Les souvenirs de la veille se perdent dans les méandres de sa fatigue. Le film s'arrête quand elle s'écroule sur le canapé après avoir couché la petite, l'écho d'une comptine irlandaises que sa propre grand mère lui chantait. Du temps où elle était innocente, même si elle ne l'a pas été assez longtemps. Le regard qui s'abîme dans la cheminée et son corps qui s'enfonce dans les coussins, comme si elle flottait sur un nuage de coton. Bien plus confortable que tout ce qu'elle possède chez elle, Eryn ne s'est jamais offert le luxe du confort, elle n'a jamais eu l'occasion d'avoir quoi que ce soit qui lui appartiennent vraiment. Elle squatte. Les lieux, les vies de compagnons d'infortunes qui la trouvent dans leur sillage. La fatigue l'emporte dans un monde onirique, peuplé visages familiers et de scènes heureuses. Légère comme une plume. Peut-être esquisse t-elle un léger sourire. Paisible... c'est le mot qu'elle cherche depuis tout à l'heure. Elle imagine que Rory griffonne quelque chose sur un carnet non loin. Elle pense à lui quand elle s'endort, quand elle est en sécurité. Il incarne sa paix intérieure. How ironic.

La sorcière se réveille en sursaut sur les coups de minuit quand son hôte est de retour, le tintement du cristal qui fait éclater sa bulle. Ses paupières vacillent, une fois. La voix ténébreuse de Lazarus Karkaroff la fait se redresser vivement et le monde tangue. Too fast, you're getting old, lady. Ils se fixent un moment, elle se demande ce qu'il peut voir à travers son regard. Eryn a toujours eu cette intime conviction d'être un livre ouvert pour les autres, d'exposer à vue d'oeil le moindre de ses mensonges. You have nothing to fear if you have nothing to hide. Les placards de son âme sont pleins. Au moins, elle n'est pas une traître.
Il n'y a aucune animosité entre eux, même si rien ne les prédestine à devenir les mêmes amis du monde. Un respect mutuel. Eryn demeure méfiante. Il a le pouvoir de foutre sa vie en l'air, mieux vaut ne pas lui en donner l'occasion.

Elle fixe le breuvage comme si c'était du poison avant de saisir le verre par politesse et le porter à ses lèvres. Elle grimace avant de s'essuyer le coin des lèvres, l'ambre lui incendie le palais et laisser un goût amer sur sa langue. « You could have waited after my first cup of coffee. » Son propre accent chante et viens se casher au sien. Feu et glace qui dansent dans la pièce. Elle ne cache pas avoir s'être égaré trop de fois, mais la sorcière est réaliste, Leah est out of league « Who am I talking to? The judge, the executioner or the husband? » Son regard givré le transperce, prise d'un élan soudain d'insolence. Elle oublie à qui elle parle, mais ce n'est pas le juge qu'elle a en face d'elle. Définitivement.« Go straight to the point Lazarus. I'm not fucking your wife if that's why you're scared off. » I'm not even... Non, ça, ce serait un mensonge trop gros, même pour son standard. « Which makes the both of us.  Cul-sec elle descend son verre. No offense. I can tell when it's not working between two souls. »

Eryn est loin de se défiler face à l'attitude insistante et persistante du mari convaincu qu'elle est la solution. Est-ce encore un conversation amicale ou un genre de marché avec le diable qu'elle est en train de passer ? Un diable dépassé, qui prétend pas pur altruisme vouloir satisfaire sa pauvre femme condamnée à passer le rester de ses jours à ses cotés. Dans des moments comme ça, elle relativise. Elle a bien fait de ne jamais se marier, c'était pour le mieux. La seule chose qu'elle voulait c'était un bébé, peut-être qu'à l'instant même où elle aurait eu son enfant elle aurait complètement délaissé son rôle d'épouse. Dans la grand pièce de théâtre qu'est sa vie - quelque part entre la comédie et l'absurde -  la sorcière sait qu'elle tient très mal son rôle. Rentrer dans les cases, ce n'est pas son truc. Son truc c'est de casser les cases et les pieds.
Elle souffle, à moitié amusée, à moitié saoulée par son discours. C'est quoi le plan ? Qu'elle lui serve de cale, pour éviter que leur mariage ne se casse complètement la figure, juste histoire de maintenir les frustrations de chacun en place. Elle fronce des sourcils, étonnée qu'il soit aussi enclin à ce qu'elle s'immisce dans sa vie de famille alors qu'ils se connaissent assez peu (quelques regards à Hogwarts, histoire de dire qu'on se connait). Bientôt, il va lui donner sa bénédiction pour réchauffer les draps de Ciara. Eryn n'en a pas l'intention, elle ne va pas faire ce qu'on lui dicte, pas cette fois. Elle ne considère pas Lazarus comme une figure qu'elle craint ou respecte suffisamment pour obéir en un claquement de doigt à sa requête. Elle n'aime pas sa manière insidieuse, ce qu'il implique. Déjà, elle ne ressent rien pour Ciara, rien qu'elle soit prête à admettre. Et même, si effectivement, elle venait à bout de son déni, elle en parlera avec l'intéressée. Marre de ces types qui décident pour les nanas. Est-ce encore un couple ou un contrat particulièrement difficile ?

Pire encore, elle réalise qu'elle est diaboliquement frustrée par son intonation. Oh blimey, thank you Lazarus, I almost forgot we were illegal. « Oh, I know the stakes. » Pendant l'espace d'une seconde elle a l'impression qu'une figure fantomatique avec deux yeux verts va apparaître et la jeter dans les flammes. Invoquer des démons, réveiller des fantômes, accidentellement balancer une malédiction, c'est un peu son quotidien. Mais il y a bien un squelette dans un placard, avec de vrais os, une vraie personne qui, à cause d'elle, n'est plus là pour se plaindre de son incompétence. Ou au contraire, sa trop grande efficacité à dire la vérité devant un agent du gouvernement. Ca non plus, elle n'a aucune envie de le partager avec le sang-pur. « Just a friendly reminded that your wife and I aren't dating and never will. I may be a masochist but that is something I won't do. Heartbreak is a pain in the arse and I have enough problems with said arse. Puis, mutine, elle se ressert un verre et se tourne vers Lazarus. You're cheating right ? Or you want to. But for some reason it's not that easy, you can't fool around and tell your wife you're out tonight 'cause you're spleeping with another lady. Or lad ?  Who knows. You woulnd't be so kind with me unless. » L'empathie semble finalement se frayer un chemin dans son coeur. Elle a du mal à plaindre un homme - déjà - encore plus privilégié. En essayant, elle arrive à percevoir le drame de sa vie. Ca leur fait un point commun. Ils ne sont pas à leur place, même si tout porte à croire que c'est le cas.