Alexis cligne des yeux une fois, deux fois, trois fois, comme pour s’assurer qu’elle n’est pas en train de rêver. Mais à chaque fois qu’elle rouvre les yeux, Sylas est bien là, devant elle. Il ne réagit pas, pourtant. Elle ne voit pas d’éclair dans ses yeux, rien. Absolument rien. Elle s’apprête à prononcer son nom, mais il fonce vers elle et l’attire par le poignet. Attention! Elle s’attend à atterrir contre, à sentir ses mains se poser contre sa taille, ses bras l’entourer comme ils le faisaient avant. Mais elle se rend compte qu’il l’a juste attirée en avant pour qu’elle ne se fasse pas choper par un détraqueurs. Son regard passe de la silhouette encapuchonnée aux yeux clairs de son mari. Il la relâche immédiatement, et elle essaie de le retenir du bout des doigts mais ceux-ci ne trouvent que le vide. Allez vous mettre à l'abri! Elle veut dire quelque chose, l’interpeller, comprendre, mais il la pousse : Allez! Alexis fronce les sourcils. Incrédule.

Elle regarde autour d’eux. Il y a beaucoup de mangemorts dans les parages. Beaucoup de visages qu’elle ne connaît pas. Peut-être… Peut-être qu’il doit faire comme si il ne la reconnaissait pas ? C’est la seule explication. C’est la seule explication logique. Alexis ne comprend absolument rien à ce qui lui arrive, et elle a envie de lui courir après. Elle a besoin de savoir. Que fait-il là ? Pourquoi n’est-il pas en France ? S’il n’est pas en France, pourquoi n’est-il pas avec elle ? Son coeur se gonfle d’espoir. Peut-être… Peut-être qu’il a changé d’avis ? Qu’il a fait demi-tour, après tout ce temps, et a décidé de revenir auprès d’eux ?

Alexis! We have to go. Now. Alexis cherche Sylas du regard, mais il a disparu dans la foule. Alex! Elle finit par tourner enfin les yeux vers Ian. Il y a un grand sourire sur son visage. Ian! Ian! Sylas is here! Il a l’air confus. Ils se regardent, échangent presque silencieusement, et il finit par froncer les sourcils. How? I don’t know, but he’s here! We have to find him! Ian n’a pas l’air emballé, mais il connaît sa meilleure amie, alors il acquiesce et il la suit dans la cohue. Mais ils ont beau chercher dans la foule, c’est comme si Sylas s’était volatilisé. Alexis commence à se demander si elle n’a pas rêvé quand Royal les appelle à se replier et à quitter les lieux, alors que tous les mangemorts semblent avoir disparu des environs. We should really go… Alexis sait déjà ce qu’il va dire : il ne faut pas se précipiter, c’est peut-être un leurre, il faut qu’ils étudient la question sérieusement. Mais Alexis n’est jamais vraiment raisonnable quand il s’agit de Sylas, alors quand Ian a le dos tourné, après qu’elle ait feint d’être sérieuse et de retourner auprès des autres résistants, elle fait demi-tour et reprend ses recherches.

Son mari est là, et il est hors de question qu’elle rentre sans lui.

Finalement, elle finit par le retrouver, parmi les quelques personnes qui sont restées sur les lieux malgré le départ de la majorité des invités. Il reste des hybrides coincés dans des cages que les résistants n’ont pas eu le temps de sauver, il y a des corps à terre qui témoignent de la violence et de la précipitation. Ce n’était pas censé tourner comme ça. Elle ne devrait pas être là, et ce qu’elle s’apprête à faire est de loin l’acte le plus débile qu’elle ait jamais fait, mais son instinct lui dicte qu’elle doit le faire. Et quand c’est Sylas, elle se laisse toujours guider par son instinct.
Elle s’approche de Sylas par derrière et saisit son bras. Immédiatement, elle les fait transplaner plus loin, où ils ne seront pas observés. Quand ils sont enfin l’un face à l’autre, avec juste le silence et les étoiles, elle étouffe d’un sanglot soulagé. Elle pose ses mains sur ses joues, le regarde avec des yeux pleins d’étoiles. Alexis se jette dans ses bras, le serre le plus fort possible. Elle pourrait lui casser des côtes. Son odeur est un peu différente, mais c’est toujours Sylas. I missed you. Elle ferme les yeux. I missed you so much. dit-elle contre son épaule.

