Papa et Maman ont l’air pas contents. Moi, je comprends pas. La guerre c’est quoi ? C’est nul. Ils sont partis hier à un entrement enterrement. Oncle Gideon est venu me garder. Il est drôle. Il rigole tout le temps. Mais je lui ai dit que je n’étais pas content. Maman elle est revenue avec deux bébés à la maison. DEUX. C’est beaucoup trop de bébés. C’est des petites petits frères. Ils sont pas beaux. C’est des petits trucs tout moches. Ils ont plein de rides, ils pleurent la nuit et ils rotent quand on leur donne à manger. Moi, quand je rote, je me fais gronder. Pourtant quand on rote ça fait comme le cri des dragons. C’est ce que m’a dit Bill quand on a joué aux bavboules dans la cour. Je pense que je vais en donner un aux gnomes de jardins. C’est comme l’histoire de l’enfant dragon sauvage. Si on donne un bébé à des créatures, elles peuvent l’élever. Parce que là, c’est une catastrophe, ils sont pourris ces bébés. Même que parfois, ils rigolent tout seuls entre eux. Ce n’est pas possible ça pas vrai ? Ils sont bizarres, ils ont pas de cheveux.

Hier, on a entendu à la radio que y’avait des anassinats. Maman a pleuré un peu, parce qu’elle est fatiguée elle a dit. Alors, elle a fait des cookies ce matin et elle avait l’air d’aller mieux. Si on faisait la guerre avec des cookies, il n’y aurait pas de guerre. Même qu’on serait tous gros comme tonton Billius et que c’est pas possible de faire la guerre quand on est gros. Papa s’est fâché quand on a joué à la guerre avec Bill et Percy. Il n’a même pas deux ans Percy alors il est nul à la guerre. En plus il pleure quand je le tape. On peut pas gagner avec lui, c’est pas trop utile alors. Il veut plus m’parler. Pourtant je l’emmène partout, on se raconte plein de trucs. Je le mets dans mon sac et on part faire des aventures, mais parfois il tombe, et il pleure. Puis je partage mes bonbons et il se tait. Même que j’ai l’impression qu’il le fait exprès… Si je lui ne donne pas de bonbon, et beh Maman elle me gronde fort. C’est pas très juste.


Oncle Fabian et oncle Gideon sont morts. On a dû s’habiller en noir, et nous rendre au cimetière. Je déteste les cimetières. Papa m’a expliqué que c’était des lits en pierre pour les héros qui combattent les méchants, là où ils se reposent d’avoir trop combattus. J’aime plus la bagarre et j’aime pas ne jamais revoir mes oncles. C’est pas juste. Avant, avec oncle Gideon, on jouait à la bagarre. C’était drôle, puis il m’apprenait à faire du sport pour être fort et débrouillard. Moi je l’aimais bien. Et maintenant on le verra plus jamais. C’est vraiment pas juste. Maman est triste, et Bill aussi. Il pleut, il y a de l’orage, et il fait froid. Pourtant, je peux pas m’empêcher de regarder dehors.

Je t’ai pas dit, je suis coincé sur un lit d’hôpital. On a soigné une vilaine dragoncelle que j’ai attrapé pendant l’enterrement. Cette idiote de Josia Gibbs m’a poussé dans un trou rempli de boue. Je me suis tordu la cheville et j’ai cru me noyer. « Ca aurait été commode pour ton enterrement » elle a dit. C’est une ********. Quand je me suis relevé, je respirais pas bien et mon teint est devenu tout vert. Cette grosse vache a rigolé mais rapidement les grands sont arrivés. Sa mère lui a flanqué une raclée. Bien fait pour elle. C’est une Cracmolle du village sa mère. Elle est gentille, et même qu’une fois elle m’a offert un morceau de tarte aux pommes. Elle m’aime bien, du coup Josia est jalouse. En même temps, moi j’aurais honte d’être aussi laid et méchant qu’elle. Je suis sûr qu’un jour elle rejoindra les rangs de VoldTu-Sais-Qui.

Le médicomage qui s’occupe de moi est gentil. Il me fait peser à oncle Fabian. Il parle doucement et il me rassure, surtout que la fièvre me brule le front. Alors je pleure souvent, parce que je ne verrai plus jamais Oncle Fabian...


