Le manque lui pesait lourd dans l'estomac. Ethan, sur le côté, se retourna pour trouver une position plus confortable – les yeux grands ouverts dans l'obscurité de la chambre.

Il avait publiquement déclaré, lors du dernier feu de camp, paume ouverte en guise de sa bonne foi, qu'il « arrêtait officiellement de fumer ». Depuis sa fuite, il avait dû se mettre, comme tout le monde, aux cigarettes moldues – de vraies saloperies qui vous dégommaient les poumons en quelques années. Ethan avait commencé à rapidement en sentir les effets, et progressivement gentiment en baver, durant ses sessions de sport. Il avait même dû récemment interrompre son jogging, léger, pour cracher ses poumons au nez d'Anthony. Le regard significatif de ce dernier avait été un déclencheur ; et il lui .

Sauf que maintenant, Ethan avait terriblement, incroyablement envie de se griller une de ces saletés de cigarettes. Au moins, il n'avait pas engagé la parole de Dieu devant tout le monde ; comme s'il avait su qu'il craquerait au bout de dix malheureux jours – déjà, l'incident avec Anthony lui paraissait loin, et la gravité de sa toux relative. Insignifiante, à côté de l'envie qui lui tiraillait le ventre.

« Tu sors ? » Ethan serra les mâchoires par automatisme, puis jeta un coup d'oeil du côté du paravent qui le séparait de Samuel. Forcément. Ethan avait sans aucun doute hérité de la tente la mieux gardée du campement ; avec un vampire et un Halfer aux sens affûtés, il pouvait dormir sur ses deux oreilles sans avoir à s'inquiéter de voir entrer (et survivre) même un seul moustique dans leurs pénates – ni l'un ni l'autre ne pouvait supporter le vrombissement assourdissant de l'insecte. L'ennui, c'était que ses deux colocataires gardaient aussi bien de l'extérieur que l'intérieur ; Ethan avait depuis longtemps abandonné l'idée de se faufiler en toute discrétion à l'extérieur. « Ouais, besoin de prendre l'air », avait répondu Ethan, inutilement bas, en enfilant sa veste rembourrée aux sorts isolants. Samuel émit un « hm » approbateur, et lui demanda de bien refermer la porte en sortant – il faisait encore bigrement frisquet, en cette fin d'hiver. Samuel, en plus d'être extrêmement tolérant (peut-être le plus tolérant de tous, à Dagobah), savait pertinemment en quoi consistaient la plupart des escapades nocturnes du sorcier :  un échange de Short Magic Messages enflammés avec Sohan, à une tente de là, et Ethan filait pour ne revenir qu'une petite heure plus tard. Quand bien même il tentait, par égard envers le nez sensible de ses colocataires, de s'en débarrasser, l'odeur de Han persistait sur sa peau, aussi bornée semblait-il que son propriétaire. Tout le monde savait, de toute façon – à un abruti près.

La nuit était calme – et fraîche plus que froide, près du feu de camp imposant où brûlaient encore quelques flammes magiques, projetant une douce lueur dans l'obscurité. Ethan, baguette en main, s'en éloigna, tripotant, dans sa poche, le paquet de cigarettes qui le faisait saliver comme un loup-garou un soir de pleine lune ; il préférait ne pas être trop exposé pour commettre son crime, quand bien même Il n'en manquerait pas une miette. Près d'un arbre, protégé du léger vent qui soufflait, Ethan sortit la sacro-sainte cigarette, la porta à ses lèvres, et... « Elliott ? » demanda-t-il, interloqué, le bout de sa baguette à quelques centimètres de la cigarette. Clairement et nettement pris la main dans le sac, ou presque. « Qu'est-ce que tu fais là ? » ajouta-t-il en abaissant le bras, décryptant du regard le gosse (deux ans en-dessous se payaient chèrement, dans la tête d'aîné de fratrie d'Ethan), des pieds à la tête. « Si jamais tu t'es paumé, ta tente, c'est par là-bas. » Il indiqua ladite tente, située à quelques mètres, de la pointe de sa baguette. Elliott était réputé pour beaucoup de choses, dont ses difficultés à retrouver sa route, et sa crédulité bonhomme. Avec un peu de chance, il en oublierait ce qu'il avait manqué de voir.