Sylas a poussé la jeune femme dans la foule et puis s'est fait happer par elle. La panique est omniprésente, tout le monde hurle autour de lui, de terreur et d'angoisse. Il ne comprend pas pourquoi tout le monde a peur et pourtant il sent lui-même un poids se loger dans sa poitrine, une étrange sensation — qui n'est pas si différente de ce froid qui lui a enveloppé les os — le prendre. Il doit courir, s'échapper, mais il n'y arrive pas, la foule l'emmène et le renverse, il a l'impression d'être un petit poisson maltraité par les énormes vagues de l'océan.
Il entend un crac! tonitruant, suivi de plusieurs, comme des feux d'artifices. Des gens commencent à disparaître autour de lui. Il a oublié le mot, mais il sait que c'est un peu comme la téléportation.
Personne ne vient le chercher.

Les créatures sombres du ciel sont occupées ailleurs, plus loin, et Sylas chercher un moyen de quitter Clemency pour rejoindre le bus qui l'a amené ici — il se dit, pourtant, que personne ne doit être resté et être en train de l'attendre... Il y a des gens allongés parterre, le nez contre les pavés. Il y a du sang, aussi.
Il ne s'arrête pas parce qu'il sait qu'ils sont morts. Il espère qu'il aura quand même ses dix Gallions.

Peu sûr de lui — il va devoir repasser par la zone couverte par les créatures maléfiques pour sortir de Clemency —, il ralentit un peu la cadence, se mord la lèvre en essayant de déterminer comment il va s'en sortir.
Et puis quelque chose lui attrape le bras et le sol se dérobe sur ses pieds. Il crie, puis retient son cri en sentant la bile lui remonter dans la gorge, et étouffe un gémissement de douleur quand le sol revient sous ses pieds. Il se détache avec force de ce qui lui tient le bras et se retourne, reconnaissant avec grand mal la jeune femme qu'il a sauvé plus tôt. Veut-elle le remercier?
Elle pleure. Peut-être qu'elle ne voulait pas être sauvée... Sylas tressaille quand elle pose ses mains sur ses joues, et pourtant il la laisse faire. Peut-être qu'elle est de sang-pur, il ne voudrait pas la vexer ou pire, l'insulter, en se détachant comme il en a envie.
Elle le prend dans ses bras. Sylas se souvient de Penelope posant sa main sur son épaule, et combien il avait aimé ça. Affamé de contact, de tendresse, de présence humain.

“ I missed you. ” Les bras de Sylas, ballants jusque là, se replient lentement pour lui rendre son étreinte. Là où elle l'étouffe dans son emprise, il semble un peu hésitante, maladroit. “ I missed you so much. ” Ah. Il comprend donc le problème.
Avec douceur, les mains de Sylas remontent jusqu'aux épaules de la jeune femme et il la repousse, lentement. Son visage se fend d'un sourire sympathique. “ I am very sorry, but I used to be a thief, and the other thieves and rebels damaged my memory, ” lui dit-il d'une voix calme et posée, comme on le lui a appris. “ Real wizards tried to fix me, but there's only so much they could do. So I don't remember everything from before. It's okay, I'm sure I would have missed you very much too if I remembered. ” Il est si gentil, si calme et sympathique, lui tapotant l'épaule avant de la relâcher. “ We should walk back and take the bus back to the city. I need to talk to my supervisor and with thieves and rebels everywhere, we are not safe here. ” Il regarde un peu les alentours, il aperçoit au loin le village et le pointe du doigt. “ I will walk with you, yes? ”

Elle a tant de questions. Tant de questions qui se bousculent dans son esprit! Alexis compte bien les lui poser, mais d’abord, elle ne peut s’empêcher de juste… le prendre dans ses bras, s’agripper à lui pour s’assurer qu’il est bien là. Et il est bien là! Il a perdu du poids, un peu. Il lui semble plus émacié et elle sent un peu plus ses os quand elle passe ses mains dans son dos. Mais c’est probablement parce qu’il a dû avoir la vie dure ces derniers jours, ces dernières semaines, peut-être même ces derniers mois. Mais il est safe, maintenant. Il est avec elle.
Il lui rend son étreinte, et elle s’abandonne complètement à son contact, perdant toute notion du temps et de ce qu’il y a autour d’eux. Elle a attendu ce moment… Elle en a tant rêvé! Son obsession de le retrouver l’a rongée, et sa peur de ne plus jamais le revoir, encore plus. Elle en a passé des soirées à pleurer dans les bras de Ian, à confier à son meilleur ami sa peur que Sylas ne revienne jamais, qu’il soit parti sans se retourner… et pire : qu’il se soit reconstruit une vie en France, une vie où elle n’aurait plus du tout sa place.

