Rafaela repose lentement l'édition du jour du Prophet en soupirant. Le premier ministre, un homme appelé Kingsley Shacklebolt, n'arrête pas de faire des discours à n'en plus finir depuis q'ils ont gagné la guerre; Rafaela trouve ça désespérant. Elle le trouve aussi ridicule que stupide, mais bon, c'est vrai qu'il a gagné la guerre il y a quelques mois donc il n'y a pas grand chose qu'on puisse lui reprocher...
Elle est lentement en train de s'endormir sur le fauteuil de la petite bibliothèque, bercée par le son de la pluie qui tombe au-dehors, et sursaute quand la porte grince en s'ouvrant dans son dos. “ Raf, honey? You should go to bed... ” Une moue traverse aussitôt le visage de Rafaela qui se lève pour rejoindre sa mère, la prenant rapidement dans ses bras en passant. “ But I wanted to wait for Dad... ” Papa passe toutes les journées au Thicknesse Youth Camp, sans doute le seul héritage de l'ancien Gouvernement qui a été gardé par l'administration Shacklebolt. Généralement, il finit son service vers minuit, et Raf essaye toujours de l'attendre pour au moins lui embrasser la joue et lui rappeler qu'il est le meilleur père de tous les temps. Sylvia sourit, attendrie, lui caressant la joue avec douceur. “ I'll wake you up when he comes home, alright? ” Déçue, mais compréhensive, Rafaela fait la moue mais hoche la tête, laissant sa mère lui embrasser le front avant d'aller dans sa chambre. Elle met le nez dans celle d'Elliott, pas surprise de le voir en train de ronfler avec sa tête enfoncée dans son oreiller.

Elle va se coucher après ça, ayant du mal à trouver le soleil, certainement à cause de la pleine lune. Elle s'agite dans son lit et finit par s'écrouler, emportée dans un sommeil sans rêve.

Elle est réveillée par sa mère, sauf que ce n'est pas avec un baiser sur son nez ou des mains douces sur son visage. Les doigts de Sylvia s'enfoncent dans ses épaules pour l'agiter et Rafaela ouvre de grands yeux paniqués. “ Mum? — Raf, quick. Come, quick, we need to-- — What is happening? — Raf, please... ” Elle la tire du lit. “ Get dressed and wake your brother up, I'll be downstairs. Be quick... — Mum! ” Mais déjà elle s'en va. Rafaela, sans comprendre mais prise d'un mauvaise pressentiment, s'habille rapidement avant de débarquer dans la chambre d'Elliott. “ Ellie, wake up... ” Elle finit par le convaincre de s'habiller et de la suivre en bas, main dans la main. Leur mère a l'air paniquée et il y a deux hommes à l'air très sérieux dans l'encadrement de la porte. “ Mum? ” demande-t-elle encore et le visage de Sylvia s'effondre. “ There has been an accident. Dad... Dad is in the hospital. ”

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Rafaela a fini par se rendormir, elle ne sait trop comment, assise inconfortablement sur la chaise à proximité du lit d'hôpital où repose son père. Quand elle rouvre les yeux, elle voit Elliott dans l'encadrement de la porte de la chambre, portant deux tasses de thé qu'il est allé mendier auprès des médicomages de garde. Raf, confuse, se rappelle vaguement que leur mère est repartie chercher des affaires à la maison et qu'elle s'est elle-même écroulée sur la chaise... “ Thanks... ” marmonne-t-elle à l'adresse de son frère en attrapant sa tasse. Elle jette un regard inquiet à leur père, toujours inconscient dans son lit. “ Do you think... do you think he'll turn? ” demande-t-il dans un murmure. Malgré les soins qu'on lui a prodigué et les médicomages qui se sont précipités à son chevet, personne n'a voulu leur dire quelque chose de concret à ce propos.

