Je ne savais pas exactement ce qui m'avait poussée à rejoindre la foule, ce ne serait pas la première occasion que j'aurais balayé d'un revers de la main, sous prétexte que je n'étais pas bien, pas en état de sortir, en tout cas. En fait, je le savais mais je le niais un peu par fierté. Mon père avait à peine déguisé l'ordre, conscient du pouvoir qu'il avait sur moi et, l'avantage, c'était que ma mère serait là, elle aussi. Je savais que je n'allais pas être complètement abandonnée, telle la fille prodige qu'il présentait à trop de personnes que je connaissais à peine de nom, cherchant à me vendre au plus offrant. Je ne voulais pas être à nouveau liée à quelqu'un trop rapidement mais je ne cracherais pas sur une alliance politique. Je n'avais plus le courage, ni la force de m'attacher à un beau parleur qui me jetterait du jour au lendemain, dès que je ne valais plus grand-chose à ses yeux.

Le patriarche ne cessait de me répéter de sourire, de mieux me tenir, de saluer poliment ceux qui nous observaient et, par-dessus, d'être impeccable. Il refusait de laisser quoi que ce soit au hasard, tout était une question d'apparence, comme le reste des Travers et de beaucoup trop de familles de Sangs-Purs. Ça me gavait, seulement, je ne pouvais pas l'exprimer. Je pouvais juste me taire et obéir au chef de famille. Je suppliais tous les grands sorciers morts de me protéger au moins d'une personne, Flora Carrow. Elle était beaucoup trop lourde, beaucoup trop insistante et je préférais encore subir les idées archaïques de mon père que de l'entendre me répéter qu'elle était désolée pour moi et qu'elle n'avait rien à voir avec la décision de son cousin. Grand et brave Aslan.

J'avais cru voir un fantôme, à la différence qu'il n'était pas transparent, comme l'était Grey Lady. Il était trop vrai. Malgré la peur et les doutes, j'avais décidé de délaisser mes parents et de poursuivre le fantôme qui hantait mon cœur. Ce lâche m'avait repérée et avait attrapé un portoloin et j'eus le temps de l'attraper à mon tour avant qu'il ne m'échappe. Une fois mes esprits retrouvés, j'avais foncé dans sa direction, baguette à la main, pointée en direction de son visage. Il s'était arrêté et je me tenais droite devant lui, fière et blessée à la fois. « Qu'est-ce que tu fous ici ? Et me prends pas pour un troll, j'veux de vrais réponses. Ça te changerait de jouer les courageux pour une fois. » J'avais sorti les griffes. Il me hantait depuis trop longtemps, je refusais de lui donner le droit de se moquer de moi une nouvelle fois. Je fronçais les sourcils et je ne vacillais pas. S'il y avait bien un moment où je devais me montrer ferme et forte, c'était celui-là.

Tapis dans l’ombre, tu attendais patiemment le signal. Au loin, tu entendais la clameur de la foule qui s’était réunie chez Blaise Zabini ce soir. A quelques dizaines de mètres seulement, l’élite sorcière dinait, conversait, méprisait le bas monde dont elle tâchait de se protéger en s’enfermant dans les beaux quartiers. Bientôt Kingsley donnerait l’alerte et toi et tes petits camarades pourrez enfin fondre sur Clemency et libérer les opprimés. Du moins si on s’en tenait au plan. Mais voilà que rien ne se passait jamais comme prévu. D’abord, tu avais ressenti un étrange pincement au cœur, une intime conviction que quelque chose n’allait pas, une pointe de mélancolie aussi vive que la lame d’un couteau. Et puis il y avait eu le froid, et celui-ci avait précédé le râle de terrifiantes silhouettes encapuchonnées. A partir de ce moment-là, tout était devenu flou, agité. Les cris d’une foule de mangemorts en panique, incapables de lancer le moindre patronus, le froid glacial qui te prenait aux tripes. De loin, tu les avais vus arriver en trombe, ces gens de la haute société, qui n’avaient plus le cœur à la fête. Le sol avait tremblé sous leurs pieds alors qu’ils avaient remonté la colline dans un rythme effréné. Le plan ne faisait évidemment pas mention d’une attaque éventuelle de détraqueurs. Tu ne savais pas bien si tu devais encore tenter de sauver les hybrides captifs, ou bien plutôt essayer d’arrêter les mangemorts dans leur fuite. Lorsque tu avais aperçu Louis Travers au loin, tu avais bien essayé de te frayer un chemin jusqu’à lui, mais le vieux renard était trop bien entouré. Tu avais alors jeté ton dévolu sur un Fenrir Greyback en fuite. Mais avant que tu n’aies pu t’engager dans une lutte sans merci contre le loup-garou, tes camardes de l’Ordre t’avaient conseillé de prendre la fuite à ton tour, tant que tu le pouvais encore. C’est ainsi que tu t’étais retrouvé à prendre le premier portoloin disponible, mais alors que tu jetais un dernier coup d’œil en arrière, tu avais fini par reconnaitre la sorcière haletante qui se dirigeait vers toi et regardait ton portoloin comme le symbole de son ultime espoir. Alors tu avais attendu avant de l’agripper, car même si Aquila Travers devait probablement te détester plus que quiconque d’autre, elle était encore officiellement ta fiancée. Vos deux mains désormais l’une contre l’autre, le portoloin reçoit son signal et vous emporte tous deux dans l’obscurité de la nuit.

Le trajet est rapide mais l’atterrissage brutal. Propulsés au beau milieu d’une ruelle déserte, Aquila n’attend pas une seconde de plus avant de pointer sa baguette dans ta direction. Comme un réflexe, tu lèves tes mains en l’air afin de lui prouver que tu ne lui veux aucun mal. Et tu sais pertinemment qu’elle ne te fera rien non plus, même si elle semble encore aveuglée par la colère. Une colère tout à fait justifiée, tu en conviens parfaitement. Tu es parti sans un mot, sans rien lui dire de tes motivations. Parce que la situation était trop compliquée, parce que la vérité lui aurait fait plus mal encore que ta désertion. « Aquila, je suis désolé, je ne voulais pas que cela se termine ainsi. » Elle pouvait te traiter de lâche si cela lui faisait plaisir, mais elle ne pourrait jamais t’accuser de ne pas être honnête. « Je t’assure que j’aimerais pouvoir tout t’expliquer, mais tu devrais d’abord parler à ton père. » Tu estimais que ce n’était pas à toi de lui raconter que son père était un vil meurtrier, ce n’était pas à toi de briser l’admiration qu’elle portait à son géniteur. Il était grand temps que Louis Travers assume ses responsabilités. « Tu vas bien, tu n’es pas blessée ? »