Il y avait des soirées comme celles-là, pendant Elliott ne supportait plus la proximité avec les autres. C'était étrange, il n'avait jamais été seul, littéralement. De son statut de foetus à ses années à Hogwarts, puis à l'Ordre, puis à Dagobah. Il n'avait jamais été seul. Ça ne le dérangeait pas, pas vraiment, il était plutôt sociable, il appréciait la compagnie des autres. Pourtant il y avait une différence entre être à deux et être à dix et cette différence, lui revenait violemment dans la face parfois.

Parfois le bruit ambiant, à savoir Noam, se faisait trop présent, trop important, à tel point qu'il n'arrivait plus à entendre ses propres pensées. Dans ces moments là, il faisait ce qui lui semblait le plus judicieux, se retirer de la situation. Il était trop tôt pour que tout le monde dorme déjà, mais assez tard pour que les autres soient occupés à faire autre chose. Il avait coupé Noam dans son élan, il racontait une énième anecdote, et s'était levé de son lit. Il leur avait lâché un simple "je reviens",  le regard interrogateur d'Hugo posé sur lui, et était sorti rapidement.

Le vent l'avait fait frissonner comme toujours, pourtant il ne faisait pas vraiment froid. L'atmosphère était particulière, sublime, calme et terrifiante à la fois. Le feu qui illuminait leur camp était agréable, dégageait une chaleur douce et embaumait les alentours d'une lumière chaleureuse, pourtant au loin, l'immensité du vide que représentait les highlands était sombre et lugubre. Elliott avait toujours ce genre de pensées lorsqu'ils étaient dehors le soir. Et si, depuis le confort de leur camp, ils voyaient sortir de l'ombre une créature dangereuse, ou pire, un groupe de mangemorts ? On ne verrait le danger qu'une fois qu'il serait trop proche. C'est pourquoi il scrutait les alentours et gardait toujours sa baguette précieusement en main, elle lui apportait un réconfort non négligeable. Il en avait passé des soirées dehors, et le rituel était toujours identique.

Ce soir là ne faisait pas exception, il s'était assis près d'un arbre, un peu éloigné du feu de camp mais pas trop, et observait les alentours, prenant note de ce qu'il voyait, des bruits qui faisaient parfois surface et de ce qu'ils pouvaient signifier. Un bruit de pas derrière lui l'avait fait légèrement sursauté, avant qu'il ne réalise qu'il ne s'agissait que d'Ethan. Ethan qui ne semblait pas l'avoir vu. Il allait lui signifier sa présence lorsqu'il le trouva, se coupant lui même dans son élan. Elliott n'était pas dupe, il savait qu'Ethan fumait et il savait aussi que le meilleur moyen de faire ça discrètement était le soir, dans la pénombre. Finalement, ils avaient tous les deux chercher à se cacher, pour des raisons différentes certes, et l'ironie du sort avait fait qu'ils n'avaient pas pu rester en paix.

"Pas grand chose. Ton pote faisait trop de bruit, j'en avais un peu marre", il répondit à sa question alors qu'Ethan ne semblait pas tellement intéressé par la réponse, continuant dans sa lancée. "Ha ha ha", le ton clairement moqueur,  Elliott se leva pour lui faire face, "si t'essaies de te débarrasser de moi, c'est pas la meilleure des manière". Il étouffa un bâillement avant de continuer, "tu te caches de Tony pour t'adonner à tes pêchés, Herrera ?" Il pouvait imaginer son regard désapprobateur, la déception marquée sur son visage, et honnêtement, Elliott aussi se serait caché. "Je dois avouer que je suis un peu déçu, je pensais que t'avais peur de rien ni personne."  

Ethan n'avait pas besoin de demander à qui Elliott faisait référence : Noam était « son pote » depuis qu'ils avaient commencé à frayer ensemble à Poudlard (soit dès leur premier cours commun, qui avait créé les premières étincelles d'un véritable feu de forêt amical, et accessoirement bouffonnesque). Que ce soit aux yeux du corps professoral, qui retirait parfois des points à leurs deux maisons par simple association, ou à ceux de leurs camarades, Ethan était indéfectiblement lié à l'énergie explosive de Noam, tout comme ce dernier baignait depuis dans l'aura solaire et flamboyante de son meilleur ami. Peu de choses avaient changé depuis leurs retrouvailles, à l'Ordre ; au contraire, avoir connu la séparation (« la rupture » singeait ceux agacés par leur relation fusionnelle) et les premières douleurs de la guerre n'avait fait que renforcer leur complicité et déclencher un enthousiasme redoublé pour les imbécillités en tout genre. Noam et Ethan restaient ainsi indissociables même au sein du petit comité des Avengers. « Ha ha ha, si t'essaies de te débarrasser de moi, c'est pas la meilleure des manière. » « Moi ? J'oserais jamais », répondit Ethan avec un air angélique à en faire gazouiller la Sainte Vierge, regardant Walsh se lever sans pousser la tromperie plus loin. Il y avait pire que de se faire découvrir par Elliott ; il y avait se faire découvrir par Tony, comme le soulignait justement son acolyte.

