1991 - poudlard (year 1)
Lorsque les premières années passèrent les portes de la grande salle pour la première fois, rien de ce qu’ils avaient pu lire dans les livres ou entendre de la bouche de leurs aînés ne fut assez fort pour décrire ce qu’ils ressentirent à ce moment-là. Le regard de Padma -
comme celui de tous les autres élèves - s’illumina d’un mélange d’excitation, d’émerveillement et de terreur. D’ordinaire réservée, elle ne cacha pas l’émotion qui la submergea cette fois-ci. La main de Parvati, dans la sienne, se fit plus pressante. Les jumelles échangèrent un sourire complice et s’élancèrent à la suite des autres parmi les tables des maisons de Poudlard. Les noms défilèrent (elle en retint la plupart, son excellente mémoire étant l’une de ses principales qualités) et ce fut son tour. Padma rejoignit le professeur McGonagall, les jambes tremblantes, et prit place sur le tabouret : elle fut envoyée à
Serdaigle, sans la moindre hésitation de la part du Choixpeau. Vint le tour de Parvati, dont le verdict ne se fit pas atteindre non plus :
Gryffondor. Le coeur de Padma se tordit violemment dans sa poitrine, alors même qu’elle s’était préparée à leur séparation imminente. Elles étaient collées l’une à l’autre depuis le jour de leur naissance, et voilà qu’on leur demandait de se lâcher la main et de commencer à mener leur propre vie, sans l’autre. Et sans Parvati à ses côtés, Padma se sentait beaucoup moins courageuse.
Une fois les premières semaines et la douleur de la séparation passées, Padma savoura davantage sa scolarité à Poudlard et se fit ses premiers amis, en les personnes de Anthony Goldstein, Michael Corner et Terrence Boot (plus tard rejoints par Sylas Hoaxley-Young). C’était nouveau pour elle de passer du temps avec des garçons, mais plus rafraîchissant qu’elle ne l’aurait cru. Au fil du temps, Padma accepta de se laisser apprivoiser et baissa sa garde, finissant même par apprécier de délaisser quelques heures durant livres et parchemins pour parcourir les couloirs du château en leur compagnie. Être la seule fille d’une bande n’était pas de tout repos, en particulier pour des sorciers à peine sortis de l’enfance. Soit ils ne la considéraient pas comme telle et la bousculaient comme ils se bousculaient entre eux, soit ils refusaient de l’inclure dans leurs bagarres “parce qu’elle était une fille”. Rapidement, Padma prit la place de la mère du groupe ; celle qui les remettait en place quand ils dépassaient les bornes, leur rappelait qu’ils étaient censés faire honneur à la maison Serdaigle en obtenant les meilleures notes aux devoirs et les regardait avec arrogance faire des conneries en réprimant une hilarité sincère. Lorsque la présence de la gente masculine devenait pesante, elle retrouvait avec plaisir Alexis Hoover dont elle partageait le dortoir, et qui s’était imposée comme la plus précieuse des confidentes. La jalousie qu’elle ressentait à l’égard des amis de Parvati persistait néanmoins, et l’idée qu’on la lui avait arrachée était pugnace. La première année se termina aussi vite qu’elle n’avait commencé, dans la réussite, l’amitié, et les premiers émois.
