A very merry unbirthday + L5

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A very merry unbirthday

octobre 2007, Stratford-upon-Avon | @Alessandro Kalani Maxia & @Leonora Nielsen

Quand la vie refusait d’être légère, Angèle avait la manie de chercher à la rendre plus douce à sa manière. Enfant, cela passait aussi bien par des lettres pleines d’amour et de bons sentiments, que par des événements improvisés. Et ces derniers temps, elle avait des difficultés à faire entrer la lumière. L’Angleterre, à l’instar des autres îles britanniques, n’était pas un territoire très ensoleillé, mais l’entrée dans l’automne la laissait dans une humeur maussade qu’elle n’arrivait que très peu à tourner à son avantage. Tout doucement, Alex semblait s’éteindre de plus en plus, et Leo s’enfermer dans une spirale qui terrifiait Angèle. Ce fut le signal qu’il était temps de faire quelque chose pour y remédier, avant que la guerre des sorciers ne les dévorent. “Can I ask for a favour?" Mindy n’avait pas l’habitude d’entendre ses mots de la bouche de sa libraire. Propriétaire de la boutique depuis que son père était décédé, elle était ravie de pouvoir avoir à ses côtés quelqu’un d’aussi serviable et doux qu’Angèle, pour un salaire presqu’illégal. Angèle ne demandait jamais rien. Ainsi, lorsqu’elle réclama l’accès au grenier qui servait de dépot de vieillerie pour une soirée, elle n’eut pas le coeur à le lui refuser. Et d’un sourire timide, Angèle eut ce qu’elle recherchait.

Le grenier de la librairie était exigu, rempli de cartons entreposés et de poussières accumulés. Mais ça ressemblait presque à une cachette d’enfant, et c’était pile ce qu’elle recherchait. Une vieille caisse en bois dominait la pièce, un mannequin à moitié couvert d’un ouvrage abandonné depuis quelques années maintenant, et les charnières de bois donnait à l’espace un caractère familier. Angèle s’était attelée à réunir bougies, tissus, vaisselles en carton à destination des moins de dix ans, elle avait même réussi à faire fonctionner la radio cassette des tubes de Queen. Après avoir pris le temps de faire des petites cartes personnalisées (pour elle même également, vide, qu’elle laisserait à remplir pour qu’ils ne se sentent pas coupable de ne rien avoir pour elle), elle emballa soigneusement des cadeaux pour ses amis, et se prit même au jeu d’acheter un gâteau d’anniversaire avec un reste de salaire de la librairie. Une fois ses emplettes disposées dans l’espace de fête, Angèle sut qu’elle avait accompli une partie de sa propre mission : se changer les idées.

“Get up, we have something to do. You can’t say no, alright?” Leonora ne semblait particulièrement partante, mais cela faisait des années qu’elle avait cessé de se battre contre les lubies d’Angèle : il valait mieux céder, où elle était capable de les harceler des heures durant. “Alex is coming with us too.” Certes, il n’était pas au courant, mais elle avait de quoi le faire se déplacer. Une fois qu’elle était assurée que Leo se préparait à sortir, elle s’attaqua à son meilleur ami. “Hurry up, we have to go, no time to explain, grab your bag and we’re out.” Sans lui laisser le temps de l’interroger, elle se précipita à la porte d’entrée, déposant un baiser rapide sur la joue de Rubén, mis dans la confidence. Nico était malheureusement dans une autre planque pour finir une mission qui lui avait été confiée, et cette séparation forcée leur était à tous délicate. Il était rare qu’on sépare réellement les Lancaster five, puisqu’ils avaient des traumatismes que seuls eux pouvaient comprendre. “Come on, let’s go!” Et malgré leurs interrogations, ils suivirent malgré eux la tornade blonde.

“Surprise! Happy birthday!” Sa bannière improvisée avec leurs trois prénoms écrits de sa meilleure calligraphie à la peinture blanche flottait légèrement entre les deux poutres. Particulièrement fière de sa surprise, elle se tourna vers Leo et Alex en espérant que son idée était la bonne : cela faisait plus de dix ans qu’elle n’en avait pas organisé, mais elle était certaine que ça pouvait soulager les jours délicats qu’ils se retrouvaient à supporter : un non anniversaire, pas juste pour elle, ou pour Leo, ou encore pour Alex. Pour eux trois. Le temps d’une soirée, triplés pour tout oublier.