Si Tony avait connu l'autre moitié de sa vie de pécheur dont Sohan était un pilier (si ce n'était le pilier rarement vêtu contre lequel il se collait sitôt que les autres avaient le dos tourné), une cigarette et une promesse brisée auraient été bien peu de choses. Rogers ne plaisantait pourtant pas avec les promesses que l'on faisait avec soi-même (les plus importantes ! Qui pouvait-on respecter si on ne se respectait pas d'abord soi-même ? Ethan pouvait l'entendre, avec ses beaux principes et ses discours de coach de vie healthy). Mais à côté de ses petites escapades avec Sohan... Ethan eut un rire bref, en portant enfin la cigarette à ses lèvres, libéré du besoin de se cacher. « J'ai surtout peur du sermon qu'il va me servir s'il me prend la main dans le sac. » Ces grands discours qu'il leur servait comme s'ils venaient à peine d'être propres, ils les connaissaient tous – et Elliott, avec son physique de gosse de douze ans (qui avait certes ingéré trop de potion de Gonflette), était certainement le plus sujet aux oeillades paternalistes et aux remarques courroucées de leur leader.

Vraiment, Anthony était un papa poule insupportable, qui grignotait gentiment les nerfs d'un Ethan de moins en moins convaincu de son autorité, au vu notamment des pincettes qu'il prenait avec Sohan. C'était immature, stupide, et Herrera brûlait de le mettre en face de ces responsabilités émotionnelles avec lesquelles il les bassinait tous – faites ce que je dis, pas ce que je fais. Mais Ethan préférait s'affliger devant tant de bêtise plutôt que de voir son plan disparaître dans les bras de Mr. Perfect : tirer son coup sans complication était un luxe, dans leur situation. Il n'y avait qu'à voir Noam souffrir de sa libido explosive pour le décourager de mettre les pieds dans le plat. « Désolé de te décevoir, Walsh, tu devrais savoir que tous les héros ont leurs défauts. » Il se tut juste assez pour allumer la cigarette du vice, et y tira une première fois, ses yeux retombant immédiatement sur Elliott. « Bon et toi, qu'est-ce que tu foutais vraiment, tout seul dans le noir ? » Ce n'était pas tous les jours qu'Elliott était si discret qu'on pouvait le confondre avec le décor – Ethan l'avait déjà vu, l'air affreusement pensif, à des heures où la plupart d'entre eux aurait dû dormir. « Comme d'habitude, ça reste entre nous », précisa-t-il avec un léger sourire, calant sa main gauche sous son coude droit, prêt à recevoir les confessions nocturnes de celui qui se révélait sous les étoiles être un ami.

"Désolé de te décevoir, Walsh, tu devrais savoir que tous les héros ont leurs défauts." Il n'oserait sans doute jamais l'avouer mais les remarques d'Ethan étaient parfois agréables. Du moins assez pour lui arracher un sourire, "et la liste est longue pour toi". Ce n'était pas la première fois qu'ils se retrouvaient dans cette situation, à trainer ensemble le soir venu, à l'abri des regards, presque comme des amants qui se cachaient de leur partenaire officiel. Ethan s'adonnait à son vice moldu favoris et Elliott essayait de chasser ses vieux démons. Tout cela dans une entende parfaite, où tous deux étaient conscients des petits secrets qui les liaient, rien de trop scandaleux, mais pas forcément le genre de chose qu'ils avaient envie de faire partager au reste du camp. Les nouvelles ne restaient pas inédites longtemps en général, et c'était donc d'autant plus appréciable d'avoir une once d'intimité.