1996 - poudlard (year 5)
Quelque chose avait changé. La coupe de feu et les événements de l’année précédente avaient eu raison de la bonne humeur de la plupart des élèves de Poudlard. Cedric Diggory mort tragiquement et Harry Potter affirmant que Voldemort était de retour, chacun surveillait ses arrières et la paranoïa grandissait de jour en jour dans le monde magique. Padma tentait de continuer à mener une vie normale, d’autant plus maintenant qu’Anthony et elle avaient été nommés préfets de Serdaigle : elle se devait d’être un modèle pour le reste de sa maison, les pousser à donner le meilleur d’eux-mêmes et inspirer courage et confiance. La peur qui rongeait son coeur était à peine discernable, sa froideur caractéristique masquant une panique que seuls ceux qui la connaissaient vraiment étaient en mesure de remarquer. Terry était celui qui la comprenait le mieux -
ce qui lui serait un jour fatal. L’insouciance avait laissé place à un besoin urgent d’apprendre à se protéger. Le temps où Terry, Anthony, Michael, Sylas, Alexis et elle parlaient de tout et de rien sur l’herbe du parc des heures durant lui semblaient loin. Le temps où elle pensait à l’amour aussi, lorsque les beaux yeux de Michael Corner lui faisaient encore l’effet d’une flamme au creux du ventre et qu’elle ignorait tout des sentiments de Terry. C’est dans ce contexte qu’Harry, Ron et Hermione leur présentèrent l’Armée de Dumbledore et la promesse de veiller sur ceux qu’ils aimaient.
— pensievePadma entoura de son bras les épaules de sa soeur et se rapprocha d'elle. Toutes deux gardèrent le silence un moment, à contempler le paysage sublime qui s’étendait sous les yeux. Quand avait-elle cessé de se réjouir de la beauté de Poudlard et de son lac ? Quand le monde était-il devenu si sombre ? A ce moment précis, tout semblait paisible ; plus que tout, elles avaient désiré un instant de répit loin de l’agitation qui secouait leurs amis. L’aînée posa sa tête sur l’épaule de sa cadette.
— Tu vas venir avec moi à l’AD, hein ? On doit le faire, pour se protéger l’une l’autre, finit par souffler Parvati, brisant la quiétude qui s’était installée. Padma soupira et acquiesça.
— Tu sais que je te suivrais au bout du monde. C’est toi qui ne m’écoute jamais, même quand j’ai raison. Parvati le concéda, et toutes deux rirent. La Gryffondor se releva et s’étira - elle ne tenait jamais en place, ce qui avait le don d'épuiser sa jumelle. Padma resta assise, les jambes pendant dans le vide, son regard sombre obstinément tourné vers le lac.
— Promets-moi encore qu'on restera toujours ensemble, quoi qu'il arrive. Je ne peux pas le faire sans toi. C'était faux. Elle pouvait tout faire sans Padma, mais l'inverse était beaucoup moins vrai.
— Je te le promets, je ne te quitterai jamais. Si elles avaient su, à ce moment-là, que Padma ne pourrait pas tenir sa promesse.
————— Contre toute attente, Padma prit rapidement goût aux rendez-vous clandestins de l’AD, dont faisaient partie la plupart de ses amis, ainsi que les sorciers de Poudlard qu’elle admirait le plus. Les entraînements passants, elle se découvrit plus de capacités en duel qu’elle ne l’aurait cru. Soudain, l’espoir était revenu et le courage de Padma avec. Tout n’était pas perdu. Elle suivrait aveuglément Harry Potter. On put à nouveau lire des sourires sur son visage, elle recommença à penser à son avenir, à l’amour aussi. Tous ensemble, ils vaincraient les ténèbres qui planaient au dessus d’eux, elle en était convaincue. Tant que Parvati et ses plus proches amis étaient à ses côtés, elle n'avait peur de rien. C’était en tout cas ce que Padma croyait avant que ne disparaisse Harry Potter, et que tous ses espoirs s’envolent avec lui.
1998 - poudlard (year 7)
— pensievePadma ignorait qu’on pouvait supporter un tel niveau de douleur sans en mourir. Mourir, d’ailleurs, était ce qui aurait pu lui arriver de mieux en cet instant. La sensation était indescriptible : c’était comme un tison brûlant qui se déplaçait sous sa chair, broyait ses os, liquéfiait son cerveau. C’était comme brûler vivante, sans que le calvaire ne prenne fin. Elle n’entendait même plus ses propres hurlements - à moins qu’elle ne soit plus capable de crier. Elle n’en savait rien. La seule sensation de la pierre froide sur laquelle elle était allongée l’empêchait de sombrer et obligeait la jeune femme à tenir bon. Les visages s’effaçaient dans sa tête, même celui de Parvati ; visage qui était pourtant le sien aussi. La voix d’Alecto s’éleva dans l’obscurité de la pièce, la ramenant à la réalité.
