Ces derniers mois n’ont été qu’une longue et irréversible dérive. Il a nagé contre courant, de toutes ses forces, trouvé une vieille branche, s’y est agrippé comme il a pu avant de couler, tout simplement. C’est comme ça qu’il ressent les choses, comme si il se noyait. Depuis ce soir là, il a eu beau mettre tous les stratagèmes possibles en place, il ne pouvait qu’en arriver là, au sein de cette putain de VB qu’il déteste se retrouvant à nouveau dans la position qu’il fuit depuis tant d’années : celle de traître. Terrence Boot le gars qui passe son temps à trahir ses amis et ses idéaux. Pourquoi ? Parce qu’il a trop peur.


Pourtant, il avait presque réussi à alléger sa culpabilité de ne pas avoir rejoint l’Ordre en même temps que Sylas, Michael et Anthony. Cette décision avait marqué la fin d’une époque particulièrement heureuse de sa vie en brisant son groupe d’amis proches. Par sa faute, parce qu’il avait eu peur de tellement de choses. De perdre la sécurité de Poudlard, de ne pas finir ses études, de décevoir son père, d’être renié, de combattre les mangemorts, de mourir. A l’époque, il s’était trouvé une bonne excuse qui l’avait aidée à s’auto-convaincre du bien-fondé de cette décision. Il pouvait aider l’Ordre d’une autre manière. C’était vrai en réalité mais il ne savait pas tout ce qu’il allait perdre avec cette simple décision guidée par sa lâcheté plus que par la raison.
La vie à Poudlard n’avait plus rien à voir avec ses premières années dans l’École de sorcellerie. Finis les rires, finie la légèreté, fini l’insouciance, au revoir les copains. Terry faisait pourtant parti des chanceux, peut être que le statut de ses parents et leur collaboration avec le nouveau gouvernement aidaient. Ce n’était pas la même chose pour tout le monde et surtout pas pour elle. Padma, sa meilleure amie et celle qui faisait battre son cœur plus que de raison, avait été prise comme bouc émissaire par Alecto Carrow. Il avait pansé ses blessures, épongé son front fiévreux. Il avait vu l’étincelle d’insouciance de ses yeux disparaître. Il avait vu sa rancœur à son égard y grandir à la place. Terry ne pourra jamais l’en blâmer. Si elle avait vécu cet enfer durant tout ce temps, c’était par sa faute, parce qu’il l’avait convaincue de revenir à Poudlard avec lui plutôt que de rejoindre l’Ordre avec les autres. Il avait provoqué son tourment et ça il ne se le pardonnerait jamais.

Depuis, il ne se faisait plus d’illusions. Il avait su mettre les mots sur sa faiblesse, en tirer le conclusion et avait décidé de se racheter. Après être sorti de Poudlard, Terry avait aidé l’Ordre comme il se l’était imaginé à la base, en tant qu’informateur. Certes il n’avait pas dédié sa vie entière à ses idéaux mais, d’une certaine manière il avait l’impression d’en faire déjà assez. Être un informateur pour l’Ordre était encore le meilleur moyen pour lui de les aider. Il n’était pas un grand combattant, et il avait accès à pas mal d’informations, notamment via sa famille qui jouait le jeu du gouvernement pour sauver ses intérêts. Terry était donc volontairement devenu oubliator, subissant les foudres parentales car ce boulot n’était soit disant pas assez bien pour un Boot. Il avait le mérite de lui permettre de joindre les membres de l’Ordre facilement. C’était tout ce qui comptait.
Mais maintenant tout cela est bel et bien terminé.


Il a tout fait pour essayer d’éviter d’atterrir là, au sein de la VB, mais Terry a toujours vu les choses clairement, prenant soin d’analyser la situation en détail malgré le torrent dans lequel il avait la sensation de se noyer depuis ce jour-là. Depuis qu’il s’était fait mordre un soir de pleine lune par un loup garou, faisant de lui tout autre chose, quelque chose qui le chamboulait de l’intérieur. Son instinct avait changé, était devenu animal. Ses sens s’étaient aiguisés, lui faisant voir le monde différemment. Il ne se connaissait plus et c’était le plus déroutant. Il détestait ce qu’il était devenu. Il déteste le loup qu’il est devenu. Différent, effrayant, monstrueux. Mais malgré tout ça, malgré la perte de tous ses repères, il n’avait rien perdu de son esprit de Serdaigle, sage, analytique, mettant de côté son ressenti pour prioriser les choses. Trouver comment se fournir en potion tue-loup sans se faire repérer, trouver un refuge éloigner de tout où il ne ferait de mal à personne lors de ses transformations… Tant de choses matériels qui l’aidaient à ne pas penser à ce qui se passaient dans sa tête. Faisant le tour des possibles, listant tout, mettant en place un plan puis un autre puis tant d’autres, il en était toujours arrivé à cette même conclusion. Il était impossible pour lui d’échapper à cette nouvelle destinée qui est subitement devenue la sienne : devenir un Hound de la VB.

