Clac. Clac. Clac. Les doigts d'Hestia claquent sur le bureau, tapotant nerveusement le bois et brisant le silence monotone qui s'est installé. Le silence, elle s'y est habituée, avec le temps. Autrefois, elle ne l'aimait guère. Elle en était effrayée, même. Elle était ce genre de fille qui va parler, déblatérer des idioties pour combler la gène d'un passage à vide. Petite, déjà, elle ne supportait pas ça, et se rendait en cachette dans le lit de sa soeur que celle-ci lui parle jusqu'à temps qu'elle ne s'endorme. Puis le temps était passé, et l'oubliator avait vu ses rêves s'écrouler en même temps que sa vie. Puis étaient venus les sanglots. Les cris. Et les histoires de tous ces nés-moldus qu'elle a vu s'enchainer dans ce bureau sinistre. Elle qui partageait sa vie entre les discussions animées avec ses collègues et l'adrénaline des missions s'est vue enfermée dans un cagibi à traiter ces pauvres gens comme du bétail à recenser.

Elle en avait vu, des horreurs.
Des familles séparées.
Des honneurs bafoués.
Des rêves arrachés.
Des vies brisées.

Et aujourd'hui, quand elle ferme les yeux, ce n'est plus le silence qui l'effraie. Ce sont les cris, les récits. Les hommes et les femmes ramenés à une existence misérable, traités comme des moins de rien.

Et là, le silence est devenu libérateur.
Après tout, c'est toujours mieux que les sanglots.

Clac. Clac. Clac. Elle est nerveuse, Hestia. Après tout, le rendez-vous d'aujourd'hui, elle l'attend depuis longtemps. Depuis ce jour ou ses yeux ont croisés celui de cette jeune fille au visage d'ange. Ce genre de visage presque juvénile aux yeux luisant d'espoirs partis en fumée.

Ce regard, il l'avait frappée en plein coeur.

Depuis, elle avait appris à se blinder, Hestia. Elle a barricadé son âme, son coeur et enfermé ses états d'âmes au plus profond d'elle. Tout comme sa pitié et sa fierté. Après tout, elle ne peut rien pour ces gens. ce n'est pas de sa faute s'ils sont nés avec le mauvais sang, elle n'est là que pour aider à les recenser et vérifier qu'ils restent bien à la place qu'on leur a attribué. Rien de plus. Ça en est fini d'Hestia la rebelle, la sorcière au grand coeur qui voulait sauver tout le monde. Elle n'est plus rien. Rien de plus qu'une ombre. Un pion du ministère. Après tout, il faut bien survivre.

Mais il y a ce regard.

Ce déspespoir qui avait frappé la Jones en plein coeur. C'était un de ces premiers cas, et surement l'un de ceux qui lu avait laissé le souvenir le plus impérissable. Elle a beau tenter de le nier, cette fille était restée dans un coin de sa tête. Et même alors que leurs rendez-vous s'étaient espacés, elle n'avait cessé de vouloir l'aider. Comme poussée par une force incontrôlée. Et ce, malgré ses principes. Malgré qu'elle ce soit juré de ne plus rien faire pour les autres. De simplement faire ce putain de boulot, sans sentiments. Sans pitié. Pourquoi ? Pourquoi ce besoin presque viscéral de vouloir aider cette fille ? Elle l'ignore et ne saurait guère l'expliquer. Et pourtant, la voilà ici, attablée à son bureau, attendant la venue de Catherine Grey.

Envers et contre tout.

Catherine a toujours ce léger sentiment d'anxiété quand elle se rend au Ministère de la Magie. Elle entre en ayant l'impression de se voir conférer un immense honneur, mais elle étouffe un peu devant la grandeur du bâtiment et la fontaine dans l'entrée qui pour toujours lui rappelle sa place dans la société. Non qu'elle ne s'en plaigne. Elle est jolie la fontaine. Et elle a raison d'exister. Et ce n'est pas à Catherine de remettre quoi que ce soit en doute et surtout pas une décision du Lord.

