Midi moins le quart. La porte qui séparait l’open space de la Values Brigade du couloir s’ouvre à la volée. Une effluve d’eau de toilette utilisée sans la moindre parcimonie se faufile déjà sournoisement jusqu’à tes narines. Tu la reconnaîtrais les yeux fermés. Et tu sais que ce n’est pas bon signe. Ce qui s’annonce promet d’envoyer tout le niveau 2 droit vers la catastrophe. Ton visage se pare d’un air plus affligé encore que ta mine habituelle, et tu prends bien soin de plonger la tête dans ton rapport du jour, afin de n'offrir absolument aucune once d’attention à la personne qui fait bruyamment irruption.

A l’autre bout de la vaste pièce, les coups résonnent contre la porte du bureau de Marlon Travers. L’intéressé ne donne pas immédiatement signe de vie. Alors, Rodolphus Lestrange, vêtu d’un blouson en cuir moulant - enfreignant au moins une bonne douzaine de dress codes du Ministère - continue de toquer frénétiquement, tout en appelant son comparse. “Alleeeez Marlon ouvre ! Dépêche-toi, sinon y en aura plus quand on va arriver !” Jetant un bref coup d'œil de part et d’autre, comme pour s’assurer qu’il captait bien l’attention de tout l’étage, il reprit de plus belle. “Marlon, bougeee ! Il paraît même que Freya est déjà dans la file d’attente. Et elle aurait été vue avec un jeune sorcier, bien plus canon que toi, soit dit en passant.” La porte finit enfin par s’ouvrir.

La dernière fois que l’on avait vu Marlon Travers aussi peu enjoué était certainement le jour où il avait fini par comprendre que Silver Marsh ne possédait pas le moindre elfe de maison. Mais quoiqu’il en soit, il se trouvait bel et bien là, aux côtés d’un Rodolphus Lestrange triomphant. Lorsque son rire tonitruant se rapprocha dangereusement, tu réalisas qu’il se tenait alors tout près de toi. “Allez viens ma grande, maintenant on va chercher Rabastan. Y a que toi qui peut le convaincre de venir se joindre à nous.” Un simple regard de ta part suffit à lui laisser entendre que tu n’avais absolument aucune raison de céder à son petit caprice. Et c’est alors que la comédie recommença de plus belle. “Ulriiiike s’il te plait, viiiiens !” Tu ne savais pas d’où lui venait sa manie d’allonger toutes les syllabes comme ça, mais ce qui était sûr, c’est que tu n'avais jamais rien entendu d’aussi agaçant. Alors avant que le supplice ne se prolonge, tu cédas à ton tour, en gratifiant Travers d’une moue presque compatissante.

C’est ainsi que quelques instants plus tard, tu te retrouvas dans la file d’attente de la cantine du Ministère, aux côtés des frères Lestrange et de Marlon. Maintenant que le doux fumet des frites s’élevait dans les airs, la mine patibulaire de Travers semblait s’être radoucie, et même Rabastan et toi paraissiez moins éteints que d’ordinaire. Devant vous, il ne restait plus qu’un insignifiant hybride, que tu avais croisé quelques fois dans les couloirs de la Values Brigade, sans bien savoir à qui il appartenait. Jouant des coudes pour être le premier de votre petite troupe à avoir accès au Saint-Horcruxe, Rodolphus se présenta au comptoir, un sourire radieux flanqué sur ses lippes. Quand soudain… “Comment ça, il n’y a plus de frites ?! Vous devez faire erreur ! Je vous ordonne de vérifier ! Ouais c’est ça, allez dans votre garde manger avant que je vous lance un impardonnable !” Rodolphus se retourna, le visage rouge de colère. Son regard se posa sur la silhouette de Langford Prewett, demandant à l’hybride s’il acceptait de partager son repas avec lui. Ca n’avait jamais tourné bien rond chez Ford, mais alors là on atteignait des sommets. Reportant son attention sur les employés de la cantine, Rodolphus continua de faire un caprice. “Des frites, des frites, des frites, des frites !”