Finalement, Sylas pose ses mains sur ses épaules, et Alexis accepte la rupture de leur étreinte seulement parce qu’elle se réjouit de nouveau de pouvoir le regarder dans les yeux. Elle attend ses mots comme on attend de l’eau dans un désert, et elle en a presque la respiration coupée, quand elle voit qu’il s’apprête enfin à ouvrir la bouche. I am very sorry, but I used to be a thief, and the other thieves and rebels damaged my memory Alexis fronce les sourcils. Real wizards tried to fix me, but there's only so much they could do. So I don't remember everything from before. It's okay, I'm sure I would have missed you very much too if I remembered. Et il sourit. Et il lui tapote l’épaule.

Alexis est incrédule.
Son visage tout entier s’affaisse.
Elle comprend ce qu’il se passe, et en même temps, elle n’a pas envie de comprendre. Elle refuse l’hypothèse, elle refuse la réponse évidente. Elle cligne des yeux, offre le demi-sourire de celle qui a envie de croire que ce n’est qu’une blague, et l’hésitation de celle qui ne sait pas quoi dire. Elle regarde autour d’eux, comme si - alors qu’elle les a isolés - quelqu’un pouvait juste.. confirmer ce qu’elle vient d’entendre. Partager avec elle l’incrédulité. Il n’y a personne pour la rassurer, juste les iris un peu vides, bien que profondément doux, du clone étrange de son mari.
We should walk back and take the bus back to the city. I need to talk to my supervisor and with thieves and rebels everywhere, we are not safe here. Alexis est toujours un peu sous le choc, pas encore prête à comprendre, mais ses poumons sont lourds et son corps tremble un peu, comme si lui avait déjà parcouru le chemin que sa raison ne veut pas encore entamer. I will walk with you, yes?

Il faut qu’elle garde son sang froid. Ye… Yes. Et il commence à marcher jusqu’au village, ne pensant même pas à transplaner. Alexis a l’impression que ses jambes sont en gelée, mais elle le suit. Do you… do you remember your name? demande-t-elle, comme pour mesurer l’ampleur des dégâts. How long has it been since… they.. damaged your memory? Elle fixe sa nuque, les contours de ses épaules, ses cheveux, sa façon de marcher. C’est bien lui, il n’y a aucun doute. Aucun. Do you… Do you remember at least a few things from before? tente-t-elle en tentant de ne pas trébucher sur l’herbe.
Elle commence à se demander si les détraqueurs ne l’ont pas plongée dans un cauchemar.

Elle le regarde un peu bizarrement, mais c'est sûrement parce qu'elle a eu peur lorsqu'ils étaient dans le village. Sylas se met à marcher et elle lui emboîte le pas; il ne remarque ni son hésitation, ni l'expression choquée sur son visage. “ Do you… do you remember your name? ” Sylas arque les sourcils en l'entendant. Il pourrait rouler des yeux, s'énerver et s'agacer, il n'est pas stupide, non plus! Mais un peu quand même. À cause de la déficience de son sang et de son statut social, il est un moins que rien. Elle a une baguette et elle sait transplaner, en plus elle était à Clemency, donc elle doit forcément être plus importante que lui. Il n'a pas le droit de s'énerver face à elle. Il n'a pas le droit de s'énerver tout court. “ Of course. My name is Abel. But I go by Sylas. ” Cette question n'est pas la seule qu'elle veut lui poser, bizarrement, puisqu'elle enchaîne même quand Sylas se détourne pour continuer à marcher droit: “ How long has it been since… they.. damaged your memory? Do you… Do you remember at least a few things from before? ” Sylas reste silencieux un moment.
Ce serait impoli de ne pas répondre, alors il reprend: “ I do not like thinking about it, ” admet-il, et pourtant il continue. “ I remember being a thief, and having a wand I didn't deserve. I remember school, and my friends there. I remember I was not very good at it, which should have been a sign. I don't remember when I was with the thieves and rebel. They said it's because one of them hurt me, when they left me, so that I couldn't share their secrets. ” Sa voix est un peu morne, sans chaleur. Il ne semble ni énervé contre ceux qui lui ont effacé la mémoire, ni énervé contre ceux qui l'ont rempli de mensonges.