NOM DU SLIP DE MERLIN ! C’est ce que j’aurais dit si Bill ne m’avait pas filé un coup de coude dans les côtes. Cette école, c’est le feu. Rien que la nourriture est délicieuse – même si je regrette les pommes de terre rôties de maman. Ce que j’préfère, c’est le rosbif en croûte de moutarde. On rigole bien quand la fumée nous sort par les oreilles, même si la vieille McGo nous jette des regards méchants. Normal, elle est vieille. Bill m’a dit qu’il me ferait visité les cuisines. Il parait que ce sont des trolls qui cuisinent pour nous, c’est en tout cas ce que Trevor Perks prétend. Dehors, il y a un grand parc, puis surtout une forêt remplie de créatures. Cette nuit j’ai pas dormi et j’ai écouté les bruits qui venait des arbres, assis sur le bord de la fenêtre, les pieds dans le vide – faut dire que la tour est vraiment haute. Je suis certain d’avoir entendu un loup-garou, ou peut-être que c’était un simple loup, ou un chien errant. J’ai hâte d’échapper à la vigilance de Bill – il me colle au train, parce qu’il a peur que je me fasse prendre en dehors du château après le couvre-feu – mais pour le moment les cours n’ont pas commencé.

Le prof de potion a l’air d’un vampire mais j’ai déjà parlé avec le professeur Sprout des vertus des champifleurs. L’année dernière, j’avais essayé d’en faire pousser derrière le garage de papa. A cause des spores, les gnomes de jardin ont commencé à éternuer du soir au matin. Maman était furieuse parce que ça réveillait la goule la nuit, et elle se mettait à taper sur les tuyaux. J’trouvais ça drôle, mais maman m’a couru après en essayant de me donner un coup de balai avant de m’obliger à jeter mes champifleurs… Puis ils commençaient à envahir le garage. C’est qu’on n’a pas le droit de rentrer dans le garage, parce qu’il est rempli de ce que papa confisque aux sorciers – je le sais parce que la tante Muriel me l’a cafté. Heureusement qu’elle n’est pas à Hogwarts. Je crois qu’elle doit être trop vieille pour y avoir été un jour, le château devait pas exister… Demain, Bill va m’emmener voir les entrainements de Quidditch. Il sait que j’adore voler. D’ailleurs, il m’a présenté à Hooch, qui enseigne le vol sur balai. Elle est fascinante, avec ses yeux jaunes. Je me demande si c’est parce qu’elle descend des harpies. Ce sont des créatures effrayantes, et Hooch est effrayante. Elle a l’air d’un hibou tombé du lit.

La lune va bientôt se lever et je veux écouter la forêt encore une fois avant de dormir…


Ça y est, me voilà Capitaine de l’équipe de Gryffondor. Je suis drôlement fier d’arboré cette robe de Quidditch, en plus de l’insigne de préfet. Déjà en début d’année, je ne pensais pas réussir à avoir autant de responsabilités. Mes escapades dans la forêt interdit, dont seule une sur vingt-six ont été repérées à peu de chose près, devraient me valoir des avertissements voire même un renvoi disciplinaire. Le mois dernier, j’y ai traqué une licorne toute la nuit, sans succès. Je n’ai pu trouver que quelques poils de sa crinière accrochés à des ronces. Il n’y avait pas de sang, donc j’imagine qu’elle ne s’y ait pas blessé. J’en ai assez pour tresser un bracelet que j’offrirai à Ginny ou à Maman en revenant à The Burrow. Elles seront contentes, mais Maman posera des questions. Elle pose bien trop de questions pour son propre bien, et cela m’inquiéte. Elle ne pourra pas se le permettre avec Fred et George. Ils sont tellement complices, et comparé à eux, on peut dire que j’étais calme.

