« Je vous jure que c’est un malentendu ! » que tu geins, la voix un peu écrasée par l’énorme main au collet de l’un des vigiles du casino. Ils étaient deux à t’encadrer, te mettant aussi à l’étroit que si les portes d’un ascenseur se refermaient sur toi. Un ascenseur pour te mener tout droit dans un back alley mafieux, à ce rythme, si tu continuais à pleurnicher ainsi. C’est que le malfrat aime pas les pleurnichards, ça lui rappelle les heures les plus sombres de son boulot, quand les mains sont bien crados. Ça lui rappelle les balances, aussi, à ceci près que t’as pas l’air de vouloir balancer grand-chose. « Me la fais pas à l’envers, Prewett, c’est connu comme le lycan blanc que t’es aussi veinard que ta gonzesse est riche, alors comment ça se fait que t’as pas encore perdu une seule partie ce soir ? » Ton regard s’assombrit, on peut te rouler dans la souillure autant que tu veux, mais t’aimes pas qu’on parle de ta chère Mimine (validée depuis deux jours, soit dit en passant), elle avait bien heureusement rien à voir là-dedans, si ce n’est que les quelques Gallions que t’avais apparemment trop habilement investi.

Tu te demandais aussi, pourquoi cet établissement ne t’avait pas encore refusé son accès. Tu perdais tellement de thunes qu’ils s’en mettaient plein les poches. A croire qu’on n’essayait même plus de te faire croire que tu pouvais gagner.
Les deux portes d’ascenseur grommellent, l’une fait craquer ses poings, l’autre serre sa poigne autour de sa baguette pas plus grande qu’un cure-dent. Tu louches sur leurs grosses pattes, déglutissant bruyamment. Pour une fois, t’avais vraiment rien fait, et il avait fallu que ce soit ce même soir où le gérant -et pas forcément haut-gradé dans le clan, au vu de la frustration qui transpirait de son faux col- t’avait mis la main dessus… ou plutôt ces deux armoires-ascenseurs.

Ils t’avaient coincé à la table de poker, que les autres joueurs avaient miraculeusement quitté en les voyant arriver dans ton dos, et ce, jusqu’à la minette qui s’était assise sur tes genoux le temps d’une partie (pour te faire les poches, soit dit en passant, tu étais la victime, dans cette histoire-là aussi). T’avais failli en avaler ton cigare healthy ; bah oui, les tabagistes sorciers avaient pas perdu leur temps pour rebondir sur leurs pieds et proposer des produits inoffensifs à la riche clientèle en mal de mâchonner un truc tout en amassant des Gallions. Pour le coup, tu les avais pas brassés longtemps, les piécettes, avant qu’on te coince au fond de ta chaise.
S’en était suivi cet interrogatoire, se déroulant en plein milieu du reste des festivités. Même plus besoin de faire ça dans la salle de pause des employés. Les autres clients étaient pas venus pour sauver la veuve et l’orphelin, alors ils étaient encore moins enclins à lever le petit doigt pour un vieux croulant à moitié ivre malgré les récents édits, comme toi.

Et c’est peut-être ça, qui t’offusque le plus, au fond. Parce que tu a-do-rais être le centre des attentions, comme pouvaient en témoigner tes réguliers scandales économiques, qui te valaient une place de choix dans la rubrique boursière de la Gazette. A croire que, partout où tu passais, il fallait que tu laisses une trace, pire, une tache, un peu chiante à récurer, si bien qu’on se souvient de toi parce que même si on croit qu’on a réussi à se débarrasser de toi, bah en fait, t’es encore un peu là.
« J’suis sympa, je te le demande une dernière fois, Prewett ; » « Sympa, sympa, tu sais c'qui est vraiment sympa ? Une petite p- » Ses gros bras sortis de tu sais pas quelle triade, s’échauffent et t’épinglent contre le tapis vert émeraude. « Qu’est-ce que tu manigances ? » maugrée le gérant, un petit mec maigrelet qui sent aussi fort l’eau de toilette qu’un Bagshot de sortie en mission.
Faut pas te menacer comme ça, ça te donne les pires idées. Tu gémis, la cage thoracique coincée contre le bord de la table, et ricanes. « Tu ferais peut-être bien d’payer une nouvelle visite à ton lycan, alors, parce qu’il a plus l’air aussi blanc que ce que tu crois… » Oui, nan, pour la réplique à la protagoniste de film sur le point de se faire la malle, on faisait pas pire. Et le pire, en plus, c’est que tu la marinais depuis un moment ; sûrement l’unique raison pour laquelle t’avais encore rien révélé de tes susnommées manigances.
Le sous-sous-patron du casino crache comme un matou, et tourne les talons en claquant des doigts. « Virez-moi ça avant qu’il fasse un scandale » Oh, tiens, riche idée.

« Vous n’avez pas le droit ! C’est une grossière erreur ! Je ne suis qu’un parieur respectable ! J’en parlerai à mes supérieurs. » que tu te mets à chouiner, outré, te débattant comme un diable, alors que les deux vigiles essayent de te redresser, vautré que t’étais sur la table de poker, bien décidé à y laisser, qui sait, une tache.