Il ne sait pas exactement comment ils l’ont grillé et ça n’a pas vraiment d’importance maintenant. On lui a fait comprendre qu’il n’avait pas le choix et il se retrouve là, dans les locaux de la VB entouré d’hybrides comme lui et de sympathisants de Voldemort pourris jusqu’à la moelle. Lorsqu’on lui grave la rune dans le cou il sent comme une brûlure qui le fait grimacer. Une fois la manipulation terminée, il masse la marque et est presqu’étonné de ne rien y sentir de spécial au toucher. Il pourrait presque oublier qu’elle est là. Ca sera peut être le cas un jour d’ailleurs mais pour l’instant elle lui fait l’effet d’un poids, un fardeau, une épée de Damoclès qui pendouille au dessus de sa tête. Maintenant il suffit d’un seul sort et son handler pourra décider de le mettre sur pause ou tout simplement de terminer sa vie. Cette simple idée glace le sang de Terry. Il ne s’appartient plus, plus totalement.

Il aurait dû rejoindre l’Ordre, il aurait pu y retrouver ses anciens amis en étant plus ou moins accepté, il aurait même pu en profiter pour recoller les morceaux, mais il est trop tard maintenant. Il avait trop à affronter d’un seul coup, eu trop de mal à accepter les choses, mis trop de temps à cogiter, retourné les idées milles et une fois dans sa tête, fait le tour de ses possibilités, ressassé, déprimé aussi, et finalement, il s’est fait prendre. Qu’est ce qu’il a d’autre comme option maintenant ? Soit il finit en prison, ou mort, ou ici avec cette rune gravée dans le cou.



Ca fait maintenant deux ans qu’il a été mordu, un tout petit peu moins qu’il est dans la VB. On ne peut pas dire qu’il se soit habitué à sa nouvelle nature, ni même qu’il l’est accepté. Il ne se fait pas à ce nouvel instinct qui le guide, le loup qu’il est devenu est en contradiction avec l’humain qu’il était. Lui qui a toujours été un brin solitaire, de part sa timidité surtout, est maintenant seul pour une  tout autre raison, il est socialement infréquentable. Il a perdu nombre d’amis et l’entièreté de sa famille. Il aurait pu être soulagé de ce dernier point, après tout il les avait toujours détesté malgré le fait qu’il ait toujours voulu plaire à son tyran de père. Rendre fier ce dernier a toujours été un des objectifs de Terry ce qui est incroyable car il l’a toujours détesté autant que craint. Maintenant il repense à eux et ça lui pique le cœur. Pourquoi est il triste de cette perte ? Il ne saurait pas le dire, ça fait sûrement parti d’un mécanisme étrange de syndrome de Stockholm version amour paternel ou un truc tordu comme ça. Terry a cessé de se poser des questions du genre. Le truc bien quand on retrouve un instinct animal c’est qu’on accepte plus facilement ses sentiments tels qu’ils sont. C’est simple, c’est comme ça et puis voilà.
Et des sentiments, il y en a un fleuve entier qui se déverse dans sa tête. La culpabilité, la peur, la solitude, la violence, la haine envers lui-même, envers son handler et tous les autres brigadiers. Il y a tellement de négatif dans sa vie qu’il s’accroche à chaque brin de joie qu’il entre-aperçoit : le peu de libertés qu’il lui reste, les quelques amis, l’odeur d’un livre, la musique.



Il ne se fait plus d’illusions. Il a su mettre les mots sur sa faiblesse, en tirer le conclusion et a décidé de l’accepter. Il est un traître par lâcheté, car il compte survivre même si, pour y arriver, il doit bafouer ses idéaux et avoir la mort de membres de l’Ordre sur la conscience. Ce n’est pas qu’il ne veut plus aider l’Ordre, il aimerait beaucoup mais ce n’est plus dans son domaine des possibles. Son handler est sur son dos et tient sa vie au bout de sa baguette. Mais il ne se trouve plus d’excuse. C’est le choix qu’il a fait parmi le peu de possibilités qu’il lui était offertes. Il est un Hound, un traqueur et il se déteste pour ça. Mais au moins il est en vie.