Il est juste... là. Ni chaud, ni froid, semble-t-il.
Il repense à Aleks, il ne sait plus trop pourquoi. Il repense à Aleks, son ami, à son sourire et à ses yeux qui se plissent. À ses manières un peu étranges parfois, mais au fait qu'il était si gentil avec lui et lui avait donné à manger. Il se passe une main dans les cheveux, appréciant comme toujours qu'ils soient plus longs qu'avant, pour les recoiffer. Il s'arrête un peu brutalement, et se tourne vers la jeune femme avec une expression étrange sur le visage: plongé dans une réflexion qui a l'air trop compliquée pour lui, tous ses traits sont froncés, tendus, maladroits. “ And what is your name? ” demande-t-il lentement.
Il y a cette évocation, cette impression qu'il devrait savoir. Pourquoi pense-t-il à Aleks en la regardant elle? “ You remind me of my friend Aleksander. We used to be good friends in Ho- in Hogwarts. ” Du moins c'est ce qu'il lui a dit. Il fronce encore plus les sourcils et lève sa main, celle avec la cicatrice, et il caresse cette dernière doucement. Chez Aleks, il s'est souvenu que c'était à cause d'une fille, et à l'époque il se souvenait bien de son nom, mais maintenant il n'arrive plus à s'en souvenir. Ils avaient été pourchassés par des méchants de l'époque — Sylas ne se souvient pas des détails — et il avait dû passer son poing à travers une fenêtre pour qu'ils s'échappent. Il regarde cette cicatrice, éclair pâle qui coupe sa paume à la base de son pouce, et la masse lentement. “ How do we know each other? ” demande-t-il d'une petite voix, comme si il connaissait déjà la réponse et la redoutait.

I do not like thinking about it, admet-il quand elle commence à se montrer plus curieuse. I remember being a thief, and having a wand I didn't deserve. Les yeux d’Alexis, qu’elle garde rivés sur le sol, s’écarquillent. I remember school, and my friends there. I remember I was not very good at it, which should have been a sign. I don't remember when I was with the thieves and rebel. Elle fronce les sourcils, inspire, expire. C’est un cauchemar. Il dit qu’il ne se souvient pas, et elle sent bien qu’il ne ment pas. S’il se souvenait, il l’aurait au moins reconnue. Il paraît littéralement impossible qu’il ne la reconnaisse pas sans que les souvenirs de ces… dix dernières années aient été effacés de sa mémoire. Après tout, ils ne se sont quasiment pas lâchés, de leur sortie de Poudlard au moment où Sylas lui a dit au revoir sur la côte anglaise. Mais… comment ? Comment peut-on retirer à quelqu’un ses souvenirs sur dix ans ?
Au-delà de sa douleur personnelle, Alexis commence à se rendre compte que ce qu’elle vient de découvrir est énorme. Sylas est venu de manière légale à la fête, ce soir, semble-t-il. Cela sous-entend qu’il a été intégré à la société malgré son sang de né-moldu et son passé au sein de l’Ordre. Il a probablement été réduit au même statut que les autres, et pour ça… on lui a volé ses souvenirs. Et sa façon de parler… They said it's because one of them hurt me, when they left me, so that I couldn't share their secrets. Les dents d’Alexis se serrent. One of them hurt me. Elle tente d’ignorer son coeur qui s’emballe et la boule dans sa gorge.

Elle a encore mille questions à lui poser, mais ils sont à découvert, il ne sait plus qui elle est, et Alexis a du mal à ouvrir la bouche après ce qu’il vient de dire. Elle a l’impression d’être en pilote automatique, à marcher avec lui en direction du bus (quelle idée étrange, prendre le bus, après toutes ces années de cavale).
Finalement, c’est lui qui reprend la parole avant qu’elle ait pu rassembler suffisamment ses esprits pour reprendre le contrôle de la discussion. Il s’est retourné vers elle, avec une expression si étrange qu’elle lui rend impossible toute interprétation de ce qu’il se passe dans sa tête. And what is your name? Alexis s’est arrêtée aussi. Les alarmes sonnent toutes, à tous les niveaux, dans son esprit. Et si… Et si, en comprenant qu’elle n’était pas du côté du gouvernement, il tentait de s’en prendre à elle ? Soudain les yeux bleus autrefois rassurants de son mari lui semblent inquiétants, glaçants.

You remind me of my friend Aleksander. We used to be good friends in Ho- in Hogwarts. Alexis fronce les sourcils. Aleksander Lindgren? La simple comparaison la dégoûte, mais encore plus inquiétant, il y a cette phrase we used to be good friends in Hogwarts. Alexis en a froid dans le dos : Sylas a donc recroisé Aleksander Lindgren. Il l’a recroisé et dieu sait ce que ce connard lui a fait. Ce qu’il pourrait continuer à lui faire. L’idée simple de le laisser repartir directement dans les griffes de ce genre de connard la rend malade. Elle a besoin de comprendre, et leur petite entrevue ne suffira pas. Alexis sait qu’elle a deux options : lui mentir et tenter de le revoir de temps en temps pour se rendre compte de ce qu’il se passe, ou le choper et le ramener avec elle.

How do we know each other?