Spoiler:

Ces soirées là sont les soirées presque parfaites. Tout le monde vaque à ses occupations dans leur maison mais l'atmosphère familiale règne tout de même sur les lieux. Raf doit être en train de lire quelque chose, quelque part, Maman doit s'apprêter à faire son tour quotidien, pendant lequel elle leur rappelle d'aller se coucher, de faire de beaux rêves. Papa n'est pas là, il travaille toujours beaucoup, et c'est la seule chose qui pèche, son absence, même s'ils savent tous pourquoi il fait cela. Cela fait partie de la vie des Averys, travailler beaucoup toujours, donner le meilleur de soi-même.

C'est facile parfois, d'oublier qu'ils sont adultes, lorsque Maman vient tous les soirs à heure fixe, qu'elle s'assoit auprès de lui un moment, une main dans ses cheveux, comme s'il n'était encore qu'un enfant. Elliott se dit souvent, pour se rassurer sans doute, qu'ils ne font que rattraper le temps que l'école leur a volé. Tous les sorciers passent par là, il le sait, mais ça a toujours été difficile pour lui, cette séparation. De ses parents d'abord, de Raf après, qui n'était pas dans la même maison alors qu'ils avaient passé onze ans à tout faire ensemble, Elliott n'avait vécu que les premières minutes de sa vie sans elle et c'était déjà trop. L'adaptation avait été difficile, et même si c'était moins évident chez Raf, il savait qu'elle l'avait ressenti aussi. Privilège de jumeaux, sans doute.

"I'm going to check on your sister now", la voix de Sylvia est douce, comme elle l'est toujours, et Elliott est assez proche du sommeil pour ne pouvoir répondre qu'un faible "okay, love you".

Il est réveillé, un moment plus tard, par Raf qui le secoue. La pièce est beaucoup trop sombre pour que ce soit le matin et son esprit endormi ne comprend pas vraiment ce qu'il se passe. Mais Raf lui intime de venir et Elliott sait que ce n'est pas le moment de batailler.



L'hôpital est froid, dans tous les sens du terme. Ce n'est pas l'endroit où Elliott aurait aimé finir sa nuit. Comme ça, observant son père inconscient, blessé. "Whatever happens, you cannot die, alright?" Il lui murmure avec un certain désespoir. Maman est repartie un moment à la maison, Raf est affalée sur une chaise et il peut voir même depuis l'autre bout de la pièce qu'elle est prise de léger tremblements. Il s'absente pour revenir avec deux tasses de thé, et quand il revient, Rafaela s'est réveillée. "Here," il dit en lui tendant la tasse. Sa question n'est pas surprenante, c'est sans doute la pensée qui fusent dans leur esprit à tous les trois depuis le début de ce cauchemars. "I … I don't know, you're the smart one," il lâche avec un sourire qui se veut rassurant, "what are the odds?" Il ne se rappelle plus vraiment de ces cours de l'époque, mais il est quasiment sûr que les solutions ne sont pas nombreuses : mourir, vivre en étant un halfer, se transformer complément.  La seule chose qu'il sait est que leur vie va changer quoi qu'il arrive.

"What are we going to do, if … you know, if he does turn?". Les choses sont plus simples depuis la victoire de l'Ordre, les loup-garous et autres créatures ne sont plus aussi bafouées qu'elles ne l'étaient auparavant, mais elles sont toujours craintes, et même si le gouvernement a une position anti-discrimination, pas tout le monde n'a évolué de la sorte.

Les loup-garous font un peu peur à Rafaela. Elle sait que techniquement, bon, ils ne sont pas si dangereux que ça, sauf durant la pleine lune évidemment. Mais imaginer son père en devenir un... elle en aurait presque envie de pleurer. Les loup-garous ne peuvent pas avoir d'emploi, ils ne peuvent pas avoir d'enfants (elle veut toujours un petit frère ou une petite soeur), ils ne peuvent pas avoir de véritables vies. Et même si ce genre de détails n'intéressent pas vraiment Rafaela, elle sait que ça voudrait dire la honte, l'opprobre, sur leur nom, leur sang. Aujourd'hui, les hybrides ont plus de droits que lors du règne de Voldemort. Mais les préjugés ont la peau dure... "I … I don't know, you're the smart one, what are the odds?" Rafaela adresse une grimace au sourire désolé de son frère, relevant les yeux vers lui. Comme d'habitude, si c'est elle la plus intelligente des deux, ils sont dans de beaux draps... “ Not great, I think... ” Elle se mordille la lèvre, comme à chaque fois qu'elle est nerveuse. “ Not great at all. ”