Mais c'est vrai qu'elle n'est pas à son aise ici.
Elle n'est à son aise nul part pour être honnête.
Mais au Ministère encore moins. Elle a l'impression de faire tâche, ce qui est certainement le cas. Pourtant, il y a de gens comme elle qui travaillent ici. Des gens comme Sylas qui nettoient les sols. Et elle a le droit d'être là, elle a été conviée, comme l'indique la lettre qu'elle ne peut s'empêcher de triturer alors qu'elle entre timidement dans un ascenseur. Au Ministère il y a un bureau chargé tout spécifiquement de s'occuper des gens comme elle, des sang-de-bourbes. Elle y est venue plusieurs fois Catherine, pour réaffirmer son recensement. La fonctionnaire qui s'occupe de son cas est très gentille, Catherine trouve, alors ça ne la dérange pas trop de faire le déplacement. Mais c'est vrai qu'elle vient beaucoup. La plupart des nés-moldus bien installés dans la société et dont la loyauté est reconnue ne sont pas conviés si souvent au bureau du recensement. Elle a mis un peu de temps à s'en rendre compte, puisque loin d'elle était l'idée de se méfier d'une fonctionnaire au sang plus propre que le sien. Mais c'est vrai que Catherine est une bonne citoyenne depuis plusieurs années maintenant, qu'elle réside avec ses employeurs au sang pur et n'a donc jamais été soupçonnée d'évasion. Et c'est vrai qu'elle a entendu, des autres membres du MFL, que les convocations étaient moins régulières. En fait, au stade où elle en est, Catherine ne devrait peut-être plus la voir, sa fonctionnaire.

Après, elle n'est sûre de rien. Ce ne sont peut-être que des rumeurs et peut-être que Mrs Jones a de bonnes raisons de douter d'elle. Catherine fait confiance au système. Alors bien sûr, il ne lui vient pas à l'esprit de refuser la convocation ou de s'y rendre avec autre chose sur le visage qu'un sourire contrit. Elle est assez contente d'avoir continué à la voir la Mrs Jones parce que celle-ci a pu la voir aller mieux, aussi. Au premier rendez-vous, juste à sa sortie du Département des Mystères, Catherine avait encore beaucoup de marques un peu partout et même au visage et ses cheveux…ses cheveux n'avaient de ça que le nom. Et peut-être qu'elle avait l'air misérable. Hestia Jones aura au moins pu au fil de leurs rendez-vous la voir reprendre contenance et elle ne pourra pas dire que Catherine n'a pas finalement été reconnaissante au Lord et sa société ! Elle n'a jamais que des compliments à leur faire pour leur générosité, surtout depuis qu'ils ont fait d'elle une porte-parole de la cause. Mrs Jones n'a plus de raison de la prendre en pitié. Ni de douter d'elle.

Elle joue encore avec la lettre qui donne à sa présence en ces hauts-lieux une certaine légitimité et se mordille un peu la lèvre en attendant que Mrs Jones vienne la chercher. « Bonjour. » Elle saute presque à ses pieds pour ne pas être impolie ne serait-ce qu'une seconde en restant assise face à une vraie sorcière quand celle-ci vient la retrouver. « Je ne suis pas en retard ? » son ton est sincèrement inquiet quand bien même elle sait qu'elle est arrivée en avance. Elle fait toujours très attention aux règles Catherine. Les bons gens du Ministère lui ont bien appris. Et elle n'a pas du tout envie d'être punie de nouveau.

