mind your own business

@BARTHOLOMEUS PREWETT

Une enveloppe rose, parfumée à outrance, siffla à son oreille gauche avant de filer à toute vitesse dans le couloir, la dépassant sans la moindre considération pour sa personne, ne lui étant pas destinée. L’odeur de la missive flottait encore dans l’air, si forte qu’elle en piquait presque le nez. Celle-ci avait manqué de peu de se coincer dans ses cheveux comme cela était arrivé à une Serdaigle en plein cours de potions, plusieurs personnes ayant dû l’aider à s’en dépêtrer tant le courrier affolé – pressé d’accéder à son dû destinataire quelques mètres plus loin – se démenait pour s’extirper des mèches rebelles d’une façon qui ne faisait que l’y emmêler davantage. Finalement, la prose – peu qualitative et aux rimes hasardeuses – parvint à leur camarade de classe qui en devint cramoisi et s’empressa de froisser le bout de papier écarlate dans sa poche, sans doute au plus grand désarroi de l’expéditrice. Un dur sort qu’elle n’avait pas accordé à deux déclarations qu’elle avait elle-même reçues, par chance de façon moins rocambolesque, qu’elle s’était contentée de déposer dans le tiroir de sa table de chevet. Nul doute que ses camarades de dortoir chercheraient à les lire mais leur curiosité ne les mènera pas loin, les deux messages remplis de pattes de mouche n’étant pas signés et démontrant le peu d’aisance des garçons de quatorze ans à faire la cour.

Elles avaient peut-être déjà assouvi leur curiosité alors qu’elle avait le dos tourné, préoccupée par la manière dont il convenait de coiffer ses cheveux pour une soirée clandestine de la saint-valentin. Pas qu’elle en espérait quoi que ce soit. Elle avait même esquissé un reniflement de dédain lorsque la proposition lui avait été suggérée par la même Abbie qui la traînait ce soir jusqu’à la Salle sur demande, son bras emprisonnant le sien alors qu’elle pouffa de rire à la vue de la lettre enchantée qui les avait dépassés. Abbie elle-même avait reçu trois de ces enveloppes charmantes, dont elle n’avait pas voulu partager l’identité des auteurs, les cachant à chaque fois contre sa poitrine, ses joues teintées de carmin. Imogen était certaine qu’elle avait vu Abbie envoyer une missive entre deux leçons, lorsqu’elle pensait être à l’abri des regards. Abbie n’aurait pas fait l’erreur de surcharger sa lettre de parfum, ça aussi elle en était certaine. D’autant que son parfum était bien plus plaisant aux narines.

Elles longèrent le mur de pierres, se concentrant toutes deux intensément et furent presque surprises de voir une porte apparaître devant elles. Les rumeurs courant sur la Salle sur demande allaient bon train mais ni l’une ni l’autre n’avaient eu la chance de les vérifier jusqu’ici, le lieu leur ayant été révélé par un septième année de leur maison dans un murmure plus tôt dans la journée. Imogen franchit la porte en premier et n’aperçut d’abord que des milliers de papiers crépons roses et rouges en forme de coeur flottant dans les airs, semblant se mouvoir au rythme d’une chanson bien moins familiale que Célestina Moldubec. Les jeunes filles se glissèrent hésitantes parmi la foule déjà formée jusqu’au buffet, comme toute personne qui ne sait pas quoi faire de soi-même à une fête. La Prewett balaya la salle du regard à la recherche d’autres visages familiers – et supportables – sans manquer d’apercevoir au passage un couple de septième années déjà en train de se galocher derrière un pilier. Peut-être l'avait-il charmé avec un dessin salace sur son courrier enchanté. « Bon, et maintenant, on fait quoi ? » demanda-t-elle à Abbie, sans obtenir la moindre réponse car celle-ci était déjà en train de rire à gorge déployée avec un Poufsouffle de cinquième année, criant presque son intérêt en enroulant une mèche de ses cheveux autour de son doigt alors qu’il lui servait un verre de punch. Génial. Alors c’était ça qu’elles devaient faire. Soit.