Si il se transforme, son père vivra toute sa vie soumis au cycle de la lune, rejeté par ses pairs. Elle se demande ce qu'en pense leur mère... le quitterait-elle sous prétexte de sa nouvelle condition? Une bouffée d'angoisse étreinte Raf à cette idée et elle resserre ses doigts autour de sa tasse de thé fumante. "What are we going to do, if … you know, if he does turn?" Raf se mord la lèvre. “ I, I don't know Ellie... ” Cette simple perspective ne fait qu'ajouter à son angoisse et elle se force à inspirer puis expirer lentement et calmement, avant de porter son thé encore trop chaud à ses lèvres. Elle combat la sensation de douleur et de brûlure pour avaler une petite gorgée. “ I mean... you know, he could be fine... sometimes people fight off the Bite, right? ” fait-elle d'une petite voix, se rappelant d'une encoche rapide dans un vieux manuel obsolète. “ And they have a normal life... ”

Pendant quelques instants, elle observe le corps inconscient de son père sans rien dire. Progressivement, les larmes lui montent aux yeux et elle pose précipitamment sa tasse sur la table adjacente à sa chaise pour pouvoir enfouir son visage dans ses mains, étouffant un petit sanglot pathétique contre ses paumes. “ Oh, Ellie, I'm so scared, what if he- what if he-- ” Elle n'arrive pas à formuler sa pensée, à mettre le doigt sur ce qui lui fait le plus peur. Que son père se transforme? Que son père meure? Que ses parents se séparent? “ What if he's never the same? ”

"Not great, I think... — Not great at all. ” Elliott peut voir sur le visage de sa soeur toutes ses inquiétudes, et il imagine que sur son propre visage se lisent les mêmes. C'est le genre de chose qui brise une vie, une famille. Il le sait, Raf le sait, leur mère doit sans doute le savoir. Ils peuvent prétendre que ça ne changera rien, qu'ils feront avec, mais ils ne peuvent pas prétendre que ce sera facile, où qu'il y a d'autres options. Même si c'est sans doute de cette façon que Raf essaie de se rassurer quand elle murmure que "he could be fine... sometimes people fight off the Bite, right? ". Il ne se souvient pas d'avoir un jour entendu parler d'une telle chose. Et vu l'étendu des blessures de son père, cela semble difficile à croire. Si cette attaque n'avait laissé qu'une faible marque, une griffure par-ci par-là, peut être qu'Elliott y aurait cru, peut être qu'ils s'en seraient effectivement sortis sans séquelles. Alors il ne fait que ce qu'il peut faire en cet instant, lâche un faible "right, yeah" avant de retomber dans le silence.

Silence qui s'arrête bien vite, brisé par le geste brusque de sa soeur et ses larmes qui prennent le dessus sur elle. D'un réflexe, Elliott se rapproche d'elle, passe une main autour de ses épaules, comme il le fait souvent. Il se veut rassurant, même s'il sait que rien ne pourrait apaiser sa soeur en ce moment, pas lorsque lui-même sent la panique se répandre en lui, lentement, vicieusement. Pourtant il doit rester calme, parce que pour une fois c'est Raf qui craque et pas lui, parce que pour une fois c'est elle qui laisse place à des émotions bien trop souvent enfouies, et ils ne peuvent pas être tous les deux dans cet état. Les questions qu'elle pose sont précisément celles qu'il se pose, sa peur et la sienne sont la même. "I know", il répond finalement, "I'm scared too". Prononcer ces mots rend la chose beaucoup plus réelle, d'un coup, beaucoup plus intense. "He will always be our Dad, I don't think anything could change that. Maybe it will be different but we'll get through it. We're strong, we'll get him what he needs, all of us, together". Parce qu'il n'est pas envisageable qu'ils traversent cette épreuve séparément. Il sait, objectivement, que des familles se déchirent pour moins que ça, il espère que la sienne pourra tenir, que ce qui les unit est plus fort que ce changement à venir, car ce serait ça au fond, le pire, pas qu'il meure ou qu'il devienne un loup-garou, mais que cela détruise leur famille, leur famille qui fait tant d'envieux, qui a toujours été remarquable. "We'll take care of him, if he needs us to, we'll be a pack or whatever. Packs are about not being alone right? So we'll be that, if that's what we need to do." We will do all it takes.