Les yeux d'Hestia balaient le bureau, minuscule. Un placard aménagé en, ou elle et son taciturne patron s'entassent pour servir au mieux l'ignominie d'un gouvernement. Cet endroit, elle le déteste au plus haut point. Un lieu sordide ou elle voit chaque jour des sorciers opprimés obligés de venir justifier leur simple existence. Un lieu ô combien éloigné du destin qu'elle aurait dû embrasser. « Bonjour. » La voix tire Hestia de ses pensées. Et la voilà. Comme un fantôme venu de son passé. « Je ne suis pas en retard ? » Catherine Grey. Enfin. La sorcière se tient là, l'air gênée. Elle se rappelle de la jeune sorcière perdue, aux yeux trop grands. Une née-moldue qui a vu comme bien d'autres son destin changer, devenant une paria. Rien de plus qu'une tâche dans l'immaculée image du monde idéal selon ce gouvernement de malheur. Bien-sûr, il y en a toujours eu, des sorciers aux idées arrêtées sur la pureté des sangs. Des sorciers souvent issus des grands lignées, croyant dur comme fer en leur supériorité. Hestia, elle les a toujours méprisés. Eux et leurs grands airs, leurs regards emplis d'arrogance. Elle, qui vient d'une famille mêlée, en quoi vaut-elle moins qu'eux ? Sa valeur, elle a su la prouver, par son travail. Et non son sang.


« Bonjour, Mrs. Grey » Elle adresse un sourire qu'elle veut rassurant vers la jolie née-moldue.  Elle semble si polie, si timide. L'image même de la bonne élève, celle qui ne fait pas un pas de travers. Celle qui reste pile dans les rangs. Une image de petite fille parfaite, qui casse nettement avec l'image des nés-moldus qu'elle avait pu côtoyer au sein de l'ordre. Les révoltés, brisés. Un instant, l'image de la jeune Granger, qu'elle a avait pu côtoyer quelque peu lors de ses dernières années au sein de l'Ordre. Une jeune fille aux allures - et à la réputation - de miss parfaite, mais au fond de qui brulait le feu ardent de la rébellion. Ce feu, si fort. qui fait naître cette détermination sans faille. Et surtout, un rejet net de ces idées de sang, et une envie farouche de les combattre. Difficile de faire plus différent, en voyant devant elle la si douce Catherine. « Non, vous êtes pile à l'heure ne vous en faites pas. Mais asseyez-vous, je vous en prie. » Elle montre un siège à la jeune Grey avant de saisir sa baguette, lançant un bref sortilège vers la bouilloire qui se met à fumer. « Je vous sers un thé ? »  

« Bonjour, Mrs. Grey » Elle est gentille madame Jones mais c'est vrai que ça ne rassure jamais trop Catherine quand on lui fait montre de politesse. Elle a trop pris l'habitude que l'on prenne ses aises avec elle, qu'on l'appelle Catherine sans s'embarrasser de "Miss" ou de "Mrs". Et encore, quand on l'appelle Catherine c'est qu'on est plutôt gentil et généreux, car d'autres n'hésitent pas à l'appeler mudblood comme si c'était son prénom et non simplement sa malheureuse tare. Hestia Jones se fait certainement aussi polie pour tous les nés-moldus dont elle tient le recensement, Catherine n'en doute pas, mais elle pense qu'elle ne leur rend pas vraiment service en leur parlant d'une façon aussi formelle. Cela risque de créer chez certains, en tort bien évidemment, encore peu habitués à la société du Lord, certaines attentes qui ne seront jamais réalisées ; aucun autre sang-mêlé ne prendra la peine de leur parler ainsi. Catherine, elle, sait bien ce qu'il en est, mais malgré tout elle n'est pas à l'aise quand un sorcier lui parle comme si elle était son égale. Ce n'est pas normal après tout, puisque ça n'est pas vrai, elle n'est pas leur égale. Elle répond bien évidemment au sourire de la fonctionnaire, trop polie et bien élevée pour faire autrement, en dépit de son malaise. « Non, vous êtes pile à l'heure ne vous en faites pas. Mais asseyez-vous, je vous en prie. » Catherine s'assoit lentement comme si elle craignait que Hestia ne change d'avis. C'est déjà arrivé avec d'autres sorciers. Elle se méfie un peu. Mais finalement elle prend place et Hestia ne lui crie pas dessus, donc tout va bien. Sans trop la regarder directement, elle l'observe à travers ses cils agiter sa baguette pour préparer du thé et elle s'en veut tellement de la pointe de jalousie qui s'éveille dans sa poitrine. Elle n'a pas le droit de ressentir cela et elle le sait. Et elle s'est habituée à sa vie sans magie, elle connaît sa place désormais et elle ne dérogerait jamais à une loi du Lord.