Alexis hésite encore une seconde… mais sa décision est déjà prise, de toute manière, alors elle tente le tout pour le tout. Hmm… I’m your wife, actually. Elle le fixe, attendant une réaction, n’importe laquelle. We got married… two years ago. Elle lâche même un rire triste. You really don’t remember, do you? Elle secoue la tête. That’s a shame. It was a beautiful wedding. Sa mâchoire est tendue, elle se prépare à dégainer sa baguette en une demi-seconde si besoin. Elle sait d’avance que rien ne va bien se passer.

Elle n'a pas répondu à sa question et ne lui a pas donné son nom. La sorcière le regarde d'un air étrange, presque hésitante, et Sylas se demande vaguement si, peut-être, il n'aurait pas dû poser cette question. A-t-il dit quelque chose de mal? Va-t-elle informer les responsables de la MOCHE et va-t-il être puni? Il angoisse à cette idée, et ouvre déjà la bouche pour revenir sur ses mots, les enterrer et la convaincre de ne plus en parler. “ Hmm… I’m your wife, actually. ”
C'est une chute pas très drôle à une blague qui n'en est pas une. Sylas la regarde sans rien dire, les yeux vides, comme si il attendait la suite. “ We got married… two years ago. ” Elle rit un peu, mais pas comme on rirait à une plaisanterie. Elle rit un peu, presque tristement. Sylas la regarde toujours, sans rien dire, les yeux vides.

Sa... femme. Ils se sont mariés... il y a deux ans. C'est absurde bien sûr. Il y a deux ans, il était avec les rebelles et les voleurs. Il y a deux ans, il était un criminel. En est-elle une elle aussi?
Sa... femme. Que lui évoque ce concept? Il voit le Basilique, et il voit la bague à son doigt. Il ne le voit pas dans son futur, le concept du mariage. Il voit à la place la supériorité des sang-purs, il imagine les alliances qui ont été faites, la richesse et la fortune et l'héritage magique qui en découle.
Il regarde sa main de nouveau, la cicatrice sur sa paume, qui retrace la base de son pouce, la peau fragile et sensible, un peu rugueuse. La main qui caresse et remonte jusqu'à la base de son doigt, le quatrième en partant de la gauche.

En plissant les yeux, il peut presque imaginer la marque de bronzage, en forme d'alliance autour de son doigt. “ You really don’t remember, do you? ” Il relève les yeux vers elle, bleus et distants. “ That’s a shame. It was a beautiful wedding. ” Elle ne plaisante pas et il le sait maintenant, malgré le ridicule et l'absurdité de la situation. Il pourrait se mettre à rire, ou s'énerver. Mais non, il la regarde, son pouce caressant sa cicatrice, une marque de bronzage imaginée. “ Your name is Alexis, ” finit-il par dire lentement, lisant qu'il a raison sur l'expression figée sur le visage de son interlocutrice. “ We were married. ” Mais ils ne le sont plus. Parce qu'elle est une voleuse.

Who is Alexis Hoover?

Where is Alexis Hoover?

What happened to Alexis Hoover?

Il se souvient des questions, répétées sans cesse à travers la douleur. Il se souvient des yeux avides d'Aleksander sur lui, les questions de sa part à lui aussi. Alexis. “ You brought me a great deal of pain... ” commente-t-il, d'une voix toujours un peu éteinte. “ They asked, again and again, where you were, who you were, but I couldn't remember. I couldn't remember anything, because you casted a spell on me. So they tortured me, and they pried my mind open, and they did everything in their power to get information, but they couldn't, because of you. ” Sa voix n'a bizarrement pas de rancune ni d'amertume. Il présente les faits, aussi douloureux soient-ils, d'une voix morne, comme si il décrivait quelque chose qui était arrivée à quelqu'un d'autre. “ Because of you. ” Il fronce les sourcils, et ses mains retombent le long de son corps. “ What do you want? Did you come here to finish what you started when you left me to die in their hands? ”

C’était peut-être un peu irresponsable, de balancer ça comme ça. Non seulement ils pourraient être observés, mais au-delà de ça, elle ne sait pas ce qui est arrivé à Sylas. Il pourrait se jeter sur elle avec l’objectif de la faire prisonnière, ou même de la tuer. La majorité des gens de l’Ordre, plus sages, auraient probablement choisi de rester subtiles, de continuer à poser des questions pour en savoir plus sans se mettre ainsi en danger. Mais Alexis n’est pas toujours la plus sage, malheureusement, et surtout, elle a besoin de réaliser, de voir. Your name is Alexis, fait finalement Sylas. Alexis sait qu’elle ne peut pas crier victoire. S’il se souvient de son nom, ça ne veut pas pour autant dire qu’il l’a reconnue. Il a pu entendre parler d’elle - et si c’est le cas, elle suppose que ce n’est pas en bien. Elle attend la suite, sur le qui-vive, le coeur battant. We were married. Il le répète mais il a l’air plus confus qu’autre chose. Alexis ne sait pas ce qu’il se passe dans sa tête. Elle le connaissait si bien, pourtant. Elle le connaissait par coeur. Mais c’est un inconnu qu’elle a devant les yeux, aujourd’hui, un inconnu.

