réunion de crise - Fitzroy twins

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réunion de crise - @Nils Fitzroy

Une fois certain qu’il est hors de vue de tous (à l’exception de Nils, évidemment, qui lui emboite le pas), Liam accélère le pas, courant presque alors qu’il s’engage dans la montée des escaliers. Il a l’impression que son coeur lui remonte dans la gorge et il est certain qu’il ne se sentirait pas plus gelé si on lui avait renversé sur la tête un seau d’eau glacée. C’est précisément ce qu’il a éprouvé, d’ailleurs, en descendant naïvement les escaliers pour se retrouver nez à nez avec l’homme dont il a passé la majeure partie de sa vie à craindre le retour. Il s’est figé, ramené à un sentiment de faiblesse d'une ampleur telle qu’il s’en est vu momentanément tétanisé. Il a tout au plus réussi à desserrer les lèvres pour prononcer quelques mots, décidé à saisir la moindre occasion accordée pour remettre ses jambes en marche et placer autant de distance que possible entre Otto et lui.

C’est ce qu’il fait maintenant. Instaurer de la distance. Il prend pour ainsi dire ses jambes à son cou, non pas que ce soit d’une quelconque utilité sur la longueur. Le piège s’est refermé sur lui et s’il va réussir à s’isoler avec Nils durant une poignée de minutes, il leur faudra ensuite redescendre pour le dîner. Comme s’il était d’humeur à avaler quoi que ce soit à présent. Il se sent bien plus disposé à rejeter tout ce qu’il a ingéré dans la journée qu’à enclencher le processus contraire.

Il atteins l’étage sur des jambes chancelantes, comme engourdies. Il faut qu’il se calme, qu’il reprenne ses esprits. Qu’il raffermisse sa poigne sur le torrent d’émotions qui grimpe en lui. Il est sous le choc. En colère aussi (rien de nouveau sous le soleil, il a toujours le sentiment de l’être, ne serait-ce qu’un peu). Plus inquiétant, il éprouve surtout une peur vorace dont il espère qu’il a réussi à la dissimuler lorsqu’il se trouvait encore en bas, confronté à l’incarnation même de tous ses cauchemars.

Il ne fait pas mine de tourner la tête en arrière pour surveiller que Nils est toujours derrière lui. Il sent sa présence qui, une fois n’est pas coutume, ne suffit pas à le sécuriser, même vaguement. Il pousse la première porte qui apparaît devant lui, porte qui lui délivre passage sur la chambre de son frère au lieu de la sienne. Ils ont toujours eut deux chambres, même si, dans les faits, ils en ont souvent occupés qu’une seule, finissant machinalement par se réfugier ensemble d’un côté ou de l’autre. Liam n’a donc pas une once d’hésitation au moment de débouler dans l’espace de son frère. C’est plus ou moins le sien aussi, à ce stade. Il laisse Nils refermer la porte derrière eux alors que Liam, lui, se met à effectuer des ronds dans la pièce, incapable de s'immobiliser. Ses mains filent, se nouant derrière sa nuque avant de retomber. Il sait qu’il faut qu’il redescende en tension mais ça n’est pas si simple. Ça ne l’a jamais été et ça l’est encore moins aujourd’hui alors qu’il a le sentiment qu’un gouffre viens de s’ouvrir à ses pieds, particulièrement enclin à l’avaler. « C’est pas vrai » qu’il se met à répéter en boucle, ne regardant même pas son frère. Il se force à s’exprimer d’une voix basse, douloureuse, alors que son corps l’inciterait plutôt à crier pour essayer de décharger le torrent d’émotions qui fait ravage en lui. Au bout d’une bonne dizaine de c’est pas vrai lestés d’un mix d’horreur et de désespoir, il se fige brutalement, si vite qu’il manque presque de trébucher sur ses propres pieds. Il se tourne vers son frère, accroche son regard à celui de Nils. « J’en reviens pas.. Je sais que ça devait arriver mais… » Pas ce soir. Il n’était pas préparé ça. Il aurait préféré savoir, non que la rencontre aurait été moins mortifiante, mais au moins aurait-il eut la possibilité de se préparer. Il faut croire que dix-sept ans ça n’a pas suffit pour ça, pour se préparer à cette confrontation. « Tu crois qu’elle était au courant qu’il serait là ce soir ? » Leur mère, bien sûr. « Elle ne m’a pas paru particulièrement surprise. » Mais il n’en sait trop rien au final. Il n’a pas beaucoup osé fixer sa mère des yeux. Il n’a vraiment osé fixer personne du regard tout étranglé qu'il était par l’impression de se retrouver soudain cerné en terre ennemie. Il noue ses bras sur son torse, un peu par réflexe et aussi pour essayer de canaliser les tremblements qui agitent son corps et ses mains. « Elle ne nous aurait pas fait ça… » Qu’il ajoute, plus pour se convaincre lui-même qu’autre chose. Il veut croire que sa mère ne les aurait pas mis ainsi devant le fait accompli. À moins qu’elle n'ait voulu leur faire une espèce de surprise foireuse. Ridicule. Des surprises comme ça, personne n’aurait l’idée d’en vouloir.