« Je vous sers un thé ? » Elle hoche timidement la tête. Elle ne veut pas l'importuner, mais elle a déjà commencé à faire bouillir l'eau et de toute façon, refuser serait impoli. Quand un sorcier pose une question, la réponse est toujours oui. « Ce serait très gentil de votre part. » Elle relève timidement les yeux vers Hestia Jones, très rapidement, juste de quoi brièvement croiser son regard et s'assurer qu'elle n'a pas fait de faux pas. « J'ai apporté ma convocation. » Note-t-elle de manière tout à fait inutile puisque c'est Hestia elle-même qui l'a lui a envoyée donc ce n'est pas comme si elle avait besoin de justifier de sa présence au Ministère. Pour autant, juste pour faire les choses correctement, elle lisse un peu le parchemin sur ses genoux avant de le déposer sur le bureau. Elle a envie de demander pourquoi elle a été convoquée, elle a envie de demander si elle a fait quelque chose de mal, si on va la renvoyer en rééducation. Elle n'en fait rien bien entendu. Elle ne voudrait pas risquer d'aggraver son sort en posant trop de questions.

« Ce serait très gentil de votre part. » Elle semble si douce, tout en gentillesse et en politesse. « J'ai apporté ma convocation. » Encore une fois, elle fait la bonne élève, et semble assez nerveuse sous ses airs de jeune fille modèle. Hestia ne répond pas tout de suite, s'occupant de servir le thé sans un mot, se contentant d'un léger sourire à l'attention de Catherine avant de s'assoir face à elle. Elle ouvre la bouche mais les mots butent contre ses lèvres. Un instant, elle hésite. Mais que fait-elle ? Pourquoi donc s'accroche elle à cette jeune sorcière ? Pourquoi avoir cherché à la revoir ? Des questions qui lui éclatent au visage tout à coup. Quelle idiote s'insulte-elle en pensée. C'est si comme si elle se rendait compte de sa propre bêtise, la, maintenant. Alors même que la jeune Grey se tient enfin devant elle. Clac. Clac. Clac. À nouveau, elle claque ses ongles sur le bureau, tentant de calmer sa nervosité dans le claquement régulier. C'est une sale habitude qu'elle a prise avec le temps, et qui a tendance à rendre complètement fou son patron, Lance.

Après quelques secondes d'un silence gêné - des secondes qui lui semblent durer une éternité. Hestia se saisit de sa tasse avant de boire une gorgée et de prendre la parole, gardant en main la tasse afin de s'occuper les mains. « Merci d'être venue, Miss Grey. » Elle tente d'adopter un ton agréable, afin de rassurer au mieux la jeune femme. « Cela fait quelques temps que l'on ne s'est pas vues, je voulais prendre un peu de vos nouvelles, voir si tout se passe bien depuis nos derniers échanges. » Bon sang, qu'elle se sent idiote. Voilà des mois qu'elle cherche à revoir la jeune femme, et la voilà enfin devant elle. Et Hestia se tient là, comme une imbécile à lui déblatérer des banalités ... et que peut-elle bien lui dire d'autre ? Et pourtant, il y a bien une raison si Hestia a été si marquée par cette jeune femme. Un regard, comme un appel à l'aide silencieux qui ne cesse de la hanter depuis des années. « C'est un rendez-vous de routine, histoire de voir si tout se passe bien pour vous. » Cela n'est pas totalement vrai, sauf en cas de problème il est en réalité assez rare que les nés-moldus voient régulièrement les agents du bureau de recensement, mais qu'importe. Il faut bien se justifier. « Le travail se passe bien ? » Et pourquoi ne pas lui demander ce qu'elle pense du bueau temps, tant que tu y es ? s'apostrophe à nouveau Hestia, posant sa tasse pour se saisir de sa plume, plus pour se redonner consistance qu'autre chose.

