Elisabeth fronce les sourcils en regardant l’horloge. 10h35 Elle entend toujours du raffut là-haut, pense à chaque nouveau claquement de porte que Sophia va dévaler les escaliers, mais sa fille n’apparaît jamais en haut des marches. ”What is she doing?” râle un peu la médicomage. Elle revient d’un service nocturne, qu’elle n’était pas censée faire parce qu’elle avait bien dit à tout le monde qu’elle allait profiter de sa fille pour sa dernière nuit à la maison… Mais comme souvent, ses responsabilités l’ont rattrapée, et elle a dû se lever sur les coups de quatre heure du matin pour rejoindre Sainte Mangouste pour une urgence. Elle n’est revenue que vers 9h, à temps pour prendre le petit déjeuner avec Abbas et Sophia. Elle aurait maudit ses collègues et le reste du monde pour toujours si elle avait raté ça.
Elle a été un peu sèche avec ses internes, ce matin. Il faudra qu’elle aille s’excuser… Mais pas maintenant. Maintenant, elle a d’autres priorités. Elle a sa priorité. Sa Sophia. Lizzie finit par monter les escaliers pour trouver la chambre de sa fille sans dessus-dessous. ”I can’t find my necklace.” fait Sophia quand sa mère fait irruption dans sa chambre. ”The one dad gave to me.” ”Calm down. We’ll find it.” La petite brune s’étale par terre pour regarder sous son lit, sous ses commodes, sous sa bibliothèque, en pestant avec des mots de son âge. Elisabeth, appuyée dans l’encadrement de la porte, la regarde en souriant. ”Why didn’t you call me?” Sophia se redresse, ses cheveux dans tous les sens à force de s’être contorsionnée pour regarder sous et derrière tous ses meubles. ”You know I could just Accio it, right?” fait Lizzie avec un sourire en coin. ”I know, I know.” Elle soulève ses couvertures et une pile de vêtements laissés sur la chaise de sa coiffeuse. ”It’s just… You and dad won’t be there to help me, once I’m at school. I need to learn to solve problems on my own.” dit-elle d’une voix assurée, du haut de ses dix ans. Lizzie pince les lèvres, amusée, attendrie, et émue.

Aujourd’hui est un jour important. Sophia entre à Poudlard.
Sophia, cet enfant qu’ils ont tant désiré, cet enfant qu’ils ont failli perdre. Elle est là, en chair et en os, elle a dix ans et elle va les abandonner pour faire sa première année à l’école de magie. Depuis des mois, Lizzie tente de s’y préparer. Mais la laisser partir… ça la rend malade. Elle est encore si jeune. Pourtant, elle sait que Sophia ne sera pas seule : elle a déjà plein d’amis de son âge, parmi leurs fréquentations sorcières. Elle ne devrait pas non plus avoir de mal à se faire de nouveaux amis.
C’est probablement juste égoïste : Elisabeth aimerait la garder auprès d’elle, toujours. Elle a l’impression que les lettres ne seront jamais suffisantes.
”That’s very true. But Soph, we need to go. Let me Accio it.” Sophia fait la moue. Lizzie baisse les yeux vers les pile de vêtements. ”You’re not taking these?” Sophia fait non de la tête, les mains sur les hanches. ”Bathroom?” Sophia fait encore non de la tête. ”It’s ok, we’ll find it eventually. We’ll send it to you. » -- ”But!! It’s important!!” Derrière elle, dans le couloir, Lizzie entend des pas. Une main se pose dans son dos et Abbas apparaît à ses côtés dans l’encadrement de la porte de la chambre de leur fille. Il lève la main, et quelque chose s’y balance. ”Looking for this?” Et le visage de Sophia s’illumine.