Il soupira longuement avant de lui répondre, "bon, comme je te l'ai dit, Noam faisait trop de bruit. J'avais besoin de sortir, et de ne pas penser à ce qu'il se passerait si on restait comme ça pour toujours." Il ne s'imaginait vraiment pas, du haut de ses quatre vingts ans à pester contre son camarade de chambre comme s'il en avait toujours douze. La petite voix négative qui logeait dans un recoin plus ou moins caché de son cerveau lui disait qu'ils seraient sans doute tous morts avant, qu'ils n'atteindraient jamais cet âge, celle plus présente espérait que Noam saurait s'assagir avec l'âge. Il n'en était pas si sur et la pensée lui arracha un nouveau ricanement. Les choses ne seraient pas si terribles en soit, mais il aimerait pouvoir revoir sa famille de nouveau, au moins. "Au moins on serait toujours ensemble mais bon, je sais pas si j'ai envie de passer toute ma vie à vivre dans une tente." Son regard se posa sur le loch et la lune qui se reflétait sur les eaux sombres. Il ne s'y habituerait sans doute jamais vraiment, à ce paysage si particulier qui était devenu leur maison. "Bref, assez de mes problèmes, t'étais pas supposé arrêter de fumer le mois dernier déjà ?" Il avait l'impression qu'Ethan lui disait qu'il allait bientôt arrêté à chaque fois qu'il le voyait. Il lui avait déjà parlé des cigarettes moldues et des cigarettes sorcières (Elliott n'avait jamais trop compris la différence) et du fait que certaines étaient mauvaises pour la santé pour x ou y raison. "J'ai lu quelque part que les addictions étaient une façon de gérer un problème mais pas de le régler, ce qui voudrait dire qu'il faut en trouver la source avant de régler le symptôme", il avait trouvé un livre de psychologie moldue en solde au supermarché et faisait part de son nouveau savoir à quiconque voulait bien l'écouter. Ethan était la parfaite victime.

La perspective de rester ensemble pour toujours tira un léger rire à Ethan, accompagnant Elliott dans son ricanement. C'était un triste constat que de se rappeler qu'ils ignoraient jusqu'à quand durerait cette guerre qui semblait s'étirer indéfiniment sur la durée et menaçait dangereusement de saper l'entièreté de leur jeunesse – savoir qu'ils resteraient ensemble quoiqu'il advienne (ou presque) était assez pour repousser cette absence d'échéance, toutes ces incertitudes terribles avec lesquelles ils devaient vivre. Ethan avait appris à ne pas trop penser à l'avenir, un grand trou noir où s'engouffraient les espérances et où il était dangereux de se perdre ; il désirait simplement ne pas connaître un second Wolverhampton, à échelle réduite, un massacre familial qui l'arracherait d'une façon ou d'une autre aux Avengers. C'était tout ce qu'il demandait pour la suite – et retrouver Simon, et Araminta, ajoutait-il immanquablement à sa liste mentale, sans oser cette fois trop y croire. C'était peut-être trop, pour un Dieu surchargé de prières ; Ethan mettait un point d'honneur à dire les siennes tous les soirs depuis le début de la guerre, tartinant allègrement ses craintes et ses doutes sur une couche de vœux secrets de jour, révélés seulement aux yeux du Tout-Puissant. « Ouais, vivre ailleurs que dans les bois serait pas de trop », se contenta-t-il de répondre avant de tirer de nouveau sur sa cigarette, laissant la nicotine se prélasser délicieusement contre ses poumons. Il rêvait parfois (souvent) de ce confort matériel qu'il avait laissé derrière lui sept ans plus tôt : la piscine climatisée des Herrera en particulier lui manquait terriblement. Rien à voir avec le loch, qui répondait lui aux caprices d'une nature imprévisible – rarement tiède, même avec un sort de réchauffement, un nid à insectes et autres bestioles, qui heureusement ne pénétraient pas plus loin que les rives du campement, protégé par un sort anti-nuisibles. Aux yeux d'un Ethan habitué à un luxe de classe aisée, le confort des lieux était acceptable, un peu primaire.