— Tuez-moi, pitié tuez-moi ... supplia-t-elle en mobilisant tout ce qui lui restait d’énergie. Les sanglots de Padma éclatèrent, l’empêchant de continuer. Alecto poussa un soupir. L’interrogatoire durait depuis des heures, des jours peut-être. A plat ventre devant elle, elle était en nage. Ses yeux étaient exorbités, sa lèvre fendue dans la chute. Elle ne parvenait plus à respirer et essuyait régulièrement du bout des doigts des filets de salive qui s’échappaient de sa bouche. Il n’y avait plus rien de digne chez Padma, plus rien d’humain même : elle avait l’air d’une biche à l’agonie. Et l’agonie semblait éternelle.
— Tu as eu des nouvelles de ta soeur, ces jours-ci ? C’est quoi son nom déjà, Pavroti ? Padma la foudroya du regard. Qu’elle s’en prenne à elle était une chose, à sa soeur jumelle non.
— Parvati. Je vous interdis de prononcer son nom. Alecto sourit, ce qui n'était jamais bon signe. Si elle n'avait pas été le diable en personne, elle aurait sûrement été une belle femme.
— Tu me l’interdis ? Aha. Padma sut que ça allait recommencer. Elle avait entendu le mot
endoloris plus souvent que n’importe quoi d’autre, ces dernières semaines. Son coeur fit un bond dans sa poitrine - lui rappelait au passage qu’elle était encore vivante - quand elle aperçut le visage d’Hannah Abbott dans l’encadrement de la porte. Padma lui lança un regard suppliant.
Fuis, cours. Va t’en !, voulut-elle hurler, avant de secouer légèrement la tête de gauche à droite pour lui signifier de ne pas intervenir. Alecto remarqua son petit jeu et se retourna vivement, avant de se précipiter vers la porte et regarder dans le couloir. Mais le temps qu’elle réagisse, Hannah avait filé. Et Padma fondit en larmes de soulagement.
————— Depuis que les membres de l’AD étaient partis avec l’Ordre, Padma ne cessait de tergiverser. Dire qu’elle regrettait de ne pas les avoir suivis alors qu’il lui suffisait de poser la main sur le porte-au-loin était un euphémisme. Chaque jour qui passait était là pour lui rappeler qu’elle avait pris la mauvaise décision. Padma n’arrivait plus à dormir : chaque fois qu’elle fermait les yeux, le visage d’Alecto Carrow apparaissait dans ses cauchemars, quand ce n’était pas celui de Parvati lui reprochant de l’avoir trahie et de ne pas avoir tenu sa promesse. Alors Padma se relevait et errait dans la tour de Serdaigle tel un fantôme, lisant plus de livres que nécessaire pour ne pas songer à autre chose. Ses résultats chutèrent, mais pas assez pour que cela devienne un problème. La présence de Terry, qui l’avait convaincue de rester à Poudlard au lieu de s’enfuir, était de plus en plus difficile à supporter. Autrefois, elle aurait été ravie de rester à ses côtés sans rien dire, simplement parce que c’était Terry et qu’il était parmi ce qu’elle avait de plus précieux. Aujourd’hui, il ne faisait que lui rappeler qu’elle avait pris la mauvaise décision et la douleur qui rongeait son être tout entier était en partie due à sa propre lâcheté. Pourtant, jamais Padma ne le lui reprocha. La rancoeur grandissant dans son coeur, jamais ne glissa sur sa langue : les mots étaient sûrement la plus tranchante des lames, et le blesser ne l’aurait pas faite aller mieux. Quand elle n’était pas dans la tour, Padma rasait les murs et sursautait au moindre bruit ou contact physique. Que les autres la touchent lui était devenu insupportable, une simple caresse se muant en agression physique. Rien ne parvenait à lui faire sortir la tête de l’eau, pas même Hannah qui, dès qu’elles avaient l’occasion de discuter sans être surveillées, faisait tout ce qui était en son pouvoir pour l’aider. Ni Hannah ni Terry ne pouvaient comprendre ce qu’elle vivait. Padma en voulait au monde entier alors qu’elle était la seule véritable coupable : c’était son choix de ne pas attraper le porte-au-loin. Mais c’était plus facile d’en vouloir aux autres que d'accepter qu'elle avait elle-même foutu sa vie en l'air.
