C’est le bourdonnement léger de sa baguette qui lui met la puce à l’oreille. Le bruit est délicat, si bas qu’elle le confond d’abord avec le bruit incessant des véhicules moldus qui circulent dans les rues. Peu importe qui la suit, iel est plutôt doué.e pour ne pas se faire remarquer, surtout alors que Sening arrive à peine à se détendre et à cesser de chercher des menaces là où il n’y en a pas. Elle ne sait pas si le danger est immédiat, si la filature n’est qu’un prélude à un plan qui englobe tous les Wang, ou si c’est simplement cellui qui la suit qui a de mauvaises intentions à son égard. Quoi qu’il en soit, Sening n’entend pas à rire et elle compte bien piéger sa nouvelle ombre à son propre jeu. On ne l’aura pas comme ça, qu’elle se dit - si elle doit couler, hors de question de laisser son assaillant.e s’en tirer aussi facilement. Et puis de quoi elle aurait l’air, à laisser Chen ou Mengwu réparer ses pots cassés ? Non merci – encore une occasion pour Martin de se moquer (et puis ça lui ferait bien trop plaisir de voir Sunny échouer, ce rat).

Mais ce n’est pas un assassin qu’elle attrape dans ses filets (plutôt par le col de son chemisier), mais un gamin entre la terreur et l’outrage, qui balbutie une série d’excuses minables, comme si ça allait le sauver. « Qui t’envoie ? La baguette serrée dans son poing se presse dans l’estomac de l’adversaire, sa main toujours crispée dans son col. J’aurai pas de scrupules à envoyer un message en t’accrochant à Big Ben par les tripes, espèce de…. Attends. » Sunny le repousse, prenant de la distance comme pour mieux l’évaluer, puis se rapproche de nouveau, le sourcils froncés. « Je t’ai pas déjà vu quelque part, toi ? T’es un gamin des Warlocks, non... ? Ouais, c'est ça. » La suspicion, la colère et l’exaspération se succèdent sur son visage, puis le dédain: ils ont pas mieux à faire, que de la faire suivre ? S’ils relancent les hostilités… « T’as intérêt à avoir une bonne excuse pour me suivre comme ça. Parce que d’où je me tiens, y’a pas cent explications et j’hésiterai pas à – M’accrocher à Big Ben par les tripes, oui, je sais, j’ai compris. » Le regard se fait acéré et un mouvement sec de la main secoue le mioche un bon coup, histoire qu’il comprenne que la patience, ça se mérite. « C’est Garfield ! Garfield veut te parler ! – Et il t’a envoyé pour me filer ? – Oui… ? » Il la regarde comme si elle était bête. Malgré tout elle n’est pas trop certaine de le croire, pour être honnête. S’il voulait lui parler, pourquoi envoyer une petite souris à ses trousses au lieu de venir lui-même ? Trop occupé ? Pas assez d’importance ? Trop peur qu’elle lui en colle une et qu’en plus elle refuse de lui parler ? Si c’est le cas, il avait raison: Sunny n’a aucune envie, aucune intention de lui accorder son attention, de lui faire perdre son temps. « Qu’est-ce qu’il veut ? » Il hausse les épaules et Sunny le secoue un autre coup de plus, ce qui lui vaut un regard furieux qu’elle rejette d’un haussement de sourcils. « Il m’a pas dit. – Bah tu diras à Garfield que s’il veut me parler, il a qu’à venir lui-même. » Faut pas déconner.

Sauf que, bon, elle pensait pas le voir pour de vrai.

Elle s’attendait à réentendre le bourdonnement sourd de sa baguette, à trouver un message dans sa poche, ou à tout simplement être laissée tranquille. Mais c’est dans une rue un peu sombre, abritée du vent printanier, qu’elle reconnaît la silhouette d’Angus, les épaules voûtées comme pour s’abriter du vent. Sunny s’arrête à bonne distance, la main refermée sur sa baguette, prudente. « T’as peur de rien. » Elle aurait pu en parler aux autres, de son petit jeu. Le dire à Chen, et sans aucun doute remettre le feu aux poudres. Peut-être qu’elle aurait dû. Peut-être qu’elle voulait voir ce qu’il avait à dire. Peut-être qu’elle attendait la chance de lui cracher au visage, à ce traître de bâtard de merde, mais ça la trahirait. « Qu’est-ce que tu veux ? »