C'est étrange de le voir de cette façon. J'ai pas l'habitude, enfin nous n'avons pas l'habitude. Faut dire qu'un rien le fait réagir. C'en est presque agaçant. Une victoire ? Il est dans tous ses états. Une défaite ? Il est dans tous ses états. Insupportable. Pourtant, ce calme plat, c'est pas normal venant de lui. Je devrais m'inquiéter non ? Il est planté là depuis des heures, devant le feu, comme happé par l'ondulation de chaque flamme. A quoi tu penses Walsh ? Je le regarde fixement depuis dix bonnes minutes et il ne semble même pas capter ma présence. De plus en plus étrange. Je sais pas trop quoi faire, d'ordinaire les rôles sont inversés et il vient m'extirper de ma léthargie. C'est peut-être à mon tour d'aller vers lui ? J'ai un peu de mal à le cerner ces derniers temps. Il est de plus en plus distant, enfin, façon de parler. Elliott ne doit probablement pas connaître la véritable définition du mot distant mais à sa manière, il l'est. Avec moi. Seulement avec moi. Ce qui me perturbe, un peu beaucoup. Je me suis montrée désagréable à ce point ? J'en ai pas vraiment souvenir mais bon, c'est compliqué de vivre tous ensemble en permanence. Parfois, les mots sont mal interprétés. Il suffit d'une braise pour que tout prenne feu. Littéralement. J'ai beau regarder tout autour, personne à l'horizon. Je suis supposée comprendre que c'est le bon moment pour lui parler, en tête-à-tête ? Je tente de faire du bruit en avançant dans sa direction, afin de ne pas le surprendre complètement mais c'est peine perdue. On dirait un fantôme, immobile, livide. Je pose délicatement une main sur son épaule, cherchant à attirer son attention sans lui faire peur avant de m'installer à ses côtés. « Est-ce que ça va ? Tu as l'air... ailleurs. » Loin, loin de moi. Loin d'ici, loin de cet endroit, loin de cet instant. Je peux comprendre ce besoin de s'évader mieux que personne. C'est oppressant cette existence que nous menons, à craindre le moindre bruit suspect, la moindre ombre planant derrière notre dos. Nous apprenons à vivre avec cette paranoïa mais ça ne la rend pas forcément plus facile à digérer. Parce que nous avons constamment l'impression qu'une bombe risque d'être larguée dans notre sillage. Combien de temps avant le compte à rebours ? Il est probablement enclenché depuis que nous avons mis un pied ici. « Je dois m'inquiéter ? » Parle-moi Elliott. Parle-moi comme tu aimes le faire pour raconter tout et n'importe quoi. Je t'écoute même quand t'as le sentiment que c'est pas le cas. Je t'écoute même quand c'est pas mon intention. Je me demande encore pourquoi. La plupart du temps, ça ne m'intéresse pas du tout... mais il doit forcément avoir une raison pour que tu captes mon attention de la sorte ? Je crois la connaître sans vraiment oser l'admettre. Stupide hein ! Il paraît que les gens se comportent ainsi avec leurs proches. Stupidement.