— pensieveLa jeune femme titubait dans le parc. Elle avait échappé à la surveillance des Carrow et s’était précipitée à l’extérieur du château. Elle n’avait que peu de temps avant d’être rattrapée, aussi devait-elle agir rapidement. Mais ses jambes ne la portaient plus, chaque geste simple devenant beaucoup plus difficile à faire que la veille. Bientôt, le lac scintillant apparut devant ses yeux couleur de geai. Il lui procura les mêmes sensations réconfortantes qu’autrefois, et un bien être envahit sa chair meurtrie par les sortilèges impardonnables. Padma posa un premier pied dans l’eau et frissonna de plaisir. Puis un second, et encore, et elle avança ainsi jusqu’à la taille. Elle releva le regard pour observer le ciel. Où étaient ses amis, désormais ? Et sa soeur ?
— Venez me sauver, je vous en supplie ! Aidez-moi ! Aidez-moi, j'ai peur ... s’époumona-t-elle dans l’immensité céleste. Sa voix fut transportée par l’écho un moment, et le silence revint. Personne ne viendrait la sauver. Ni Parvati, ni Ron et Hermione, ni Neville, Anthony, Michael, Alexis, ni personne. Elle aurait bien aimé que Michael se rende compte qu’il l’avait aimée toutes ces années, et revienne pour elle. Mais ça n’arriverait pas, et personne ne l’aimait assez pour ça. Padma avança à nouveau. Bientôt, elle n’eut plus pieds. Elle continua à avancer à coup de faibles brasses. Et puis quand le fond lui sembla suffisamment loin pour s’abandonner à lui, Padma cessa de bouger et se laissa couler, et tout devint calme. La mort était beaucoup moins effrayante que cette vie.
Mais le destin en avait décidé autrement : la main de Terry se referma sur son poignet, pour la ramener à la surface.
Le combat devait recommencer.
————— Padma Patil réussit ses examens de fin d'année avec les honneurs. Elle ne parvint même pas à sourire, le jour où elle quitta pour toujours Poudlard, qui des années durant était devenue sa seconde maison ; désormais, ce n'était plus qu'une prison.
2001 - (real world, year 3)
Sa formation venait de prendre fin : elle était enfin devenue officiellement une médicomage pour le service des empoisonnements de St-Mungo. C’était ce pour quoi elle s’était battue ces trois dernières années, et Padma aurait dû sauter de joie. En tant normal elle serait rentrée chez elle en courant pour annoncer la bonne nouvelle à sa famille et sa soeur qui aurait applaudi et l’aurait enlacée. Mais Padma rentra en traînant des pieds. Sans magie. Des kilomètres à parcourir sous une pluie battante, de quoi lui laisser le temps de réfléchir et avoir l’air ravie quand elle rentrerait à la maison. L’indifférence avec laquelle elle avait décroché son diplôme la terrifiait : quelque chose était cassé pour toujours dans son coeur. A moins que son coeur tout entier ne le soit.
— Padma ! Un sourire naquit sur ses lèvres ; elle aurait reconnu cette voix entre mille. C’était celle d’Hannah Abbott, qui s’était imposée dans sa vie
depuis ce soir-là. Elles n’étaient pas vraiment copines pourtant, autrefois. Mais où qu’elle soit, Padma avait l’impression de sentir le regard de la jeune femme posé sur elle, là, quelque part. Elle était un ange gardien qui veillait sur elle et lui demandait un peu trop souvent si ça allait, ce à quoi Padma répondait toujours
oui.
