Le réseau de cheminées est probablement le moyen de transport le moins agréable du monde. Comprenez bien, à chaque fois que Rita en sort, elle se retrouve avec une nausée inquiétante et les cheveux en bazar. Et s'il y a bien une chose que Rita Skeeter n'aime pas, c'est avoir les cheveux en bazar. Alors oui, peut-être que transplaner, c'est bien pire, mais elle n'a jamais appris à maîtriser cette forme de magie, et puis les portoloins la répugnent : qui a envie de s'accrocher à une vieille paire de bottes mal lavées ? En plus, qui sait qui a bien pu mettre les pieds là-dedans ? Rita se tient donc bien loin de ces nids à scrofulites, et doit par conséquent supporter l'atmosphère irrespirable des cheminées et la poussière qui se dépose inlassablement dans les plumes qui agrémentent ses tenues. Elle écrira un article sur ce système indécent, ça ne fait aucun doute !

Elle est assez fière aujourd'hui, car elle s'est apprêtée d'une toute nouvelle robe, achetée à moitié pour l'occasion. D'un aubergine vif, la tenue est surmontée d'un col en plumes d'augurey qui met bien en valeur son cou. Rita n'a peut-être pas retrouvé le vert criard qui la rendait reconnaissable, mais elle retrouve un peu de joie dans l'achat de nouveaux vêtements. Au fond, elle sait qu'elle est dans la bonne direction, qu'elle finira pas retrouver sa verve légendaire.

Elle donne quelques tapes à sa robe afin d'enlever la poudre qui s'y est installée, puis elle sort de son sac une longue cigarette violette, qu'elle allume du bout de sa baguette. Elle la porte à ses lèvres, inspire longuement en fermant les yeux, puis s'élance en direction du stade de quidditch qui se dessine au loin, un air confiant et un sourire satisfait sur le visage. Elle ne s'est jamais réellement intéressée au sport qu'est le quidditch, mais les joueurs ont souvent retenu son attention. Royston Idlewind, tout particulièrement, a hanté ses nuits alors qu'elle passait ses jeunes années à Poudlard. Alastar Fawley, quant à lui, est un très séduisant jeune homme qui lui transmet, plus ou moins contre son gré, des informations croustillantes sur le quotidien des célébrités. Lance Farrow n'est pas une star montante du quidditch, loin de là. Mais il est ce que Rita a de plus proche d'un ami en ces temps de troubles, et c'est à lui qu'elle lance un sourire radieux en abordant le stade. En retour, il fume sa pipe de son habituel air bougon. Ils forment un duo inattendu.

« Ton billet. » Elle tend machinalement la main pour recevoir le ticket en question. « J’ai demandé, ils ont de la Bièraubeurre, c’est mieux que rien, les bancs sont chauffés et avec ce temps… on devrait être seuls. » Elle tire une nouvelle taffe de sa cigarette et lance avec un air malicieux : « Intime... » Ses lèvres laissent échapper un rire cristallin avant qu'elle ne se retourne en direction du sorcier posté à l'entrée du stade. Le regard insistant qu'il lance à sa cigarette fait comprendre à la journaliste qu'elle a intérêt à profiter une dernière fois de son tabac avant de rentrer. Alors elle inspire une dernière fois et laisse l'épaisse fumée blanche s'échapper de sa bouche avant d'écraser sa cigarette contre un rebord et de la jeter dans une poubelle.

« Team Montrose Magpies ? » Inutile de préciser que Rita n'a d'yeux que pour les bras musclés de l'un des batteurs de l'équipe. « Je te laisse me guider, c'est une grande première pour moi... C'est excitant ! » A l'entendre, on dirait que tout est normal. Que le Lord ne sème pas la terreur sur toute la Grande Bretagne et que tout est bien dans le meilleur des mondes. Mais Skeeter a toujours été forte dans les faux-semblants. Et avec Lance, elle se sent à l'aise, assez pour mettre dans un coin de sa tête les derniers événements, ses angoisses, ses crises de panique. Ce n'est peut-être pas le meilleur des boute-en-train, mais il est fort pour ça. Et Rita est vraiment ravie d'assister à ce match de quidditch. C'est même la première fois qu'elle vient dans ce stade et qu'elle voit jouer ces deux équipes.

Ils arrivent enfin à leurs places. La journaliste s'enthousiasme devant le coin VIP. Elle a un peu l'impression d'être une star, elle aussi. « Fut un temps, on m'invitait toujours en carré VIP... Je crois qu'ils espéraient que je sois moins honnête dans mes articles. » Elle se rapproche ensuite de la rambarde, admire le stade. Il est gigantesque et la vue est imprenable. Le temps, en revanche, laisse un peu à désirer mais, comme l'a fait remarquer Farrow, ils seront plus tranquille ainsi. « Jouer par un temps pareil, ça peut être dangereux... » Difficile de dire si c'est de l'inquiétude ou de l'excitation dans sa voix. Finalement, elle se retourne, prend place sur l'un des sièges chauffants et s'enquiert : « Et toi, quoi de neuf ? Vais-je encore devoir écrire que ton bureau fait des siennes ? »