Hestia Jones a l'air de n'en avoir rien à faire du parchemin qu'a apporté Catherine, ce qui n'est pas très surprenant en soi, mais parvient tout de même à inquiéter un peu la sang-de-bourbe. Tout ce qu'elle ne contrôle pas l'inquiète ceci dit ; c'est-à-dire que tout l'inquiète. La fonctionnaire s'affaire à servir le thé, Catherine ne sait même plus à quand remonte la dernière fois qu'un vrai sorcier lui a servi quoique ce soit. Ce n'est pas très éthique, trouve-t-elle et elle a peur que le chef de Miss Jones débarque dans son bureau et ne la rabroue pour avoir oser offrir du thé à une née-moldue. Catherine laisse sa tasse refroidir, elle n'est même pas sûre de la boire au final, craignant un faux pas. Les ongles de Hestia Jones claquent sur le bureau et la blonde se demande si c'est un signe que les choses ne vont pas aller bien pour elle. N'est-ce pas là une marque d'agacement de la sorcière envers elle ? Elle a du commettre un impair même si elle ignore tout à fait lequel. Pourtant quand le claquement cesse, la fonctionnaire ne fait que prendre sa tasse et la porter à ses lèvres. Pas de punition corporelle pour le moment, donc. « Merci d'être venue, Miss Grey. » Le ton est agréabe mais ne suffit pas à lui seul à rassurer Catherine. Elle sait que la manière dont on lui parle ne veut bien souvent rien dire et qu'un ton doux et mielleux peut souvent être annonciateur d'horreurs. Sauf que ce ne sont pas des horreurs quand on mérite d'être punie. « Cela fait quelques temps que l'on ne s'est pas vues, je voulais prendre un peu de vos nouvelles, voir si tout se passe bien depuis nos derniers échanges. » Catherine hoche poliment la tête en faisant mine de comprendre ce qu'on lui raconte, quelque chose pour lequel elle est devenue très douée. En réalité, elle ne comprend pas grand chose voire même rien du tout à sa présence ici. Mais ce n'est pas son rôle que de comprendre ce qu'il se passe dans la tête de sorciers, surtout de sorciers qui travaillent au Ministère de la Magie. Ils sont infiniment plus intelligents qu'elle et ils savent, bien mieux qu'elle ne le pourra jamais, ce qu'ils font. « C'est un rendez-vous de routine, histoire de voir si tout se passe bien pour vous. » Nouvel hochement de tête poli. Catherine n'osera jamais penser que Miss Jones lui ment, mais c'est vrai qu'elle n'a vraiment pas l'impression que les autres sont invités si régulièrement une fois intégrés dans la société à leur juste place. Elle est une citoyenne exemplaire — enfin aux standards nés-moldus — et elle craint quelqu'un ne l'ait accusé à tort d'avoir violé une quelconque règle. « Le travail se passe bien ? » La fonctionnaire se saisit de sa plume apparemment prête à noter quelque chose et Catherine hoche encore la tête en lui offrant un petit sourire — suffisamment timide pour qu'on ne puisse pas l'interpréter comme de l'insolence évidement. « Oh oui. Mes maîtres sont des sorciers exemplaires, » confesse-t-elle presque avec affection, non bien sûr que ce soit sa place à elle de juger du caractère de deux sang-purs. « Et la dernière réunion de la MFL s'est très bien déroulée, il y a eu plus de participants que la fois d'avant, je suis très contente. » C'est toujours beaucoup de travail que d'organiser ces évènements en plus de son travail ménager assez lourd, mais elle ne s'en plaindra jamais. C'est un honneur après tout d'être porte-parole de cette association. Ce qui l'honore mais l'angoisse le plus toutefois c'est quand le gouvernement lui-même lui demande de parler au peuple. De porter une lumière vraie sur la condition des nés-moldus, citoyens à part entière, simplement remis à leur juste place. C'est un rôle qu'elle prend très à cœur. « C'est grâce à votre bureau bien sûr. » s'empresse-t-elle toutefois d'ajouter un peu brusquement, craignant sinon d'avoir l'air imbue de sa personne et de s'octroyer tout le mérite de la Mudblood for the Lord. Sans les employés du Bureau de Recensement beaucoup de sang-de-bourbes passeraient certainement entre les mailles du filet et oublieraient de respecter les lois du Lord et d'accepter sa clémence. Hestia Jones peut être fière de son travail.