Angèle était venue la trouver dans sa chambre du Théâtre, ouvrant la porte sans toquer ni attendre et se jetant presque sur le lit pour l'y rejoindre avec un grand sourire et des yeux étincelants. “Get up, we have something to do. - What? N-- - You can’t say no, alright?” Leonora avait grogné, protesté, avait tenté d'ignorer Angèle, de la faire démordre - tout ça en vain, surtout parce que contre celle qu'elle considérait comme une soeur, elle était aussi impuissante que face à une baguette.
Ces derniers temps, ses pensées étaient infectées par la déferlante des Mangemorts sur Little Italy; par sa dernière dispute légendaire avec Alex qui avait infesté leur relation de silences tendus et butés; par la pression ferme et presque envahissante des lèvres d'Esteban sur les siennes; par le regard brillant de Shephard, et l'envie lancinante de le revoir.
(Et puis, le menu classique: le sentiment de fragilité, d'impuissance, d'inutilité, la fatigue, la colère, la tristesse, la rage).

"Ughhhhh," est donc sa réponse à l'enthousiasme d'Angèle, alors qu'elle se laisse tirer du lit et commencer à rassembler quelques affaires après avoir compris que c'était maintenant. “Alex is coming with us too.” Leonora grogne en tirant son hoodie sur ses bras et en la suivant en dehors de la chambre. "Oh, joy," marmonne-t-elle en laissant Angèle prendre les devants pour aller chercher l'Alex en question, préférant quant à elle tenter le diable et essayer d'aller se griller une cigarette dehors pour échapper au début de l'inévitable awkwardness de devoir se retrouver dans la même pièce qu'Alex pendant une longue période de temps.
Mais elle se retrouve nez-à-nez avec Esteban, qu'elle esquive maladroitement et fermement; puis Rubén, qu'elle ignore avec agacement quand elle se rend compte qu'il l'ignore lui aussi en retour.

C'est donc avec un certain soulagement qu'elle retrouve Angèle, flanquée d'Alex, et soupire en lui emboîtant de nouveau le pas. “Come on, let’s go!” Une fois dehors, Leonora résiste à la tentation de s'allumer une cigarette et enfonce plutôt ses poings fermés dans les poches de son blouson, envoyant des coups de pieds massacrants à tous les cailloux se trouvant sur son chemin, suivant Angèle et Alex à travers le dédale des rues de Stratford-upon-Avon. Elle soupire quand ils arrivent à la librairie. "Ughhh." Elle aimait lire, fût un temps, quoique jamais autant qu'Alex et Angèle. Si elle est sensée les suivre au pas pendant qu'ils nerd out sur des bouquins, elle va péter un câble...
Mais non, ce ne semble pas être le plan d'Angèle: après avoir rapidement salué Mindy, ils montent des escaliers étroits jusqu'à un... grenier?

Un grenier, décoré comme la fête d'anniversaire d'un enfant de 5 ans avec un problème d'attention. “Surprise! Happy birthday!” Leonora tourne les yeux vers Angèle, essayant de se remémorer un anniversaire commun... "Angèle, it's not--" Et puis de se souvenir, presque à contre-coeur. De la gentillesse d'Angèle, de sa bienveillance, de son envie de bien faire, de ses manies de les faire se sentir mieux, à défaut de bien, quand ils étaient petit. Les tea parties, les invitations écrites à la main, les cadeaux si douloureusement prosaïques (morceaux de papier, stylo abandonné par un infirmier, jouet qu'on a déjà vu cent fois auparavant) mais toujours si bien emballés.

Et son sourire, comme celui qu'elle leur adresse alors, qui rappelle à Leonora combien elle l'aime.
Leonora s'approche et la prend brièvement dans ses bras (mais la serre avec force contre elle). "Thanks, Angèle, happy birthday to you too," souffle-t-elle avant de se détacher, une moue amusée sous la fatigue sur les lèvres. "And to you, Alex." Le regard qu'elle adresse à ce dernier est hésitant, puis elle s'approche de lui pour une étreinte brusque et maladroite, un peu réticente, mais bien présente. "But we- I mean, I don't have any gifts for you..." Elle se tourne vers Leonora avec un air embêté. "You always do this. How are we supposed to give everything that you do for us back to you if you never warn us in advance?"