stick a needle in your eye.
T
aciturnité diluvienne.
Obscurité despote.
Les chuchotis disaient le Manoir hanté. Mais de quoi, de qui?
Comme frappé d'une damnation qui vous fait perdre votre nom.
Dans l'enceinte du domaine, habituellement réservé et silencieux, des voix discrètes s'élevaient en phonations de présomptions et d'intellections faussées. Les rupins sorciers étaient de visite. Des hommes de bonnes familles venus et sirotant cognac dispendieux dans bureau plus luxueux que l'imagination ne puisse concevoir. De besognes politiques aux décisions administratives, Cissy, elle, n'avait ni la prétention ni la vantardise d'épandre une opinion sur la situation actuelle dans le Monde des sorciers. Puisque de ces histoires, elle se sentait lésée, de par sa condition de femme et d'épouse, il n'était protocolairement parlant, pas de son ressort que de débattre sur des sujets dont elle tirait peu avantage.
Le Manoir en revanche, centre de préoccupations sourdes et muettes, puisqu'il était des jours où les cœurs se serraient davantage. Jadis, il y avait peu de lumière ici. Quand les fondations du Manoir Malfoy furent creusés, tout n'était qu'une étendue sauvage et déserte. Une rivière indomptée coulait à travers la forêt primitive qui couronnait aujourd'hui les grands jardins du domaine. L'on disait même que, si l'on montait sur les hauteurs au crépuscule annoncée, il devait sembler que les ténèbres s'étendaient à l'infini. L'eau était pure, l'air propre et les bois riches en gibier de tout genre. Les Malfoy avaient bâti cette demeure en partant de rien. Le sang et le fer pour fondation, l'ingrat métamorphoser en palace luxuriant. Les vieilles familles connaissaient leurs pouvoirs, reconnaissaient leur grandeur et leur richesse. Les Malfoy, érudits de la magie, princes de leur château et de leur ostentatoire réputation.
Tombés de bien bas, les Malfoy n'étaient plus que l'amas de quelques noms. Les héritiers de plus grand chose et la risée de la noblesse puritaine magique à laquelle crurent-ils appartenir. Devenu du même adage que la fange de ses traitres de Weasley, leur nom ne tremblait plus de la même réputation. Il n'était plus que le reflet frêle d'une entité déjà enterrée. Le Roi déchu, le prince tombé avec lui. Ne restait plus que la Reine. De cette race pure et immaculée. Plus que le seul bastion avant la descente aux oubliettes. Avant la chute, la pense vrombissant de revendications draconiennes.
Dans le Grand Salon de l'aile ouest, on entendait que le crépitement tendineux des flammes que les elfes de maison avaient pour besogne primordiale de ne jamais laisser s'éteindre. Le fumet entêté de la sauge superstitieusement brûlée emplissait le naseau et le gosier de la Sorcière qui eut le réflexe d'esquisser œillades ennuyées aux anciennes fenêtres du Manoir pour s'assurer que les volets étaient fermés. Narcissa Black en personne, dernière survivante de la très noble et ancienne maison des Black, se tenait près de la cheminée dans un fauteuil Louis XIV finement sculpté, dont la tapisserie indigo exaltait l'ivoire moiré de sa robe. L'autrefois blanc des Malfoy pour héraldique provocation dans une concavité matrimoniale, elle possédait pourtant le profil distinctif des Black, aquilin et pâle de peau.
De ses yeux bleus et félins émanaient une lueur embêtée. Le Manoir n'avait pas coutume de recevoir des invités à cette heure de la nuit, mais les Von Bäume ne connaissaient d'autre heure que la leur, surtout lorsqu'il s'agissait de leurs affaires de famille. Les elfes allaient et venaient, s'affairant à leurs labeurs d'êtres domestiqués, la Sorcière guettant sournoisement le moindre son de l'étage. Au moindre essoufflement, elle s'éclipserait comme une ombre. Furtive et silencieuse, comme les nombreux fantômes qui, pour ce soir, ne quitterait pas l'odieuse torpeur de leur profondeur.
C'était l'effet Von Bäume.
À vous refroidir même un fantôme.