« Oh oui. Mes maîtres sont des sorciers exemplaires » Les mots résonnent fort dans la tête d'Hestia, se répétant en elle tel un écho incessant. Mes maitres. Deux mots, juste deux mots. Mais tellement chargés de sens. Deux mots, que jamais Hestia n'aurait cru entendre de la bouche d'une sorcière, ni même d'un être humain. Enfin, avant. Avant l'avènement de Voldemort, et les ténèbres qu'il a mené avec lui. Mes maitres. Les mots auraient pu être ceux d'un elfe de maison. Et encore aujourd'hui, les entendre prononcés d'une façon aussi naturelle par une femme sonne de façon étrange, violente aux oreilles d'Hestia. Mais quel est ce monde ? Elle ferme les poings, Hestia. Fort. Si fort qu'elle sent ses ongles s'enfoncer dans sa paume. Mes maitres. Elle en a vu, des nés-moldus pourtant. Depuis une dizaine d'années qu'elle travaille à ce bureau, elle sait qu'elle participe activement à ce système. Les nés-moldus, considérés comme plus bas que terre. Des animaux, tout juste bons à servir les sorciers. Avec les années, elle a su se bâtir cette carapace. Oublier ses valeurs. Oublier ses idéaux. Les drames vécus par ces sorciers au sang moldu,  les douleurs et les larmes, elle les laisse glisser. Ne pas s'impliquer, ne pas penser. Juste, laisser couler. Et pourtant, entendre ces mots de la bouche de cette née-moldue là, ça la trouble. Bien plus qu'il ne le faudrait.

« Et la dernière réunion de la MFL s'est très bien déroulée, il y a eu plus de participants que la fois d'avant, je suis très contente. » Hestia acquiesce en silence, prenant quelques notes sur son parchemin pour se donner contenance. Elle n'a pas le droit de faillir. C'est comme ça, maintenant. On y peut rien. « C'est grâce à votre bureau bien sûr. »  qu'elle s'empresse de rajouter, la jeune Grey. Et un léger sourire se dessine que les lèvres d'Hestia. Grâce à ce bureau. Elle devrait en être satisfaite, après tout. Elle apporte sa pierre à l'édifice de ce nouveau monde sorcier façonné par le Lord. Un monde de grandeur, ou le sorcier est érigé au sommet d'une pyramide de gloire et de puissance. Un monde plus sûr, plus beau qu'ils disent tous. Le reste, ce n'est rien. Des souvenirs d'un autrefois qui ne compte pas. Un autrefois qui ne reviendra pas. Elle adresse un sourire qui se veut rassurant à Catherine. « Ravie d'avoir pu vous aider, dans ce cas. » Elle marque une pause, passant une main dans ses cheveux sombres. « Et qu'est ce qui vous plait tant au sein de la MFL ? » Bon sang. Ridicule. Une question plus bateau, tu meurs. Et des mots qui sonnent faux dans sa bouche. Comme une diatribe apprise par coeur. Mais après tout, que peut-elle bien faire de plus ? Et pourtant, pourquoi le visage de la Grey la renvoie vers ce passé qu'elle a oublié ? Vers des idées bafouées ? Un instant, l'image de Gwenog s'impose à elle. Mais elle la chasse, cette image. Rapidement. Elle n' a pas besoin de ça. « Cela vous plait, d'être leur porte parole ? » Une née-moldue arborant l'étendard de Voldemort. Jamais elle n'aurait cru voir ça un jour, et pourtant. Cela n'est que normalité, aujourd'hui. Et elle se demande bien de qu'elle façon Catherine Grey voit le fait de clamer haut et fort la fierté d'être asservie. De n'être rien de plus qu'un elfe de maison. Elle qui a connu le temps d'avant.