« Bref, assez de mes problèmes, t'étais pas supposé arrêter de fumer le mois dernier déjà ? » « Hum, peut-être. » Ethan baissa les yeux sur la cigarette, s'enivrant du parfum rugueux de ce tabac moldu, qu'il n'avait jamais réellement apprécié jusqu'à ce qu'il y ait pénurie de Mayfair sorcières. « J'ai lu quelque part que les addictions étaient une façon de gérer un problème mais pas de le régler, ce qui voudrait dire qu'il faut en trouver la source avant de régler le symptôme. » Il releva les yeux vers Elliott, un léger sourire aux lèvres, incrédule face à la répartie inattendue de Walsh – inattendue non pas par sa simple existence (Elliott était vif, prompt à renvoyer la balle au moindre dialogue), mais par son contenu décalé, touchant pourtant parfaitement au cœur de ce problème qu'Ethan évacuait selon les psychologues en fumant clandestinement. Comme s'il n'y en avait eu qu'un seul, de problème. « Sérieusement ? » Il eut une expiration amusée. « Ça va, je gère, c'est juste pour quelques jours, le temps de souffler un peu. » Puis il reprendrait le yo-yo entre pauses et cigarettes, rappelé à l'ordre par ses poumons en feu, avant de replonger une fois le souvenir du jogging infernal flouté par les heures et sa volonté vacillante. Il y avait pire à faire que de fumer, pour gérer ce dont il ne parlait rarement qu'aux autres. « Bon et sinon, t'en es où avec Amaya ? » Ethan désigna vaguement Elliott du menton, virant brusquement la barre en direction d'un sujet sensible, orienté tout droit sur Walsh. C'était autrement plus plaisant que de parler addiction (lui, addict ? allons bon) ; le feuilleton « Amaya et Elliott » était devenu son préféré, depuis qu'il n'avait plus accès aux telenovelas moldues. « Ou alors t'as quelqu'un d'autre en vue, maintenant ? » interrogea-t-il en détaillant Elliott du regard, portant sa cigarette à ses lèvres sans le quitter de ses yeux clairs.

Le parfum dégagé par la cigarette du blond était pas franchement agréable. Elliott n'avait jamais compris les addictions, même si son livre de psychologie moldu lui avait appris qu'il en était sans doute lui-même victime. Peut être pas aux choses aussi évidentes que l'alcool ou les cigarettes, peut-être que son addiction était autre, une addiction à se mettre dans des situations où il était destiné à se retrouver dans une merde noire, par exemple. Il y pensait, parfois, lorsque les nuits étaient longues et que l'obscurité faisait ressortir ses peurs les plus profondes. Il s'était engagé dans la résistance alors qu'il aurait très bien pu rester dans son petit confort de sang pur de bonne famille et hériter de l'empire bâtit par son père (enfin, celui dont il portait le nom). Il aurait aussi pu ne pas tomber amoureux de quelqu'un qui ne le verrait jamais comme autre chose qu'un gamin un peu chiant. Peut-être que c'était ça, le gout du risque ou de la tristesse qui venait avec ce genre de situations.

« Sérieusement ? —  Ça va, je gère, c'est juste pour quelques jours, le temps de souffler un peu. » Elliott leva les yeux au ciel à sa remarque. Ethan était vraiment idiot, s'il croyait en ce qu'il venait de dire. "Si tu le dis", il se contenta de lui répondre, le jugement néanmoins présent dans sa voix et dans son levé de sourcils. « Bon et sinon, t'en es où avec Amaya ? — Ou alors t'as quelqu'un d'autre en vue, maintenant ? » Well, la question était lancée. Elliott avait remarqué qu'Ethan aimait bien se mettre à jour régulièrement concernant les dernières nouvelles sur sa non-histoire avec Amaya. Il devait être souvent déçu, il ne se passait pas grand chose, malheureusement.

"Tu veux que j'ai qui d'autre en vue ? Toi, Yaxley ou la vache du champ d'en face ?" Il demanda, à mi chemin entre le sarcasme et l'incrédulité de sa question. Ils ne voyaient personne d'autres qu'eux-même, pas vraiment en tout cas et les candidats au sein des Avengers n'étaient pas nombreux. La pensée lui arracha un petit rire, avant qu'il ne se reprenne. "Pour répondre à ta question, j'en suis nulle part."  Ce n'était pas totalement vrai, il avait senti que l'atmosphère entre eux avait changé, pour autant, rien ne s'était passé. Elliott avait décidé quelques temps auparavant de prendre du recul, de ne plus tourner autour d'Amaya comme il l'avait fait si souvent, et elle, même si elle venait à ressentir quelque chose pour lui, par un quelconque miracle, il n'était pas sur qu'elle ne passe un jour à l'action. "Je sais pas, c'est bizarre en ce moment ? Mais rien n'a changé non plus, donc bon." Il finit simplement. "Et toi ? Tu passes beaucoup de temps avec Sohan, est-ce que c'est parce que c'est la seule option ou … ?" Il espérait franchement que non, ils savaient tous que l'affaire Tony Sohan était loin d'être réglé, mais si lui avait réussi à se détacher un peu d'Amaya, il imaginait que Sohan avait pu faire la même chose. Et entre Tony et Ethan, il se devrait d'être team Tony.  