Sophia vient d'avoir onze ans, et elle va entrer à Hogwarts.
Abbas trouve ça... absurde. Juste, absurde. Parce qu'il se souvient encore du bébé qu'elle était à sa naissance. Si petite et vulnérable, avec ses grands yeux noirs le dardant avec curiosité. Il avait senti son coeur fondre. Et aujourd'hui encore, en y repensant, Abbas sent son coeur fondre lorsqu'il pense à sa fille, à la prunelle de ses yeux.
Sophia va entrer à Hogwarts... cela lui semble tellement, tellement impossible et absurde. Sa petite fille, partie pendant la plupart de l'année, loin dans les Highlands écossais...! Lui et Elisabeth ont toujours été très protecteurs avec leur fille, mais ils ignoraient vraiment à quel point cette perspective allait être terrifiante jusqu'à... maintenant. Ce matin. Elisabeth a dû filer pendant la nuit à cause d'une urgence à l'hôpital et c'est Abbas qui est allé réveiller leur fille, seul. Pas besoin de beaucoup d'aide: Sophia était déjà prête, sa tenue pour la journée sur le lit, en train d'hésiter sur la couleur de sa jupe. Indécise et du genre à se prendre la tête pour rien. Comme son père.

Ce n'est plus que quelques poignées de minutes qui les séparent du moment où Sophia sera dans le train prête à partir. Abbas aimerait pouvoir ralentir le temps ou mieux, l'arrêter. Passer un peu de plus de temps pour célébrer l'été... mais non. Non, il faut engloutir son petit-déjeuner, finir son sac, attraper son manteau.
Il n'a vraiment, vraiment pas envie...
Il espère presque que Sophia ne trouvera pas le collier, et que ça la forcera à rester. Sauf que c'est un peu égoïste, de penser ça. Il a adoré son temps passé à Hogwarts. Il sait qu'il en sera de même pour sa fille, qui a hérité de la curiosité et de la vivacité de ses parents. Le tout saupoudré d'un peu trop de témérité casse-cou aux yeux de son père... il aimerait beaucoup la voir rejoindre le banc des Ravenclaws, mais il a l'impression que les lions vont à la place lui ouvrir les bras. Ca le contrarie un peu, pour être honnête. Mais bon. Il ne veut que le bien de sa fille.
Ainsi va-t-il chercher son collier, qu'elle retire quand elle joue au violon, parce qu'elle dit que ça la dérange au niveau de la nuque. Sa petite fille, qui joue au violon et qui aime dégnommer le jardin avec ses cousins, qui s'énerve quand son père est constamment à ses côtés mais qui fond dans ses bras à chaque fois qu'elle a besoin de lui. Sa petite fille, bientôt partie à Hogwarts, jusqu'à Noël au moins.

”But!! It’s important!!” Abbas sourit un peu en entendant sa fille protester, montant les marches pour les rejoindre dans sa chambre. Elisabeth observe leur fille depuis l'encadrement de la porte et il vient l'épauler avec un air satisfait, faisant pendre le collier depuis son poing fermé. ”Looking for this? - Dad!!" Sophia se précipite vers lui, lui donne un (bien trop court) câlin avant de s'emparer de son précieux bijou. "Can you help me?" Abbas se penche pour l'aider à l'attacher dans sa nuque avant de lui embrasser les cheveux. "You're all set now. - Yes!" Sophia se détache et fait un tour de sa chambre pour finir de rassembler ses affaires, sous les yeux de ses parents. "Okay, I need to brush my teeth, and then we can go. Excuuuuuse meeeee," crie-t-elle en se faufilant entre eux en direction de la salle de bains, alors qu'Abbas rit un peu en la regardant faire.
Elle claque la porte derrière elle et il soupire en jetant un regard à Elisabeth. Il sait qu'elle aussi n'a pas envie de voir leur petite princesse les quitter pour l'année scolaire. "Are you okay?" lui demande-t-il gentiment en levant une main pour effleurer sa joue, repousser une mèche de cheveux. Lizzie a de petites yeux, normal après la nuit qu'elle vient de passer. Il laisse sa main envelopper sa joue, son pouce effleurer sa pommette, une moue boudeuse venant s'inscrire sur son visage. Même si ils n'ont pas une relation physique à proprement parler, pas depuis la naissance de Sophia, leurs gestes de tendresse ne sont pas rares. "You need to be okay, Lizzie, because I'm going to be crying my eyes out on the platform and someone will have to take me home..."