— Hé Padma, ça va ? La brune se retourna vers la blonde, et son sourire s’élargit.
— Oui. Mais Padma n’était pas dupe : tout ce que ressentait l’ancienne Poufsouffle, c’était de la culpabilité. Et jamais elle ne lui dirait que ce n’était pas de sa faute, sinon elle aussi s’en irait. Comme les autres.
— Comment ça, oui ? T’es embauchée ? — Bien sûr, qu’est-ce que tu crois ! rétorqua la seconde avec l’attitude arrogante que tout le monde lui connaissait. Elles marchèrent un moment ensemble, parlant de tout et de rien et surtout de la fin de leurs formations respectives, quand une silhouette attira son attention, plus loin, dans une ruelle. Padma s’arrêta brusquement.
— Hannah, je dois te laisser. On se voit bientôt, d’accord ?Padma hâta le pas ; elle ne pouvait pas courir, pas même qu’elle en avait envie. Pour ne pas attirer l’attention. Ne pas
la mettre en danger. Son coeur tambourinait dans sa poitrine, le sang battait dans ses tempes. Les larmes lui montèrent aux yeux avant même qu’elle n’atteigne la rue dans laquelle avait disparu la silhouette encapuchonnée. Padma se rua dans les bras de Parvati, et toutes deux éclatèrent en sanglots. Chaque fois qu’elles se retrouvaient clandestinement, c’était la même chose. L’émotion était si forte qu’aucune des deux n’arrivait à la contenir. Elles se sentaient entières, comme si le vide de leur coeur était à nouveau comblé. Elles pleurèrent un moment, à l’abri des regards, agrippées l’une à l’autre comme si leur vie en dépendait. Entre deux reniflements, Padma finit par demander :
— Qu’est-ce que tu fais ici aujourd’hui ? Tu ne m’as même pas prévenue. — J’ai appris par un membre de l’Ordre qui travaille à St-Mungo que tu finissais ta formation aujourd’hui. Je suis venue te féliciter. Un flot de sentiments contradictoires envahit Padma. Elle n’était pas surprise que l’Ordre ait des contacts à l’hôpital, ni qu’elle soit surveillée par ces derniers. En revanche, elle détestait que Parvati les mette en danger toutes les deux en venant la voir de façon aussi irresponsable, même si paradoxalement elle n’aurait pas pu lui faire plus plaisir. Sauf que la peur ne quittait jamais Padma, et la perspective d’être jugée comme une traître et d’être torturée à nouveau suffisait à lui faire perdre pieds. Elle relâcha Parvati, qui sembla aussi surprise que blessée.
— Tu dois arrêter de faire ça. Tu te mets en danger, et tu me mets en danger aussi. Le regard de Parvati à cet instant lui tordit le coeur. Elle aurait sûrement dû s’excuser, mais aucun mot réconfortant ne franchit la barrière de ses lèvres.
— Viens avec moi, je t’en supplie Padma. La petite étincelle d’amour qui brillait dans les yeux de l’aînée finit par s’éteindre et, mécaniquement, elle souffla :
— Toi, rentre à la maison. Parvati secoua la tête.
— Je ne peux pas. — Et moi, je ne peux pas te rejoindre. Padma fit un pas en arrière. C’était encore plus douloureux que le sortilège de doloris. Parvati ne comprenait pas, mais sa soeur ne lui dirait jamais qu’elle avait été torturée. Elle n’avait pas besoin de le savoir, pas besoin de culpabiliser pour une chose pour laquelle n’était pas responsable. Un jour, peut-être, elle l'apprendrait et comprendrait que la peur était plus forte que l’amour. Padma tourna les talons pour quitter les lieux avant d’être vue par qui que ce soit.
— Padma, attends ! S’il te plaît, ne pars pas ... Elle ne se retourna pas.