Pour revenir à nos strangulots, me voilà donc préfet de Gryffondor et élève consciencieux, attrapeur de l’équipe et capitaine. Je ne sais pas si cela plait à tout le monde, mais le professeur McGonagall m’a assuré que tout cela était mérité. J’espère avoir le temps de me consacré aux cours du professeur Kettleburn et de continuer à rendre visite aux animaux de la forêt. Depuis que je fréquente le troupeau de centaures – même si la plupart me donne des noms d’oiseaux et pense que je suis trop bête pour comprendre ce qu’il raconte – j’en apprends sur l’astronomie plus qu’en cours. Du coup, mes résultats aux examens augmentent et je vise plus de BUSEs que ce que j’aurais espéré. Papa m’a envoyé par colis plusieurs ustensiles pour que je puisse les montrer au professeur Quirrell, en cours d’Etude des Moldus. Bill dit que ce n’est pas une bonne idée, parce que si d’autres élèves voyaient ça, papa aurait des problèmes avec le Ministère. Il dit qu’on viendrait fouiller dans le garage et qu’on trouverait les expériences que papa réalise avec ce qu’il peut détourner des perquisitions et des saisies. Du coup, j’ai prévu d’aller voir le professeur Quirrell directement dans son bureau. Il faut absolument qu’il me donne des réponses sur l’utilité des canards en plastique. Je compte en offrir un à Noel à papa. Ce sujet l’obsède depuis qu’il a vu une publicité animée dans les rues de Londres.


Je me demande comment c’est la Roumanie. Je ne l’ai pas encore annoncé à la famille. Ils savent pourtant que j’ai toujours été plus du genre à vadrouiller. Je vais passer l’été à Flourish and Blotts, pour en apprendre davantage sur les dragons. C’est fascinant. Et il a fallu être prudent pour ne pas que les Weasley relèvent le courrier avant moi. Cette dernière année, j’ai dû abandonner mon équipement de Quidditch. Ça m’a fait une impression étrange, comme si je laissais de côté quelque chose de moi. Le professeur Kettleburn m’a permis d’avoir accès à la réserve de la bibliothèque. Les ouvrages classiques sont instructifs, pourtant certains savoirs concernant les usages du sang de dragons ont été soigneusement retirés de la vue du tout-venant. La magie noire est quelque chose d’horrible et l’extinction de certaines espèces de dragons n’y est pas étrangère. La violence et la cruauté des sorciers me dégoutent parfois. Pour être sincère, ça me révolte. Qu’ont fait les créatures pour mériter d’être traitées de la sorte ? Elles sont beaucoup plus sages que la plupart des humains. Demain, j’irai faire mes adieux au troupeau de centaures de la Forêt. Hagrid a promis de m’y conduire si je n’en parle à personne.

Je n’ai pas envie de partir du château. C’est une seconde maison confortable et rassurante. Mais il me tarde de rejoindre le sanctuaire de Roumanie et y voir plus de dragons que je ne pourrai en compter. Alastar m’a offert une paire de gants en peau de Pansedefer Ukrainien. Je me suis senti idiot de ne rien pouvoir lui donner en retour. C’était idiot, je l’ai embrassé pour lui dire merci, et je n'ai pas regretté. On s’était caché dans la volière. Peu de gens savent ce qu'il s'est passé entre nous, nos amis et nos familles, et je suis soulagé qu’on se soit mis d’accord pour la suite. Il n’est pas question que cette histoire influence nos choix professionnels. Rien ne pourra m’empêcher de devenir dragonologiste. Ça ne fera pas plaisir aux Weasley que je quitte la maison. Le départ de Bill a été un crève-cœur pour maman, en tout cas je crois, et c’était le premier d’une longue série. Bientôt, je partirai, puis Percy, etc... Papa n’a rien dit, mais parce qu’il est fier des hommes que nous devenons. Hagrid m’a donné des biscuits aussi durs que de la pierre pour le trajet en train jusqu’à King’s Cross. Même en les trempant dans du thé, ils sont immangeables. J'ai hâte de revoir le Burrow, les gnomes et la goule. Ce sera peut-être la dernière fois. Beaucoup de jeunes dragonologistes disparaissent ou meurent lors des premiers mois.

