| | | don't grow up, it's a trap Potter's end, début mars 2007 ”Tu m’appelles s’il y a quoi que ce soit.” fait Benjamin en enfilant son long manteau. ”Tout ira bien, Sejoo.” soupire sa mère en lui tendant une écharpe (en soie, on est un Rosier ou on l’est pas) qu’il passe immédiatement autour de son cou. ”Détends-toi un peu.” lui demande-t-elle d’un air presque autoritaire qui ne manque pas d’agacer l’ancien Serpentard. Depuis qu’ils ont accueilli ses cousins Caesar, Jeong-Hui et Celyn chez eux, après la mort tragique de leurs parents en décembre, elle agit enfin… comme une mère. Après des années de léthargie, des années à le laisser seul avec ses angoisses, ses responsabilités et cette place beaucoup trop grande pour lui qu’il est censé remplir dans la haute société sorcière, elle se réveille. Il devrait se réjouir de la voir évoluer, de la voir sortir de la zone d’ombre dans laquelle elle était plongée depuis la mort de son mari, il y a plus de quatre ans… Mais honnêtement, ça l’énerve. Le fait qu’elle se permette de le traîter comme un gamin et de montrer qu’elle est depuis toujours la maîtresse de cette maison à ses cousins ? Il est reconnaissant de pouvoir se reposer sur elle pour la première fois depuis longtemps, de pouvoir gérer avec elle le deuil de leurs hôtes… Mais il refuse son comportement maternel envers lui, en bloc. ”Embrasse Daphne de ma part.” ajoute-t-elle quand il passe la porte du manoir familial avec Kate, son golden retriever animixé, sur ses talons. ”Je le ferai.” Quand la porte se referme derrière lui, Benjamin expire un grand coup. Il n’aime pas penser ça, parce que ça fait de lui quelqu’un d’extrêmement égoïste mais… il est content de sortir d’ici. L’ambiance au manoir est pesante, oppressante. C’est comme ça depuis fin décembre. Il n’a pas beaucoup d’occasions de sortir d’ici pour des choses réjouissantes : il passe la majorité de sa vie au travail ou à des soirées qui ont toujours un aspect professionnel… Les deux mois qui viennent de s’écouler lui ont laissé peu d’occasion de passer du temps avec ses amis. Le meilleur d’entre eux, son cousin Celyn, est dans le coma depuis l’accident. Il se sent toujours coupable de passer de bons moments sans lui. Il se sent coupable de faire des choses qui lui font du bien quand à la maison, tout le monde souffre, alors il ne s’autorise pas vraiment des sorties après le boulot : il rentre la majorité du temps directement à la maison pour s’assurer que toute la famille a survécu à un jour de plus. Aujourd’hui, cependant, il a rendez-vous avez Daphne. C’est elle qui l’a proposé. Benjamin se doute bien qu’elle a dû voir qu’il en avait besoin, et que c’est pour ça qu’elle lui a presque imposé ce dîner pour qu’il sorte la tête de l’eau. Il aurait probablement refusé la proposition si elle était venue de qui que ce soit d’autre. Mais Daphne est Daphne, et s’il y a une amie qu’il a envie de voir en cette période morose, c’est bien elle. Il n’aura pas besoin de trop faire semblant, avec elle.
Il est presque dix-neuf heures quand il arrive à Potter’s End. Le nouveau village sorcier a été bâti en un temps record, et Benjamin est toujours choqué en y mettant les pieds : il y a toujours beaucoup de monde, et les boutiques se sont implantées à la vitesse d’un éclair de feu. Est-ce le fait qu’Harry Potter vive ici qui a attiré tous ces nouveaux habitants et tous ces commerçants ? Probablement. Les gens se laissent souvent manipuler par ces choses-là. C’est dans l’un des nombreux nouveaux restaurants du village qu’il doit retrouver son amie. Il arrive le premier, et il voit que le responsable du restaurant retient une grimace quand il voit Kate, son golden retriever, sur ses talons. Les animaux ne sont jamais bien accueillis dans les endroits publics, surtout ceux où on mange. Benjamin, cependant, ne peut se séparer d’elle, c’est ainsi que marche l’animixing. Ces temps-ci, elle lui est plus précieuse que jamais : sa présence le rassure et le calme même quand les angoisses se font incontrôlables. Heureusement pour lui, la marque sur son avant-bras lui donne tous les droits, et l’homme est bien obligé de le mener dans l’alcôve qui leur est réservée pour ce soir. Benjamin ne le remercie qu’à moitié : il ne peut s’empêcher d’être offensé par ceux qui jugent son animixing, si rare au Royaume-Uni et mal compris des occidentaux.
”Qu’est-ce que tu en penses Kate?” fait il une fois assis à table tandis que la chienne se recroqueville dans un coin de l’alcôve, prête à faire la sieste, sachant qu’elle peut enfin baisser la garde puisque Benjamin sera avec quelqu’un de confiance. ”Elle sera en retard, ou pas?” Kate le snobe, et il soupire en regardant sa montre. Il est content qu’ils soient dans un coin privé : il n’aime pas être observé, et encore moins depuis qu’il est de notoriété publique que la moitié de la famille Rosier a été décimée. Il n’en peut plus de recevoir des condoléances, il n’en peut plus de voir des regards de pitié ou de jugement dans les yeux des sang-purs.
|
|