Sophia est prête à aller à Poudlard. Bien plus qu’Abbas et Lizzie sont prêts à la laisser partir. Ils en ont beaucoup parlé, tous les deux, le soir, dans le lit qu’il partage platoniquement. Tant de fois, Abbas a laissé tomber son journal et Lizzie ses notes de services pour imaginer la vie de leur fille à l’école, l’imaginer fouler les couloirs qu’eux-même ont foulé quand ils étaient plus jeunes. Tant de fois, ils ont angoissé ensemble en imaginant tout ce qui pourrait mal tourner. Elisabeth n’est pas le genre à s’angoisser, pourtant. Dans leur couple, elle a toujours plutôt été celle qui rassurait Abbas quand il commençait à trop réfléchir… Mais quand il s’agit de Sophia, Elisabeth n’est plus la même. On lui a souvent répété qu’elle comprendrait, quand elle aurait des enfants, à quel point on peut réfléchir de manière irraisonnée et extrême quand on veut protéger ses enfants. Elle se plaisait à dire que c’était juste une impression, assurait qu’on pouvait avoir les mêmes instincts avec des amis, un amant. Elisabeth a toujours été quelqu’un de très mesuré - et pourtant, elle a compris qu’elle avait eu tort. Elle pourrait trahir le reste du monde pour Sophia. Elle pourrait détruire tout un monde pour elle. Son amour pour elle est si fort que parfois, elle a l’impression qu’il va la submerger.

Dad!! La petite fille se précipite dans les bras de son père et récupère le fameux collier qu’elle cherchait depuis tout à l’heure. Can you help me? Lizzie les observe tous les deux avec une certaine émotion. You're all set now. - Yes! Elle fait un dernier tout de sa chambre et Elisabeth la suit du regard. Okay, I need to brush my teeth, and then we can go. Excuuuuuse meeeee, Elle passe entre eux deux et Lizzie soupire. Elle sait que ce n’est pas l’anxiété qui met Sophia dans cet état, mais bien l’excitation. Tant mieux - si en plus Sophia était angoissée et y allait à reculons… ce serait compliqué.

Are you okay? finit par lui demander Abbas alors qu’elle regarde la porte fermée de la salle de bain. Elle fait la moue et abandonne son visage à la main de son mari qui vient se poser contre sa joue. Sophia ne sera plus là, dans quelques minutes, mais au moins, Lizzie a son Abbas. Ils surmonteront cette nouvelle étape de leur vie ensemble. You need to be okay, Lizzie, because I'm going to be crying my eyes out on the platform and someone will have to take me home... Sa moue inquiète laisse place à un sourire et à des yeux rieurs. Elle lève les yeux au ciel passe ses bras autour de sa taille, pose sa tête sur son épaule. I’ll take you home. assure-t-elle. But I may join the crying party once other people can’t see us. dit-elle en se redressant tout en gardant ses mains nouées dans le dos d’Abbas. I may also save our tears into little jars, just in case. La scientifique ne perd pas le nord. Elle soupire une nouvelle fois. We’ll be ok. I mean… We lived many years together without her. We can do it again, right? dit-elle tout en sachant que ce n’est pas du tout comparable. And she’ll write us letters. Very detailed ones. dit-elle, mais c’est plus un espoir qu’une certitude.

Elisabeth passe les bras autour de sa taille et Abbas sourit légèrement, sa main se posant dans son cou avec douceur. "I’ll take you home. But I may join the crying party once other people can’t see us." Il les imagine sans mal s'effondrer sur le canapé à pleurer et à rire, tristes et ravis à la fois de voir leur fille filer à l'école. Ce sera triste, Abbas le sait, et leur maison lui semblera bien vide quand elle ne sera plus agitée des rires de Sophia, de ses interminables leçons de violon, de ses aventures enthousiastes d'enfant casse-cou. Mais il n'a aucun mal à imaginer qu'elle se fera plein d'amis à Hogwarts - elle en a déjà tant à l'école - et qu'elle y sera comme un poisson dans l'eau. Cette perspective le rassure un peu... mais à peine. "I may also save our tears into little jars, just in case." Abbas rit un peu en l'entendant, secoua la tête. "Alright, weirdo," souffle-t-il avec tendresse. Son intérêt a lui est toujours passé dans les livres, il ne comprend pas trop parfois où l'esprit d'Elisabeth veut aller, mais si elle veut récupérer leurs larmes, il lui donnera les siennes avec plaisirs.