Hestia Jones sourit et Catherine ose se détendre un tout petit peu en se disant qu’elle n’a donc pas trop mal répondu. Elle doit être satisfaite, la fonctionnaire, que la sang-de-bourbe qu’elle est n’oublie pas sa place, ni n’oublie de remercier ceux qui sont fièrement responsables de tout ça. « Ravie d'avoir pu vous aider, dans ce cas. » Catherine esquisse un sourire timide, mais poli et presque heureux aussi. C’est toujours bien de faire plaisir aux sorciers et elle ose de fait avaler une petite gorgée du thé précédemment offert mais laissé intouché. « Et qu'est ce qui vous plait tant au sein de la MFL ? » La bouche de Catherine forme un petit “o” alors qu’elle repose la tasse. Bien évidemment, elle n’a pas choisi de faire partie de la MFL, pas plus qu’elle n’a choisi de travailler pour les Gore ou pour le Gouvernement. Elle fait ce qu’on lui demande et elle comprend et accepte les honneurs qu’on daigne lui offrir. Elle n’aurait jamais pu dire non à toutes ces opportunités. Elle ne peut qu’être flattée et prise d’un vrai sens du devoir dans chacun de ses emplois. « Cela vous plait, d'être leur porte parole ? » Elle hoche doucement la tête jouant avec ses doigts sur ses genoux, timide comme à chaque fois qu’on la questionne, toute porte-parole et à l’aise à l’oral qu’elle est censée être. C’est juste tellement plus facile quand on lui souffle quoi dire. « Oh oui bien sûr c’est un grand honneur, je le réalise tout à fait ! » Entre tous les nés-moldus acceptés par la mère patrie, qui ont un travail honnête et se plient à leur souverain, elle a été choisie, elle, pour parler, pour pratiquement gérer à elle seule la MFL à bout de bras. C’est une fierté, en dépit de l’effort surhumain que ça nécessite parfois et elle ne regrette pas du tout malgré l’épuisement, même si c’est vrai qu’elle se demande souvent pourquoi on l’a choisie elle. Elle n’a définitivement rien de spécial. Alors elle est d’autant plus reconnaissante.

« C’est une tâche nécessaire et avoir été choisie me réjouit beaucoup, je le prends très au sérieux, ne vous en faites pas. » Précise-t-elle avec gravité car, bien sûr, elle pense toujours que si on l’interroge c’est que l’on doute d’elle.  « Et puis au-delà de devoir parler à quelques évènements, j’aime ces petites réunions avec les autres mudbloods. » admet-elle non sans une certaine douceur dans la voix.  « Grâce à vous, nous en recevons de plus en plus et ils ont souvent besoin de parler, je sais que ça n’est pas toujours facile de trouver sa place dans la société même quand le Gouvernement nous en offre si généreusement une. » Elle hoche doucement la tête.  « Nous discutons, il y a des snacks, j’essaye de varier un peu pour faire plaisir à tous. » Surtout ceux qui ont toujours l’air si mal nourris. Catherine ne pense jamais à blâmer les maîtres et autres employeurs pour cela évidemment, on ne blâme jamais un vrai sorcier, mais cela ne l’empêche pas d’avoir de la peine pour ces autres nés-moldus. Personne n’a choisi de naître ainsi, de voler la magie. « Nous…nous regrettons tous beaucoup d’avoir été des voleurs. » Elle baisse la tête et les yeux, ses traits comme ses épaules s’affaissant sous le poids de la culpabilité. « Et nous échangeons sur la reconnaissance que nous éprouvons envers le Gouvernement pour nous voir donné une seconde chance. » Catherine, en tous cas parle, les autres beaucoup moins ; beaucoup ne viennent que pour la nourriture et la chaleur du local. Le fait de ne pas être jugé puisqu’entouré de gens comme eux. Mais elle est aveugle à cela, sûre que comme elle les autres aussi auront l’épiphanie et sauront être sauvés comme elle l’a été, par feu Mr Gore.