Quand Lizzie ouvre les yeux, la lumière qui inonde la pièce l’aveugle soudain. Elle grimace et pose une main sur son visage. Elle est allongée sur le ventre, sur des draps qu’elle connaît si bien qu’elle pourrait presque dire qu’ils sont les siens, à force. C’est étrange comme la chambre de Valerian lui est aussi familière, voire plus, que la sienne dans le manoir qu’elle partage avec Abbas. Pourtant, Kalen et Val ont déménagé il n’y a pas longtemps : Lizzie ne devrait pas avoir l’impression qu’elle a passé des nuits et des jours entiers ici. Et pourtant. Depuis leur emménagement, elle mettrait sa main à couper qu’elle a passé plus de temps chez eux que chez elle. La majorité de son temps est de toute manière pris par l’hôpital, et depuis sa dernière vraie conversation avec Abbas, Elisabeth fuit leur maison autant que possible.
Elle n’a pas envie d’entendre parler de sa copine.
Elle n’a pas envie d’entendre parler de leur bonheur.
Pourquoi l’univers lui donne-t-il le droit d’être heureux alors qu’il a brisé son bonheur à elle quand il l’a privée pour de bon de sa capacité à devenir mère.
Non, honnêtement, elle est mieux ici, allongée dans la lumière du début d’après-midi, dans les draps de Val. Elles se sont trouvées dans la matinée pour un brunch tardif, suite au service de nuit de Lizzie. Valerian ne travaille pas aujourd’hui. Comme souvent, elles ont fini par rentrer chez le couple Yaxley-Slughorn et ont fini dans sa chambre, histoire de sceller le bon moment qu’elles passaient ensemble. Ce sont des habitudes, presque, à ce stade, mais des habitudes qui lui font du bien, à Lizzie. Elle trouve en Valerian, et en leur intimité, un réconfort si intense qu’elle ne saurait pas le décrire. Elles ne sont pas amoureuses l’une de l’autre, mais leur affection est forte. L’amitié que Lizzie a pour Val n’a d’égale que l’amitié qu’elle a pour Kalen, l’intimité en moins pour lui. Val la rassure, Val l’aide à… survivre. Elisabeth ne dirait pas qu’elle est au bord du gouffre, mais parfois, parfois, elle a l’impression qu’elle sombre, et il n’y a que ses deux amis les plus chers pour lui faire garder la tête hors de l’eau.
Autrefois, Abbas était son phare, son ancre. C’était un autre temps.

”Hey.” dit-elle en tournant la tête pour trouver Val allongée à ses côtés, en train de lire quelque chose. Un livre, un magazine, un journal… Lizzie n’est pas très sûre, elle est encore un peu à côté de la plaque. ”Sorry I fell asleep.” Elle sourit. Ça leur pendait au nez, qu’elle s’endorme, après sa nuit de travail et leur midi… sportif. Elisabeth se redresse sur ses coudes et pousse ses cheveux en arrière. Il est presque quinze heures. Kalen n’est bien évidemment pas à la maison, et tant mieux. Quand bien même il est au courant de leur lien spécial, elle n’aime pas trop le savoir dans la maison ou au moins dans les pièces adjacentes quand Valerian et elle prennent du temps ensemble.
”What are you reading?” demande-t-elle en passant une nouvelle main sur son visage dans l’espoir de se réveiller un peu, ou du moins d’ouvrir les yeux un peu plus grands pour pouvoir distinguer les traits de son amie un peu plus précisément. ”I hope you didn’t feel like you had to stay with me…” dit-elle doucement, se sentant de nouveau coupable de s’être endormie pendant presque deux heures.
Enfin, elle se redresse pour de bon, retenant le drap contre sa poitrine. Ses vêtements et sa blouse vert émeraude de médicomage traînent sur le sol de la chambre. Elle attrape sa baguette et les envoie, pliés, sur la chaise un peu à sa gauche. Mais elle ne se rhabille pas encore. Elle a du temps, aujourd’hui, et si Valerian veut bien qu’elle reste à ses côtés, elle compte bien ne pas partir tout de suite. La vérité, c’est qu’elle restera tout l’après-midi, toute la soirée et toute la nuit si Val est d’accord, et que Kalen aussi. Mais elle leur a clairement dit qu’il ne fallait pas qu’ils hésitent à lui dire quand elle abusait.