"We’ll be ok. I mean… We lived many years together without her. We can do it again, right?" Il grimace un peu mais hoche la tête. Lizzie n'a pas tort, ils survivront sans elle... Abbas a juste peur que beaucoup de la vie perde de sa saveur. "And she’ll write us letters. Very detailed ones." Il rit en entendant sa femme essayer de se convaincre. "If she remembers to." Sophia a tendance à être un peu... éparpillée, et c'est toujours à eux de lui rappeler de faire ses devoirs, de les finir, de les rendre. Qu'ils aient pu créer, à deux, une telle boule d'énergie dispersée est véritablement quelque chose qu'Abbas ne comprend pas: il s'était toujours imaginés avec des enfants comme lui, nez fourrés dans les bouquins, ou possédant le même intellect que Lizzie. Si Sophia ne manque pas d'intelligence, elle ne le met pas à profit des runes, de l'Occlumancie, de l'histoire, non... elle s'intéresse plus aux gnomes qui ont trouvé refuge dans leur jardin, ou aux créatures qu'ils sont allés voir au zoo magique de Londres il y a quelques mois, ou aux statistiques de Quidditch de son équipe préférée. "I'm happy for her, but very sad for us." Abbas soupire en se détachant un peu de Lizzie. "I just hope she doesn't get into trouble, and that she gets sorted in Ravenclaw." Deux choses tout à fait impossibles pour Sophia Shafiq: pas besoin de croiser le regard de Lizzie et sa grimace pour le comprendre.

If she remembers to. Elisabeth le regarde, avec une grimace. Do you really think I'll let her forget? Elle fait une petite moue. Si elle n'a pas de nouvelles de sa fille, elle lui enverra des lettres jusqu'à ce que Sophia réponde, ça c'est évident. Elle a besoin de savoir un minimum comment elle va, elle aura besoin de savoir si elle ne se sent pas trop seule, si elle s'est fait des amis. Bien sûr, leur fille retrouvera à Poudlard plusieurs autres enfants qu'elle a l'occasion de croiser de temps en temps lors de leurs dîners avec des amis, mais Elisabeth sait bien que les enfants des amis des parents ne sont pas forcément les personnes avec qui on crée vraiment des liens. Elle se souvient avoir fait semblant d'être amie avec certains autres enfants, quand elle était plus jeune, juste pour faire plaisir à ses parents. Ses plus proches amis de Poudlard n'ont jamais été ces gens-là. Bien sûr, parfois, il y a des exceptions, mais elle ne sera pas surprise si sa fille se choisit d'autres amis que les enfants avec qui elle est déjà plus ou moins contrainte de passer du temps depuis qu'elle est petite.

I'm happy for her, but very sad for us. Elle ressent exactement la même chose. I just hope she doesn't get into trouble, and that she gets sorted in Ravenclaw. Lizzie retient un petit rire. Yeah, right. Ils en ont déjà parlé, et même sans échanger sur le sujet, ils en sont bien conscients : ce ne sera pas aussi simple qu'ils l'espèrent. Sophia est une petite boule d'énergie, et sa curiosité et son incapacité à rester en place lui vaudra probablement quelques aventures à Poudlard. Lizzie ne sait pas encore quoi, mais elle s'attend déjà à recevoir des lettres des professeurs de l'école. Pas que Sophia soit une cancre : même si elle n'est pas très appliquée, elle n'est pas du genre à faire (trop) de bêtises. Non, c'est juste que sa curiosité pourrait la mener dans de drôles de galères. Elle ne serait même pas surprise que sa fille se retrouve à plonger volontairement dans le lac noir (elle lui a déjà interdit, avec de gros yeux, de faire une chose aussi stupide, en ne lésinant pas sur les exagérations pour s'assurer qu'elle ne mettrait jamais un pied dedans). L'idée de ne pas pouvoir la protéger de tout... wow, ça la tracasse, ça la rend dingue. Elle ne sait pas encore comment elle va gérer tout ça.

