mettait un point d’honneur à réussir sa carrière avait fini par entendre raison. Peut-être trop… « Je n’ai pas le moral… même si j’aime toujours autant ton potage au potiron ‘man. » Il tenta vainement de lui adresser un sourire rassurant. « Tu as des nouvelles de Charlie ? » Il était difficile pour les membres de la fratie de garder contact en ces temps troublés. Alors Molly le rassura. Charlie était devenu médecin officiel des hybrides pour l’ordre du phénix. « Il va bien… tout comme Bill. Lui et Fleur ouvrent toujours leur porte aux sorciers égarés et pourchassés. »  Une pointe de fierté pouvait se lire dans les yeux verts de l’ancienne Prewett. Au fur et à mesure des années, elle avait appris à laisser ses enfants prendre leurs propres décisions. Mais elle n’hésitait pas à leur dire lorsqu’elle était en total désaccord. « Tu ne peux pas continuer ainsi. À te laisser embarquer dans des missions dangereuses et mal préparées… » Elle porta à ses lèvres la tasse de thé encore fumante. C’était une discussion que Percy ne voulait pas avoir. « Je veux me rattraper… tu sais pour… [/b][/color]» Molly posa sa main sur celle de son fiston. « Je sais mais tu n’as rien à prouver Percy. Ni à moi ni à Sirius. »» Il fallait bien parler de Sirius Black. Molly et lui ne manquaient jamais une occasion de se confronter. Ils avaient deux visions différentes de la lutte : lui voulait une lutte armée quitte à aller parfois au casse-pipe. Molly, par son cœur de mère et de femme sans doute, préférait que la Résistance prenne son temps, et n’agisse qu’en s’étant assurée que les pertes potentielles seraient moindres. À ce titre, les conflits étaient fréquents au manoir St James, nouveau quartier général des plus anciens membres de l’ordre du phénix. « Et Nymphadora est d’accord avec moi. Vous ne pouvez pas agir bille en tête. Les conséquences sont trop graves. » La jeune Tonks était une amie intime de Weasley mère. Vers qui d’autre Dora aurait-elle pu se tourner lorsqu’elle avait appris sa grossesse ? C’est à partir de la naissance du petit Teddy – dont Molly était la marraine que leur relation s’était approfondie. Elle aimait la fougue de cette jeune femme, et se reconnaissait en elle. Elle appréciait également Remus. Mais ce dernier était plus discret et taciturne. Il tempérait la fougue de Sirius et c’est pour cela que Molly s’en était fait un allié de choix.  « Maman… il n’est pas nécessaire de me faire la leçon. Je… J’ai besoin de ça. Pour tenir. » Il se leva de table pour mettre son potage au potiron au frais. Molly nota qu’il y avait à peine touché. Elle allait parler à Sirius et à Kingsley de l’influence que leurs idées pouvaient avoir sur les plus jeunes. Kingsley ? Grande gueule comme Molly, n’hésitant pas à aller au conflit si c’est pour défendre ses opinions. Les querelles étaient fréquentes entre eux mais… Sirius, Kingsley, Sofia et Molly devaient rester unis dans l’adversité. Sinon qu’adviendrait-il de leur combat ?    

L’attente avait été bien longue. Son huitième bébé allait enfin voir le jour en cette belle journée de septembre. Alors qu’elle ouvrait les portes de sa salle de classe pour une ultime inspection, Molly sentit monter en elle le souffle de l’espoir et de l’espérance. Avec la très respectée – et redoutée n’ayons pas peur des mots, Minerva Mcgonagall, l’épouse de Arthur Weasley avait réussi à ouvrir une école où les enfants nés-moldus, sang-mêlés ou d’une condition menacée par les mangemorts seraient chaleureusement accueillis. Les obstacles avaient été nombreux, même au sein de son propre camp, les réticences justifiées ou non. Néanmoins, nul n’a réussi à venir à bout de la motivation de Mum. Cette dernière espérait que l’ouverture de la Fawkes Learning Center serait symbole d’espoir pour tout le monde sorcier. Que ce soit en Écosse, en Angleterre ou dans n’importe quel pays où les droits fondamentaux sont bafoués. Molly voulait être une des porte-paroles du vivre ensemble, persuadée qu’il était possible que chacun trouve sa place dans empiéter sur celle de son voisin. Après s’être assurée que la salle était prête à accueillir ses petits élèves, Molly ferma la porte de la salle où elle donnerait bientôt ses cours de Sortilèges. A côté de cette porte, se distinguait une petite plaque en bois où étaient inscrits en lettres d’or ces quelques mots ; À Fred Weasley. Nul n’aura raison de son sourire, de sa gentillesse et de son sacrifice. Molly frôle cette petite plaque, bien modeste, comme si elle caressait la joue de son Freddy. Tellement de souvenirs lui revinrent en mémoire à cet instant. Les années où ses enfants étaient scolarisés à Poudlard avaient été merveilleuses. Elle se souvenait du nombre de hiboux reçus qui lui racontaient par le menu les bêtises que ses jumeaux avaient faites le jour-même. Ou encore de Minerva lui racontant le jour où Ronald s’était retrouvé face un verre possédant une queue de rat. Ronald… Son dernier fils. Depuis l’enlèvement de Harry, il ne parle plus vraiment. Hermione et Ronald sont comme amputés d’une partie de leur corps sans le troisième luron de la bande. Molly les avait souvent observés tous les trois, ils se complétaient. C’était comme elle et ses deux frères. Face à cette similarité, Molly n’avait jamais réussi à aborder la disparition de Harry avec Ronald. C’était ouvrir deux plaies béantes, qui ne cicatriseraient jamais. Alors Ronald et Molly avaient des relations distendues, seulement axées sur la Résistance. Ils étaient presque devenus collègues, et Molly en souffrait de plus en plus.