| | | JANVIER 2006 // Benjamin connaît bien le deuil. C’est presque un vieil ami, à ce stade. Le sien, celui de ses proches…. Et comme si cela ne suffisait pas, il est également habitué au deuil d’inconnus. Son entreprise ayant le monopole de l’organisation d’événements dans la société sorcière, ils s’occupent autant des mariages et réceptions que des veillées funéraires. Alors il en voit, des funérailles. Il en voit, des pleurs, des gens brisés par la disparition de ceux qui leur étaient chers. Il devrait y être habitué, depuis le temps. Mais très franchement, il n’est pas sûr qu’on s’habitue vraiment un jour au deuil. Du moins, lui n’y arrive pas vraiment. Il connaît bien le deuil, et il sait à quel point il est dévastateur. Alors forcément, il n’arrête pas de penser à Daphne, ces derniers jours. Depuis la tragédie de Gringotts, il est bien évidemment très occupé. Astoria n’est pas la seule à avoir perdu la vie ce jour-là, et entre les déclarations du ministère et les nombreux obsèques, il ne compte plus ses heures au bureau. Mais assis là, entre deux rendez-vous, entre deux déplacements, ça l’obsède : il n’a pas vu Daphne depuis les funérailles de sa soeur, et ça le rend malade qu’elle puisse être coincée chez elle avec cette nouvelle réalité beaucoup trop dure à digérer. Il espère que d’autres sont allée la voir, que d’autres l’ont soutenue depuis le drame, mais il ne peut s’empêcher de penser qu’il est beaucoup trop absent dans cette période où, pourtant, elle a besoin de ses amis. Il aurait eu besoin d’en parler, lui. Il aurait eu besoin que ses amis sachent, quand sa soeur est morte. Qu’est-ce qu’il aurait donné pour avoir une accolade amicale, pour que ses amis le sortent de chez lui et aillent lui faire boire des verres… Au lieu de ça, il était seul. Et il est toujours seul face à la mort de Hyunsoo, parce que personne ne sait, et personne ne saura jamais. C’est important pour lui, que Daphné ne ressente pas la même chose. C’est important qu’elle comprenne qu’elle n’est pas seule.
Près d’une semaine après la cérémonie, il décide donc qu’il y a des choses plus importantes que le travail, et en sortant du bureau après avoir annulé un rendez-vous, il passe chez lui, fait un détour par une rue commerçante sorcière, et finit par prendre le chemin de l’appartement de Daphne. Il espère qu’elle est là, et surtout, elle espère qu’elle ne lui en voudra pas de se pointer seulement maintenant. Il a un peu honte, et compte bien s’excuser. D’ailleurs, c’est pour ça qu’il a amené des fleurs qui ne fânent pas. Avec un peu de chance, elles redonneront un peu de vie au quotidien de Daphne. Il le sait par expérience : ça fait du bien, de voir des choses naître ou grandir quand tout semble s’être arrêté. Ça permet de reprendre contact avec la vie. Il espère que ça aura le même effet sur elle que sur lui. Il est presque vingt heures quand il frappe à la porte de l’appartement, un peu anxieux. Il sait qu’il ne pourra rien de concret pour l’aider, mais il espère que le simple fait qu’il vienne, et qu’ils discutent, permettra à Daphne de se changer un peu les idées. Parfois, c’est la seule chose dont on ait besoin. Finalement, il entend des pas derrière la porte, et elle finit par s’ouvrir sur Daphné. Il lui offre un sourire. Salut, toi. Il lui tend les fleurs aux couleurs chatoyantes. C’est pour toi. De son autre main, il montre un sac qui semble bien rempli. J’ai pris des choses à manger. Et à grignoter. Et à boire, si tu préfères juste boire. Il met sa main devant sa bouche comme s’il la mettait dans la confidence pour un grand secret. J’ai même amené de quoi fumer… si jamais…. Il en a peut-être un peu trop fait, mais mieux vaut ça que pas assez, il en est convaincu. Tu veux bien me laisser entrer ?
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