Je ne peux pas m’empêcher d’avoir des réflexions de vieux con. J’ai cette impression bizarre que je sors d’un rêve et que je laisse mon insouciance en Écosse. Bientôt, ce sera avec un simple baluchon que je m’envolerai de la maison, loin des Weasley. Ils vont me manquer. C’est un comble pour quelqu’un qui a raté son examen de transplanage à deux reprises que de partir aussi loin. On va dire que je pars pour mieux revenir, même si je n’ai aucune envie de revenir, et si j'ignore tout de ce qui m'attend. J’ai hâte de devenir un dragon parmi les autres et peut-être un jour d’en chevaucher un. Pardon Maman, mais même tes ragouts onctueux et tes muffins à la citrouille ne suffiront pas à me faire renoncer à cette aventure…


Tout ce voyage me semble irréel. Hier, j’ai rencontré un sorcier belge qui était convaincu que son gouvernement élevait des Manticores qu’il déguisait en plantes d’appartement. Je n’ai pas trouvé son discours cohérent, mais il m’a offert l’équivalent d’un tonneau de whisky pur-feu pendant la soirée. Cela doit avoir un lien avoir le mal de crâne que je subis depuis le réveil. J’ai quitté la France il y a trois jours, et pourtant la Roumanie me semble encore bien loin. La maison me manque, je ne pensais pas que ce serait si dur de partir de chez ses parents. J’ai conservé une photo, celle de l’été dernier. Mon estomac se noue à chaque fois que j’observe leur sourire. Le monde extérieur est moins clément que The Burrow.

J’ai pris la décision de ne plus me couper les cheveux. Personne ne pourra me le reprocher désormais. Ma barbe aussi commence à être fournie. Je me demande si je suis encore reconnaissable. Je n’ai pas voulu m’encombrer de trop de choses. J’ai volé quelques aiguilles et du fil en partant, mes pantalons avaient besoin d’être raccommodés. Je ne l’ai pas dit à Molly. Elle aurait considéré que c’était une raison suffisante pour me retenir à la maison encore deux mois. A la vérité, je tournais en rond en attendant mon départ. Et me voilà perdu au milieu de l’Europe, avec pour seuls compagnons une carte et mon sac à dos. J’ai raté le dernier Portoloin vers le Sanctuaire, et j’ai laissé mon ancien balai à Ginny. Elle est douée cette petite…

Ce soir, j’installerai ma tente au sommet d’une colline battue par le vent. Ce ne sera pas pratique pour faire du feu mais je pourrai contempler toute la vallée. Ici, le paysage est boisé et plutôt calme. Je crois qu’on n’est pas loin de la mer, le gout du vent est salé. Il ne serait pas étonnant de voir des griffons ici. J’ai cru en apercevoir un voler ce matin mais il s’agissait simplement d’un grand aigle. Il y a une certaine paix ici, loin des villes et des sorciers. La nourriture commence à me manquer, mais j’ai pu récupérer des framboisiers cachés dans la bruyère. Cela sera suffisant pour la journée. Selon mes estimations, et au vu du changement du climat, je devrais arriver au Sanctuaire d’ici deux semaines, juste avant la période des pluies. Sinon, il me faudra plus d’un mois de voyage, parce que je ne pourrai pas emprunter les chemins de montagne... J’aime me perdre dans l’absence des hommes.

J’ai quitté Malte depuis deux semaines, et mes dragons me manquent. On m’a obligé à prendre des vacances, et une beuglante de Molly n’y est pas étrangère. J’étais avide de goûter les thés fumants du Caire, plutôt que l’épais et sombre vin de Malte. Le bateau à vapeur sur lequel j’ai voyagé jusqu’ici n’était pas le passage habituel des voyageurs. La lenteur de l’embarcation sublimait le temps que l’on passait à contempler les lointaines iles grecques. Arrivé proche des côtes septentrionales de l’Afrique, nous longions dès lors les bords de la mer, admirant de loin en loin les flots qui s’engouffraient dans les cavernes naturelles formées par la houle. Le vent des terres soufflait à nos narines les parfums chauds du désert proche. Bientôt, nous arrivâmes à Alexandrie et je débarquai, délesté enfin d’un mal de mer vivace.

Il ne me fallut pas longtemps pour reconnaitre les Weasley sur le quai. Arthur avait remporté le Grand Prix de la Loterie du Gallion organisé par le Daily Prophet. Ces têtes rousses me manquaient en Roumanie, évidemment, néanmoins les regarder agiter leur main et me sourire ne parvint pas à faire poindre du regret.

