Donia

diagon alley, janvier 2007

  a new life, a new anchor

C'était certainement stupide mais je n'avais pas pu m'empêcher de l'attendre le ventre noué, signe de peur, un mélange de peur de l'abandon et peur d'en faire trop ou peut-être pas assez. Ce qui était encore plus stupide, c'était que malgré le rapprochement soudain, je ne pouvais pas prétendre la connaître réellement ou pas complètement et pourtant, Merlin savait à quel point je m'étais attachée à cette Isadora que j'avais découverte un peu par hasard parce que je l'avais retrouvée aussi perdue que je ne l'étais moi-même et je l'avais trouvée trop sincère que pour avoir peur d'être poignardée dans le dos. Cette différence de traitement pouvait signifier qu'elle n'était pas comme tous les autres sangs-purs et certainement parce qu'elle n'était pas née dans un contexte aussi sombre que le nôtre. Ou bien c'était juste elle. J'avais peur qu'elle me fasse faux bond une nouvelle fois mais malgré ça, je me serais inquiétée plus que de raison parce qu'elle n'avait pas l'intention de me blesser, ça crevait les yeux. A moins que je ne sois qu'une sotte. Pourtant, mon intuition me trompait rarement et même si j'avais ce besoin maladif d'aider, parfois à mes dépends et à celui des autres, il n'y avait pas que ça chez elle. Elle me touchait, elle m'impressionnait, elle me réchauffait le coeur qui avait été refroidi bien trop récemment. Je pouvais croire qu'elle avait besoin de soutien mais j'avais autant besoin d'elle, un peu comme une ancre. C'était quelque chose de nouveau mais quelque chose de fort. Des amis à Hogwarts, j'en avais eu des nombreux mais avec Dora, c'était plus fort encore et ça compensait ce trou béant laissé au départ de Aaden.

Ma peur avait laissé place à un réel soulagement et une joie incommensurable quand je la vis franchir les portes. Je ne pus retenir un ouf! avant de l'accueillir à bras ouverts, dans un câlin interminable, ne pensant pas une seconde qu'elle pourrait mal le vivre, avant d'un peu regretter ce comportement trop tactile pour certains. A force de devoir consoler Aaden, j'avais assimilé ces gestes à une affection et pourtant, tout le monde n'en était pas forcément fan, au-delà des humeurs passagères. Tout en écoutant les différents cours, je lui proposais une petite virée qui lui permettrait de lui changer les idées, juste entre filles, après cette journée interminable. Je chipotais vaguement à ma plume, trop peu concentrée et je savais que j'allais le regretter lors des révisions. Ça ne me ressemblait pas, j'étais une acharnée mais c'était évident que le retour de Dora y était pour quelque chose.

J'avais bouclé mes affaires à une telle vitesse que j'en étonnais plus d'un autour de moi. En temps normal, malgré les regards, je prenais plaisir à écouter les différentes leçons parce que j'avais choisi mon cursus mais non seulement j'étais prise par les dernières recommandations de l'Ordre du Phénix et par le retour d'Isadora et ces deux éléments mis bout à bout ne m'aidaient vraiment pas à rester concentrée sur ce cursus. Si j'étais honnête avec moi-même, je gardais cet emploi du temps pour les apparences, si on mettait de côté ce genre de moments plus doux, un peu comme une parenthèse dans la guerre qu'était devenue ma vie, une lutte incessante entre le désir de vengeance tout naturel puisqu'on avait touché à ce que j'avais de plus précieux dans la vie et le besoin de ne pas me faire remarquer pour aider les fugitifs, ceux qu'on appelait des terroristes. « Oui, donc je te disais que-. T'es toujours avec moi ou je t'ai perdue ? » Je n'avais pas osé pointer du doigt son absence, pas dans un premier temps mais j'allais certainement y être confrontée beaucoup plus vite que je ne l'avais imaginé. « Si tu ne te sens pas en forme, je peux te raccompagner et on remet ça à une prochaine. » J'étais bien trop bavarde et si je ne m'en rendais pas toujours compte, cette fois, c'était flagrant et je me sentais d'autant plus mal de l'accabler de la sorte. Les rues étaient plutôt calmes, nous avions fini les cours assez tôt ce jour-là et j'avais encore du temps avant d'aller bosser, il fallait que je profite d'une telle opportunité et ce n'était pas en l'ennuyant que j'allais y arriver.