Le bras que Elliott passe autour de ses épaules ne parvient pas à complètement le rassurer, mais Rafaela se laisse lentement aller contre lui, le visage toujours enfoui dans ses mains. Ce n'est pas grand-chose du tout, ce n'est vraiment pas assez et pourtant... elle trouve un peu de réconfort dans l'étreinte maladroite de son frère, elle y trouve un peu de force aussi. "I know." Il pourrait lui mentir, lui dire que tout va bien aller, que lui sait ce qui va se passer et qu'ils vont parvenir à l'outrepasser mais il ne le fait pas et, bizarrement, Rafaela en est reconnaissante. Ils sont jumeaux, ils sont sur la même longueur d'onde et, surtout, ils sont dans le même bateau. "I'm scared too." Rafaela étouffe un nouveau sanglot dans ses mains en secouant un peu la tête, comme si la force de son déni allait changer le déroulé des choses. "He will always be our Dad, I don't think anything could change that. Maybe it will be different but we'll get through it. We're strong, we'll get him what he needs, all of us, together." Rafaela s'en veut follement de laisser à Elliott la dure responsabilité de la rassurer, et elle déteste aussi ce soulagement que ses mots lui inspirent... il ne sait pas, il n'en a aucune idée, et pourtant il s'exprime avec une confiance qui lui met du baume au coeur. Si ils peuvent rester unis, en tant qu'Averys, alors tout est possible.

"We'll take care of him, if he needs us to, we'll be a pack or whatever. Packs are about not being alone right? So we'll be that, if that's what we need to do." Rafaela étouffe un rire humide et lourd contre ses doigts avant de les presser contre ses yeux pour en chasser les larmes. "A pack," répète-t-elle d'une voix faible. L'idée lui semble incongrue. Ils sont des sorciers, pas des animaux...
Mais Elliott a raison. Pour leur père, il n'y a rien qu'elle ne serait pas capable de faire. Et puis, une meute, c'est un peu comme une famille, non? Rafaela renifle un peu en finissant de chasser les larmes de son visage avant de lever la tête vers Elliott et de lui adresser un sourire reconnaissant. "Thanks, Ellie," marmonne-t-elle se laissant aller contre lui de nouveau, avec l'impression d'avoir été vidée de son énergie.

Elle ignore combien de temps ils restent immobiles, gardiens silencieux de l'inconscience de leur père; mais ils sont tous les deux tirés de leur torpeur quand le corps du patient est agité d'un brusque et violent sursaut, et que ses yeux bleus s'ouvrent d'un coup. Pendant un instant, son coeur battant à toute allure dans sa gorge, Rafaela ignore quoi faire avant de se jeter en avant en direction du lit. "D-dad?" s'entend-t-elle bégayer d'une voix stridente, comme si tout d'un coup il allait se révéler être un autre.

Warren laisse échapper un hoquet de terreur et tend les doigts vers sa baguette, mais la créature enfonce ses griffes dans son dos, le clouant sur place et lui tirant un cri de douleur. Il tente de se débattre, gémit d’angoisse lorsqu’il sent le souffle chaud de l’animal contre sa nuque. No, no, no, please, don’t, please, plea-- Les crocs ascérés s’enfoncent dans la chair entre sa nuque et son épaule.