"C'est pas vrai..." Nils referme la porte derrière lui, normalement une première fois, et puis, en la claquant un peu plus fort la seconde fois, histoire de manifester l'émotion qui secouait (différemment) les deux frères. Il tourne la clef pour la verrouiller, bien qu'il se doute que leur mère ne viendrait pas les déranger. Il reste un moment les mains dans le dos, appuyé contre la porte. Son attitude immobile jure avec l'agitation de son frère qui tourne en rond dans sa chambre, s'arrachant presque les cheveux pour surmonter le choc.

Soudain, Liam se fige et Nils, essayant en permanence d'épouser un comportement complémentaire (et de fait, bien souvent, opposé), sursaute, ses mains se plaquant contre le battant de la porte. Il était en train de compter les défauts dans les lames du parquet de sa chambre. "J’en reviens pas.. Je sais que ça devait arriver mais…" "... pas ce soir, c'est ça?" Leurs regards jumeaux se rencontrent; la ligne de la paupière est la même, la couleur de leurs iris aussi. Pourtant, ils ont des regards bien différents. Les deux garçons sont mués ou, au contraire, figés par le même sentiment de choc, de sentiment d'avoir été trahi par leur mère, qui avait toujours été là pour eux, après le départ de cette figure paternelle, monstrueuse, inconnue.

Liam et Nils avaient souffert de l'absence de leur père, mais pas parce qu'il leur manquait; au contraire, son nom, sa marque, sa réputation avaient tellement pesé sur eux qu'il aurait aussi bien pu se trouver dans leur dos, sur leurs talons, pendant ses dix-sept années.

Liam continue de trépigner, tandis que Nils a momentanément cessé de le regarder dans les yeux, comptant à combien de reprises son jumeau malmenait une peluche de laine de son pull. Il se détache de la porte, fait quelques pas dans la pièce, s'assoit sur son lit, le matelas craque en même temps que son soupir. Il a conscience que sa réponse ne va pas lui plaire, mais il ne peut pas mentir à son frère. "Oui, je pense qu'elle savait quand il allait revenir... Je ne vois pas comment elle aurait pu l'ignorer..." Il a joint ses mains pour garder une contenance que son frère n'essaye même plus d'avoir. "Je sais pas si elle savait que c'était ce soir; mais elle nous a toujours parlé de lui comme si elle savait qu'il allait revenir..."
La voix de Nils tremble, mais ça ne change pas de d'habitude.

A vrai dire, si Nils est choqué, il ne le laisse pas tant paraître que ça.
Parce que Nils, quand il a vu Otto pour la première fois, une poignée de minutes auparavant, a ressenti quelque chose de différent; du dégoût, cela va sans dire, et de la peur, mais ça, Nils en ressent tout le temps, du fait de sa nature craintive.
Cependant, à la différence de Liam qui semble au bord de la crise de nerfs, Nils est tout simplement déçu. Il ne sait pas ce à quoi il s'attendait. Mais apparemment, il ne s'attendait pas à voir cet homme un peu morbide, un peu pathétique, amaigri du fait des années passées à Azkaban, malgré la mise en pli et le costume. Il ne s'attendait pas à ce regard cruel, vide, démuni de quelconque soulagement à l'idée d'être de retour. Il ne s'attendait pas à ce vide, flagrant, misérable, flanqué à côté de leur mère.