You brought me a great deal of pain... finit-il par ajouter. Alexis serre les dents. Les paroles ont beau ne pas la surprendre, elles lui font mal. They asked, again and again, where you were, who you were, but I couldn't remember. Alexis inspire. Son sortilège d’Oubliette a été efficace. Elle n’en doutait pas, mais pour la première fois de sa vie, elle est heureuse qu’il ait fonctionné. Pendant longtemps, égoïstement, elle a espéré qu’elle avait fait des erreurs, parce que l’idée que tant de choses qu’ils aient partagé ensemble aient été effacées de l’esprit de Sylas… Ça la rendait malade. Mais heureusement, qu’elle a réussi : Sylas ayant été capturé par le gouvernement - d’après ce qu’elle comprend - la moindre erreur dans son sortilège aurait mis nombre de branches de l’Ordre en danger. Et dire qu’elle a sérieusement pensé, à l’époque, à mal lancer son sortilège, exprès. Une chance que cette fois-là, la raison l’ait emporté sur le coeur. I couldn't remember anything, because you casted a spell on me. So they tortured me, and they pried my mind open, and they did everything in their power to get information, but they couldn't, because of you. C’est un cauchemar, de l’entendre dire ça. Alexis n’a jamais imaginé qu’elle se retrouverait dans cette position, elle n’a jamais pensé que quelque chose comme ça arriverait. Sylas… Son Sylas. Il ne pouvait pas lui arriver quelque chose comme ça. C’est le genre de tragédie qui n’arrive qu’aux autres. C’est ce qu’elle croyait. Son visage est fermé et ses yeux électriques de fureur quand elle pense à la torture que lui dépeint Sylas. Ce gouvernement… Elle ne comprend pas. Elle ne comprend pas comment ce gouvernement peut-être en place. Elle ne comprend pas que la population ne se soit pas soulevée. Elle ne comprend pas comment la torture et la fouille d’esprit aient pu devenir des actes bénins.

Because of you. répète Sylas, comme pour mieux lui faire mal. Il appuie sur la plaie béante, à vif. Alexis essaie de se répéter que ce n’est pas sa faute. Après tout, c’est Sylas qui a voulu partir. C’est Sylas qui a voulu d’une autre vie que celle de résistant. L’Oubliette était nécessaire, et il le comprenait, à l’époque. Il l’a probablement même accueilli comme un cadeau. Et aujourd’hui… Alexis cligne des yeux, retient les larmes qui menacent de couvrir ses cils. What do you want? Did you come here to finish what you started when you left me to die in their hands? Alexis est en colère. Elle est furieuse. Furieuse. ”That’s what they told you, right?” Elle lâche un rire jaune. C’est étrange, cette fureur face à ces mots, et l’affection pourtant toujours aussi évidente pour cette apparence, ce visage qui lui fait face. Elle a envie de lui faire ravaler les mots qu’il vient de sortir, comme elle les ferait ravaler à ses tortionnaires, mais elle a aussi envie de le prendre dans ses bras. ”I left you to die?” Elle secoue la tête. ”And you believe them. They fucked up your brain so much that you believe them.” dit-elle, plus pour elle-même que pour lui. Elle le regarde de nouveau, et lâche les mots sans hésiter : ”How could I do that? Leave you to die? I love you more than anything.” Les mots devraient être doux, mais elle les dit avec tant de colère… ”You were supposed to be in another country, safe. Far from all this.” dit-elle. ”How did this happen?” Elle continue de secouer la tête, comme si elle pouvait chasser le cauchemar. ”If I had known, I would have saved you, and the real you knows that.” dit-elle.