« Tu veux que j'ai qui d'autre en vue ? Toi, Yaxley ou la vache du champ d'en face ? » Un rire amusé franchit les lèvres d'Ethan, achevant de détendre ses traits et d'effacer la tension légère qui traînait dans ses muscles depuis qu'Elliott l'avait surpris ; rire avec Walsh était une bien meilleure façon de passer sa nuit que de s'enquiller une ou deux cigarettes seul à l'écart du camp. « Les sentiments changent », répondit-il simplement en haussant les épaules, observant Elliott tandis qu'ils glissaient doucement sur le terrain cabossé du cœur. Même quelqu'un d'aussi loyal qu'Elliott pouvait finir, avec le temps, par se lasser ; Ethan aussi, avait cru que ses sentiments pour Araminta dureraient pour toujours, à une époque. « Pour répondre à ta question, j'en suis nulle part. » Le regard d'Ethan balaya les yeux noisette du sorcier, en attendant la suite – un ballet étrange s'était esquissé entre lui et Amaya, et s'ils avançaient d'un pas désaccordé, les regards d'Amaya plus insistants maintenant que ceux d'Elliott se détournaient plus régulièrement d'elle, ils continuaient de bouger, aux yeux d'un spectateur extérieur. « Je sais pas, c'est bizarre en ce moment ? Mais rien n'a changé non plus, donc bon. » « Peut-être pas en surface », ponctua-t-il en tirant une dernière fois sur la cigarette, s'enivrant des arômes peu subtiles de la nicotine moldue – ces odeurs le rappelaient à Abuelito, et aux saveurs de ses étés passés au Mexique. Il n'était plus certain, après avoir passé tant de temps dans le froid humide des Highlands, de supporter la chaleur sèche de l'Amérique latine.

« Et toi ? » Bloody hell, le sujet se retournait déjà contre lui ; il aurait espéré pouvoir piocher un peu plus du côté d'Amaya, avant d'avoir à être confronté à ses propres aventures. « Tu passes beaucoup de temps avec Sohan, est-ce que c'est parce que c'est la seule option ou … ? » Du temps – c'était une façon adéquate de résumer leur rapport, à base de sexe et des discussions qu'il pouvait tenir avec cette tête de bourrique de Sohan. « Y'a plein d'options, regarde, entre toi, Yaxley et la vache du champ d'en face. » Un sourire étira ses lèvres, avant qu'il ne se penche pour écraser sa cigarette sous la semelle de sa chaussure, envoyant le mégot paître dans la nature écossaise – une plaie de devoir à éteindre soi-même ses clopes, qui laissaient derrière elle, de plus, un filtre dont on ne savait jamais quoi faire. « Plus sérieusement, reprit-il, quand bien même il aurait pu, après Wolverhampton, parfaitement embrasser Elliott au lieu de Sohan si le timing avait été le bon. C'est pas comme ça, entre lui et moi. On est potes, on s'amuse, et ce con a du game. » Exactement ce dont il avait – dont ils avaient besoin, tous les deux ; l'épineuse question de leurs amours contrariées se dissolvait dans leurs étreintes, leurs rires et le sentiment fugace de plénitude qui saisissait immanquablement Ethan, lorsqu'ils discutaient comme si de rien n'était ensuite.
Ethan considéra Elliott un bref instant, en silence, avant d'ajouter, comme prenant conscience d'une donnée qui n'existait pas, dans son monde où il pouvait aller trouver Sohan sans condition pour l'embrasser : « C'est quand la dernière fois que t'as ken ? » Si Elliott pouvait passer pour discret auprès de lui ou de Noam, Ethan savait, depuis le récit des Norvégiens, que Walsh se trouvait sur le même spectre que les deux frères – il ignorait néanmoins à quel degré, et si soupirer devant Amaya suffisait à combler les éventuels sentiments de solitude.

"Y'a plein d'options, regarde, entre toi, Yaxley et la vache du champ d'en face." Elliott rit à sa réponse. C'était ce qu'il appréciait avec Ethan. Sa répartie ne laissait en rien à désirer, et il avait cette capacité à faire ressortir des choses en Elliott que peu de personnes pouvaient faire apparaitre. Il ne put s'empêcher de lui lancer un regard critique ,cependant, alors que le blond jetait son mégot dans le champ d'en face. La vache qui y résidait n'avait pas mérité cela.