Les jours qui suivirent furent dédiés à la visite des tombeaux antiques du peuple égyptien. Je me languissais de rencontrer les Sphinx de cette civilisation millénaire. Bien qu’inclinant leur comportement vers la violence, leur conversation retirait une réputation éminente auprès de mes collègues magizoologistes. Non loin du Nil, dans la vallée de Biban-el-Molouk, montés sur des chevaux arabes, nous contemplâmes les rives de l’ancienne Thèbes. Nous avions franchi le fleuve à bord d’un sandal, embarcation typique à deux voiles triangulaires. Rumphius, magégyptologue, nous accompagnait. Malgré le harcèlement des rayons du soleil, qui nous rendait aussi écarlate qu’un homard plongé dans un bouillon, il conservait sur lui l’habit noir traditionnel des érudits, Sa science nous faisait oublier son physique ingrat, son crâne entièrement dénudé qui brillait comme un os, et rehaussait un nez bulbeux qui lui donnait une apparence d’ibis. On eût dit une idole ibiocéphale, comme les égyptiens en peignent sur les fresques funéraires.

Si notre voyage dura un mois, il ne sembla durer qu’une seule journée. Molly avait interdit à la cadette de nous accompagner dans le dernier tombeau que nous « profanâmes ». Des squelettes chimériques, des moldus frappés d’une malédiction épouvantable, y élisaient domicile. Après avoir partagé un dernier thé, nous nous retrouvâmes à contempler les étoiles d’Egypte. Je ne cachais pas ma déception de n’avoir pu inventorier plus ample connaissance sur les créatures des pyramides. Bien vite, cette idée s’effaça quand il fallut dire au revoir aux Weasley…


Le Sanctuaire des Dragons a été rebâti, pour la quatorzième fois cette année. Après notre retour d’Ecosse, plusieurs attaques de braconniers ont menacé nos installations. La tension est palpable. Les dragons s’acclimatent mal à l’arrivée d’un spécimen Noir des Hébrides particulièrement territorial. La conjugaison des événements à irriter certaines de nos créatures qui s'en sont pris aux village des dragonologistes. Nous avons fait la demande au Ministère de la Magie de Roumanie de renforcement des sortilèges d’extension. Il devient de plus en plus malaisé de faire ces requêtes au gouvernement.  Les Carpates roumaines sont devenus un eldorado pour le marché noir et les guerres de clans. Hier, nous avons fini de renforcer les sortilèges de protection et des dispositions repousse-moldus supplémentaires ont été prise. De nos hauteurs, par-dessus les hêtres rouges, nous voyons parfois la mer noire et les bateaux à voile, soumis à des sortilèges de désillusion médiocres, s’en aller avec le fruit des pillages.

Nous avons dû prendre des mesures douloureuses mais nécessaires en lâchant une femelle Magyar à Pointes sur un campement de braconniers. Des vampires étaient là. Nous n’en avons rien retrouvé. Le Sang de Dragon est devenu une nouvelle mode pour les clans vampiriques de Transylvanie. D’ordinaire, nous nous en chargeons. Ce n’est pas une tâche facile, mais nous avons fait le serment de protéger les dragons. Eux n’hésite pas à s’en prendre aux dragonologistes du Sanctuaire. Khay a disparu il y a un mois. Malgré le pistage, nous nous sommes dirigés dans une impasse. Il est dangereux pour nous d’entrer en Transylvanie depuis qu’ils ont refusé de signer les accords internationaux sur l’interdiction des duels sauvages. Chaque pas dans leurs forêts de pins est une offrande à leur guet-apens. Les vicieux, ce sont les Daces.

Alabert a dressé la cartographie des tribus Dace de la région. Au départ, ses expéditions nous ont été utiles, jusqu’au jour où il nous a annoncé, je cite, qu’il avait dû bouffer une saloperie et qu’il n’arrêtait pas de gerber du sang. La vieille, il avait rencontré un chef Dace, décrit comme un grand mec tout bizarre avec les dents pointues. Le constat était sans appel : Alabert s’était fait mordre. C’est triste, à peine sorti de ses classes. Il nous venait des Etats-Unis et il a fallu faire un rapport détaillé au Macusa.  Les dragons, eux, ont pressenti que quelque chose n’allait pas. En allant soigner Norberta, habituellement paisible, Alabert a été dévoré et n’a pu être sauvé que quelques os de sa jambe gauche. Ses restes rejoindront le tertre du Sanctuaire et son nom inscrit dans les registres des dragonologistes disparus en exercice. Ce sont des choses qui arrivent, surtout lorsque les dragons devinent une anomalie. Son remplaçant arrive en novembre, un japonais diplômé de Mahoutokoro. Record d’Alabert à battre : 9 semaines.