”That’s what they told you, right?” Dans sa voix, Sylas devine une tension et une rage qu'il ne comprend pas. C'est le genre d'émotions qu'il ne ressent plus, desquelles on l'a débarassé proprement quand il est redevenu normal. Les émotions fortes, surtout aussi négatives, sont prohibées pour les gens comme lui. Après tout, c'est ces émotions fortes qui font voler la magie aux enfants (il se souvient comme si c'était hier, le souvenir trop important pour avoir été entièrement effacé à coups de Légilimancie destructrice, de la première fois où il a fait preuve de magie face à ses parents: les broccolis s'élevant de l'assiette pour aller s'écraser contre le mur...).
Et il ne comprend pas, pourquoi elle est énervée. Pourquoi elle semble énervée contre lui. Devant quiconque d'autre, Sylas se rapetisserait, se ferait aussi minuscule et inoffensif qu'une souris; tout pour éviter les coups, les brimades, les insultes, l'attention de gens qui ne veulent que du mal (à raison, il n'est qu'un sang-de-bourbe après tout). Mais c'est Alexis. Une voleuse, une résistante, une criminelle. Il devrait avoir peur d'elle, mais ce n'est pas le cas. Parce qu'il sait qu'il est dans le camp des justes, et que les armées du Lord finiront un jour par écraser cette stupide résistance de voleurs et de fauteurs de trouble.

”I left you to die?” Sylas lui renvoie un regard vide, qui semble dire: mais encore? C'est un fait avéré. Si le Basilique n'avait pas été clément, si le Lord n'avait pas été clément, il serait mort dans les tréfonds glaciaux de la mer du Nord. ”And you believe them. They fucked up your brain so much that you believe them.” Il secoue la tête lentement. Ils n'ont pas foiré ses pensées. Il lui ont montré la vérité. ”How could I do that? Leave you to die? I love you more than anything.” C'est difficile à croire, quand elle l'a abandonné, n'est jamais venue le chercher, et surtout quand elle dit ces mots avec tant de colère contenue qu'ils en sortent débordants d'amertume et d'une haine qui n'est pas dirigée contre lui.
Mais peut-être qu'il est un peu déréglé, au fond, parce qu'il le prend pour lui; et du creux de sa poitrine se réveille une émotion forte qu'il devrait museler, repousser et enterrer. Mais il n'en fait rien. ”You were supposed to be in another country, safe. Far from all this. How did this happen?” Il ne serait pas là si il le savait. Sylas serre les poings. Il ne sait trop ce qui enfle dans son ventre, dans sa poitrine. Il sait juste que ça fait mal. Et que si il laisse cette bulle exploser, ça fera plus mal encore.

”If I had known, I would have saved you, and the real you knows that.” Regard vide, de nouveau. Il secoue lentement la tête, de droite à gauche, de gauche à droite. "This is the real me," fait-il d'une voix morne qui ne témoigne pas de la véritable tempête qui l'habite en cet instant précis. "This is me. This is who you left to die. But I don't blame you." Ces mots sont faux. C'est de sa faute à elle. Ca ne peut pas être la faute de quiconque d'autre, le Lord et ses sbires étant au-dessus de tout blâme. "Now, you need to get back to the village with me," fait-il d'une voix dure. "You'll see, it's not so bad there, and we can be together again if that's what you want." Mais que veut-il, lui, réellement? Il ne lui faut pas longtemps pour parvenir à la conclusion: rien. A part cette bulle qui enfle, et enfle, et enfle dans sa poitrine, il n'y a rien. Aucun désir, aucune envie, aucun remou, rien, comme si il évoluait dans le monde sans le voir, sans le vouloir.
Il tend la main vers elle. "It'll be fine, Alexis, if you just trust me," fait-il, toujours de cette voix morne et désincarnée, ses yeux bleus intenses et agités d'émotions qu'il ne peut ni nommer ni véritablement ressentir, comme un appel à l'aide.

This is the real me, répond-t-il d’une voix si monotone, si dénuée des émotions qu’elle connaissait chez son Sylas qu’elle ne peut s’empêcher de grimacer. Comment peut-il penser qu’il est vraiment lui-même?. Comment peut-il penser que tout est normal ? Alexis est de plus en plus inquiète quant à ce qu’ils ont fait de son bel esprit. This is me. This is who you left to die. But I don't blame you. Alexis se crispe tellement à ses mots qu’elle sent ses bras comme engourdis, soudain. this is who you left to die. Les mots la heurtent de plein fouet.
La part rationnelle de son esprit essaie de calmer les choses : tu ne l’as pas laissé mourir, tu l’as laissé partir comme il le souhaitait. Tu ne pouvais pas deviner ce qui lui arriverait. Il était prévu que tu n’aies aucune nouvelle et tu ne pouvais donc pas agir en ne sachant pas. On t’a assuré qu’il était arrivé à destination - tu t’en souviens, tu as harcelé les renseignements de l’Ordre pendant des jours pour avoir une réponse claire et précise, et on t’a dit qu’il était arrivé à bon port. Alexis sent soudain une fureur à l’encontre de ceux de l’Ordre qui lui ont peut-être menti juste pour se débarrasser d’elle.
La part trop émotionnelle de son esprit, elle, est en roue libre. Tu aurais dû savoir, lui murmure-t-elle d’une voix furieuse. Tu aurais dû savoir, tu aurais dû le sentir : il est ton mari, après tout. Tu répétais à qui voulait l’entendre que si Sylas était mort, tu le saurais, au plus profond de ta chair. Look at you now. Et elle assène les mots les plus difficile, ceux qui l’ont déjà hantée pendant des jours et des nuits entières : tu aurais dû être capable de le retenir, à défaut de ne pas vouloir partir avec lui.
Alexis rougit de colère.