Dos appuyé contre l'immense tête de lit en bois. Les yeux plongés dans le vieux livre qu'elle tient entre les mains. De temps à autres elle jette un regard en biais sur Lizzie qui dort à ses côtés. Et à chaque fois que les prunelles de Val se pose sur la silhoutte de la brune étendue auprès d'elle, c'est un large sourire qui vient étirer ses lèvres. Un sourire d'une tendresse infinie, à l'instar de la tendresse qui les lie. Si leurs ébats sont parfois empreints d'une réelle passion, c'est bien la tendresse qui est le cœur de leur relation si unique, si peu commune. Des amies, des amantes. Elles s'aiment. Véritablement. Pas de cet amour fulgurant, passionnant et aveuglant mais elles s'aiment oui. Et ce qu'elles sont, Val le chérit chaque jour. Chaque jour. Elle a bien conscience que tout ceci peut prendre fin d'un jour à l'autre, pour une raison ou pour une autre, mais elle le chérit. Elle la chérit, elle. Val n'imagine pas son existence sans Lizzie aujourd'hui. Ce n'est plus possible, la médicomage a pris une place bien trop importante pour cela. Amitié, amour, tendresse. Mais pas seulement en réalité. C'est que Lizzie a su apporter une sorte de paix à Val dans cette intimité qui leur appartient. A tel point que Val est capable aujourd'hui, d'être là, nue, même si sa poitrine est bandée, sans ressentir le profond mal-être qui était le sien il y a encore quelques mois de cela. Une stabilité qui permet à Val de mieux apprendre à s'aimer au quotidien. C'est en cela que Lizzie et Kal forment les piliers de sa vie. Sourire tendre donc en observant Lizzie, une main qui vient délicatement caresser les longues mèches brunes du bout des doigts de crainte de la réveiller et Val reporte toute son attention sur le livre. Un recueil de recettes de potions particulièrement ancien qu'elle a eu beaucoup de mal à obtenir. Elle a dû pour cela débourser un certain nombre de Gallions mais surtout fréquenter des endroits peu recommandables. C'est qu'elle a toujours cette soif d'en apprendre plus Val, toujours. Et si elle excelle déjà dans l'art des potions, elle sait qu'elle peut toujours en attendre encore et encore, et c'est bien ce qu'elle fait en cet instant. Profitant de cet instant suspendu hors du temps.

Lorsqu'elle sent Lizzie se mouvoir à ses côtés, elle détourne son regard de son livre, souriant toujours avec tendresse en observant la brune. « Hey... » qu'elle répond avec douceur lorsque Lizzie se tourne vers elle. Lizzie qui s'excuse de s'être endormie. « Don't apologize. » Parce qu'il n'y a aucun mal, au contraire. Val aime tous les instants qu'elle passe en compagnie de Lizzie. Tous, sans exception. Val a du mal à détourner son regard de Lizzie maintenant que cette dernière est réveillée, maintenant qu'elle peut plonger dans la profondeur de son regard. Elle l'observe avec insistance, la fixe même, ne se lassant jamais de son visage, de sa bouche, de chacun de ses traits. « Potions... » qu'elle murmure avec un petit sourire en coin lorsque Lizzie lui demande ce qu'elle lit. Elle corne une page pour pouvoir la retrouver et referme le livre qu'elle pose à côté d'elle sur les draps alors que Lizzie se sent visiblement coupable d'avoir « condamné » Val à rester avec elle. « I chose to stay there. » dit-elle en haussant les sourcils tandis que Lizzie se redresse. Et tandis que la sorcière entreprend de remettre en place d'un coup de baguette ses affaires éparpillées au sol, Val tend la main vers son visage, revenant placer une mèche de cheveux derrière l'oreille de la brune, laissant ensuite ses doigts glisser le long de sa joue dans un geste particulièrement tendre. « I love this. When you're here. In my bed. » Sourire complice avant qu'elle ne se penche pour venir gentiment mordiller l'épaule de Lizzie avant d'y déposer un baiser. « So... » La main glisse à présent sur l'épaule, puis sur le bras pour finalement venir chercher les doigts de Lizzie auxquels Val entrelace les siens. « Can I keep you ? » qu'elle lui demande, une moue irrésistible sur le visage. « At least until tomorrow. » Un silence. « Please ? » Qu'elle reste. Val a conscience que Lizzie va devoir rentrer chez elle mais qu'elle reste. Au moins jusqu'à demain oui.