Donia

diagon alley, janvier 2007

  a new life, a new anchor

Le courage avait été difficile à trouver. Elle en avait manqué pendant si longtemps, qu’il lui semblait complètement perdu, impossible à invoquer de nouveau. Dora avait eu le temps de s’y préparer, à ce retour à l’université, ce retour à la vie en quelque sorte. Elle avait eu de longues semaines pour se faire à l’idée ainsi que pour aménager la logistique, dont surtout la garde d’Abel pendant ses heures de cours. Mais tout de même s’arracher au manoir d’Édimbourg fut extrêmement dur ce matin-là. Elle n’y avait jamais trouvé de foyer chaleureux, n'y avait jamais complètement été à son aise, même au début, quand ses efforts étaient multiples et pourtant elle aurait tout donné pour pouvoir s’y terrer encore un peu. Elle avait réussi à s’éloigner, le corps tendu comme un arc, ses doigts serrés sur son sac de cours avant qu’elle ne transplane vers Londres, la boule au ventre. Elle s’attendait à être mal accueillie, après tout elle n’avait pas connu beaucoup plus que des regards noirs ou emplis de pitié et de vilaine rumeurs de la part de ses camarades de la Charm School. Et la seule exception rencontrée, une âme beaucoup trop bonne et pure pour qu’elle ne la mérite, elle avait peur de l’avoir perdue par sa propre lâcheté. Quand Dora avait écrit à Toni, elle ne pensait pas recevoir de réponse. Tout ce qu’elle lui avait dit été vrai, elle était sincèrement désolée de ne pas être revenue à la vraie rentrée, mais elle s’était si vite déshabituée au pardon ces derniers mois qu’elle n’avait osé l’espérer de la part de sa camarade. Ce fut pourtant le cas. Et ce qui avait été proclamé par écrit fut confirmé aussitôt Dora eut-elle passé les portes de la faculté, se retrouvant presque trop rapidement pour le comprendre le nez enfoui dans les cheveux à l’odeur de vanille de Toni. L’étreinte manqua de la faire vaciller, si peu habituée aux effusions qu’elle était devenue, elle qui un jour avait pu être l’une des personnes les plus tactiles qu’elle connaissait. Elle aurait pu en pleurer.

Suivre les cours après avoir raté tout un semestre n’est pas une chose facile et elle dû dès les premières minutes se donner beaucoup de mal. Un an plus tôt elle aurait peut-être accueilli ce challenge avec un sourire déterminé, aujourd’hui ça l’accable plus qu’elle ne saurait le dire. Mais elle a promis d’essayer. Ses rêves de major de promotion se sont envolés bien assez tôt l’année dernière et elle n’a pas plus espoir cette année d’obtenir autre chose que tout juste la moyenne pour obtenir son diplôme et que l’on cesse de l’embêter. Que Diego surtout cesse de l’embêter, de la culpabiliser. Ses ambitions se sont perdues sur le chemin de sa grossesse.
Avant, elle n’attendait que ce diplôme de la Charm School pour faire plaisir à ses parents et pouvoir ensuite par vraie passion faire un apprentissage d’apothicaire. Désormais elle ne veut en finir que pour pouvoir retourner au manoir, s’occuper d’Abel et espérait un jour retrouver la paix. Entre deux cours Toni lui propose de faire un tour à la fin de la journée et Dora hésite un peu, à cause de son fils, à cause de sa peur de faire fuir Toni avec son manque de conversation. Elle hoche pourtant la tête lentement avant de se concentrer pour l’heure suivante, prenant des notes avec assiduité pour s’empêcher de penser. Et elles se retrouvent un peu plus tard à marcher dans Londres sans but précis, Toni s’épanchant longuement sur un sujet quelconque que Dora s’efforce de suivre, soulagée et même heureuse que quelqu’un lui parle, pour une fois. D’aucuns tentent de la faire parler elle, à commencer par son psychomage et Pixie et Diego. Mais en écoutant Toni, elle se rend compte que si peu de gens ces derniers temps lui ont parlé. « Oui, donc je te disais que-. T'es toujours avec moi ou je t'ai perdue ? » Elle hoche vivement la tête. « Si tu ne te sens pas en forme, je peux te raccompagner et on remet ça à une prochaine.  » Elle rosit un peu, en se demandant malgré elle si c’est un moyen détourné de se débarrasser d’elle, avant de se rappeler que ce sont le genre de mauvaises pensées qu’elle est censée repousser. C’est Toni qui lui a proposé de se voir après les cours. Et puis elle l’a enlacée quand elles se sont vues ce matin. « Non ça va. » C’est un mensonge, mais c’est le plus vieux du monde et un pour lequel Dora est devenue assez douée malgré son teint pâle et ses yeux tristes. Elle ne se regarde même plus dans le miroir depuis sa grossesse, trop dégoûtée par ce qu’elle voit, ce qu’elle est devenue. «  Tu voulais aller quelque part de particulier ? La nanny qu’on a engagé est payée pour rester jusqu’à dix-neuf heures. » précise-t-elle doucement. Elle a donc un peu de temps devant elle pour se promener, boire quelque chose ou discuter, même si cette dernière activité lui demandera beaucoup d’énergie. Elle se sent un peu vidée après cette journée de cours, mais aussi un peu revigorée. Peut-être que son psychomage avait raison que et que sortir de chez elle, voir du monde, se plonger dans autre chose que sa misère pourront lui faire du bien.