Les gens de l’auberge n’étaient pas encore au lit ; mais je n’ai pas pris la peine de réserver une chambre à louer. La nuit serait longue tandis que la pluie tombait sur les rebords des fenêtres en zinc en un orchestre métallique qui vous filait un réel mal de dents. L’aubergiste, surpris de me voir si tard, me proposa de me faire coucher sur une paillasse, derrière le bar. Il m’offrit à boire, je refusai. Il m’offrit à manger. Je refusai. Je me demandais encore ce qu’il m’arrivait. Chaque pas posé au sol m’offrait des frissons insoutenables et me faisait claquer de la mâchoire, violemment. La moindre goutte d’eau avalée, lorsque la soif devenait insoutenable, me brulait les entrailles comme si j’avais ingurgité du goudron. Manger était pire, parce qu’un rien n’avait plus que le gout des cendres. Epuisé par tant de souffrances, je ne réalisais pas encore que tout cela allait être permanent. Après trois pintes, la barbe remplie de mousse, je m’écroulai sur la paillasse alors que chacun s’en allait au sommeil. C’était un soulagement. Les pieds surélevés du sol, je retrouvai un peu de chaleur, nécessaire au repos. Ma vie désormais serait longue.

En y songeant, je n’aurai pas imaginé que protéger les dragons demanderaient autant de sacrifices. J’aurais préféré mille fois me faire manger par une de nos créatures plutôt que de recevoir cette malédiction. Le vieux sorcier aurait pu s’en prendre aux agents de la police magique, mais non. Il m’a regardé dans les yeux et à prononcer son présage de malheur. May your food turn to ashes in your mouth, your drink to dragon fire and the ground you walk into the highest cloud their wings ever touch. Quelle fourberie. Qui mérite une existence comme celle-là. Puni pour avoir fait son devoir. Jusque-là, je m’étais résigné à la marche du monde, aux malheurs hasardeux et aux caprices de la Providence. Désormais, je goutais l’infâme saveur de l’injustice. La journée avait si bien commencé pourtant. J’ai ressenti de la colère pour cet homme chétif, pouilleux et dérangé. Puis, j’en ai eu du dégoût, du mépris, jusqu’à découvrir la compassion, la pitié et la miséricorde. Sa vie, c’était les dragons. Si je pouvais lancer des malédictions, nul doute que je n’hésiterai pas à utiliser ce don pour défendre les dragons dont j’ai la charge. Après tout, je leur ai dédié mon existence. Alors, j’accepte d’être maudit, d’avoir perdu certains plaisirs de la vie, si cela est le prix à payer pour continuer à accomplir ce pourquoi je foule cette terre…  


Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom est revenu au pouvoir. La guerre sillonne l’Angleterre en un seul élan pestilentiel. C’est un brouillard, un immense brouillard qui conduit à la ruine. J’ai laissé la Roumanie derrière moi. Tu-Sais-Qui prendra les dispositions nécessaires pour fermer les frontières et couper notre pays du reste du monde. Ainsi, ses forfaits demeureront pour la plupart inconnus et personne ne souhaitera venir nous aider. Molly m’a menti sur la situation ici. Elle voulait me préserver en me laissant en Roumanie. Je ne comprendrai jamais ce choix, jamais. De quel droit a-t-elle jugé bon de me tenir à l’écart ? Notre responsabilité, en tant que Weasley, c’est de ne faire qu’un contre les forces du mal. Ils ont déjà pris Oncle Fabian et Oncle Gideon. Comment pouvait-elle croire qu’elle pourrait me protéger en me laissant ignorant ? Et puis au premier mort, aurais-je seulement reçu un carton d’invitation pour l’enterrement ?!