"Je suis désolé, Liam..." murmure-t-il en couvant son frère d'un regard las mais sincère. Désolé pour sa mère, désolé pour ce père, désolé de pas pouvoir partager entièrement son désarroi.
Il fallait bien le retour d'Otto Fitzroy pour mettre à mal l'harmonie des deux frères.
"Je sais pas pour toi, mais moi, je l'imaginais plus grand..." Un sourire maigrichon creuse une fossette dans sa joue qui se remet à peine d'une crise d'acné. Il s'est emparé du carnet laissé sur sa table de chevet, y inscrivant des numéros, des tailles, approximatives, réduisant cet homme, cet inconnu, à une colonne de chiffres, plus rassurante et familière.

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Non, pas ce soir. Il ne répond pas oralement à la demande de confirmation de son frère qui n’exige d’ailleurs pas une réponse prononcée à haute voix. Ils se passent souvent très bien des mots, tous les deux. Ils se connaissent assez pour cela, pour analyser le ressenti de l’autre sans réclamer de se le voir expliciter au préalable.

Liam croise ses bras sur son torse, essaie de s’obliger au calme sans tout à fait y parvenir. C’est plus fort que lui. Il a besoin d’extérioriser sans pouvoir se le permettre. Il ne doit pas causer un esclandre. C’est une chose de laisser entrevoir à son jumeau le magma d’émotions qui pulse en lui. C’en est une toute autre d’exposer ça sous les yeux de leurs parents. Otto ne connaît pas cette dimension de lui, ou du moins il n’en a jamais été directement témoin (Liam ignore ce que leur mère a bien pu confier à son mari à ce sujet, mais elle lui a sûrement servi des descriptions plus ou moins détaillées de ses deux fils). Leur père n’est sans doute même pas fichu de les distinguer l’un de l’autre à moins d’être orienté correctement. Dur de le blâmer pour ça. Il ne les connait pas. Père et fils sont des étrangers les uns pour les autres.

Quant à leur mère… Les paroles de Liam dévient vers elle. Il n’a pas envie de la blâmer pour ce qu’il viens de se passer, pour le choc occasionné par le retour brutal du père de famille, mais dur de totalement renier la possibilité qu’elle ait pu leur dissimuler soigneusement cet évènement. De Nils, Liam a envie d’entendre une contestation mais il n’obtiens rien de tel. L’opinion de son frère est, une fois n’est pas coutume, le reflet de la sienne et il n’en éprouve aucune forme de satisfaction.

Liam, qui s’est remis à marcher dans la pièce comme un animal en cage ne cesse de jeter des regards à son frère qui a entre temps avancé dans la pièce pour aller s’asseoir sur son lit. Il se mord la lèvre. Oui, évidemment, les paroles de son frère font sens et cette vérité, il l’a toujours connue. Ça fait des années qu’il redoute le retour de leur père. Il a toujours eut ce sale pressentiment, ce parfum d’angoisse dont il n’est jamais complètement parvenu à se débarrasser. Il voulait juste croire que ça se passerait différemment. Sans doute qu’une part de lui, faiblarde et obstinée, espérait aussi qu’il puisse déjouer cette sombre destinée. Un enfermement à perpétuité pour leur monstre de géniteur. Une mort derrière les barreaux. Mais peu importe tout cela. Il n’est plus question de fermer les yeux à présent ou d’espérer. Pas alors que la créature de cauchemar viens d’infester leur réalité sous la forme d’un homme austère, tétanisant, qui est en ce moment même en bas des escaliers avec leur mère.

La colère et la peur de Liam se mêlent à une hausse de ressentiment dirigée vers sa mère qu’il n’a pas envie de ressentir. Il porte ses mains à ses tempes, grimace. Depuis le lit son frère s’excuse et Liam lève un regard blessé sur lui. Il l’envie vraiment tout à coup, son jumeau. Il lui envie son calme. D’eux deux il lui paraît assurément le plus fort soudain. Le plus apte à affronter cette situation. Liam n’aspire qu’à prendre appui sur son frère, dans l’espoir que la nature plus apaisée de Nils déteigne de lui. Manque de chance, ça ne marche pas tout à fait comme ça. S’il était aussi aisé pour Liam de museler ses émotions, cela se saurait depuis longtemps. Rien n’est jamais aussi simple.