Potions... Lizzie ne peut retenir un sourire. Évidemment, que c’est dans un livre sur les potions qu’elle est plongée. Elle ne sait même pas pourquoi elle a posé la question. Valerian est une passionnée - comme elle. Leurs disciplines sont différentes, bien que souvent complémentaires, mais c’est la même soif de connaissances, la même envie de toujours apprendre qui les anime. C’est l’une des raisons pour lesquelles elle se comprennent si bien, l’une des raisons pour lesquelles elles s’aiment tant. Jamais Valerian ne reprochera à Lizzie d’avoir son nez trop plongé dans des bouquins, jamais Valerian ne reprochera à Lizzie de passer trop de temps au travail, parce qu’elle sait ce que c’est, d’être si concentré et enthousiasmé par quelque chose qu’on a dû mal à faire de la place pour le reste. Elisabeth a toujours été charmée par les gens intelligents, quel que soit leur genre, même si seules les femmes trouvent le chemin de son lit. Ce n’est pas pour rien qu’elle s’est mariée à Abbas Shafiq : elle n’aurait pu trouver mari plus brillant, elle n’aurait pu trouver partenaire plus à sa hauteur. Si Lizzie a réussi à construire un lien aussi fort et pérenne avec Valerian, c’est en partie parce qu’elle est brillante, elle aussi. Elle ne s’ennuie jamais, quand elles discutent - que leurs conversations soient futiles ou très complexes. Plus encore, Valerian fait partie des rares personnes en ce monde qu’Elisabeth admire.

Lizzie s’attend à ce que Val poursuive sa lecture, mais elle referme son livre et se tourne vers elle. I chose to stay there. De nouveau, la médicomage sourit. Si elle est restée, c’est parce qu’elle se sentait bien - et ça, c’est un vrai cadeau, pour Lizzie. Quand bien même elle peut être un peu froide au travail et à l’extérieur, elle ne peut pas nier qu’une part d’elle est suffisamment sentimentale pour être touchée par ce genre de choses. Avoir réussi à créer cette confiance et cette… évidence entre elles est probablement aussi important pour elle que le succès de ses recherches - et ça veut dire beaucoup.

Valerian replace une de ses mèches de cheveux avec tendresse et Lizzie profite du geste, toujours l’esprit un peu embrumé. Elle se réveille, tranquillement, doucement. Il n’y a pas d’urgence, juste un calme et une atmosphère qui la rassure. I love this. When you're here. In my bed. Un nouveau sourire, en coin cette fois, vient étirer les lèvres d’Elisabeth, qui penche la tête vers son amante, qui s’attaque à son épaule avant d’y déposer un baiser. So... Elle entrelace leurs doigts et Lizzie suit la chorégraphie avec un naturel qu’elle ne connaît qu’avec Val. Can I keep you ? demande-t-elle. At least until tomorrow. Un éclat malicieux passe dans les yeux de la médicomage. Jusqu’à demain… Évidemment. Si c’est Valerian qui le demande en plus, alors elle s’exécutera sans la moindre résistance. Please ? Lizzie relève les yeux vers le mur en face d’elle et fait mine de réfléchir. Mmmh. I haven’t decided yet… Mais le ton de sa voix, taquin, suffit à donner sa réponse à Val. Lizzie lâche un petit rire et se tourne de nouveau vers son amante qui affiche toujours une expression trop irrésistible pour que Lizzie se retienne de venir déposer un baiser furtif sur ses lèvres. If it was up to me, I would stay forever. dit-elle. So of course you can keep me until tomorrow. Nouveau baiser, sur la joue cette fois. Valerian est bien la seule personne à obtenir ce genre de geste de la part de Lizzie. Elle ne s’embarrasse pas de ça, avec ses amantes passagères. But as soon as your husband gets home, I’ll be fully clothed. ajoute-t-elle avec un petit rire. Lucky us, he’s not there yet. Lizzie soupire de contentement.

Do you want me to make you breakfast? Elle regarde la lumière qui s’échappe des fenêtres. Or… brunch? propose-t-elle. Let’s eat brunch and watch some shitty show. s’anime-t-elle soudain. We can judge people and talk about life. And how orange juice is better than pumpkin juice. Les choses simples de la vie, ces choses un peu domestiques qu’elle ne partage qu’avec Val.

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