"Plus sérieusement. C'est pas comme ça, entre lui et moi. On est potes, on s'amuse, et ce con a du game" Elliott haussa un sourcil interrogateur, il ne pouvait pas vraiment imaginer Sohan avoir du game, mais c'était sans doute parce que leur relation était bien différente. Sohan était relou pour lui, c'était tout. Et il ne pouvait pas non plus s'imaginer avoir une relation sexuelle poussée avec un des leurs, le souvenir d'une erreur de jeunesse encore douloureusement implanté dans son esprit.

"C'est quand la dernière fois que t'as ken ?" Elliott s'étouffa sur sa propre salive et toussa douloureusement. Woah, il ne s'était pas attendu à cette question. Il savait qu'Ethan n'avait pas honte de sa sexualité mais Elliott était beaucoup plus renfermé. Ses escapades se faisaient discrètes, et même s'il avait raconté des choses à certains, dans des moments de faiblesse alcoolisés ou pour faire réagir Tony, il n'avait pas pour habitude de se confier. Et il savait que sa vie sexuelle était bien moins palpitante que celle des autres. Il était toujours rouge vif quand sa respiration lui revint enfin, et il n'aurait pas su dire si c'était à cause de sa faille physique ou à cause de la question de son ami, sans doute un peu des deux. Il se racla la gorge avec glamour avant de lui répondre, l'hésitation toujours bien présente. "Euh … je sais pas trop, peut-être un mois ?" ou deux, il ne savait plus vraiment, il ne comptait pas les jours ni les semaines qui passaient. Il lâcha un soupire sonore, "j'ai l'impression que c'est de moins en moins important," il avoua timidement "ou intéressant je sais pas. Peut-être que je vieillis, il y a une époque où c'était beaucoup plus … primordial,  où j'avais l'impression que j'allais exploser si je sortais pas de Wolverhampton au moins une fois par semaine." Elliott avait tendance à trop en dire, quand il commençait à parler et ce moment était définitivement une preuve de cela. Il n'avait pas prévu d'étaler ses histoires sur Ethan, et il allait surement le juger pour son manque d'appétit sexuel mais bon, ça ne serait pas la fin du monde. Et peut-être qu'il irait raconter aux autres et que Yaxley arrêterait de le traiter comme un enfant de trois ans.  "Je pense que t'as beaucoup plus de choses à raconter que moi, non?" Il ajouta, en une nouvelle tentative de détourner le sujet, c'était ce qu'ils faisaient depuis le début de leur conversation, après tout, se renvoyer la balle sans cesse en attendant de voir qui craquerait le premier.

Ethan avait, peut-être, été trop sérieux en lui posant sa question ; Elliott s'étouffa sur son embarras, tirant un air surpris, puis une expiration amusée à Ethan face à la réaction de son cadet. A ses yeux, Elliott faisait office de mascotte au sein de leur petit groupe, une boule d'énergie optimiste, gardant pourtant une certaine réserve qui titillait les instincts d'aîné d'Ethan. Quelque part, Elliott était un parfait mélange entre ses deux petits frères, et il reconnaissait dans l'ambivalence de Walsh le côté fonceur de Gael, et la pudeur discrète de Lloyd. Il donna quelques tapes dans le haut du dos de son camarade, afin de l'aider à digérer cette interrogation frontale, digne d'un Ethan qui n'avait, littéralement, plus grand-chose à cacher aux yeux des Avengers (tout le monde sauf Tony était au courant du secret de polichinelle qu'était Sohan). Ils n'étaient pas une famille pour rien, après tout ; les découvertes inconvenantes, que l'on aurait parfois préféré ne pas connaître, faisaient partie de leur quotidien.

La toux se calma rapidement, et Ethan regarda, fasciné par ce brusque changement de couleur, son visage rouge se recomposer sous ses yeux. « Euh … je sais pas trop, peut-être un mois ? » Un mois... Ce n'était, en soi, pas énorme pour une vie de fugitif – particulièrement lorsque avec Amaya, ils se osaient à peine s'effleurer, sous les yeux impuissants des autres Avengers. « J'ai l'impression que c'est de moins en moins important, ou intéressant je sais pas. Peut-être que je vieillis, il y a une époque où c'était beaucoup plus … primordial,  où j'avais l'impression que j'allais exploser si je sortais pas de Wolverhampton au moins une fois par semaine. » Ethan enfonça une de ses mains dans ses poches, jeta un coup d'oeil derrière lui, et se laissa aller contre le tronc de l'arbre qui s'y trouvait, affectant l'air parfaitement détendu de celui à l'écoute.