Son frère lâche un commentaire sur la taille d’Otto dans une tentative ouverte d’insuffler un peu de chaleur à ce moment de tension. Un petit rire fuse de la bouche de Liam, un rire qui n’en est pas tout à fait un. Ça sort plus comme un grognement étranglé. « Il a dut se ratatiner après toutes ces années à barboter dans sa crasse. » Qu’il rétorque sans parvenir à insuffler de la légèreté à sa voix. La vérité c’est que malheureusement et en dépit de toutes ses années d’enfermement il n’a pas trouvé à Otto une allure ridicule ou moins menaçante que ce qu’il aurait aimé. Il s’est senti glacé d’horreur face au regard noir de cet homme autour duquel son imagination s’est maintes fois emballée.

Liam lâche un gros soupire et, laissant retomber ses bras le long de son corps, il se détourne de la fenêtre devant laquelle ses pas l’ont mené et retraverse la pièce pour aller s’asseoir sur le lit à côté de son frère. Nils a attrapé son carnet et a commencé à griffonner dessus. Jetant un oeil par dessus l’épaule de son frère, Liam s’emploie à déchiffrer brièvement les notes. Une série de lettres et de chiffres. Une habitude de longue date de Nils. Une arme qui n’appartiens qu’à lui et à l’usage de laquelle Liam ne s’est jamais laissé tenter. A la place, il laisse reposer sa tête contre l’épaule de son frère et ferme brièvement les yeux. Il essaie de se focaliser sur les bruits environnant et sur la proximité réconfortante de son jumeau. Sur ce à quoi il peut s’accrocher invariablement, indépendamment du chaos qui viens de s’inviter de façon bien réelle dans son monde. Il reste comme ça quelques secondes avant de rouvrir les yeux et la bouche. « C’est que le début. » Qu’il lâche en soulevant à regret sa tête. « Ça ne peut pas être un hasard qu’il choisisse de rentrer maintenant. C’est le premier endroit où le gouvernement viendrait le chercher pour le traîner de nouveau à Azkaban. » Le monde est sur le point de changer, bien au delà des limites de leur maison d’enfance. Plus de doute possible là-dessus. « Il est là pour rester. » Et même si Liam ne le prononce pas à voix haute, il sait ce que cela implique. Si son ordure de père rentre au bercail, alors il lui faudra un jour partir. Ne lui reste qu’à espérer qu’il ne partira pas seul.

@Nils Fitzroy

Si Nils n’a pas réussi à arracher un sourire à son frère, celui-ci ne se fait pas prier pour rajouter une couche : "Il a dut se ratatiner après toutes ces années à barboter dans sa crasse." Nils relève le nez de son carnet et cligne des yeux plusieurs fois de stupéfaction. "Wouah, t’es en forme, Liam!" concède-t-il en étouffant un ricanement. Liam a toujours été celui qui savait s’exprimer le mieux, et surtout qui ne s’empêchait jamais de s’exprimer. C’est aussi pour ça qu’il y a quelque chose de douloureux, à le voir tourner en rond, ruminant, incapable d’exorciser sa colère à l’égard de ce géniteur fraîchement débarqué. Liam ne reste jamais longtemps silencieux; après tout, il doit s’exprimer pour deux. Aussi, Nils avait ressenti l’ampleur de la situation, lorsque son jumeau était resté interdit, fulminant, une main agrippée à la rampe des escaliers, le grincement de ses jointures écarlates pour seule verve.

Liam revient vers lui et s’assoit enfin à côté de lui. Nils peut sentir la nervosité qui traverse tout son corps, qui crispe ses épaules étroites, qui agite ses bras et ses jambes, qui accélère son souffle. Liam observe un instant ce qu’il est en train d’écrire; à ce stade, c’est juste un dessin brouillon d’un bonhomme bâton ratatiné, à l’image de la moquerie de son frère. Et puis, doucement, Liam pose sa tête sur l’épaule de Nils. Il reste immobile quelques secondes, gardant en suspens son crayon au-dessus de la page. Puis, dans un crissement de matelas, il réajuste sa position, sous le poids de la tête de son frère. Leurs deux cœurs battent dans leur tempe, et Nils se met à compter les inspirations de Liam, cherchant lui aussi à se calmer. Les deux garçons restent silencieux un temps, ne communiquant que par leurs souffles presque en harmonie.