Now, you need to get back to the village with me, fait Sylas, d’une voix dure qui donne l’impression, encore une fois, que c’est quelqu’un d’autre que lui qui parle. You'll see, it's not so bad there, and we can be together again if that's what you want. Elle ne retient pas la grimace qui vient s’afficher sur son visage. Il est très clairement en train d’essayer de l’amadouer pour qu’elle le suive, et pour la livrer aux autorités. Comment est-ce possible ? Comment ? Ils ont absolument tout pris. Ils lui ont absolument tout pris. À lui, mais à elle aussi. Sylas ne la reconnaît pas, Sylas la rejette, Sylas l’entraîne dans un piège. C’est un cauchemar. Si elle n’avait pas déjà vu les conséquences d’une attaque de détraqueurs et les pouvoirs précis de ceux-ci, Alexis pourrait presque croire qu’ils viennent de manipuler ses souvenirs pour faire ressortir ses pires peurs. Pourtant la réalité est bien là. Des oiseaux passent dans le ciel, le sol sous leurs pas est dur, elle sent la brise fraîche de fin d’octobre qui caresse gentiment ses vêtements.

How did this happen?

It'll be fine, Alexis, if you just trust me, Il tend la main, et Alexis a un mouvement de recul immédiat. Elle regarde ses doigts - sans alliance - puis ses yeux bleus qui la regardent, attendent qu’elle le rejoigne.
À ce moment précis, alors qu’elle pourrait tendre la main pour le toucher et l’embarquer avec elle, Alexis prend une décision qui la dépasse. Une décision folle, qu’elle regrettera peut-être plus tard, mais que l’Ordre saluera, sans aucun doute. Alexis, le coeur au bord des lèvres, décide qu’elle doit être patiente. Alexis décide qu’elle va monter un plan, mais que celui-ci doit être bien ficelé. Alexis décide qu’elle sauvera Sylas, mais pas tout de suite, pas maintenant. C’est trop dangereux : il pourrait porter sur lui des traces du ministère qui pourraient mettre tout le monde en danger. Alexis décide qu’elle doit réfléchir, et surtout - et c’est là la part de la décision la plus surprenante - elle décide qu’elle ne doit pas faire ce qu’elle a à faire seule. Alors elle regarde ce Sylas étrange, ce Sylas qui est celui qu’elle aime mais pas vraiment, et elle lui dit : It will be fine. C’est une promesse, même s’il ne le sait pas, même s’il ne peut pas le comprendre. It will be fine, because I will understand what’s happening to you, and then I’ll come back for you. Elle retient ses larmes, se tient droite, avec un air résolu et confiant dans le regard. I’ll get you back. I’ll do anything. Mais pas maintenant, pas tout de suite. Il faut être pragmatique. Now I know you’re here, and alive, nothing can stop me. dit-elle. Not even you. précise-t-elle entre ses dents serrées.

I will bring you home. You hear me? I will bring you home. C’est une promesse.

Alexis le regarde une dernière fois. Elle le regarde une dernière fois et retient le i love you qui veut s’échapper. Pas maintenant. Pas aujourd’hui.
Dans un cri de rage, elle disparaît.
Elle transplane, elle transplane, elle transplane pour éviter d’être suivie - bon petit soldat de l’Ordre, et quand elle retrouve enfin les abords du Manoir Saint James, Alexis laisse ses jambes céder et enfin, elle s’autorise à pleurer. Mais pas longtemps. Il faut qu’elle parle, il faut qu’elle prévienne les autres. Et surtout, il faut qu’elle s’assure que quelqu’un garde Sylas à l’oeil jusqu’à ce que son plan soit prêt : elle ne laissera pas le gouvernement se débarrasser de lui, ou l’utiliser comme appât. C’est fini. Ils ne peuvent rien contre elle, désormais : elle est invincible. Ils sont invincibles, quand bien même Sylas n’y croit pas encore.