Warren ouvre brusquement les yeux, les lèvres entrouvertes sur un cri qui reste bloqué dans sa gorge. Son premier réflexe est de se redresser, de fuir, mais il tente à peine de bouger que son corps proteste immédiatement, douloureusement. Son regard parcourt furieusement les murs blancs qui l’entourent sans pour autant réaliser où il se trouve et c’est seulement lorsqu’il reconnaît la voix de Rafaela que Warren se fige brusquement. Son regard se tourne lentement vers elle et son coeur manque un battement lorsque le visage familier de sa fille apparaît dans son champ de vision. Elliott est là lui aussi et pendant un instant, Warren se dit qu’il ne s’agissait peut-être que d’un affreux cauchemar.

Ca ne dure pas longtemps. La pensée s’est à peine formée que Ren réalise qu’il n’est pas à la maison, mais dans un endroit qu’il ne reconnaît pas et qui a tout l’air d’être une chambre d’hôpital. Et puis il voit l’inquiétude, l’angoisse même sur les visages de ses enfants. Sa gorge se noue alors qu’il baisse les yeux pour remarquer la chemise d’hôpital et surtout, l’épais bandage qui lui recouvre le creux de l’épaule.
Cette fois, son sang se glace dans ses veines. Tout son corps lui fait un mal de chien et il peut voir les plaies sur ses avant-bras, ses mains. Il n’ose pas chercher plus loin, une part de lui sait déjà ce qu’il risque de trouver, s’il jette un coup d’oeil sous sa chemise.

Il n’a même pas besoin de fermer les yeux pour voir le monstre, sentir ses crocs et ses griffes s’enfoncer dans sa chair pour le tailler en pièces.

Ce n’était pas qu’un cauchemar.

C’est bel et bien arrivé.

Et s’il n’est pas mort pour s’être vidé de son sang contrairement à ce qu’il a pensé avant de sombrer, ça ne peut vouloir dire qu’une chose.

Warren sait très bien ce qui l’a attaqué. Il sait aussi ce que ça signifie.

“Stay back,” hoquète-t-il à l’attention de Rafaela qui a fait un autre geste dans sa direction, sa main prête à saisir la sienne. Au lieu de tendre les bras à ses enfants comme il meurt d’envie de le faire pour les serrer contre lui, Warren braque sur eux un regard plein d’angoisse. “You-- you two shouldn’t be here,” murmure-t-il d’une voix rauque, tremblante. “Why-- why did they let you in? They must know-- “ Ils savent forcément ce qui l’a attaqué, ce qu’il est très probablement devenu, comment ont-ils pu laisser ses enfants seuls avec lui ?
Warren s’écarte le plus possible d’eux, grogne sous la douleur qui l’empêche de se mouvoir correctement. Il ne peut pas aller bien loin, seulement se blottir au niveau du rebord opposé du lit. Il ne peut pas leur faire du mal. Il ne peut pas prendre un tel risque.

Elliott serre sa soeur contre lui à nouveau. Et, malgré la situation, malgré la détresse qui les saisit tous les deux, une sorte de calme s’installe pendant quelques temps. La fatigue les prend et emporte avec elle toute once de réalisation, les plonge dans une quiétude silencieuse, pendant laquelle les choses semblent moins effrayantes qu’elles ne le sont réellement.

Un bruit soudain le sort de son état, et Elliott n’a pas vraiment le temps de réagir avant que Raf ne se jette vers leur père, qui a enfin rouvert les yeux. Elliott sent sa respiration se bloquer dans sa gorge alors que sa soeur appelle leur père d’une voix qui ne lui ressemble pas. Et alors qu’il la rejoint, restant derrière elle et plongea son regard dans celui de son père, tout semble à nouveau se révéler à lui. Le réalité le surprend autant que les mots qui sortent de sa bouche. “Stay back,” et Elliott ne peut s’empêcher d'obéir à son père, passant au passage une main derrière la taille de sa soeur pour l’attirer à lui. “You-- you two shouldn’t be here. Why-- why did they let you in? They must know--” Warren murmure avec une frénésie inquiétante.