"C’est que le début. Ça ne peut pas être un hasard qu’il choisisse de rentrer maintenant. C’est le premier endroit où le gouvernement viendrait le chercher pour le traîner de nouveau à Azkaban." L’épaule de Nils n’est soudain plus lestée du poids familier et réconfortant de son frère. Il tourne la tête, hochant fébrilement du chef, suivant avec prudence le chemin de pensée de son jumeau. "Tu penses qu’il n’essaye même pas de se cacher?" Le contexte politique échappe encore un peu à Nils qui, bien qu’il soit un garçon assez brillant, est surtout renfermé sur lui (et sur son frère), cherchant bien difficilement à prendre parti dans ses moments sombres de l’histoire sorcière. Il avait encore sans doute l’espoir, à l’époque, que Liam en fasse autant, pour sa sécurité.

Et soudain, la sentence, la conclusion tombe. "Il est là pour rester." Nils retient sa respiration, son regard fuit celui de son frère, le temps de recouvrer un peu ses esprits. Il le savait au fond de lui, sans aucun doute, mais le prononcer à haute voix semblait rendre cette terrible réalité un peu plus palpable. Se gausser de la première impression d’Otto Fitzroy était une chose; se mettre à vivre sous le même toit que lui en était une autre.
Nils ne sait pas combien de secondes ça fait qu’il hoche la tête, expulsé au fond de ses pensées. Il s’est remis à compter, on peut presque l’entendre murmurer les chiffres entre ses lèvres closes, soudainement si sèches.
Nils est terrifié, parce qu’il sent que cette situation risque de pousser vite son frère dans ses derniers retranchements. Quant à lui, il tente tant bien que mal de réprimer une anticipation et, qui sait, une once d’espoir d’avoir enfin un père. Il n’a jamais eu l’esprit très optimiste; et voilà qu’il se mettait à nourrir beaucoup trop d’attentes vis-à-vis d’un sombre et ombrageux inconnu.

"Après... si ça se trouve, ça va rien changer pour nous?..." marmonne-t-il en faisant rouler le crayon entre ses doigts moites. "Il va sûrement être très occupé, et puis nous aussi, alors peut-être qu’on le verra quasiment jamais..." Nils ne sait pas trop où il veut en venir, s’il redoute cette absence de changement dans leur quotidien, ou s’il l’espère; à Poudlard, il n’avait vu que trop de jeunes sang-purs être poussés dans l’idéologie douteuse de leurs aînés et, si jusqu’à présent, lui et Liam y avaient échappé, du fait de la sagesse et de l’éducation de leur mère, il n’était pas certain qu’Otto ne revienne pas à la charge pour reprendre ses fils en main.

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« Wouah, t’es en forme, Liam ! » Si en temps normal les mots de son frère auraient arraché un sourire ourlé de satisfaction à Liam, il n’en va pas ainsi aujourd’hui. Il est trop préoccupé, trop bouleversé, trop effrayé. C’est tout juste en fait si Liam n’évite pas le regard de son jumeau alors qu’il continue à tournoyer à l'intérieur de la pièce. Il a coutume de tout partager ou presque avec Nils, mais il ne tiens pas à parasiter l’espèce de calme que son frère parviens encore à invoquer. Il faut que d’eux deux au moins l'un parvienne à garder son sang froid et ce doit être Nils. C’est toujours Nils. Plus composé, jouissant de bien plus de contrôle sur sa personne que Liam ne sera jamais capable d’en convoquer. Il aimerait bien pourtant. Il voudrait pouvoir rassembler la force nécessaire pour museler avec efficacité le torrent d’émotions qui s’ébat invariablement en lui. Il va avoir besoin de ça, de cette maintenue qui tend tellement à lui faire défaut.

