Tell me why the hell no one is here (dalia)

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Daphne & Malia

Could you find a way to let me down slowly?
A little sympathy, I hope you can show me
If you wanna go then I'll be so lonely.

JANVIER 2006
Il fait déjà nuit quand Malia quitte son appartement sans un regard en arrière. La lune est haute dans un ciel d’encre qui chante sobrement la tristesse d’une fin de semaine frappée par le sceau du tragique, laissant s’abattre sur tout Londres un torrent humide qui fait grogner chaque passant qui croise son chemin.
L’appartement de Daphne n’est qu’à quelques mètres du sien, une ribambelles d’enjambées et elle est déjà arrivée à destination. Ça lui laisse à peine le temps de réfléchir sur la position à adopter, sur les mots qu’elle va déblatérer, qu’elle aurait préféré savoir taillé par la réflexion dont elle fait quotidiennement preuve. Le fait est que si Malia a allègrement bénéficié d’une semaine entière pour savoir que faire, la mise en terre d’une cadette semble avoir avalé tout rond les jours précédents dont elle n’a que très peu de souvenirs. Se lever, manger, partir travailler. Revenir tard. Très tard. Le plus tard possible, histoire de ne pas avoir à croiser Daphne qu’elle connaît pourtant depuis suffisamment longtemps pour avoir cessé de compter. Visiblement, il y a encore des douleurs sourdes auxquelles elle n’est pas prête à faire face sans avoir l’envie irrépressible de disparaître sous terre. Ce n’est pas juge, bien entendu. Après tout, ce n’est pas son deuil. Pas réellement, du moins. Elle n’a jamais été proche d’Astoria, n’a cessé de la dédaigner sans raison valable, parce que sa mission, c’était Daphne, à l’époque : l’encadrer et l’épauler, lui ouvrir les portes dorées d’une jeune et belle société menée à la baguette par l’élite dans laquelle elle a fini par se confondre à merveille. Quelque part, Daphne l’est toujours, non ? La logique voudrait qu’elle le soit d’ailleurs plus que jamais, que son attention toute entière soit tournée vers elle.
Peut-être que c’est la culpabilité qui la pousse à frapper à la porte d’une Greengrass endeuillée, ce soir-là, peut-être que c’est la honte d’avoir faut défaut à une personne qu’elle aime tant aussi aisément. Elle sait pas trop et elle a pas envie de savoir, de toute façon, parce que ça ferait d’elle un être abject, elle suppose et c’est pas très glorieux. D’ailleurs, ça fait un petit temps qu’elle a la palme du « pas très glorieux », déjà et faudrait bien qu’elle y remédie.
Comme ça répond pas, Malia martèle un peu plus fort, mais pas trop non plus, parce qu’elle sait combien les petits bourgeois des appartements voisins on la rancune facile et la langue acérée — manquerait plus que ce soit Daphne qui récolte ce qu’elle sème. A l’autre bout du couloir une gamine, dans une belle robe rouge, béret noir sur la tête et bas blanc pour lui tenir chaud, la toise de la tête aux pieds. Entre ses mains, elle tient un chat qu’elle caresse sans y prête plus d’attention. « Elle ne répondra pas. » Malia lui lance un bref regard, mais rétorque quand même « elle va répondre », pour ne pas envoyer bouler la petite peste quelques étages plus bas. Pour en avoir fréquenté toute son enfance, elle peut les repérer les yeux fermés, ça n'a jamais été bien compliqué. Du coin de l’oeil, elle l’aperçoit hausser un sourcil. « Je te dis que non. » Et à Malia de renchérir : « et moi je te dis que si. » Malpolie.
Quand la porte s’ouvre finalement, elles sont toujours occupée à se quereller. Malia met quelques secondes à réaliser que Daphne est sur le pas de la porte, mais lorsqu’elle le fait, elle se racle la gorge et lance un « je te l’avais dit » par dessus son épaule.

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Journée morne à la pluie battante, sillons qui se creusent sur les joues, sur les fenêtres. Perles intarissables qui viennent s’écraser sur le sol, dans une tasse de thé fumante. Silence étouffant, appartement tristement vide, dénué du moindre signe de vie. Vénus bordée de larmes, enfoncée dans le canapé, une tasse de thé entre les doigts sous une couverture, chagrin qui n’est que trop grand pour disparaître. Cadette six pieds sous terre, funérailles qui ont vu la mort des deux héritières Greengrass. Émotions sourdes qui tourbillonnent autour d’elle, niveau de l’eau qui ne fait qu’augmenter inexorablement avant de tout engloutir. Noyade mentale inévitable, eau trouble qui s’insinue avec violence dans des poumons atrophiés. Folle sensation que de sentir les battements de son coeur dans sa tempe, seule preuve tangible que la vie emplit toujours son corps, Daphne tombée de son piédestal. Daphne qui a perdu le rythme effréné que sa danse était venue lui imposer, pieds qui s’emmêlent avant de se voir tomber à même le sol, paumes qui viennent s’écraser contre le plancher et la tête claquer contre l’asphalte. Miroir on ne peut plus troublé, face voilée depuis seulement quelques idées, valse qui s’efface. Le goût métallique ne quitte pas sa bouche, plaies brûlantes qui saccagent l’intérieur de ses joues, douleur pour seul remède, peine pour seule preuve de vie. Souvenirs d’un visage empli d’une douceur infinie, rire éclatant, silhouette qui disparaît sur le pas de la porte. Fantôme qui s’attarde sur les lieux, esprit qui tente de sauver les quelques derniers espoirs de revoir une Astoria pleine de vie, ça et là. Espoir empli de folie, voix doucereuse qui lui susurre que la Vénus sera toujours nimbée d’un voile obscur, partenaire disparue à jamais. Des coups sur la porte viennent attirer son attention et un soupir s’échappe de ses lèvres rosées, douleur qui vient poindre à leur extrémités pour les teinter de douleur. Latence qui vient exprimer son hésitation, désir de s’isoler, désir de s’entourer. Le bruit se répète à nouveau et la Vénus grommelle, plus trop sûre quant à la décision à prendre. Ses doigts viennent se poser sur la poignée qui vient ouvrir la porte qui révèle Malia. « T’auras pris ton temps pour venir. » Cynisme qui vient percer le timbre de sa voix, loin d’une potentielle éclaircie divine dans le ciel, dans son esprit. La Vénus s’écarte et laisse l’espace libre à celle qui fut jadis sa mentor, prémices d’une vie bien placée, Greengrass à l’héritage écrasant.