Donia

diagon alley, janvier 2007

  a new life, a new anchor

« Non ça va. » Je n'étais pas totalement convaincue qu'elle aille si bien que ça mais je supposais que je ne la connaissais pas encore assez que pour me permettre de douter de tout et de la forcer dans un sens comme dans l'autre. Je devais apprendre à me contrôler si je ne voulais pas la faire fuir, même si je n'avais aucune mauvaise intention. Mes parents m'avaient bien appris à ne pas en faire des tonnes et de respecter les limites des autres, même si je mourais d'envie d'en faire toujours plus et il ne serait jamais trop tard pour me montrer plus franche quand je verrais les signes clairs. C'était difficile, je devais me faire violence mais je n'allais pas faire capoter un début de ce qui pourrait être une véritable relation de confiance. On partageait certaines choses, comme le fait d'avoir ouvert les yeux sur la réalité de la vie.

« Tu voulais aller quelque part de particulier ? La nanny qu’on a engagé est payée pour rester jusqu’à dix-neuf heures. » Encore un peu et c'était moi qui me perdais ailleurs que dans l'instant présent. La bonne nouvelle, c'était que nous allions pouvoir passer un sacré bout de temps en-dehors du cadre scolaire avant que je ne reprenne le boulot. L'optimisme me réchauffait et me donnait plein d'énergie. Même si elle était un peu absente, être à ses côtés était une véritable bouffée d'air, peu arrivaient encore à me donner cette énergie depuis le départ d'Aaden. Il ne suffisait pas que je sois entourée pour oublier tout ça, tout au plus ça me permettait de sourire faussement et de ne pas attirer l'attention mais en présence de bonnes personnes, on aurait vraiment pu croire que je renaissais. L'Ordre du Phénix y jouait certainement partiellement mais, justement, ce n'était que partiel.

« Tu vas m'prendre pour une imbécile mais j'y ai pas réfléchi. » Je mettais gratter nerveusement la nuque, encore une fois, j'y avais réfléchi à moitié. C'était stupide mais j'étais soudainement déçue de ne pas avoir pensé à quelque chose de précis pour éviter un malaise bien inutile. « Boire un verre, ça me va. Tant qu'on-. » J'allais encore en dire trop. Je m'étais retenue juste à temps pour lui éviter une gêne. J'étais censée lui dire que je voulais éviter ceux qui détendaient le pouvoir, même indirectement ? Ou bien l'inquiéter au sujet de mes revenus ? Certainement pas. « Oublie. J'ai un peu de mal avec la foule en ce moment. Je crache pas sur mon indépendance mais j'ai parfois le tournis quand je retourne dans le monde réel. » Une réponse détournée était la meilleure solution, elle n'avait pas besoin d'être inquiète à mon sujet. Je lui pris le bras, tout sourire, préférant dissiper toutes mauvaises ondes possibles.