2007 - (real world, year 8 )
Son regard balaya la pièce, à la recherche de Daphne Greengrass. Le travail de médicomage était prenant, mais ô combien gratifiant. Sauver des vies était une bénédiction, mais ne pas parvenir à les aider terriblement frustrant. Padma n’était pas dupe, ni naïve au point de croire que son travail était une vocation. Non, en soignant les autres, elle essayait avant tout de se soigner elle-même. Lors de ses rares moments de répit, deux fois par semaine, elle vouait son temps à Daphne qui avait entamé une formation pour devenir médicomage à son tour. Quand ses supérieurs avaient appris qu’elles se connaissaient depuis longtemps, Padma s’était trouvée être la mieux placée pour la former, alors même qu’elle ne travaillait pas là depuis aussi longtemps qu’eux. Qu’importait, ce n’était pas désagréable. Rien chez Daphne n’était désagréable, surtout pas la chevelure qui tombait en cascade en dans son dos, ni la délicate chute de ses reins qu’elle devinait sous la blouse de rigueur. Padma se planta à ses côtés et esquissa un maigre sourire.
— Salut. Mettons-nous au travail, il y a beaucoup à faire. Autrefois, elle aurait peut-être pris le temps de discuter. Autrefois, toutes deux avaient appris à se connaître, s’apprécier, à travailler ensemble. Elles avaient crée un lien unique, au delà du dicible, et Padma avait senti quelque chose de plus fort naître en elle. Daphne lui avait fait réaliser qu’elle aimait aussi les femmes, bien qu’elle ne l’ait jamais avoué à personne. Mais aujourd’hui, elle ne voyait en elle plus qu’un danger potentiel, à la botte du gouvernement. La famille Greengrass était opportuniste et leur orientation politique ne faisait aucun doute. Daphne était du côté de ceux qui l’avaient brisée, et elle ne pouvait plus s’ouvrir à elle comme elle avait pu le faire autrefois. Elle aurait aimé la croire, lui faire confiance, voir au delà de la peur qui l’aveuglait. Mais tout ce que Padma pouvait faire, c’était sourire et lui offrir la formation la meilleure qu’elle puisse donner, avec sa maigre expérience.
Allongée sur son lit, Padma fixait le plafond de sa chambre. La chambre qu’elle avait autrefois partagé avec sa jumelle était désormais sienne, le lit de Parvati ayant carrément été retiré de la maison. C’était un sujet tabou, prononcer son prénom était proscrit. Mais désormais, le souci était ailleurs. Elle ignorait ce qu’elle ressentait : elle avait appris un peu plus tôt qu’elle allait devoir épouser un sorcier indien, son père ayant décidé ça pour elle sans la consulter. Sa cousine Azra avait tenté de la rassurer, ce qui avait en partie marché. C’était sa porte de sortie, son point de fuite : si elle épousait cet homme, Padma serait loin de tout ça, de ceux qui lui avaient fait du mal. Plus jamais elle ne craindrait de croiser Alecto Carrow. Pourtant, quelque chose l’empêchait de se réjouir. Parvati resterait ici et, même si elle n’était pas seule, Padma était terrifiée à cette perspective. Et puis, il restait bien un espoir ?
Non ? Non. C’était interdit d’y croire.
Et pourtant.Pourtant, la flamme qui s’était tarie dans son coeur était toujours là, quelque part, prête à s’embraser.
C’était injuste.
Tout était injuste.On avait toujours décidé à sa place, et voilà que
ça recommençait.
On avait décidé de l’empêcher de partir avec l’Ordre (pour la première fois depuis longtemps, elle pensa à Terry qu’elle n’avait plus vu depuis qu’ils avaient quitté Poudlard), décidé de la briser et faire d’elle une moins que rien, décidé de la marier à un illustre inconnu.
C’était fini, tout ça. La flamme se raviva un peu. Pas assez pour tout envoyer promener, mais
juste assez pour commencer à changer.