We're going downstairs, be ready in two minutes. fait Lizzie d'une voix un peu plus forte pour que sa fille l'entende de la salle de bain. Elle se détourne de la salle de bain et entraîne Abbas derrière elle, sa main greffée à son poignet. Ils descendent tranquillement les escaliers. Should we bet? demande-t-elle alors qu'ils arrivent en bas. On the Hogwarts house? précise-t-elle. Elle se rapproche du porte-manteau et commence à enfiler son long manteau noir de sorcière. I don't even know on which house I would bet, actually. I feel like she could fit in more than one... Elle le regarde avec un sourire et les sourcils haussés : What do you think?

"Yeah, right." Abbas adresse à sa femme un petit regard en biais, l'air de dire: don't start. Il sait bien que ses espoirs sont vains, et il sait aussi que c'est pour le mieux ainsi: si Sophia leur avait trop ressemblé, ou si ils avaient été trop inflexibles avec elle et ne lui avaient pas laissé la place et le temps de se découvrir elle-même, alors sans doute qu'ils ne seraient pas aussi heureux, ensemble, tous les trois.

"We're going downstairs, be ready in two minutes." Abbas suit Lizzie avec un petit sourire, appréciant les choses simples, comme le bruit d'approbation de Sophia ou les doigts de sa meilleure amie sur son poignet. "Should we bet?" lui demande Lizzie lorsqu'ils arrivent au rez-de-chaussée, et Abbas lui jette un regard interrogateur. "On the Hogwarts house?" Il grimace aussitôt en secouant la tête, agitant sa baguette après avoir mis ses pieds dans ses chaussures pour les lacer. "I don't think that's such a good idea," répond Abbas, qui n'aime pas perdre et qui ne voudrait pas parier sur autre chose que Ravenclaw. "I don't even know on which house I would bet, actually. I feel like she could fit in more than one... What do you think?" Il la regarde d'un air incroyablement sérieux, consterné, les sourcils froncés. "I think you're right," concède-t-il lentement. "But I don't know which house she would be more comfortable in, or what would be best for her." Faire ce qu'il y a de mieux pour que sa fille s'épanouisse, est l'objectif de la vie d'Abbas depuis sa naissance.

Il se souvient comme si c'était hier de la première fois qu'il l'a tenue dans ses bras, quand elle était tout petite et frêle et à peine née, un nouveau-né rouge et fripé et terrifié qui gigoteait avec une force et une énergie surprenantes. Sophia, sagesse, leur petit trésor, inattendu et tant espéré. Ils ont essayé, tellement essayé, pendant tellement longtemps. Et maintenant ils sont là, et leur fille va partir à Hogwarts et...

La mine concentrée d'Abbas tombe et il lève la main à son visage, cachant ses yeux brillants derrière sa main. Aussitôt que Lizzie le remarque, parce qu'elle le connait par coeur, il se détourne pour lui présenter son dos. Trop honteux pour montrer ses larmes, mais ayant besoin de son contact et de sa présence pour se sentir mieux et donc, tout bonnement incapable de s'enfuir à toutes jambes comme il en meure d'envie. Abbas renifle un peu. Il n'arrive pas à croire qu'il soit déjà en train de pleurer, un mélange de bonheur et d'angoisse lui vissant les entrailles et les tempes. Il a du mal à démêler sa fierté de sa peur, son envie de la voir réussir à l'école et qu'elle reste pour toujours avec eux à la maison. L'idée de la perdre, l'idée qu'elle s'envole, l'idée qu'elle ne revienne jamais, l'idée qu'elle s'enlise avec eux - tout ça se mélange, un capharnaüm d'émotions violentes auxquelles il n'est pas habitué, qui soulèvent son coeur et font couler des larmes amères derrière ses doigts tremblants.

"Dad?" Abbas relève brusquement la tête, dans un geste qui en serait presque douloureux, pour vriller de ses grands yeux noirs et humides la silhouette de sa fille en haut des marches, paralysée. "Are you... are you okay?"