Contre toute attente, Elliott finit sur un silence, son expression changeant sensiblement devant ces quelques secondes de battement, où Ethan attendait simplement la suite. « Je pense que t'as beaucoup plus de choses à raconter que moi, non? » Entre les missions casse-figure, d'où Ethan revenait régulièrement avec des égratignures que Sam devait soigner, et les escapades avec Sohan, la vie du Serpentard pouvait sembler effectivement plus mouvementée que le quotidien tranquille d'Elliott. Ethan repoussa néanmoins cette possibilité en la dégageant d'un geste de la main. « On s'en fout, on parle pas de moi là. » Techniquement, ils ne parlaient d'Elliott que depuis une petite minute ; mais ce sujet intéressait particulièrement Ethan, improvisé conseiller en relations amoureuses et sexuelles depuis que Noam avait commencé à le noyer sous les récits de ses expériences, à leurs quatorze ans. « Je vais pas te juger, vieux. C'est quoi qui t'intéresse moins, maintenant ? Coucher avec quelqu'un que tu connais pas ? Pas avoir de relation derrière ? » ajouta-t-il en l'observant avec attention, attentif aux changements d'expression du Poufsouffle – et au symptôme Amaya, qu'il guettait encore sur ses traits, vendu depuis des années à l'histoire d'amoureux transis des deux sorciers. « T'as envie d'avoir quelqu'un, une vraie relation, en dehors de ça ? » Le sexe était une chose ; l'amour... Ethan y était accroc, depuis qu'il avait vu sa première telenovela.

"On s'en fout, on parle pas de moi là." Elliott ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel. C'était typique d'Ethan, de détourner le sujet pour ne pas répondre aux mêmes questions ultra invasives qu'il n'avait aucun mal à poser.

"Je vais pas te juger, vieux. C'est quoi qui t'intéresse moins, maintenant ? Coucher avec quelqu'un que tu connais pas ? Pas avoir de relation derrière ?" Il se sentit rougir à nouveau. Ça aurait été quelqu'un d'autre qu'Ethan et il aurait eu réellement peur qu'on se moque de lui purement et simplement, mais Ethan n'était pas comme ça et ses paroles n'étaient qu'une confirmation peu nécessaire mais néanmoins appréciable. "T'as envie d'avoir quelqu'un, une vraie relation, en dehors de ça ?" — "J'imagine oui ?" L'hésitation était présente dans sa voix, même si tout cela n'était pas vraiment une question. Évidemment que c'était ce qu'il souhaitait. Le sexe, c'était cool et fun mais la romance c'était mieux. Enfin, c'était ce qu'il pensait. Il ne savait pas vraiment de quoi il parlait après tout.

"C'est moins … physique que ça l'était avant et j'ai l'impression d'avoir fait le tour." Ça n'était probablement pas le cas, pas du tout. Mais il avait l'impression d'avoir fait le tour de ce qui pourrait potentiellement l'intéresser dans tout cela et les choses avaient perdu de leurs saveurs. "C'est bête mais … tout le monde parle d'à quel point tout est meilleur quand c'est avec quelqu'un que tu aimes, ou que tu connais au moins," il avoua enfin avec un rire nerveux, "et j'aimerais bien savoir si c'est réellement le cas." Ses joues étaient toujours en feu. Elliott n'avait jamais vraiment été le genre de personne à partager sa vie intime, et les rares fois où il l'avait fait, c'était quand il savait que la personne à qui il parlait allait encore plus inconfortable que lui-même; en parler avec Ethan était déjà bien différent. Parler d'amour avec Ethan l'était mille fois plus et ça le faisait se sentir beaucoup plus vulnérable qu'il ne l'aurait imaginé. C'était si stupide, en soit, tout le monde à Dagobah savait qu'il était amoureux d'Amaya comme tout le monde l'avait su à Hogwarts et lorsqu'ils étaient à l'Ordre. Ça n'avait jamais été un secret, il n'avait jamais pu le garder secret. Alors il ne comprenait pas vraiment pourquoi il avait tant de mal à en parler.

"T'as déjà eu des relations amoureuses toi, non ?" Il demanda toujours timidement. Si Ethan savait pour Amaya, Elliott lui n'avait jamais vraiment su ce qu'il se passait dans la vie amoureuse de son camarade, il n'avait pu que récolter quelques indices, parfois, mais ils n'en avaient jamais parlé. "Tu peux partager ton expertise sur le sujet?" Il ajouta avec un sourire qui se voulait confiant. Et il espérait qu'Ethan ne lui renverrait pas la balle une nouvelle fois.