Personne n’a osé s’interposer entre Molly et moi. Jamais aucun d’entre nous ne s’était avisé de lui tenir tête, jusqu'à ce jour d'aout. Elle a tout fait pour nous, pour notre bonheur. Mais la guerre la rend soucieuse, tourmentée. On dit souvent que chacun fait face à ses démons. Chez les Weasley, on parle plutôt de fantômes. Pourtant, il était hors de question que je me laisse faire, que j’acquiesce en lui donnant raison. Elle a eu TORD de penser que j’étais mieux dans l’ignorance. Une fois la nouvelle tombée, on m’a affrété un Portoloin jusqu’à la côte française. De là, j’ai pris un ferry moldu pour rejoindre l’Angleterre. Prendre le risque d’arriver par voie sorcière aurait entrainé certaines complications…

Malgré le froid jeté par la dispute avec Molly, Arthur m’a demandé d’aider les forces de la résistance à faire passer les enfants de moldus à l’étranger. Ils fêteront Noêl là où leurs familles ont été cachées. Ce fut un vrai réconfort de les savoirs à l’abri. Ils subissaient des horreurs à Hogwarts. Les Carrow ne sont pas des tendres, et il était hors de question de laisser des innocents se résigner à la douleur et à l’affliction. Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom est un tyran, et nous espérons tous qu’il déposera les armes aux plus vite. Ses partisans se sentent forts, et sûrs d’eux. Mais nous avons une force qu’ils ignorent ; nous avons l’espoir. C’est la dernière chose qui me fera me tenir debout pour me battre, n’en déplaise à Molly.


Fred est mort.



Si je devais résumer ma vie jusqu’à présent, je dirais que j’ai passé le plus clair de mon temps dans les forêts. Que ce soit auprès des chênes robustes du Devon, des sycomores fantomatiques de la Forêt Interdite, des hêtres rouges des Carpates ou des aulnes noirs d’Ecosse, les arbres n’ont pas cessé d’habiter mes paysages et de s’offrir à ma vue. Depuis la perte de Fred, les Weasley ont changé. Avec eux, moi aussi. J’apprécie davantage la compagnie du silence et de la nature qu’avant, bien que je n’aie jamais été adapté pour la vie urbaine et bruyante. L’attachement aux grands espaces et à la solitude a grandi encore davantage en moi. Je le sens. Ce pourquoi j’ai refusé de vivre dans de nouveau en famille. Les visages qu'on y voit me font penser à Fred, et aux pertes prochaines qui pourraient toucher n’importe qui. Je suis trop loin de mes dragons pour penser à autre chose en voyant les tignasses rousses et les sourires fanés. C’est au-dessus de mes forces. Molly tient la famille à bras le corps désormais. Arthur a raccroché, il est fatigué. Georges a perdu son rire. Bill est toujours aussi sérieux et responsable. Percy est devenu indifférent à sa propre vie. Je m’inquiète surtout pour Ronald et Ginny. Ce sont les plus jeunes, et en vérité, je ne les connais pas autant que je le voudrais…

J’ai pris quelques jours pour finir de réparer la toiture du dispensaire. Jusqu’ici, personne n’avait pensé à rénové cette ruine perdue dans le sous-bois. Elle se dresse parmi les arbres, à l’écart du village et de la ferme. C’est pour cela que j’ai choisi d’y habiter. J'ai besoin d'un peu de distance et de calme pour travailler. Les patients aussi en ont besoin. Désormais, les travaux de réhabilitation et de rénovation sont presque terminés. Je vais pouvoir quitter la ferme. Hagrid m’a apporté un Matagot pour m’aider à protéger le lieu. Ça ne vaut pas un dragon, mais ils font des compagnons fidèles.  Cela dit, je n’aurais pas dû l'autoriser à dormir avec moi. Il a pris de mauvaises habitudes…

Mon installation à Sweet River s'est déroulée plutôt sans heurts et nous apprenons tous à nous apprivoiser. Le fait que je soit pleinement un sorcier ne rassurait pas les hybrides au départ, mais nous commençons à nous entendre. On m’épargne les tâches d’encadrements et de maintien de l’ordre, pour l’instant, afin de me concentrer en priorité sur le lien social indispensable à la confiance entre soigneur et patient. La prochaine pleine lune approche et il faut souhaiter que les loups-garous soient sages. C’est un vœu pieux, je le sais, mais je crois encore aux miracles. Maintenant que le dispensaire peut ouvrir ses portes, j’ai mis en place des sortilèges de protection pour éviter qu’il ne devienne un énième sujet de disputes entre les hybrides rivaux. En en faisant mon endroit, j’espère que cela les dissuadera d’en faire un élément de leur bagarre territoriale, circonscrite aux peu de terres que nous occupons…