une grille de fer forgée

où deux anciens amants brisés se retrouvent à la nuit tombée. où séparés par une grille de fer forgée, leurs cœurs sont rongés par l'animosité. où la succession d'un manoir est discutée et l'avenir d'un fils prodige assuré. où leur discussion masquée n'est écoutée  que par une végétation contrôlée.

— Malfoy's Manor, Wiltshire, England.

Sous ses yeux, le Manoir Malfoy se déployait dans toutes les directions, tel un labyrinthe colossal de colombages gris, de murs, de tours, de cours et de tunnels. Loin devant elle et de quelque côté qu’elle avait loisir d'observer, la Sorcière pouvait admirer s’étendre le domaine, tel un grand monstre de granit assoupi. Les tentacules austères de la bête caressaient leur environnement de leur envergure démesurée, de la grande allée jusqu'au boisée. C'est que les Malfoy vivaient ici depuis plusieurs siècles, la demeure érigé par les membres fondateurs de la lignée. Encore aujourd'hui, la résidence irradiait d'une très ancestrale essence de magie qui parfumait les jardins, les forêts et les alentours, lui donnant l'aspect d'un espace figé dans le temps où la nature et les frondaisons appesanties des quelques arbres ne vieillissaient jamais. Immense et lugubre, même selon les critères victoriens de l'époque, le Manoir trônait majestueusement au centre d'une mosaïque de verdure et de pignons blancs de fontaines qui constituaient presque l'ensemble de la décoration somptueuse des grands jardins. Les pelouses entretenues se partageaient entre sentiers et massifs de fleurs, dans une débauche de roses pêches anglaises, de coquelicots, de delphiniums et autres géraniums. Se dressant tout autour, des parapets de cèdres en colonne, dont les plus impressionnants surplombaient presque arrogamment une allée étroite et plate qui s'éternisait entre les buissons épais d'une végétation parfaitement contrôlée et taillée au carré. Fermée par une grille élégante de fer forgé de trois mètre de haut, hérissée d'une rangée de pointes rébarbatives, il était relativement facile de se rendre jusqu'au portail par transplanation (ou par vol de balais), mais il fallait l'invitation des maîtres des lieux pour y pénétrer. Derrière la demeure, le domaine et sa débauche de frises victoriennes, était très boisé et sauvage ; alors que les autres familles sorcières avaient depuis longtemps vendu leurs terrains ou laisser à l'abandon, le Manoir Malfoy restait intact. Parcelle de plaine sophistiquée au beau milieu d'une forêt primitive anglaise.

Dans la lumière du couchant, Narcissa Black lorgnait d'œillades appréciatives la propriété farouchement gardée. Elle correspondait en tout point à ce à quoi elle avait inspiré. La silhouette hantée était située en retrait, aucun arbre ni végétation n'y poussait sans une symétrie absolue. Les tours fièrement dressées et dentelée, se détachaient à l'ouest, comme l'horizon gris veiné de rouge. Son regard porta vers l'est, au-delà de la forêt et du boisé. La nuit commençait à tomber et les lumières du Manoir s'allumaient comme un chapelet de perles lumineuses qui ne faisait qu'accentuer la taille colossal du monstre millénaire. Aussi loin que portait le regard, la propriété des Malfoy s'illuminait peu à peu, et les nuages fuyaient vers l'horizon d'un bleu cobalt et profond. La lune avait commencé à se lever.

De ses yeux bleus à demi-fermés émanait une somnolence féline, mais son visage n'affichait de contentement. Narcissa Black, la maîtresse des lieux en personne, se tenait près du portail, elle attendait, sa silhouette sybarite soulignée par la lumière qui se déversait par les innombrables fenêtres enluminées du Manoir. Sauf qu'interrompue dans ses cogitations silencieuses, la Black se rendit compte qu'on l'observait. Sans tourner la tête, elle leva subrepticement les yeux et aperçut un homme s'avancer dans l'allée. On aurait dit un fantôme, le visage insouciant, fatigué, les cheveux coiffés en arrière qui mettait en exergue la finesse et la pâleur de ses traits. Un regard pourtant déroutant laissant entrevoir, au-delà de cette barbe négligée qui lui charbonnait les joues, la détermination et la pugnacité d'un homme qu'elle avait épousé. Reconnaissant instinctivement la démarche distingué de son ex-mari, la Black froisse le nez dédaigneusement, ne démordant rien de cette pugnacité qu'il avait si soudainement éveillée au fond de ses entrailles.  « — Bonsoir Lucius, les mots étaient on ne peut plus courtois, mais sa voix avait perdu toute trace de chaleur. Je te préviens tout de suite : cette grille ne te reconnaît plus, lâcha-t-elle, condescendante, l'air faussement indifférente et détachée. Ce n'est plus chez toi, la remarque lui avait échappé volontairement, tandis que bras croisés sous sa poitrine, elle le lorgnait sans même prendre le temps de le cacher, altière. Tout était toujours un prétexte pour le lui rappeler. Sur cette sentence, alors, s'éveille une nouvelle vague de mécontentement au bas de son ventre, comme un dragon qui émerge de sa torpeur et elle se rapproche du grillage de fer, jusqu'à ce que cette distance jugée convenable et conventionnelle ne soit à son extrême limite. Tu ne peux plus passer. Je m'en suis personnellement assurée. Cette remarque se faisant, son menton se guinde impertinemment comme pour susciter la moindre réaction, livrant à cet ombrageux conjoint une nuque immaculée. Cette animosité soudainement si prompte à vouloir le détester n'avait d'égal que le brasier d'amour qu'elle continuait d'éprouver pour lui. Draco n'est pas ici... Narcissa dévisageait son ex-mari. Chacun d'un côté du grillage, la sorcière savait assez précisément à qui elle avait affaire. Tout, du reste, tant dans la posture de Cissy, que dans son illusoire désinvolture, puait l’agacement. ... et mon mari est dans le grand salon. Alors que viens-tu faire ici? »