Il crains le pire, Liam.
Il crains de ne pas réussir à se tenir face à l’homme qui viens de rentrer comme une tornade dans leur vie. Et il le faut pourtant. Il va devoir prendre sur lui et il n’est pas sûr que ce soit dans ses cordes. Il réussit à s’immobiliser devant la fenêtre et il va rejoindre son frère, s’asseyant à son tour sur le lit. Il laisse sa tête reposer contre l’épaule de Nils et il ferme brièvement les yeux. Il essaie de se plier à un exercice de visualisation. Il tâche de se représenter une énergie tendre, accueillante, gorgée de lumière. Il essaie ensuite de faire le plein de cette même énergie contenue, de la verser dans tout son corps. Bâtir en lui-même une arme à même de l’aider pour mener tout les combats qui se pressent devant lui.

Il n’a jamais été très doué pour ça toutefois. Pour réguler sa respiration, pour s’inciter au calme. L’attitude réconfortante de Nils s’écoule sur lui sans l’imprégner. Liam ravale un soupire de défaite, rouvre à regret les yeux. Il desserre les lèvres, soulève sa tête de l’épaule de son frère. Nils tourne son visage vers lui, attentif aux mots qu’il prononce. « Tu penses qu’il n’essaye même pas de se cacher ? » Liam se mord la lèvre. Il est loin de pouvoir prétendre comprendre Otto Fitzroy. « J’en sais rien. » Qu’il avoue, ses lèvres se scellant de nouveau en une ligne fine, nerveuse. Un climat de pure incertitude. Aucune conviction à l’horizon, juste un sale pressentiment qui rampe sur la peau de Liam, hérissant ses poils. Il ignore ce qui se trame exactement, mais il est intimement convaincu qu’il n'y a rien de bon à en tirer.

Il est là pour rester.
Des mots lestés de plomb que Liam laisse flotter dans l’air de la pièce, sur un ton de condamnation. Nils se fige à ses côtés, son regard deviens fuyant. Liam ne fait pas mine de forcer une confrontation, portant son propre regard sur le mur opposé. Un silence inconfortable s’installe, un silence qu’aucun des deux frères ne s’empressent de rompre. Liam garde son regard droit devant lui, hautement conscient de la peur jumelle à la sienne qui s’épanouit en son frère. Il est tenté de saisir l’une des mains de son jumeau, d’y appliquer la pression de ses doigts pour soutenir à Nils qu’ils sont dans le même bateau, comme d’habitude car c’est le cas. Aussi longtemps que Liam aura son mot à le dire, il tâchera de faire en sorte que ce soit toujours le cas. Ils ont besoin de ça. De faire front, d'être unis.

Liam est à deux doigts de s’exécuter, de serrer dans sa poigne l’une des mains de Nils pour y imprimer ses sentiments et ses convictions, mais son frère le coupe dans son geste en rouvrant la bouche. « Après... si ça se trouve, ça va rien changer pour nous?… » Une vision parfaitement naïve de la situation. Liam secoue la tête dans un mouvement quasi imperceptible. Bien sûr que si. Bien sûr que ça changera tout. « Il va sûrement être très occupé, et puis nous aussi, alors peut-être qu’on le verra quasiment jamais… » Ce serait une bonne chose, bien sûr. De troquer une figure paternelle emprisonnée contre une silhouette fantomatique, dénuée d’influence, entrevue seulement de ci de là, autour de la table de la salle à manger. Sauf que leur père n’est pas un bête employé de bureau revenu d’un long séjour en terres étrangères. Leur géniteur est un criminel, un être immonde, méprisable, et quelles que soient ses attentes vis-à-vis de sa progéniture méconnue, Liam ne peut que craindre ce qui pourra bien en découler. Et si le calme de Nils est une force, une nécessité même dans certains moments, Liam aimerait presque le sentir plus nerveux soudain. Plus prononcé dans son ressenti et dans ses idées. « Peut-être » qu’il lâche au final simplement sans réussir à instiller autre chose que du doute dans sa voix. Non, il n’y croit pas et s’il a envie de protéger son frère, de préserver ses illusions, cette perspective l’agace aussi. « On a le temps de voir venir je suppose. Il n’y a pas grand chose à faire pour l’instant. » Ils n'ont pas encore de lame pressée sur la gorge. Pas encore. N'empêche que ça viendra bien assez vite.

@nils fitzroy - réunion de crise

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