Elliott l’observe s’éloigner d’eux, comme s’il ne voulait plus les approcher, et la pensée le blesse l’espace d’une seconde, avant qu’il ne réalise à quelle point elle est insensée. Warren n’a pas peur d’eux, il a peur de lui, de ce qu’il pourrait leur faire. Mais Elliott n’a pas peur, pas vraiment. Et c’est peut-être tout aussi insensé, cette confiance qu'il place en son père, mais il sait, viscéralement, qu’il ne leur fera rien, qu’il ne pourrait pas.

“Dad,” il murmura faiblement, passant devant Raf pour s’approcher du lit. Ses pas sont calmes, lents. Il n’a jamais vu son père dans cet état, si vulnérable, et pour la première fois de sa vie Elliott ne se sent plus comme un enfant face à lui. “It’ll be okay, you’re not going to hurt us,” il lui dit, et vocaliser ses pensées les rendent d’autant plus réelles. Il semble impossible, complètement impossible qu’il ne leur fasse quelque chose, quoi que ce soit. “How are you feeling?” il demande après s’être immobilisé au bord du lit d’hôpital, “do you … do you want to see a doctor?” il ajoute timidement, essayant de ne pas parler de l'évidence de la situation. S’il a si peur de ce moment, c’est sans doute qu’il sait, et Elliott est soulagé d’une certaine façon, il n’aurait pas souhaité devoir lui apprendre la nouvelle.

“Stay back.” Rafaela s'immobilise, choquée face à son père, agrandissant ses grands yeux noisette. Sa voix est faible, tendue, et ne lui ressemble pas du tout - rien ne lui ressemble, que ce soit ses yeux arrondis de terreur, ou son teint blême qui lui donne des airs de cadavre. Elle sent la main d'Elliott l'effleurer, la tirer légèrement en arrière; trop sonnée pour faire quoique ce soit d'autre, Raf se laisse faire, estomaquée. "Dad?" répète-t-elle d'une petite voix hésitante. “You-- you two shouldn’t be here. Why-- why did they let you in? They must know--” Rafaela sent son coeur se fendre dans sa poitrine en voyant leur père, qui n'a jamais ainsi découvert ces émotions face à eux, se recroqueviller sur son lit et s'éloigner d'eux. C'est stupide, mais elle s'en retrouve blessée, avant de comprendre la raison de la peur qui s'est infiltrée dans le regard azur de son père.

“Dad.” Elliott passe devant Raf qui reste tétanisée, incapable de décrocher son regard de l'enveloppe fébrile de leur père. “It’ll be okay, you’re not going to hurt us.” La respiration de Rafaela se bloque dans sa gorge malgré elle. Son père est peut-être devenu un... un loup-garou. Sauf que ce n'est pas la pleine lune, elle sait que ça veut dire qu'il ne peut pas se transformer, et que le loup en lui ne se réveillera pas aussi facilement. “How are you feeling? Do you … do you want to see a doctor?” Après un temps d'hésitation, Raf rejoint son frère près du lit de leur père, posant une main sur son bras. Un contact rapide et léger, mais ô combien important pour elle comme pour lui - it's a twin thing, really.

"It's okay, Dad," elle insiste à côté de son frère, et en offrant un sourire maladroit mais sincère à Warren. "You're fine, you're safe, you're with us... Mum is going to come back soon, alright? And we can call a mediwizard. You must be in so much pain..." Inspirant profondément, Raf s'approche et prend la main de son père sans attendre de réaction, et crispe ses doigts autour de ses poings quand il essaye de lui échapper. "It's okay," lui répète-t-elle, la boule au ventre, cherchant son regard. "You're not going to hurt us, it's us, remember? Ellie and Raf, and we're here for you, and you're still Dad." Elle caresse lentement le dos de la main de son père du pouce. "Do you remember what happened?" demande-t-elle d'une voix douce.